Irotia, vieux quartier industriel de la Ruche, 12 septembre 3224.
Le Troquet des Parieurs était tristement célèbre dans toute la ville et bien connu des forces de l’ordre. Beaucoup disaient que les mafieux y engageaient leurs tueurs et leurs gros bras, mais rien n’avait été prouvé. En apparence, ce n’était qu’un bar miteux du quartier industriel coincé entre un night-club et l'atelier moribond d'un technicien mécanaute. On y servait une bière fade et des rations alimentaires douteuses dont les prix n’avaient pourtant rien à envier aux stations les plus en vogue de la capitale. La plupart des riverains évitaient ce bouge comme la peste, mais c’était précisément sa réputation de coupe-gorge qui avait attiré le mercenaire ici.
Feris Park franchit la porte en pestant et ôta son pardessus dégoulinant de pluie. Le temps s’était gâté en début d’après-midi, rappelant aux Irotiens que l’automne n’était plus très loin. De toutes les choses que Feris avait abandonnées en quittant cette planète, la météo était celle qu’il regrettait le moins. L’essentiel de l’année se résumait à une alternance de sécheresses et de temps particulièrement pluvieux. Depuis son retour sur Irotia, un voile gris et humide pesait en permanence sur la métropole, assombrissant son humeur déjà maussade.
Cela faisait des heures qu’il parcourait la Ruche sous ce foutu déluge.
Avec son équipe, ils avaient décidé de quadriller le périmètre : des quais de la Palatine aux entrepôts désaffectés, ils interrogeaient tous les passants à la recherche d’un témoin du triple meurtre, ou de quiconque aurait croisé la route de l’enquêteur assassiné par la Mort Rouge. Un travail de fourmi, minutieux et ingrat, qui jusqu’à présent ne lui avait apporté que des ampoules aux pieds et un risque de pneumonie. Le soleil n’allait pas tarder à se coucher et le mercenaire était éreinté. Le Troquet des Parieurs serait sa dernière tentative de la journée.
Il n’y avait pas beaucoup de monde ce soir-là dans le vieux bar. Deux ou trois ouvriers étaient occupés à une partie de dés près du comptoir et un ancien lisait le journal électronique dans un recoin sombre. Des baffles régurgitaient dans la pièce les tonalités déformées d’une musique composée en live par une intelligence artificielle. Park alla jusqu’au comptoir et commanda une boisson au hasard. Le serveur lui mit sous le nez un cocktail d'une qualité douteuse et Feris paya le quart de toscain demandé. L’IA qui gérait la sono se tut pendant qu’il sirotait son verre et reprit de plus belle avec une autre chanson. Alors qu’elle entamait son titre sur un riff de guitare électrique, Feris se rapprocha du vieil homme solitaire et lui tapota l’épaule.
« Je vous offre un verre ? proposa-t-il pour entamer la conversation.
Le visage du poivrot s’éclaira, signe qu’il venait de marquer des points.
- Ma foi, ce n’est pas d’refus ! Ça m’f’rait plaisir d’avoir un peu d’compagnie, je commençais à moisir tout seul dans ce bistrot.
Il fit signe au mercenaire de s’asseoir et héla le serveur pour passer commande. En arrière-plan, l’IA cessa son vacarme pour laisser place à la nouvelle chanteuse à succès du moment, Lula Kyle. L’air de Vide Sidéral emplit bientôt l’espace de son ambiance pop-rock endiablée.
- Avez-vous déjà vu cet homme ? questionna Feris pour la millième fois de la journée en sortant son terminal.
Le vieillard prit le temps de loucher sur la photo de l'enquêteur avant de secouer la tête de gauche à droite. En revanche, lorsqu’il aperçut les gardes du corps, son regard vitreux s’éclaira.
- Ce gars-là, je l'connais ! s'exclama-t-il en pointant celui de droite. Il a renversé ma bière l’aut’jour, y s’est même pas excusé. Maint’nant qu’j’y pense, p’tet bien qu’il était v’nu avec les deux autres.
- Est-ce que vous savez ce qu’ils venaient faire ici ?
- Aucune idée. Mais vot’ type là, celui de la première photo. Il posait plein d’questions. Il a dû agacer le patron, parce qu’il l’a flanqué dehors. »
Il vida d’un trait le reste de son verre et en commanda un deuxième. Une dispute éclata entre les joueurs de dés qui en vinrent aux mains : ils brisèrent une table et une chaise. Un automate vigile les sépara et ils furent expulsés sans ménagement. La sono lâchait à présent les couplets de Cogne-moi, un tube de 3211 qui avait fait un carton. Park esquissa un rictus. Il tenait enfin sa première piste dans cette affaire.
À cet instant, la porte du troquet s’ouvrit brusquement et une femme entra. Elle pouvait avoir la cinquantaine, était vêtue de rouge de la tête aux pieds et semblait furieuse. La pluie dégoulinait de ses longs cheveux blonds qui encadraient un visage taillé à la serpe. Intrigué, le mercenaire l’observa avec attention. Il ne la connaissait pas mais sa démarche, sa silhouette et son assurance lui donnaient une impression de déjà-vu. Son instinct lui hurlait de se méfier d’elle. La crosse d’une arme à feu dépassait de sa ceinture, ce qui accentua son malaise. Elle n’était pas venue pour vider une pinte.
« Excusez-moi. »
Feris abandonna le vieillard pour se rapprocher de l’inconnue. Celle-ci traversa la salle et se dirigea vers le comptoir. D’un bond souple, elle passa de l’autre côté et empoigna le serveur par le col de sa chemise crasseuse. Park se glissa discrètement jusqu’à une table non loin pour entendre ce qui allait se dire. Heureusement pour lui, la playlist choisit à cet instant de diffuser de la musique classique ; les tonalités du violon et du synthé ne masquaient pas la voix de la femme en colère.
« Ludo Willys. Appelle-le. »
Le serveur bredouilla quelque-chose d’incohérent qui ne parut pas satisfaire l’inconnue. Elle le gifla à deux reprises, dégaina son revolver et pointa le canon de l’arme entre ses yeux. Un automate fit mine de s’approcher mais l’homme lui ordonna de rester à distance.
« Dernière chance, mon joli. Soit tu appelles ton copain Ludo, soit ta mère aura du mal à reconnaître ton cadavre. Compris ? »
Cette fois, le serveur acquiesça. La femme le libéra et il rajusta son col en reprenant sa respiration. Il appuya sur un bouton dissimulé derrière une bouteille de Qintana et un pan de mur s’écarta. La furie s’y engouffra sans un remerciement. Park repoussa sa chaise et se précipita derrière elle. Il arriva juste à temps pour coincer le mécanisme avec le bout de sa chaussure. Le barman médusé ne fit même pas mine de l’en empêcher. Il s’y glissa sans bruit et le passage dérobé se referma.
Il se trouvait à présent dans un couloir étroit sur un sol de dalles rongées par la moisissure. De l’eau suintait du plafond et s’écoulait en formant de petites flaques. Non loin de là un escalier descendait vers le sous-sol, éclairé par une lueur tremblotante. Un bruit sourd attira son attention en bas, mais aucune trace de l’inconnue nulle part.
