Les préparatifs avaient envahi chaque recoin du Palais Impérial. On repassait les tentures, vérifiait les protocoles, alignait les couverts au millimètre près. Les escaliers sentaient la cire fraîche, et les jardins avaient été taillés comme un poème symétrique. Geloria retenait son souffle.
Dans l’aile réservée à la future Impératrice, on parlait à voix basse. Non par peur, mais par révérence silencieuse : Aria allait bientôt changer de statut, de nom, de rang. Elle ne serait plus simplement “Dame Aria Vanthorn”, elle deviendrait “Aria Rexthalion, Impératrice de Geloria. Elle deviendrait l’image même du pouvoir. L’ombre de la couronne s’élargissait sur ses épaules et avec elle, les responsabilités qui venaient avec.
Elle, pourtant, avançait dans cet océan de rituels sans éclat inutile. Les yeux un peu cernés, mais le port toujours digne, elle répétait les salutations, les marches, les révérences. Une danse apprise au cordeau. Il n’y avait plus de place pour l’improvisation. Ni pour le doute. Aria en était consciente, et c’est pour cela qu’elle ne se plaignait pas, même sous la pression.
Amarielle l’observait en silence, assise dans un fauteuil. Elle ne disait mot, mais faisait corriger chaque faux-pas d’un simple geste de main, à peine esquissé. Plus tard - après les vœux, après le serment - viendrait le choix de sa dame de compagnie. Un choix qu’Aria exigerait libre, affranchi des ambitions des autres Mais pour l’instant, il fallait briller sans trembler.
Et tenir jusqu’au solstice, seuil où tout basculerait.
Orel était lui aussi absorbé par ses responsabilités quotidiennes et les préparatifs du couronnement. Un incident mineur avait récemment agité les coulisses : un différend avec l’Église.
Geloria, en effet, n’adorait pas les mêmes dieux que Lysdor. Les Lysdoriens vouaient un culte à Pherséia, la déesse qui, selon la légende, avait rendu leurs terres fertiles - un acte fondateur qui avait scellé sa vénération.
À Geloria, en revanche, on croyait en un Dieu unique, sans visage, sans nom véritable. Un dieu d’ordre, mystérieux et intangible.
Le problème était clair : Aria, née de Lysdor, allait devoir se soumettre à la foi de son futur époux. Et cette transition, bien que rituelle, soulevait des murmures. Même dans les couloirs les plus feutrés du pouvoir. Personnellement, Aria n’y accordait pas tant d’importance. Elle était prête à embrasser une nouvelle foi, même si cela signifiait renier une part de ce qu’elle avait été.
Il fallait bien un prix pour régner. Et elle le paierait sans trembler. C’est après une brève conversation avec Orel qu’elle décida de recevoir le baptême. La chapelle impériale était silencieuse, baignée d’une lumière d’aube filtrée par les vitraux sombres. L’air y était plus frais qu’ailleurs, presque suspendu.
C’est là qu’Aria entra, entourée non pas d’une foule, mais de trois présences : Orel, Amarielle… et Dorian.
Personne d’autre.
Orel se tenait droit, vêtu avec sobriété- sans manteau, sans insigne. Il ne représentait pas l’Empereur ici, seulement l’homme.
Amarielle, en retrait, arborait un visage figé, presque sculpté dans le marbre. Mais ses yeux, eux, suivaient Aria avec une intensité rare.
Et Dorian, en silence, restait à l’ombre d’une colonne — un témoin anonyme, mais essentiel.
Le prêtre de Geloria attendait, un livre ouvert entre les mains, une vasque d’eau claire posée sur l’autel.
Aria s’avança.
Nul mot n’était nécessaire. Elle fit un pas, puis un autre, et s’agenouilla sans trembler.
Sa robe, d’un blanc crème, effleurait les dalles froides. Elle l’avait choisie elle-même — ni symbole de pureté, ni de rupture. Plutôt celui d’un recommencement.
Le prêtre murmura des paroles anciennes, presque effacées par les siècles. Puis, d’un geste solennel, il trempa ses doigts dans l’eau et laissa couler trois gouttes sur le front d’Aria.
Une pour le passé.
Une pour le présent.
Une pour ce qu’elle allait devenir.
Lorsqu’elle se releva, un silence encore plus profond s’installa.
Orel avait avancé d’un pas. Amarielle hocha imperceptiblement la tête.
Dorian, lui, détourna brièvement le regard - par pudeur, peut-être. Ou par respect.
Aria savait que rien n’avait changé. Et pourtant… tout était désormais en place. Cette cérémonie privée ne parut pas dans les journaux. Ce n’était, après tout, qu’un ajustement. Un pas nécessaire pour avancer dans cette nouvelle aventure… cette nouvelle chance.