« Eh bien Feris, ça ne te réussit pas de courir après les filles », ironisa-t-il.
Il traversa le couloir sur la pointe des pieds en évitant les flaques. Un rat émergea d’un trou dans le mur et trottina à ses côtés avant de disparaître. Arrivé en bas de l’escalier, il repéra un homme avachi contre le mur. Un semi-automatique gisait sur le sol à côté de l’individu. Le mercenaire, pris d’un mauvais pressentiment, dégaina son arme et s’approcha à pas mesurés. Du bout de sa rangers, il tapota la joue de l’homme inconscient. Pas de réaction. Park s’empara de son fusil, vida l’ensemble des munitions dans l’une de ses poches et balança l’engin un peu plus loin. C’est alors qu’il repéra dans son cou le début d’un tatouage qu’il connaissait bien.
Oubliant toute prudence, il souleva le corps inerte et lui retira sa veste usée et le polo taché qu’il trouva dessous. L’homme n’avait plus de pouls. Quelqu’un l’avait attaqué par surprise en lui broyant la trachée. Ensuite, sa tête avait rencontré brutalement le mur, comme en témoignait la tache de sang frais à l’arrière du crâne et les cheveux restés collés sur la cloison. Mais qui l’avait tué ? La mystérieuse femme en rouge ?
Perplexe, Park reprit sa fouille rapide. Rien dans les poches à part du tabac à mâcher et une boîte de métal qui contenait de la drogue. À l’intérieur de la veste, il trouva sa puce d’identité électronique. Impossible de la décrypter sur place : Feris la glissa dans son manteau. Il n’avait pas besoin de connaître le nom de ce vaurien pour savoir à quel groupe il appartenait. Le long tatouage qui serpentait du bas de son dos jusqu’en haut de son épaule était suffisamment éloquent.
La Murcia.
Que venait faire ici la mafia la plus puissante de la planète Lugori ? Inquiet, il délaissa le cadavre et attrapa son terminal. Cette histoire ne lui disait rien qui vaille. De toutes les familles criminelles qui gangrénaient les cités impériales, la Murcia était de loin la plus redoutable. Elle sévissait dans la capitale et quittait rarement son territoire. Si son padrón faisait affaire avec Ludo Willys, cela n’augurait rien de bon. Tout en gardant un œil sur les deux extrémités du couloir, le mercenaire effectua une recherche sur son appareil pour contacter son équipe. Après quelques instants, une intelligence artificielle lui répondit.
« Bonjour, Feris Park. Comment puis-je vous être utile aujourd’hui ?
- Salut, Résine. J’ai besoin de transmettre un message à Terk.
- Enregistrement en cours.
- Arund, c’est Feris. Je suis dans le sous-sol d’un bistrot, le Troquet des Parieurs. Un homme de la Murcia a été refroidi ici, je vais tâcher de voir de quoi il retourne. J’aurai sûrement besoin de renforts alors ne traînez pas. »
Il coupa la communication et repensa à l’inconnue du bar. Park était persuadé de l’avoir déjà rencontrée. Le timbre de sa voix, la rage qui transpirait d’elle... quelque-chose ne collait pas avec son allure de cinquantenaire. Son tempérament trahissait la fougue de la jeunesse, il l’avait lu dans son regard... Le mercenaire se figea.
Son regard.
Elle avait les yeux de Maz. Maintenant qu’il comprenait, ça le frappait comme une évidence. Mais que venait faire Oni Keltien dans un endroit pareil, et pourquoi avait-elle grimé son visage ? Est-ce qu’elle bossait en infiltration pour la police irotienne ? Ce genre de trucs, c’était bon pour les films d’espionnage. Elle ne pouvait pas non plus être là sur ordre de son père, Maz n’aurait jamais mis sa fille chérie en danger.
Perplexe, le mercenaire rangea son terminal et reprit sa progression. Il s’attendait à déboucher dans la cave du bistrot ou dans une salle de jeu clandestine, mais se retrouva dans un second couloir encore plus sinistre que le précédent. Une inscription sur un mur le renseigna sur la véritable nature des lieux. Il se déplaçait dans les tunnels qui reliaient les vieux abris antiatomiques de l’armée. De toute évidence, Willys avait pris le contrôle de ce réseau abandonné et s’en servait pour faire de la contrebande. La lumière tremblante qu’il avait aperçue provenait de plafonniers malades, dont l’éclairage timide rappelait celui des chambres stériles dans les hôpitaux. L’écho des talons d’Oni parvint à ses oreilles et il pressa le pas pour ne pas se faire distancer. Cet endroit était un véritable labyrinthe sans le moindre indice pour se repérer. Par prudence, Feris activa son émetteur et laissa une balise à chaque intersection pour que ses baltringues puissent le suivre.
Au cinquième embranchement, il trouva deux autres cadavres qui portaient eux aussi la marque de la Murcia sur la peau. Cette fois, ils avaient été abattus d’un coup de couteau dans la carotide. La quantité de sang par terre lui indiqua qu’ils venaient juste de trépasser. Plus de doute possible : la fille de Maz éliminait les hommes de la pègre. Mais pour qui travaillait-elle ? Se pouvait-il qu’Oni Keltien soit mêlée à cette sombre affaire ?
Le tunnel s’acheva sur une volée de marches qui remontaient jusqu’à la surface. Au sommet, Park souleva une lourde trappe et déboucha dans la cour d’une usine désaffectée. L’endroit paraissait abandonné depuis longtemps, comme en témoignaient les herbes folles qui envahissaient les lieux. Pourtant, la végétation était aplatie autour de l’aire d’atterrissage, ce qui prouvait que des vaisseaux stationnaient régulièrement ici. Au fond de la cour, le mercenaire découvrit une grande porte en métal rouillé. Elle était entrebâillée et l’interstice lui offrait juste assez de place pour observer de l’autre côté. Le bruit d’une conversation animée parvint à ses oreilles. Feris se cala contre le battant et risqua un coup d’œil.
L’ouverture donnait sur un vaste hangar dont les murs étaient couverts d’étagères supportant des bouteilles. Il y en avait de tous les genres et de toutes les provenances, si nombreuses qu’il n’aurait jamais pu les compter. De grandes cuves de fermentation jouxtaient une centaine de tonneaux cerclés de métal. À main droite, des navettes et des chariots élévateurs permettaient de déplacer la marchandise. Une dizaine de gardes patrouillaient les lieux arme au poing. L’ensemble puait le trafic d’alcool à plein nez.
Au centre de l’entrepôt, un épais tapis bleu marine habillait le sol poussiéreux. Sur celui-ci, une table basse supportait un plateau d’amuse-bouche, trois verres pleins et une bouteille de liqueur. Il y avait également des fauteuils de cuir confortables et une impressionnante quantité de cash. Quatre personnes se tenaient autour de ce butin. L’un, avachi dans un sofa, était un homme de la cinquantaine au crâne dégarni qui fumait un cigare de qualité supérieure. Il portait un costume gris coupé sur mesure et une cravate assortie. Le second ressemblait davantage à un truand : pull-over bon marché sali, un bonnet sur la tête et une arme automatique à ses pieds. Assurément un caïd de la Murcia et son garde du corps.