Orel observait Aria avec fierté. Il savait qu’il en demandait peut-être un peu trop - trop vite, trop tôt. Lui-même s’était longuement demandé s’il était judicieux d’emprunter ce chemin parsemé de dangers et d'embûches…Mais en fin de compte, ils étaient là tous les deux, prêts à relever le défi qu’Orel avait imposé.
La voir se consacrer corps et âme à cette transition le confortait dans ce qu’il avait pressenti dès leur première rencontre, quelques mois plus tôt : qu’elle avait en elle cette force tranquille, ce mélange de grâce et de résolution qui faisait d’elle bien plus qu’un simple choix politique.
Puisqu’Aria était désormais en règle avec l’Eglise de Geloria, les derniers détails pour le mariage pouvaient se poursuivre. Orel invita Aria à le rejoindre dans la Grande Chapelle Impériale pour qu’elle puisse voir les préparatifs, quelques jours avant la cérémonie.
La Grande Chapelle avait pour l’occasion été transformée. Des fleurs blanches ornaient les piliers jusqu’aux voûtes, les bancs étaient également décorés avec soins alors que des chaises et autres installations étaient en train d’être montées pour l’occasion.
-Alors ? Qu’en dites-vous ? demanda Orel alors qu’ils se tenaient devant l’autel. Là où ils échangeront leurs vœux dans quelques jours maintenant.
-C’est…époustouflant, souffla Aria clairement intimidée par autant de faste et de grandeur.
-Je tenais à ce que vous voyiez la Chapelle avant le grand jour…Comme ça, si vous aviez des changements à faire, vous pouvez le dire.
Aria resta un moment silencieuse, s’imprégnant des lieux et balayait les hauteurs la nef du regard, les vitraux projetant de magnifiques couleurs célestes sur le sol. Elle pouvait sentir la grâce, et prenait conscience que d’ici quelques jours, elle serait Impératrice. Néanmoins, elle sourit en regardant Orel avant de dire:
-Non, je n’y changerais rien, dit-elle avec assurance avant d’ajouter.Tout est parfait. Majestueux sans être oppressant. Je me sens…portée par cette beauté.
Orel l’observa, son regard se faisant plus tendre. C'est dans ces moments comme celui-ci qu’il apprenait à connaître Aria, lorsqu’elle n’était encore personne, mais juste elle-même: droite, naturelle et sincère.
-C’est ici que tout commencera, murmura-t-il. Pas seulement notre union… mais ce que nous construirons ensemble. Le peuple verra en vous bien plus qu’une épouse impériale.
Elle rougit légèrement, mais ne baissa pas les yeux.
-Je ne veux pas seulement qu’on me voie… je veux mériter cette place.
-Et vous la méritez déjà, répondit-il simplement.
Un silence paisible s’installa entre eux, comme un prélude silencieux à la promesse qu’ils allaient bientôt se faire. Puis Orel tendit la main, et Aria la prit sans hésiter cette fois. Devant l’autel encore vide, sous les hautes arches fleuries, ils restèrent là, unis par ce moment volé à l’agitation du monde, conscients de l’importance de chaque pas qu’ils avaient déjà franchi - et de ceux qui restaient à venir.
Quelques derniers préparatifs, et enfin le jour tant attendu arriva.
Le palais s’était éveillé avant l’aube, mais Aria n’avait pas dormi. Pas vraiment. Elle avait reposé ses yeux, entendu les murmures dans les couloirs, senti les pas feutrés des servantes s’affairant déjà avant le premier chant des oiseaux.
La lumière filtrait à peine à travers les rideaux de soie lorsque l’on toqua doucement à la porte de ses appartements.
-Entrez, dit-elle, d’une voix étonnamment claire.
La pièce s’emplissait peu à peu de parfums floraux, de chuchotements, de gestes rapides mais délicats. On lui apporta une infusion tiède, qu’elle oublia de boire. On déploya les étoffes, les épingles d’or, les broderies précieuses. On brossa ses cheveux avec une lenteur presque cérémonieuse.
Mais au cœur de tout ce tumulte maîtrisé, Aria restait immobile. Présente, mais ailleurs.
Ses pensées flottaient vers la chapelle, vers Orel. Vers ce moment suspendu où leurs regards se croiseront sous les arches fleuries, et où rien ne pourra plus jamais être pareil.
Elle n’avait pas peur. Pas vraiment. Mais elle mesurait, dans le silence intérieur de son esprit, le poids de ce qu’elle s’apprêtait à devenir.
On lui passa sa robe ensuite - fluide, somptueuse, brodée au fil d’or de constellations, comme si le ciel lui-même avait été tissé dans l’étoffe. Pas blanche, non. Une teinte crème à reflets dorés, choisie avec soin. Ni soumission, ni effacement. Juste la lumière, dans sa forme la plus souveraine.
Alors que l’on ajustait les derniers détails, elle demanda à ce que tout le monde sorte un instant.