Le troisième homme était le patron du Troquet des Parieurs, Ludo Willys. Feris l’avait déjà rencontré quand il faisait partie de l’armée : à l’époque, ce n’était qu’un vulgaire dealer qui fourguait de la brumande et d’autres saletés aux hommes de son unité. En dépit de son ascension fulgurante, Ludo restait étonnamment jeune dans le métier. Il donnait l’impression d’avoir tout juste la quarantaine avec ses cheveux bruns coupés court, son sourire charmeur et ses lunettes carrées. Il était vêtu d’une chemise aux couleurs vives et d’un pantalon de velours vert olive. Il mâchonnait un cure-dent qui oscillait sous une moustache naissante taillée avec une précision chirurgicale.
Enfin, il y avait Oni. La fille de Maz se tenait debout face aux trois hommes, campée sur ses jambes, son seize-coups braqué dans leur direction. Elle avait l’assurance froide d’une tueuse, une femme qui a déjà fait couler du sang et qui ne craint pas de recommencer. Son attention allait alternativement d’un homme à l’autre, s’arrêtant parfois sur Willys. Le truand continuait de sourire, comme si Oni venait simplement lui rendre une visite de courtoisie. La scène avait quelque-chose d’étrange et Feris ne se sentait pas rassuré.
« Ludo, il faut qu’on cause, exigea la jeune femme. Seuls.
- Je suis en affaire, Mort Rouge. Alors tu poses ton cul sur une chaise et tu attends qu’on ait fini. »
Le mercenaire se figea et un frisson glacé remonta sa colonne vertébrale. Mort Rouge ? Par l’empereur ! Voilà qui compliquait sérieusement sa mission. La fille de Maz serait la célèbre tueuse ? Mais ça n’avait aucun sens, pourquoi voudrait-elle assassiner son père ?
Il n’eut pas le temps de pousser plus loin sa réflexion. Deux coups de feu retentirent et les hommes qui accompagnaient Willys s’effondrèrent avec un trou dans la poitrine. Les gardes de l’entrepôt se précipitèrent pour encercler la jeune femme. Park ôta le cran de sureté de son arme, prêt à intervenir. Cette histoire allait très mal se finir.
Contre toute attente, le padrón esquissa un sourire et congédia ses sbires.
« On dirait que les affaires sont terminées, ricana-t-il. Que veux-tu ?
- Qui étaient ces hommes ? interrogea Oni.
- Un créancier à qui je devais pas mal d’argent et son garde du corps. Tu viens de descendre un baron de la drogue industrielle. Ça va t’attirer des ennuis.
- Peu importe. Je veux savoir pourquoi tu as commandité ma mort.
Cette fois, Willys éclata d’un rire guttural qui lui fit monter les larmes aux yeux. Feris ne saisissait pourtant pas ce que la question d’Oni avait de drôle. Le mafieux se servit un verre, le but d’une traite et réprima un hoquet avant de répondre.
- C’est absurde ! Il faudrait être complètement cinglé pour essayer de te descendre !
- Pourtant, quelqu’un a tenté sa chance tout à l’heure. Et des cinglés dans le genre t’en connais pas mal, Ludo. Ne joue pas au con avec moi. »
Au ton glacial de sa voix, Willys comprit que la jeune femme n’hésiterait pas à l’abattre lui aussi. Un spasme fit tressaillir le coin de ses lèvres. Une lueur de crainte traversa ses yeux mais s’évanouit aussi vite qu’elle était apparue. Il se redressa dans son fauteuil et retrouva son assurance.
« Réfléchis une minute, Mort Rouge. Nous avons mis Irotia à genoux quand on bossait ensemble. Tu es la femme la plus dangereuse de ce putain d’empire, tu me crois assez fou pour mettre un contrat sur ta tête ?
La fille de Maz le toisa un long moment avant de baisser son arme.
- Non, reconnut-elle. Mais personne d’autre ne connaissait ma planque de l’impasse Vertigo. Tu as forcément rancardé la personne qui veut me tuer.
- Tu sais que je ne trahis jamais mes clients, Mort Rouge. Alors même si j’étais au courant, je t’enverrais te faire…
- Essaie encore une fois de m’insulter et ta virilité ne sera plus qu’un souvenir. Pigé ?
La réaction d’Oni avait été spectaculaire. En un battement de cœur, elle s’était élancée jusqu’au fauteuil, avait dégainé un couteau et faisait pression sur l'entrejambe de Willys. Le truand blêmit et bafouilla une réponse inaudible. À présent, Feris comprenait pourquoi le padrón avait renvoyé ses gardes. La fille de Maz était redoutable, elle aurait probablement réussi à se débarrasser d’eux.
- Maintenant, continua la jeune femme, je veux juste un nom. Un petit nom de rien du tout et je pars sans t’éventrer. Tu as cinq secondes.
- Attends, tu sais bien que je ne peux pas…
- Quatre.
- Ils vont me buter si je dis quoi que ce soit ! On ne plaisante pas avec ces gens-là !
- Trois.
- Je t’en supplie, tire-toi avant qu’ils ne te trouvent ici, sinon on est foutus !
- Deux.
- Bordel, mais arrête !!
- Un.
- D’accord ! T’as gagné, je déballe ! Mais éloigne ce putain de couteau de moi, tu veux ? »
La jeune femme lui adressa un sourire assassin, rengaina sa lame dans sa botte et s’affala sur un fauteuil. Feris en profita pour consulter rapidement son terminal. Pas de nouvelles de son équipe. Il pesta à voix basse. Seul face à Oni Keltien, il ne pouvait pas intervenir.
« Alors ? cracha-t-elle d’une voix méprisante.
Willys soupira.
- Tu as raison, Dany et Josh bossaient pour moi. Je leur ai ordonné de t’abattre, mais je savais qu’ils n’avaient pas la moindre chance contre toi.
- Dans ce cas, pourquoi les avoir engagés ?
- Parce que je n’ai pas eu le choix. Il y a une nouvelle tueuse en ville, Mort Rouge. Elle a repris ton flambeau, mais elle est beaucoup plus violente et imprévisible que toi. Et le problème, c’est qu’elle ne bosse pas pour moi.
- Je suis au courant, ça fait dix jours que j’essaie de la coincer. C’est elle qui t’a forcé la main ?
Le padrón acquiesça.
- Cette espèce de tarée s’amuse à massacrer mes hommes. Elle a menacé de faire pleuvoir des cadavres si je refusais d’obéir à toutes ses instructions. Evidemment, j’ai refusé. Alors elle a commencé à semer des macchabées dans la ville en laissant ta signature à proximité. Moi je sais que tu n’as rien à voir là-dedans, mais mes gars sont terrifiés. Ils n’osent plus quitter la Ruche pour écouler la marchandise. Hier soir, plusieurs de mes lieutenants sont venus au casino pour me réclamer ta tête. Si je refusais d’agir, j’étais un homme mort.