La chambre se vida, sans question. Elle resta seule face à son reflet. Pas pour vérifier la coiffure ou le drapé. Juste… pour se regarder en silence. Comme on contemple une frontière. Loin était la jeune femme forcée de fuir son pays, loin était la frêle Aria qui déambulait sans réel but dans ce petit village crasseux de Lysdor.
Elle ne se reconnaissait pas tout à fait. La femme qui se tenait devant elle était une femme sereine malgré les épreuves, une femme qui avait changée durant les derniers mois. Elle ferma les yeux un instant, appréciant le calme de sa chambre encore pour quelques minutes. Puis quelqu’un frappa à la porte.
-Monsieur le Maréchal est là pour vous voir Madame. Annonça un valet de chambre.
Aria sentit sa gorge se serrer à l’annonce de la visite impromptue de son père. Puis elle se rendit compte que c’était sûrement une faveur qu’Orel lui accordait. Son promis savait pertinemment que son père lui manquait terriblement.
-Faîtes-le entrer. Répondit-elle avec clarté, se tournant vers la porte.
Le battant s’ouvrit lentement. Et il entra.
Le Maréchal. Son père.
Aria sentit une chaleur remonter brusquement de sa poitrine à sa gorge. Il était là. Enfin. Et tout son corps, tout son cœur, semblaient soudain vouloir courir vers lui - mais elle resta droite, digne, même si son souffle se suspendit.
Il n’avait presque pas changé. Toujours cette stature imposante, ce port militaire impeccable. Mais ses yeux… ses yeux avaient une lueur qu’elle n’avait jamais vue aussi nue. De la joie. Pure. Et quelque chose de plus fragile derrière -une émotion qu’il ne masquait même pas. Sa moustache impeccablement taillée frétilla, comme si celle-ci était toute aussi impatiente que son propriétaire.
-Aria… souffla-t-il en s’avançant, et cette fois ce n’était pas un nom, c’était un soulagement.
Un sourire étira ses lèvres, rare, sincère. Il ouvrit les bras sans attendre, comme s’il ne voulait pas perdre une seconde de plus.
Aria n’hésita pas.
Elle se jeta presque dans cette étreinte, qu’elle avait rêvée des centaines de fois. Et il la serra contre lui avec une force contenue, mais pleine. Elle sentit ses mains trembler légèrement dans son dos.
-Regarde-toi…dit-il en s’écartant un peu pour la regarder. Il la prit par les épaules, les yeux brillants.Tu es resplendissante. Tu es… tu es vraiment là.
Elle sourit, les larmes au bord des cils.
-Je le suis. Et toi aussi.
-Je n’aurais jamais cru qu’on me laisserait te revoir ainsi. Que ce jour arriverait. Je…J’étais persuadé que je ne te reverrai jamais avant de mourir.
Il posa une main sur sa joue, un geste infiniment tendre, presque maladroit venant de lui.
-Tu n’as pas idée à quel point tu m’as manqué, dit-il. Et à quel point je suis heureux, aujourd’hui, de pouvoir te voir… te voir accomplie. Debout. Belle. Forte.
Elle serra sa main contre sa joue, y cherchant un appui comme autrefois lorsqu’elle n’était qu’une enfant.
-Je voulais que tu sois fier. Répondit-elle dans un souffle.
-Je l’étais déjà. Mais aujourd’hui, Aria… aujourd’hui, je suis heureux.
Il la regarda longuement, et dans ses yeux, il n’y avait ni remords, ni regrets. Seulement cette fierté joyeuse et cette émotion pure d’un père qui retrouve sa fille, vivante et plus grande que jamais.
Elle déglutit, émue.
-Tu restes pour la cérémonie ? s’enquit-elle reprenant son sérieux.
-Je serai là, jusqu’au bout. Rien au monde ne m’empêcherait de rater cette occasion.
Il recula d’un pas, pas tout à fait prêt à partir, mais sachant qu’il le devait.
-Je voulais juste te voir. Avant que tout commence.
Elle hocha la tête. Elle devait vraiment poser la question à Orel.
-C’était ce qu’il me fallait.
Il s’inclina, lentement, sans solennité excessive. Juste un geste simple, respectueux, affectueux.
Puis il quitta la pièce.
Aria resta quelques secondes figée, un léger sourire encore accroché aux lèvres. Son cœur battait plus librement.
Elle se sentait plus forte.
Les portes de la Chapelle Impériale s’ouvrirent. Le grand orgue entonnait déjà une marche nuptiale accompagné de trompettes. La foule -tous de hauts dignitaires- se retourna lorsqu’elle, Aria, franchit le seuil. Aria sentit ses mains trembler légèrement, bien qu’elle s’obligeait à serrer son modeste bouquet de la main droite. Elle avait opté pour des hellébores blanches, symboles de Geloria et quelques lys blancs, eux symboles de Lysdor.