- C’est pour ça que tu as envoyé des assassins chez moi ?
Willys opina.
- C’était le seul moyen de calmer les choses sans te mettre en danger. Je savais que Josh et Dany ne parviendraient pas à t’éliminer. Je leur ai indiqué comment trouver ta planque, mais j'ai activé ton système d'alarme à distance pour te prévenir de leur arrivée. J’essayais juste de te protéger.
- Tu as une drôle de façon de défendre tes amis, Ludo. Ces crétins ont failli avoir ma peau.
- Si je n’avais pas recruté ces deux idiots, c’est une trentaine de mes gars armés de fusils d’assaut que tu aurais trouvés devant ta porte. Tu devrais me remercier, Mort Rouge. Je n’ai rien lâché à ton admiratrice et je t’ai épargné un peloton d’exécution. En un sens, on peut dire que je t’ai sauvé la vie, non ?
Oni balaya son argument d’un geste rageur.
- Tu as surtout réussi à détruire mon salon et à me mettre en rogne, répliqua-t-elle. Donne-moi une seule bonne raison de ne pas t’exploser la cervelle.
Le vaurien laissa échapper un rire nerveux.
- Si tu voulais me tuer, tu l’aurais fait dès l’instant où tu as franchi cette porte. Range ton jouet, Mort Rouge. Nous savons tous les deux que tu ne t’en serviras pas. On a une ennemie en commun, toi et moi. »
La fille de Maz hésita, prit le temps de jauger le padrón assis en face d’elle. Elle parut se détendre un peu, esquissa un sourire et rengaina son arme. De son côté, Feris essayait de faire le tri dans toutes ces infos. Il avait du mal à assimiler qu’Oni soit une meurtrière, mais l’existence d’une seconde tueuse au service d’une faction rivale était une nouvelle bien plus préoccupante. Ludo Willys ne préparait pas un coup d’état contre le général : il rassemblait ses troupes pour partir en guerre. Sans la présence de l’armée pour intervenir, un affrontement entre les gangs ferait des milliers de victimes.
« On dirait que c’est ton jour de chance, déclara Oni au chef de la pègre. Je suis prête à t’offrir une occasion de te racheter. Mais je te préviens : tu n’as pas intérêt à me la faire à l’envers.
- Qu’est-ce que tu attends de moi ?
- Je veux que tu m’aides à traquer cette nouvelle tueuse. Tu contrôles la police, les prisons et les tribunaux. La moitié des commerçants d’Irotia bossent pour toi, les autres ont tellement peur qu’ils te mangent dans la main. Tu es au courant de tout ce qui se passe en ville, Ludo. Tu as forcément appris des choses à son sujet.
- Tu en fais une affaire personnelle, hein ? Très bien, Mort Rouge. J’accepte ton marché. Je ne serais pas fâché que tu m’enlèves cette épine du pied.
Il se tut quelques instants, prit le temps de réfléchir et ajouta :
- Écoute, je ne sais pas grand-chose. Je ne l’ai rencontrée qu’une fois et elle utilisait un réflecteur holographique pour modifier son visage, exactement comme toi. Tout ce que je peux te dire, c’est que mes gars l’ont aperçue à plusieurs reprises à proximité des casernes. À mon avis, soit elle fait partie de l’armée, soit elle bosse pour un militaire.
- Décris-la physiquement.
- Je pense qu’elle a la quarantaine. Peau sombre, silhouette fine et élancée, probablement des origines édoniennes. En tout cas, elle a l’accent des planètes extérieures. Elle s’exprime dans un lugorien presque parfait, donc elle a passé du temps dans la capitale. Pour le reste, je ne peux jurer de rien.
- Tu brosses le portrait de milliers de femmes, Ludo. Fais un effort, n’y a-t-il pas un détail qui pourrait m’aider à l’identifier ?
Le padrón fronça les sourcils et joua nerveusement avec son cure-dents pendant qu’il réfléchissait.
- Maintenant que tu le dis, elle portait une boucle étrange à son oreille droite. Une sorte de perle d’obsidienne vitrifiée avec des reflets rouges. Je n’en ai jamais vue de pareille.
- Formidable, ironisa la Mort Rouge. Je vais aller loin avec ça. Un bijou qu’elle est susceptible d’ôter à n’importe quel moment. Tu ne veux pas me donner son parfum tant qu’on y est, pour que je puisse chercher son odeur jusqu’à sa prochaine douche ?
Le vaurien grimaça.
- Pas la peine d’être cynique, Mort Rouge. Je t’ai dit tout ce que je savais. De toute façon, c’est elle qui finira par te trouver. À ta place, je quitterais Irotia tant que je peux encore lui échapper. Cette cinglée n'a aucune pitié.
- Je suis une grande fille, Ludo. Je suis capable de me défendre. »
À ce moment, une explosion pulvérisa le mur du fond dans un déluge de gravats et de poussière. Les étagères s’écrasèrent par terre, suivies par les centaines de bouteilles qu’elles supportaient. La table fut projetée au loin par la déflagration et Oni jetée au sol par la puissance du souffle. Le fauteuil de Ludo bascula en arrière et le truand s’écrasa par terre. Feris eut tout juste le temps de s’écarter de la porte avant qu’elle ne claque violemment. Par réflexe, il sortit son terminal pour appeler à l’aide ses baltringues mais aucun signal ne passait à cet endroit. Willys avait sans doute truffé l’entrepôt de brouilleurs pour éviter que la police irotienne ne découvre son trafic. Le mercenaire envisagea de rebrousser chemin jusqu’au Troquet des Parieurs, mais une rafale de coups de feu retentit derrière la porte.
La fille de Maz était toujours à l’intérieur.
Retenant sa respiration pour ne pas inhaler de poussière, Feris rengaina son arme et poussa de toutes ses forces le lourd battant en métal. Le blindage pesait des tonnes, mais il parvint à l’ouvrir suffisamment pour se frayer un passage.
Le hangar de Willys était devenu un vrai champ de bataille.
Une vingtaine d’hommes en arme avaient fait irruption par la brèche. Ils étaient revêtus d’exoarmures et portaient des combinaisons militaires. Plusieurs fantassins équipés de fusils d’assaut ouvrirent le feu. Oni rampa derrière les cuves de fermentation pour profiter de leur maigre couvert et Willys s’abrita tant bien que mal, allongé derrière son fauteuil criblé d’impacts. Heureusement pour eux, la première salve fut tirée à hauteur d’homme et les manqua assez largement. Le vacarme des tirs était assourdissant. Oni fit feu à trois reprises et toucha sa cible à chaque fois, mais ses rayons plasma ricochèrent sur les lourdes protections blindées. Park vida son chargeur sur le commando mais aucun des assaillants ne tomba. Le chaos était tel que personne ne semblait avoir remarqué sa présence. À court de munitions, il battit en retraite pour remettre une capsule pleine dans le réservoir de son arme.
Dans l’entrepôt, les sbires de Willys avaient rejoint leur patron et ripostaient à l’aide d’une mitrailleuse automatique. Deux d’entre eux balancèrent des fumigènes et se précipitèrent pour tenter d’évacuer leur chef. Feris eut juste le temps de les voir s’écrouler avant qu’une épaisse fumée n’envahisse le hangar. Pour lui, c’était le moment idéal. Il devait absolument sauver Oni de ce traquenard. Il plongea la main dans l’une de ses poches et sortit son monoculaire à vision thermique. Il l’activa pour scanner la pièce. Dans le coin opposé, le commando gagnait du terrain. La moitié des hommes de Ludo avaient été fauchés et le padrón semblait lui-même blessé à la hanche. Il se traînait laborieusement à travers le hangar, une main plaquée sur le flanc. Prenant une grande inspiration, Park se précipita dans l’entrepôt pour retrouver la fille de Maz. Mais il fut accueilli par une rafale de plasma et dut battre en retraite. Il était seul face à deux bandes de malades qui jouaient avec des armes lourdes : il ne pouvait rien faire.
Soudain, la trappe du souterrain s’ouvrit et un géant émergea dans la cour de l’usine. Un type immense dont la taille avoisinait les trois mètres. Il avait le visage rude, parcouru de cicatrices et mangé par une barbe de plusieurs jours. Il était accompagné d’une dizaine de baltringues en tenue de combat. Dans le lointain, plusieurs explosions retentirent et des flammes s’élevèrent à travers le ciel. Le mercenaire sourit à son bras droit, heureux de le voir débarquer au meilleur moment. Arund Terk se précipita vers lui pour l’interroger.
« Qu’est-ce qui se passe ici, Feris ? On vient à peine d’arriver et une bande de vandales fait sauter la moitié du quartier !
- Un commando militaire attaque les planques de Willys. Ils sont une vingtaine là-dedans, armés de fusils d’assaut et protégés par des exoarmures. La fille de Maz est piégée à l’intérieur, j’ai besoin d’une diversion pour l’extraire de ce guêpier.
- Ok, on s’en occupe. Prête-moi ta découpeuse. »
Le colosse dégaina son seize-coups à plasma et s’empara d’une courte lame que lui tendait Feris, puis les baltringues entrèrent dans le hangar. Park compta une dizaine de battements de cœur avant de les suivre. Ce qui était quelques minutes avant un entrepôt bien aménagé ressemblait désormais à un champ de ruines. Oni était toujours là, allongée dans un coin près des tonneaux de contrebande. Elle avait eu l’intelligence de se rapprocher de la sortie en traînant une barrique vide devant elle. Les tirs fusaient tout autour et elle ripostait à l’aveugle, de peur de sortir la tête de son abri de fortune. Les mafieux de la bande à Ludo avaient pris la fuite par un accès dérobé. Il ne restait que les mercenaires et la Mort Rouge pour affronter le commando.
Le géant se précipita vers les assaillants qui firent feu à bout portant. Hélas pour eux, Arund Terk portait en permanence une combinaison anti-plasma. La rafale qu’il encaissa de plein fouet lui coupa à peine le souffle. Une seconde plus tard, il bondit sur le commando et le massacre commença. La lame de Feris, grâce à un nano-générateur dissimulé dans la poignée, se mit à vibrer à très grande vitesse. C’était un prototype de découpeuse créé par les ingénieurs de Park Industries pour la Sécurité Civile. Elle était conçue pour percer le blindage des vaisseaux et faciliter l’intervention des secours dans l’espace. Entre les mains du colosse, cette arme improvisée fit des ravages. D’un seul revers puissant, la découpeuse éventra une exoarmure comme si elle était en carton. Le temps que le groupe d’assaut recharge, trois des leurs étaient déjà à terre. Au milieu de cet enfer de bruits et de hurlements, le géant riait comme un dément. Il virevoltait, frappait, fracassait, ignorant le déluge de balles et de plasma qui s’abattait sur sa propre combinaison dans un boucan de tous les diables.
Sachant leurs adversaires occupés pour un moment, Park rejoignit Oni avec prudence. La jeune femme le dévisagea d’un air ébahi quand elle le reconnut. Elle essaya de se mettre debout pour le suivre mais ses jambes se dérobèrent. Une large entaille était visible sur son pantalon et elle saignait de la cuisse. Le mercenaire sortit une compresse d’urgence de sa tunique et l’appliqua sur la plaie, puis lui proposa son aide pour marcher. Oni lui jeta un regard noir mais accepta de s’appuyer sur son bras. Les baltringues se déployèrent en arc-de-cercle pour leur permettre de regagner la sortie. Un rayon plasma les effleura au moment où ils quittaient les lieux. Ils traversèrent la cour de l’usine en claudiquant, fonçant en direction de la rue.
Le quartier était désert et dévoré par les flammes. Terk n’avait pas menti, le commando avait détruit les bâtiments autour pour empêcher les mafieux d’y trouver refuge. Les gaz et la fumée dégagés par l’incendie rendaient l’air irrespirable. La cacophonie des sirènes en provenance du centre-ville leur vrillait les tympans. Feris conseilla à Oni de s’envelopper dans son manteau et ils se trainèrent à toute vitesse dans les ruelles, priant pour qu’un deuxième groupe d’assaillants ne vienne pas leur couper la route. Le mercenaire prit la direction du Troquet des Parieurs pour rejoindre le reste de son équipe, mais Oni le retint par l’épaule et lui fit signe de couper à travers un terrain vague. Quelques instants plus tard, ils débouchèrent devant une navette de transport stationnée dans une impasse.
« Le monorail est plus rapide pour rejoindre le palais du gouverneur, fit remarquer Park. Je déteste voler dans ce genre d’engins.
- Nous n’allons pas voir mon père, répondit Oni avec froideur.
Le mercenaire fit mine de se dégager mais la jeune femme raffermit sa prise sur son épaule. Il sentit le canon d’une arme pointée au creux de ses reins.
- Tu m’as espionnée et tu connais mon secret, dit-elle d’une voix glaciale. Je ne peux pas te laisser partir.
- Que comptes-tu faire, au juste ? Me coller une balle dans la tête ?
- Je n’ai pas encore décidé. Ferme-la et monte dans le vaisseau.
À contrecœur, Feris grimpa dans le cockpit et aida la fille de Maz à le rejoindre. Elle ne protesta pas lorsqu’il s’installa aux commandes mais le garda soigneusement en joue avec son revolver.
- Si tu touches à la balise de détresse, je n’hésiterai pas à faire feu. Démarre. »
Park fit ronfler les propulseurs et la navette s’éleva jusqu’à dépasser le toit des vieux entrepôts. Un panache de fumée noire envahissait le ciel au-dessus du quartier de la Ruche, les plongeant dans une épaisse purée de pois.
« Cap sur l’avenue des Hauts-Jardins, ordonna-t-elle. Je possède une résidence sécurisée où ce commando de malheur ne nous retrouvera pas.
- Tu es sûre ? grogna le mercenaire. Willys connait toutes tes planques à travers la ville.
- Ludo a peur de moi, il ne me trahira pas.