Le Maréchal se tenait à sa gauche, lui offrant son bras, puis lui adressant un sourire assuré.
-Ne t’en fais pas, murmura-t-il. Tiens-toi bien à moi.
-Faites que je ne tombe pas…souffla-t-elle en retour un peu pour elle-même.
Ils commencèrent la descente vers l’autel. Si la première fois qu’elle était venue, ce même chemin lui semblait presque insignifiant, cette fois-ci, il lui apparut comme une éternité. Mais ce chemin menait vers Orel, qui attendait avec le cardinal l’air tranquille. Il avait revêtu son manteau pourpre bordé d’hermine, couvrant une de ses épaules. Aria l’aperçut et ne pouvait plus détourner le regard alors qu’Orel la fixait également avec un sourire aux lèvres.
Oh bien sûr, elle crut reconnaître quelques visages du coin de l’oeil, notamment sa soeur Juliana et le Roi Lucas. Mais ces visages s’effacèrent à côté de celui de l’Empereur. Arrivés devant Orel, celui-ci lui tendit une main gantée.
-Je vous attendais…souffla-t-il avec ce sourire espiègle.
Aria sourit en retour et posa son regard sur son père dont les yeux commençaient à s’embuer de larmes menaçantes. Et dans un dernier geste symbolique, déposa la main de sa fille chérie dans celle de son futur mari avant de se retirer lentement. Il le savait, maintenant tout serait différent. Mais Aria resterait, quoi qu’il advienne, sa chère et tendre fille, Impératrice ou non.
Le silence s’installa lorsque l’orgue termina son oeuvre. Alors le cardinal leva les mains au-dessus des fiancés, la voix grave et mesurée.
-En ce jour, devant les cieux et sous les yeux des Hommes, nous unissons deux âmes, deux lignées, deux destinées…
Aria cependant, ne détourna pas les yeux d’Orel, et ce dernier, tout en gardant ce sourire aux lèvres, s’approcha à peine, juste assez pour que leurs souffles se croisent.
-Vous êtes radieuse, murmura-t-il. Même Pherséia serait jalouse.
Elle eut un léger sourire, discret mais sincère. Comment pouvait-il être si détendu ?
-Vous devriez écouter, chuchota-t-elle en désignant le cardinal d’un bref regard. Il parle de destin.
-Le nôtre m’importe plus que ses mots, répondit-il doucement. Vous n’avez rien à craindre, Aria. Pas tant que je me tiens à vos côtés.
-Vous dites ça comme si vous pouviez changer le cours des choses.
- Je l’ai déjà fait, non ? dit-il avec un clin d’œil à peine perceptible.
Le cardinal poursuivait, imperturbable, sa voix résonnant sous les voûtes de marbre.
-…Que ce serment soit entendu au-delà des royaumes visibles. Qu’il soit gravé dans le firmament comme le lien sacré de Geloria et Lysdor réunis…
Aria sentit sa gorge se nouer. Non pas de peur, mais de la conscience soudaine de l’instant : l’histoire, l’attente, le poids et le futur. Son regard glissa un instant vers les vitraux baignés de lumière, puis revint vers Orel, dont la main tenait toujours la sienne, chaude et ferme. Il était une présence inébranlable, son phare dans l’obscurité.
-Vous n'êtes pas ce que j’imaginais… souffla-t-elle, presque malgré elle.
-Tant mieux, répondit-il. L’inattendu est plus difficile à trahir.
Elle ne répondit pas, mais ses doigts se resserrèrent légèrement contre les siens. Un battement de cœur plus loin, le cardinal annonçait :
-Que ceux qui s’opposeraient à cette union parlent maintenant… ou se taisent à jamais.
Un silence dense s’abattit sur l’assemblée.
Même les murs semblaient retenir leur souffle. Le silence se prolongea une seconde de plus, sacré et suspendu. Puis le cardinal baissa les mains.
- Ainsi, devant les Dieux, les Royaumes et les témoins rassemblés, que les promesses soient dites. Qu’elles lient les âmes et scellent ces deux royaumes par le lien sacré du mariage.
Orel se tourna vers Aria, sans lâcher sa main. Son regard n’avait plus rien de joueur. Il était devenu grave, chargé de cette tendresse calme qu’on n’offre qu’une seule fois dans une vie. Ce n’était plus l’homme, mais l’Empereur qui s’adressa à elle en ce court instant:
-Aria de Lysdor, dit-il d’une voix claire, je vous choisis. Non pour l’union que réclament les royaumes, mais pour la femme que vous êtes. Je fais le serment de marcher à vos côtés, dans la lumière comme dans l’ombre, et de ne jamais laisser le trône m’éloigner de vous.