- Ce mec t'a envoyé des assassins pour te descendre, Oni. Ne me dis pas que t’es assez naïve pour avoir gobé son baratin. Tu lui fais confiance au point de parier ta vie ?
La jeune femme lui jeta un regard noir et se renfrogna.
- Tu as une meilleure suggestion, peut-être ?
- J'ai une piaule pas très loin de la Palatine. Tu y serais en sécurité le temps que les choses se calment.
- C’est ça, pour que tes baltringues volent à ton secours. Ne me prends pas pour une conne, Feris Park. Tu rêves d’être le héros qui a coincé la Mort Rouge.
- Je suis surtout le type qui a un flingue sur la tempe et qui a risqué sa vie pour sauver la tienne.
Il marqua une pause, observa Oni et ajouta d’une voix impérieuse :
- C’est ton choix, gamine. Mais à ta place, je me dépêcherais de décider. Les fumées vont s’éclaircir et ça m’étonnerait qu’un commando en exoarmures soit venu jusqu’ici à pied.
La jeune femme poussa un soupir exaspéré.
- D’accord, tu as gagné. Cap sur la Palatine, mais tu n’as pas intérêt à me doubler. Sinon je t’arrache les yeux et je te renvoie chez mon père en pièces détachées.
Le mercenaire lui adressa un sourire narquois.
- Parfait. Je savais qu’on finirait par s’entendre. »
Sur ce, il mit les gaz et leur vaisseau fila en direction du fleuve, laissant derrière lui les carcasses du Troquet des Parieurs et de l’usine qui achevaient de se consumer au loin.
Ce chapitre était plutôt plaisant, on sent la patte de la réécriture sur un chapitre plus ancien, ça a un peu de charme ahah
Les scènes d'action sont sympa, j'ai aussi beaucoup apprécié l'argumentation du chef de bande, qui essaye de faire croire à Oni qu'il a envoyé des tueurs pour la protéger. Son départ avec le mercenaire présage d'un chapitre entre eux. On se demande ce que ça va donner tout ça.
On sent aussi tout le soin que tu as mis dans les descriptions du chapitre, ça apporte quelque chose. Comme il n'y a pas d'ellipses, on suit vraiment tout le trajet de Feris du bar jusqu'au combat final. Ce chapitre est une mini histoire, ce qui est vraiment bien joué.
Tu appuies sur des enjeux intéressants, sur la quête de la deuxième Mort Rouge, il me tarde d'en apprendre plus sur ce personnage et ses motivations. J'imagine déjà l'affrontement entre les deux Mort Rouge (=
Un plaisir de te lire,
A bientôt !
Eh bien, quel commentaire enthousiaste ! Je suis vraiment content que le chapitre fonctionne bien et t'ait emballé dans sa nouvelle version. On ne va pas se mentir, je pense que tu l'as remarqué : il a bénéficié de plusieurs réécritures successives. Au total, j'ai dû passer pas loin d'une dizaine d'heures dessus juste pour le corriger. Alors ça m'arrange de ne pas être obligé d'y revenir pour le modifier en profondeur ^^
L'arc de la deuxième Mort Rouge prend forme ici, je pense ne pas te spoiler en confirmant qu'elle va devenir un personnage central de l'histoire et la principale antagoniste d'Oni. On va en apprendre davantage sur elle au fur et à mesure de l'enquête, mais la révélation de son identité ou de ses objectifs n'est pas pour tout de suite. Un peu de suspense, que diable !
L'un des gros défauts de ce chapitre avant la réécriture, c'est qu'il balançait énormément d'infos en vrac au risque de perdre le lecteur, et que les scènes d'action dans le hangar semblaient confuses. J'ai l'impression à lire ton commentaire que ce n'est plus le cas désormais. Ouf !
Au plaisir,
Ori'
A bientôt !
Je me suis demandé pourquoi il décrivait Maz comme "cynique, cruel, intelligent et sans pitié". Est-ce qu'il fait exprès de déprécier son ami ? Ou alors, est-ce que Maz n'est pas du tout son ami et qu'il est sincère dans sa description ?
Je pose ici une impression, mais fais-en ce que tu en veux (et n'hésite pas à me dire si tu préfères des retours plus concrets et objectifs). Tes personnages me semblent parfois être très contradictoires (Maz qui pleure, stresse, et est un cynique redoutable ? Oni qui est une tueuse et se comporte en gamine ?). C'est peut-être lié au fait que tu as écris il y a longtemps, mais peut-être aussi est-ce lié à un jeu de masques que jouent tous tes personnages ? Est-ce qu'Oni est capricieuse en public pour pouvoir couvrir sa véritable nature ? Est-ce que Maz, dans l'intimité, est un pleutre alcoolique ? En tant qu'ancien-ne comédien-ne, je sais que c'est un principe que l'on travaille beaucoup : les personnages qui sont dans l'intimité l'inverse que ce qu'ils montrent au public.
Si c'est le cas, je ne sais pas comment tu pourrais faire, mais il me semble qu'il faudrait le souligner davantage. Oni ne pourrait alors pas s'énerver toute seule dans sa salle de bain, elle ne serait impulsive qu'en public. Enfin, je te mets ça là comme ça, c'est ton histoire et tes personnages, je ne suis pas censé-e faire des propositions, je crois.
C'est juste que l'histoire est vraiment sympa et encore une fois, elle avance bien, me voilà bien accroché-e, même si je vais m'arrêter pour le moment :-).
Bon courage pour ce retravail ! J'irai voir aussi tes autres oeuvres.
Merci de tes compliments sur l'ambiance et sur mon écriture, ça me rassure, tout n'est pas à jeter dans ces chapitres x)
Concernant mes personnages, il y a plusieurs raisons qui expliquent cette dichotomie et cette impression de confusion :
1 - Au départ, c'était un JDR, ils ont donc été créés par des personnes différentes.
2 - Cette scène a effectivement soufflé ses 15 bougies et j'étais jeune quand je l'ai rédigée, elle a mal vieilli et comme je débutais à peine l'écriture, ça se ressent dans la qualité.
3 - Il y a en effet une volonté (bien mal mise en oeuvre) de rendre les personnages complexes. Et oui, Maz est effectivement un alcoolique qui s'affiche comme un roc inébranlable mais montre sa vraie nature - et ses faiblesses - dans l'intimité.
Pour Oni, c'est juste que son personnage était celui d'une "gamine impulsive et égocentrique", mais je vais complètement la retravailler car ça ne colle pas avec la nouvelle dimension que j'essaie de donner à l'histoire.
4 - Les deux premiers chapitres ont été réécrits, ceux-là non. J'ai modifié assez drastiquement le comportement et la psychologie de Maz, donc il y a en effet un décalage avec la manière dont Feris en parle ici. Ce sera lissé avec la réécriture.
Tu peux tout à fait me proposer des suggestions, c'est autorisé il me semble ; mais ça doit rester une suggestion, tu dois l'indiquer, ne pas le faire de manière condescendante et rappeler un truc du style "enfin voilà, ce n'est qu'une proposition hein, libre à toi de la garder et de t'en inspirer ou pas".
Content que le scénario en lui-même te plaise. Tu verras, il y a encore quelques longueurs (je trouve) dans les chapitres qui suivent avec la présentation (un peu "encyclopédique") des personnages point de vue. Et il y a trop de persos secondaires, je dois faire un élagage. Mais par contre, une fois que l'histoire est vraiment lancée, ça ne s'arrête plus et (j'espère) le scénario est effectivement très prenant :)
En tout cas un immense merci pour tes commentaires,
J'ai pris le temps de réécrire ce chapitre, et j'aimerais beaucoup avoir ton retour sur cette nouvelle version si jamais tu repasses par ici.
Merci,
Ori
Après avoir lu tes 2 premiers chapitres, je t'avoue que j'avais hésité à poursuivre, mais je suis contente de l'avoir fait. Ce chapitre est très bien et se comprendrait sans même avoir les 2 premiers chapitres, ça serait même mieux, car justement il n'y aurait pas d'exposition et on découvrirais le monde petit à petit et qui sont ces deux personnages.
Là je me suis demandée : c'est quoi ce long tunnel interminable ? Où vont-ils déboucher ?
Mes notes :
"les hommes avaient choisi de conserver le vieux calendrier de leurs origines. Bien entendu, celui-ci était devenu complètement obsolète, l’essentiel de l’année se résumant sur cette planète en une alternance de sécheresses et de temps particulièrement pluvieux."
> La phrase est un peu alambiquée pour dire qqchose de simple et les idées se contredisent
Il n'est pas obsolète s'il est conservé, que veux-tu dire par là ? Il est utilisé ou non ? Comment peuvent-ils l'utiliser si les saisons sont différentes ?
Ma suggestion : "Le calendrier originel de la première Terre, avec ses quatre saisons, était toujours d'usage officiel, même si sur XX, le climat était bien différent : de longs mois de sécheresse alternaient avec des périodes de mousson." > Après faut que t'enchaine avec la situation présente, sécheresse ou mousson ? Sinon toute cette exposition ne sert à rien ! Ce n'est qu'une suggestion hein, tu es libre de faire ce que tu veux 🙂
"Mais pour qui travaillait-elle ?"
> Mais pourquoi ? serait une meilleure question
Un bon chapitre je trouve, il y a du mystère, du suspense, il appelle à lire la suite
Je vois que tu relances pour l'idée de couper complètement le prologue et l'arrivée de Feris. Je vais sérieusement y penser du coup !
Pour le passage sur le calendrier, tu as raison ce n'est pas très clair et le terme obsolète n'est pas adapté. Peut-être que désuet conviendrait mieux. L'idée étant qu'il n'est plus vraiment pertinent mais que les Irotiens continuent de l'utiliser par habitude et l'ont juste un peu remanié en ajoutant le mois de valembre.
Je verrai comment présenter ça un peu mieux lors de mes corrections, j'aime assez ta proposition.
À bientôt pour la suite et merci pour ta lecture assidue, tes retours sont précieux !
J'ai pris le temps de réécrire (presque) complètement ce chapitre. J'aimerais beaucoup bénéficier de ton retour, si jamais tu passes par ici. J'ai fait de mon mieux pour éclaircir la scène de fusillade que tu trouvais confuse, et j'ai rajouté quelques dialogues entre Ludo Willys et Oni.
Le final a complètement changé. Oni ne tombe plus dans les pommes, Feris l'aide à sortir de l'entrepôt en flammes. Je te laisse découvrir ce qu'il se passe ensuite et me dire si ça te parait davantage crédible.
Encore merci de ton aide,
Ori
Comme promis, j'ai relu et commenté le chapitre réécrit. Je me lance :
Il est plutôt long et dense, je me demande s'il n'y aurait pas intérêt à simplifier un peu la narration, car les actions sont plutôt simples.
Au début je me disais que Park pourrait être en mode poursuite ou investigation de quelque chose en lien avec l'intrigue. On a l'impression qu'il est dans ce café un peu par hasard, il parle de tout et de rien, poiraute en buvant. On pourrait l'imaginer plus à cranc, à la recherche de quelque chose, histoire de donner un moteur à ce début.
De manière générale, je trouve que tu gagnerais à mieux décrire les actions du pdv de Park, avec ses émotions davantage exprimées. Dans le souterrain, c'est assez descriptif, alors que Park pourrait se poser des questions, se dire que ça fait 10 ans qu'il va dans ce café sans avoir jamais suspecté l'entrée vers ces galeries, il pourrait se perdre, se retrouver soudain dans le noir complet, entendre de petits sons insuiétants, flipper etc
Idem lorsqu'il observe la scène entre Oni et Willys. Il est totalement effacé. N'est-il pas effrayé par la détonation lorsqu'Oni tue les deux gars ? Il voit tout et entend tout trop bien et ne se pose aucune question. Je le ferais venir davantage au premier plan
À la fin, l'arrivée des commandos reste toujours un peu confuse pour moi. Qui est-ce ? Ils sont dans le sol, comment ils arrivent à débouler de la sorte ? Si tout est détruit, comment tout le monde survit ? D'où vient le bras droit de Ferris et comment repart-il tout seul ? Comment peuvent-ils réempeunter le même dédale de tunnels où Park s'est déjà perdu avant, alors que tout est effondré ?
À la route fin, pourquoi aucun flic ou aucune ambulance ne percutent qu'ils sont là ? Je virerais tout ce beau monde. Ils pourraient juste entendre des sirènes au loin et se dépêcher de décamper. La discussion avec Oni pour savoir où aller est un peu longue s'ils sont en mode fuite. Je mettrais davantage de tension et de pression extérieure qui les forceraient à collaborer illico pour se sortir de ce merdier.
Voilà voilà 😄
Après c'est que des avis persos et des suggestions histoire de discuter. Tu es (vous êtes 😉) seul juge bien sûr.
Un chapitre prometteur, la base est clairement là. Oni est mieux campée qu'avant. Il manquerait juste une relecture pour tout bien ficeler, clarifier certains points et virer les longueurs.
Peridotite a encore frappé !
(Dsl pour le délai, j'ai la tête sous l'eau niveau temps. Je n'ai pas seulement les corrections du Darrain à penser, j'ai aussi quatre articles scientifiques sur le feu qui sont en voie d'être publiés. Un vient juste d'être publié après les corrections éditoriales, j'attend la réponse d'un autre avec impatience. Entre temps, je finis d'en écrire deux autres pour des envois cette année. Je suis donc un peu busy je n'ai presque plus aucune soirée pour moi !)
"comment aurait-elle su qu’il viendrait dans ce bar après son entretien avec le général ?"
> Elle l'a peut-être suivi ? C'est ce qu'il devrait se dire si la scène est consécutive à l'entretien avec Maz ?
"Aucune trace d’Oni nulle part."
> J'enlèverais "nulle part"
"Il traversa le couloir sur la pointe des pieds"
> Il porte des Rangers. Peut-il se mettre sur la pointe des pieds ?