Il s'interrompit, et d’un geste mesuré, il prit la couronne posée sur le coussin de velours pourpre que lui tendait un officier impérial. Elle était d’or pâle, sobre mais finement ouvragée, surmontée des armoiries de Geloria.
Il la leva à hauteur de son front. Tous retinrent leur souffle.
-Et devant ce peuple, devant les cieux, je fais un second serment. Non pas en tant qu’homme, mais en tant qu’Empereur. Je vous donne ma main… et je vous donne la couronne.
Il posa la couronne sur la tête d’Aria. Elle ne trembla pas.
Une vibration sourde traversa la nef. Le Maréchal inclina discrètement la tête. Le roi Lucas détourna brièvement le regard.
Puis Aria prit la parole. Sa voix, un instant hésitante, gagna en force à chaque mot.
-Orel Rexthalion de Geloria, je vous accepte. Non pour ce que vous possédez, ni pour ce que vous représentez. Mais pour celui que vous avez choisi d’être, malgré l’histoire et le poids de votre nom.
Elle posa sa main sur la sienne, couronnant ce geste par le regard. Cette fois-ci ce n’était plus une répétition. Son regard changea d’hésitation à affirmation.
-Devant les Dieux et les Hommes, je promets de ne pas fuir. D’affronter les vents avec vous. De veiller à ce que le pouvoir ne nous sépare jamais de la vérité.
Le cardinal, ému, reprit la parole, la voix vibrante.
- Que l’union soit bénie. Que le feu sacré les éclaire. Devant vous tous, je proclame l’Empereur et son épouse, Impératrice de Geloria unis par le mariage.
Les grandes orgues éclatèrent. La foule applaudit.
Aria se tourna vers Orel, soulagée.
-Me voilà couronnée, souffla-t-elle, un peu surprise d’avoir encore la voix ferme.
-Vous l’étiez déjà, répondit-il doucement. J’ai seulement donné à tous la permission de le voir.
Alors que le couple impérial remontait lentement l’allée vers la sortie, main dans la main sous le regard de l’assemblée, Aria sentit quelque chose se relâcher en elle. Une tension ancienne, profonde, cédait enfin.
Non, ce n’était pas un simple soulagement. C’était de la fierté.
Depuis son exil, une culpabilité sourde l’avait habitée. Elle n’en parlait jamais, pas même à Orel. Un murmure intérieur qui lui demandait, encore et encore :
Avait-elle le droit ?
Le droit d’avancer. Le droit de porter la couronne. Le droit de se tenir là, à ses côtés.
Orel lui tenait la main avec la même assurance tranquille qu’au début de la cérémonie, et pourtant, tout avait changé. Elle ne s’appuyait plus sur lui. Elle avançait avec lui.
Son regard balaya brièvement l’assemblée et s’arrêta sur une silhouette familière : l’Impératrice Mère, Amarielle. Leurs yeux se croisèrent.
Ce qu’elle lut dans ce regard n’avait rien à voir avec les jours précédents.
Il y avait de la bienveillance, de la fierté, et… cette tendresse discrète, retenue, presque pudique, qu’Amarielle n’avait jamais vraiment montrée envers elle.
Peut-être n’en avait-elle pas eu le droit.
Peut-être n’en avait-elle jamais eu l’envie.
Aria s’arrêta aux côtés d’Orel. Ensemble, ils inclinèrent la tête dans une révérence profonde, comme le voulait le protocole. Mais pour Aria, ce geste n’était pas un simple devoir- c’était une reconnaissance silencieuse, un remerciement muet pour ce regard qui disait tout sans un mot.
Et pour la première fois depuis longtemps, elle ne se demandait plus si elle était à sa place.
Elle y était.
Mais une autre question, plus sourde, persistait :
Sera-t-elle acceptée ?
Par les courtisans ? Par le peuple de Geloria et Lysdor ? Par l’histoire elle-même ?
Elle leva légèrement le menton. Son regard croisa celui de Lucas, impénétrable. Celui de Juliana, sa sœur qui arborait un mélange de fierté et de solennité.
Peut-être que la réponse viendrait plus tard. Peut-être même qu’elle ne viendrait jamais.
Mais à cet instant précis, alors que les lourdes portes de la chapelle s’ouvraient de nouveau pour les saluer, Aria se sentait prête.
La lumière du jour inonda leurs visages lorsqu’ils franchirent le seuil de la Chapelle Impériale. Et aussitôt, un rugissement éclata.
La foule était vivace.
Partout autour d’eux, sur les marches, les balcons, les pavés de la grande place, le peuple s’était amassé comme une mer vivante et joyeuse. Des cris de liesse, des acclamations, des rires, des larmes - tout s’entremêlait dans une même clameur vibrante.
Des drapeaux de Geloria flottaient aux côtés des bannières pourpres de Lysdor. Certains portaient des fleurs blanches, d’autres lançaient des pétales ou des rubans dorés dans les airs. On frappait des mains. On chantait même, parfois maladroitement, son prénom.