"qui contenait de la drogue"
> Un peu générique : quelle drogue ? De la poudre blanche ? (Ou alors elle est comment la drogue dans ce monde ?)
" Bonjour, Feris Park. Comment puis-je vous être utile aujourd’hui ?
- Salut, Résine. Tu peux transmettre un message au professeur Anabellis pour moi ?
- Enregistrement en cours"
> J'enlèverais cette réplique (pour éviter les dialogues du type bonjour ça va ça va et être plus direct)
> ou alors donner une personnalité bizarre à l'IA qui justifie le ça va ça va en apportant du lore ?
"Franz, c’est Feris. Je suis dans le sous-sol du bistrot. Un homme de la Murcia a été refroidi ici. Je vais tâcher de voir de quoi il retourne."
> Idem : cette réplique résume le début du chapitre et n'est pas utile.
"Tout en gardant un œil sur les deux extrémités du couloir, le mercenaire effectua une recherche rapide sur son appareil."
> Pour couper le dialogue, tu peux dire ici : "Tout en gardant un œil sur les deux extrémités du couloir, Ferris appela des renforts en tapotant sur l'écran de son appareil./en prévenant Résine.
"des chambres stériles dans les hôpitaux."
> Des chambres stériles des hôpitaux" ?
"La lumière tremblante qu’il avait aperçue"
> Où ça ? Quelle lumière ?
"Cet endroit était un labyrinthe de corridors identiques sans le moindre indice pour se repérer."
> Au lieu de le dire comme ça, tu pourrais le décrire en train de se perdre. C'est noir. Il n'entend plus rien sauf au loin les talons d'Oni et une faible lueur autour d'elle ? Il monte, il descend, il hésite à faire demi tour mais réalise qu'il ne retrouverait plus son chemin ? Il s'accroche aux bruits des talons d'Oni ? Surtout que juste après tu as "Au troisième embranchement" > c'est tout ? Pas très labyrinthique ?
"Il se déplaçait dans les vieux tunnels qui reliaient les abris antiatomiques de l’armée"
> Il pourrait s'en rendre compte plus tôt ? (au risque de passer pour un idiot)
"Jugeant que le jeu en valait la chandelle"
> Pas sûre qu'il se dise ça a ce moment précis ?
"mercenaire découvrit une inscription sur le mur et comprit enfin la nature des lieux. Il se déplaçait dans les vieux tunnels"
> "Le mercenaire découvrit une inscription [description - une plaque, un graffiti ?] sur le mur : "INSCRIPTION" [> qu'est-ce qu'il lit ?]. Il se déplaçait [était / ?] dans les vieux tunnels
[et comprit enfin la nature des lieux.]>j'enlèverais
"L’ensemble puait le trafic d’alcool à plein nez."
> Ici y a moyen de jouer avec l'odeur de l'alcool qui pue le traffic
"Il y en avait de tous les genres et de toutes les provenances, si nombreuses que Park n’aurait jamais pu les compter"
> Au lieu de la fin de la phrase, on s'attendrait plutôt à des exemples d'alcool (de ton monde, pas un vieux whisky quoi)
Dans la description des 4 mafieux, j'introduirais ce qui se passe du coté de Park. Il ne voit pas bien ? Il s'approche ? Après tout il ne voit qu'à travers un petit interstice.
"Il y avait également des fauteuils de cuir confortables et un écran géant flanqué de haut-parleurs dernier cri.
Quatre personnes se tenaient dans la pièce."
> Tu peux direct combiner les phrases.
> Comment se fait-il que Park voie d'abord la table puis les fauteuils puis les gens assis dessus ?
"Elle avait l’assurance froide d’une tueuse, une femme qui a déjà fait couler du sang et qui n’a pas peur de recommencer. Jamais encore Feris n’avait vu briller cette flamme de détermination et de cruauté dans le regard d’une femme."
> Je mettrais "Jamais.. femme" avant la première phrase ? Ce qui lierait les deux phrases. C'est dans ses yeux déterminés qu'il verrait l'assurance d'Oni.
> Et d'une femme non > d'Oni ?
> Je trouve bizarre de n'avoir aucune réaction de Park. Il doit être choqué non ? Sans réaction de sa part, tu cours le risque de ne pas en créer chez le lecteur
"Parce que je n’ai pas eu choix."
> Le
"et leur équipement était disparate."
> On s'attend à une phrase d'explication. Qu'est-ce qui montre qu'ils sont disparates
Le dialogue avant se lit bien. Il manquerait des pensées de Park par moment. Il est écrit comme s'il n'était pas en train de les épier derrière une porte. Entend-il tout ? Voit-il tout ?
"Il se précipita à l’endroit où Feris était enseveli et dégagea les gravats à toute vitesse. Lorsque Park ouvrit les yeux, il discerna un visage rude, parcouru de cicatrices et mangé par une barbe de plusieurs jours. Arund Terk le remit debout sans effort et épousseta sa veste en cuir de ses grosses paluches."
> Je trouve ce paragraphe un peu confus. J'ai du mal à suivre. Avant c'était bien
"Le mercenaire sourit à son bras droit, heureux de le voir débarquer au meilleur moment."
> Quel mercenaire ? Park ? Je suis perdue
"Un commando en exoarmures a attaqué la planque de Willys."
> Attends voir ce bras droit n'en fait pas partie ?
"bien que mal, ils parcoururent le passage souterrain en évitant les gravats pour regagner ce qui restait du Troquet des Parieurs"
> Tu dis avant que ces tunnels ont explosé pour couper toute sortie aux mafieux donc dans la tête, ils n'existent plus
"Les flics ne leur prêtèrent aucune attention,"
> Mmh j'ai du mal à le croire
Au plaisir de lire la suite 🙂
Waaoh, et bien tu l'as disséquée, cette réécriture ! Un immense merci pour ton boulot, je ne m'attendais pas à avoir un retour si rapide ni aussi élaboré en sachant à quel point tu es débordée ces temps-ci !
Encore une fois, tes remarques sont très pertinentes et m'aident à poser le doigt sur pas mal de choses qui me dérangeaient dans cette v2.
Premier point, et pas des moindres : tu as complètement raison en ce qui concerne Feris, il faut que je le mette davantage en avant et que j'amène plus de ressenti. On a l'impression qu'il s'efface et qu'il n'est que spectateur pendant toute une partie du chapitre.
Deuxième point, tu as également raison concernant l'attaque, même si j'ai déjà fait pas mal de ménage et simplifié au mieux les évènements, ça reste confus. Je vais une fois de plus revoir la fin du chapitre pour éclaircir tout ça. Idem pour le dialogue final entre Feris et Oni, je ferai un essai pour le raccourcir et ajouter de la tension.
Je reviens vers toi quand la v3 sera prête ;p
À tout bientôt, et bon courage pour tes publications !
Ori
Et oui, la fin où des exosquelettes pètent le mur pour entrer, alors qu'on est dans une cave profonde et que tous parviennent à en réchapper (Park, Oni et Willys) alors que tout est effondré me paraît louche. L'action est encore trop confuse (ça pète de partout) pour que je me sente impliquée à 100%.