-Aria ! Aria !
Elle s’arrêta un instant, saisie.
Elle n’avait pas imaginé cela. Pas ainsi.
Les sourires étaient vrais. Les regards, brillants. On l’appelait, elle, sans condition. Pas comme une étrangère tolérée. Comme une souveraine attendue. C’était contradictoire aux regards accusateurs, aux insultes que l’on avait scandées lors de son procès ouvert.
Ses yeux s’illuminèrent malgré elle. La gorge serrée, mais le cœur ouvert. Elle sentit sa main se resserrer sur celle d’Orel.
- Ils vous voient enfin, murmura-t-il à son oreille.
Et pour la première fois depuis longtemps, Aria ne douta plus.
Elle se savait aimée.
-C’est… incroyable, finit-elle par articuler sous l’émotion.
Sa voix tremblait à peine, mais ses yeux disaient tout. Ce n’était plus seulement de la surprise - c’était une reconnaissance silencieuse de ce qu’elle était en train de vivre.
Orel lui sourit avec douceur, presque complice, et l’entraîna sans presser le pas vers le carrosse de parade.
Il était à son image : opulent mais maîtrisé. Entièrement doré, finement sculpté de motifs impériaux, il s’ouvrait largement sur les côtés comme pour mieux offrir à la foule la vision du couple impérial. Les chevaux blancs qui l’attendaient, dressés, harnachés d’argent et de soie, piaffaient dans un silence presque cérémoniel.
Aria s’arrêta un bref instant en le découvrant. Non pas par vanité, mais par vertige. Ce carrosse n’était pas simplement un véhicule - c’était un symbole, un trône mobile, un message.
La foule redoubla d’enthousiasme.
Aria leva la main, incertaine. Et lorsqu’elle vit les gens répondre par des cris de joie et des saluts fervents, elle laissa un vrai sourire se dessiner sur ses lèvres.
Elle ne jouait plus un rôle. Elle devenait. Elle était l’Impératrice de Geloria, l’épouse d’Orel III. Et c’est donc avec fierté qu’elle salua la foule d’un gracieux port de main alors que le carrosse paradait dans Théris, les clameurs suivant leur chemins dans les grandes artères de la cité.
Lorsque le carrosse franchit les grandes grilles du Palais Impérial, un silence bref parcourut la cour d’honneur. Puis, les gardes en grande tenue s’inclinèrent d’un même mouvement solennel. L’un d’eux, capitaine sans doute, s’avança d’un pas et proclama d’une voix claire :
- Longue vie à l’Empereur et à l’Impératrice de Geloria !
À cet instant, trois coups de canon retentirent.
Forts, nets, presque secs - comme pour sceller officiellement leur règne.
Le sol vibra légèrement sous leurs pieds.
Les échos s’élevèrent dans l’air pur de Théris, ricochant sur les murailles, emportant leur nom jusqu’aux confins de la cité.
C’était fait.
Il ne restait plus qu’à célébrer.
Pour l’occasion, la réception avait été organisée dans les jardins Impériaux, baignés par une lumière dorée de fin d’après-midi. Les allées fleuries, soigneusement entretenues, formaient un écrin de verdure autour de la fête.
De longues tables avaient été disposées çà et là, non sans goût : nappes ivoire, verrerie fine, compositions florales mêlant lys, hellébores et pivoines de saison. Partout, des guirlandes de soie ondulaient doucement dans la brise.
Les valets, en grande tenue, circulaient discrètement entre les convives, plateaux en main, proposant coupes étincelantes, pâtisseries fines et mets raffinés inspirés des deux régions réunies : Geloria et Lysdor.
L’ambiance était vive, élégante, ponctuée de rires feutrés, de musique légère portée par un petit orchestre installé sous une tonnelle fleurie.
La fête pouvait commencer.
Et cette fois, Aria n’était pas l’invitée d’honneur. Elle en était l’hôte.
L’intendant s’avança au bord de la terrasse, sa voix portant au-dessus du tumulte mondain.
- Sa Majesté Impériale Orel III et l’Impératrice Aria !
Le brouhaha se tut aussitôt.
Les conversations s’évanouirent, les rires s’éteignirent, les regards se tournèrent d’un même mouvement vers les nouveaux souverains. Et, presque naturellement, une allée s’ouvrit dans la foule, comme si chacun avait compris que leur passage n’avait plus besoin d’être demandé.
Aria promena un regard lent sur l’assemblée.
Tous s’étaient inclinés.
Un instant suspendu, irréel, comme arraché au temps.
À ses côtés, Orel lui jeta un regard complice, un sourire discret au coin des lèvres, avant de la guider vers le cœur des festivités.
La musique reprit doucement, d’abord timide, puis de plus en plus affirmée.
Avec elle, les murmures revinrent, les coupes s’entrechoquèrent de nouveau, les discussions reprirent vie autour d’eux.
Les premiers à s’approcher furent bien sûr le Roi Lucas et la Reine Juliana. Tous deux avaient soigné leur apparence, comme il se devait.
Lucas portait un ensemble bleu marine d’une coupe irréprochable, orné de l’écharpe royale de Lysdor, brodée d’or et de saphirs.
À son bras, Juliana resplendissait dans une robe bleu pâle, délicatement brodée de scintillants — des pierres précieuses, sans aucun doute, tant leur éclat captait la lumière comme un ciel étoilé.
Leur présence, à la fois protocolaire et familière, renforçait encore la solennité du moment. Et pour Aria, il y avait là plus que des souverains alliés. Il y avait sa soeur. Mais bizarrement, Aria n’était pas si heureuse de la revoir à cet instant précis.
-Vos Majestés Impériales, le royaume de Lysdor vous offre toutes ses félicitations pour votre union…et votre couronnement, dit Lucas avec un ton sobre bien que visiblement gêné.
Orel esquissa un sourire en coin avant de répondre:
-Le plaisir est pour nous. Voyez, je peux désormais vous présenter mon épouse: Aria.
L’ambiance sembla changer en un instant. Les mots drapés de velours étaient en réalité aussi acérés que des couteaux. Aria s’en douta: c’était politiquement gênant pour Lucas de devoir présenter des félicitations à la femme qui aurait dû être sa belle-soeur et qui plus est, la reine de Lysdor avant que son frère aîné meurt.
Aria décida de jouer le jeu et d’offrir un sourire de façade, comme sa belle-mère savait si bien le faire.
-Je vous remercie de vous être déplacés d’Aurélis pour le mariage vos Altesses royales. dit-elle avec une légèreté.
Son regard se posa ensuite sur sa soeur:
-Je suis également heureuse de te revoir Juliana. Je vois que la couronne te ravit. lança-t-elle avec innocence, bien qu’un arrière-fond d’amertume subsistait.
Juliana le ressentit immédiatement et même si intérieurement, elle semblait bouillonner, elle répondit avec le même ton léger, camouflant ses pensées avec maîtrise.
-Oh je le suis également grande-soeur ! J’étais si inquiète lorsque tu es partie…Mais regarde-toi, tu es désormais Impératrice et…saine et sauve.
Juliana sourit, mais ce sourire était un masque finement tissé. Sous ses traits angéliques, un feu brûlait, vif et dévorant.
Elle bouillonnait de jalousie, cet éclat amer qui lui vrillait la poitrine.
Impératrice…
Le mot résonnait comme un coup de poignard.
Certes, elle était désormais reine de Lysdor, mais elle ne pouvait s’empêcher de penser que la place qu’occupait désormais Aria aurait pu être sienne !
Elle se disait que tout était si injuste, que le destin leur avait joué un cruel tour.
Que Juliana, reine de Lysdor , se retrouvait à l’ombre d’une reine exilée, autrefois rejetée, désormais maîtresse de Geloria.
Mais elle ne laisserait rien paraître.
Pas devant le peuple, ni devant Aria, ni devant cet homme qu’elle avait épousé - mais qui au final ne semblait pas la satisfaire.
-Eh bien…Comme tu peux le voir, je suis effectivement saine et sauve. répondit Aria en se tenant droite aux côtés d’Orel.
Juliana serra les dents et acquiesça. Orel ajouta avec une politesse que le couple royal connaissait que trop bien:
-Profitez donc de la soirée et de votre séjour à Geloria.
C’était le signe que l’entrevue était terminée. A peine le couple impérial s’était détourné que d’autres personnes venaient les féliciter. Aria avait entendu quelques noms par ci et là, mais n’avait mémorisé qu’une poignée. Les plus importants pour Geloria.
Un homme d’un certain âge, peut-être la cinquantaine s’avança. Sa peau matte et son costume plutôt oriental, se démarquait de la foule. Orel sourit instantanément en reconnaissant cet homme et dit à Aria:
-Ah, Aria, je vous présente le Grand Duc de Zakar, Monsieur Issaï Adh Layah.
Le Grand Duc offrit une courbette, la main droite sur le coeur avant de dire avec lenteur d’une voix grave:
-Enfin, c’est un honneur de rencontrer l’Impératrice de Geloria.
-Vous me flattez Grand Duc. Je suis également heureuse de pouvoir enfin vous rencontrer. Dit Aria, impressionnée par la prestance de cet invité plus qu’original.
-Je vous en prie, ce n’est pas tous les jours que Geloria voit une nouvelle Impératrice monter sur le trône. De plus…Geloria et Zakar ont toujours eu des relations étroites, ajouta-t-il avec un part de complicité.
Aria l’avait appris des années de cela, lorsque le précepteur lui enseignait la géographie du Continent. Le Grand Duché de Zakar était autrefois une colonie de Geloria. Mais cet état désormais indépendant restait toujours un allié de Geloria et vice versa.
- Geloria et Zakar ont toujours été liés par des siècles d’histoire commune, reprit le Grand Duc d’un ton plus posé. Votre accession au trône marque un nouveau chapitre, Impératrice. Nous espérons que cette alliance se renforcera encore davantage sous votre règne.
Aria hocha la tête, consciente du poids de ces mots et de son rôle.
- Je partage cette espérance, Grand Duc. La stabilité et la prospérité de nos peuples sont une responsabilité que je prends très à cœur.
Issaï Adh Layah sourit, un éclat malicieux dans le regard.
- Vous portez bien le titre, Impératrice. Mais dites-moi, au-delà des apparats et des cérémonies, quel est votre rêve pour Geloria ?
Aria prit un instant pour réfléchir, prise au dépourvu par cette question alors que son regard se perdait un peu dans la foule animée.
- Que nos peuples vivent en paix et en harmonie, que les anciennes blessures se referment, et que nos terres s’épanouissent dans la justice et la prospérité, finit-elle par dire d’un air résolu.
Le Grand Duc hocha la tête avec respect.
- Un rêve noble. Sachez que Zakar sera à vos côtés dans cette quête.
Orel, qui observait la scène d’un œil protecteur, s’approcha discrètement et glissa à l’oreille d’Aria :
- Le Grand Duc est un allié précieux. Garde-le près, il connaît bien les rouages du pouvoir.
Aria sourit, reconnaissante.
- Je n’y manquerai pas.
Le Grand Duc s’inclina à nouveau, prêt à rejoindre les autres convives, tandis qu’Aria se sentait un peu plus ancrée dans son nouveau rôle. D’autres invités défilèrent pour les féliciter, discuter de sujets légers, toujours en surface. Quelques fois Orel glissaient quelques mots à son oreille pour lui donner des informations précieuses, chose dont Aria était reconnaissante.
Bien sûr, elle eut l’occasion de revoir son père. Le Maréchal s’approcha du couple, les saluant avec respect avant de regarder sa fille avec émotions.
-Votre Majesté Impériale…, commença-t-il, visiblement ému.
-Père, voyons…Appelle-moi Aria, comme tu le faisais avant. Répondit-elle avec un sourire empli d’affection.
Le Maréchal posa une main ferme mais prudente sur l’épaule d’Aria, ses yeux brillant d’une fierté contenue.
-Tu as parcouru un long chemin, ma fille. Je n’aurais jamais cru te voir un jour Impératrice...
Un léger silence s’installa, chargé de non-dits et de souvenirs.
- Mais aujourd’hui, je sais que tu es exactement là où tu dois être.
Aria sentit un frisson lui parcourir l’échine, réconfortée par ce soutien silencieux.
- Merci, Père. Tes paroles signifient plus que tu ne peux l’imaginer, dit-elle maintenant elle aussi gagnée par l’émotion.
Ils échangèrent un dernier regard, avant que le Maréchal ne s’incline respectueusement vers Orel, lui offrant sa confiance pleine et entière. Il savait qu’Orel la chérirait comme il se devait.
-Madame l’Impératrice, commença Orel avec un ton plus jovial, plus théâtral. Puis-je vous laisser quelques instants afin d’échanger avec mon beau-père ?
Aria fut légèrement surprise -dans le bon sens du terme- mais acquiesça.
-Je vous en prie, répondit-elle avec un sourire amusé. Je pense pouvoir survivre sans vous.
Orel apporta sa main à ses lèvres, ses yeux ne quittant pas Aria avant de s’éloigner avec le Maréchal, plongeant déjà dans une conversation dont Aria n’entendit que des murmures. Aria observa la foule, inspirant pour faire descendre la tension. Le soleil commençait à se coucher lentement sur Théris, le solstice d’été était arrivé à son zénith.
Elle se sentait étrangement calme. La nervosité du matin s'était dissipée, remplacée par une forme de clarté. Aria regarda autour d’elle : les sourires, les conversations, les rires mondains. Tout cela avait longtemps semblé appartenir à un autre monde. Mais maintenant, elle en faisait partie. Pas seulement comme invitée. Comme actrice centrale.
Le vent du soir fit voleter un pan de sa robe, et Aria leva les yeux vers le ciel teinté d’or et de rose. Un instant, elle se permit de fermer les yeux, de savourer l’air tiède, le parfum des fleurs, et cette étrange sensation d’appartenance.
Elle songea à ce qu’aurait pensé sa mère. Aurait-elle été fière ? Aurait-elle eu peur pour elle ? Peut-être un peu des deux.
Demain sera un jour nouveau. Et avec lui, elle sera une nouvelle personne.
Elle l’était déjà.