Chapitre 5 : Les problèmes d'Alexandra

Notes de l’auteur :  
 
 
Merci. =D

Chapitre Cinq : Les problèmes d’Alexandra

 

 

Le lundi se pointa très vite, et Baptiste, Sébastien et Ludovic se rejoignirent à la Cour Blanche. Assis en hauteur sur les escaliers, ils regardaient mutuellement leurs ongles.

 

- Baptiste a battu le record, fit Sébastien. C’est lui qui a les ongles les plus rongés.

- C’est pas vrai, moi, je les ai rongés jusqu’au sang ! C’est moi qui gagne ! riposta Ludovic.

- T’a pété tous tes beaux ongles ? demanda Baptiste, déçu.

- Ouais…tu peux pas savoir à quel point je suis angoissé…

- Bon, c’est quand qu’ils arrivent ?

- Tiens, en parlant du loup…remarqua Sébastien.

- Croisons les doigts, les mecs, lança Ludovic. Ils se pointent vers nous !

 

Florian et Clémence venaient effectivement vers eux. Ils ne se tenaient pas par la main, ils marchaient simplement côte à côte, avec une lueur de complicité dans les yeux. Baptiste, Ludovic et Sébastien transpiraient à grosses gouttes. Lorsque le couple arriva devant les trois amis, ils firent comme si de rien n’était. Clémence s’agenouilla devant chaque garçon pour leur faire la bise.

 

- Ça va ? demanda-t-elle joyeusement.

- Oui, répondirent les trois jeunes hommes qui n’allaient pas bien du tout.

- Z’êtes sûr ? s’inquiéta Florian, qui s’était assis à côté de Ludovic.

- Certain, affirma Baptiste d’une voix blanche.

 

Florian et Clémence se considérèrent gravement, visiblement inquiets de l’état de leurs amis. La jeune fille posa sa main sur le front de Sébastien. Il était chaud.

 

- Sébastien…tu as de la fièvre.

- Moi ? Nan ! Pas du tout !

- Arrêtez ! Vous n’êtes pas bien tous les trois ! Rentrez chez vous et allez vous coucher !

- Qu’est-ce que vous avez fait samedi soir ? demanda Florian.

- Et toi, qu’est-ce que t’as fait samedi soir ? riposta sèchement Ludovic.

- Moi ?

- Oui, toi et Clémence, enrichit Baptiste.

- Nous ? s’étonna la jeune fille.

- À vrai dire, commença Florian, je ne me souviens plus. Je me souviens juste du mal de crâne qu’on avait avec Clémence quand on s’est réveillé dimanche matin.

- Vous avez dormi ensemble ? s’informa Sébastien, d’une voix méfiante.

- Bah oui, fit Florian.

- On n’a même pas défait le lit, continua naïvement Clémence. On est tombé sur le matelas, et hop, dodo. En plus, j’ai mal dormi, je n’étais pas à l’aise dans mes vêtements.

- Comme j’ai écrasé…

- Ça, tu peux le dire, plaisanta la jeune fille. T’étais hyper lourd.

 

Ludovic, Baptiste et Sébastien les regardèrent, médusés.

 

- Vous avez rien fait ? s’étonna Baptiste.

- Comment ça « rien fait » ?

- Non, enfin, on veut dire, vous ne ressortez pas ensemble ? reprit Ludovic, après avoir lancé un regard empoisonné à Baptiste.

 

Clémence et Florian éclatèrent de rire.

 

- Bah non, pourquoi ?

- Flo’, ne me dis pas que t’as aussi oublié ce que vous avez fait en boîte samedi soir ?

- Ben…si.

- Qu’est-ce qu’on a fait ? demanda Clémence.

- Oh rien de spécial…vous avez juste passé de longues minutes à vous embrasser d’une façon très…très…bref, vous me comprenez, fit Sébastien.

 

Florian et Clémence ouvrirent la bouche, gênés.

 

- Ah…firent-ils.

- Donc, on s’inquiétait pour le groupe, expliqua Ludovic.

- Pourquoi ? Le groupe n’a rien à voir là-dedans, dit Florian.

- Bah si, justement, reprit Baptiste. Si tu te remets un jour avec Clémence, nous, on n’est pas contre. Mais si vous vous disputez, que l’un de vous deux ne peut plus supporter l’autre, et qu’il quitte le groupe…le groupe, qu’est-ce qu’il devient ?

- Dîtes-donc, vous disiez que j’étais égoïste, mais vous, vous l’êtes aussi en ce qui concerne le groupe.

- Hey attends, on ne veut pas être mêlé à votre histoire d’amour ! Si y’en un qui quitte le groupe, le groupe il est fichu parce que chacun de nous est indispensable. Si tu voulais sortir avec une fille en dehors, y’avait aucun souci, mais là, tu parles de sortir avec le pilier du groupe !

- D’abord, j’ai jamais dit que je voulais sortir avec elle ! On s’est même mis d’accord sur ça. On a dit qu’on se remettrait ensemble si on est encore célibataire à trente ans. Voilà. Alors tes hypothèses, tu te les gardes pour toi !

- Bon, on ne va pas se disputer quand même ! lança Clémence. Sinon, il est certain que le groupe ne fera pas long feu !

 

Les quatre jeunes hommes observèrent Clémence avec des yeux ronds.

 

- Pour une fois, je dois avouer que tu as raison, lança Baptiste d’un air détaché.

 

Pour toute réponse, la jeune fille le couvrit de coups de poing.

 

- J’ai raison…(cri étouffé) quand j’ai raison ! (cri étouffé)

- Ça va, ça va…calme-toi, tu me fais mal !

- Est-ce qu’on sèche encore le cours de sport cet après-midi ? s’informa Sébastien.

- Pourquoi pas ? fit Florian, qui avait sorti son bloc-note. Ça sert à rien d’avoir des textes s’il n’y a pas de musique ! On est hyper en retard les gars.

- Laisse-moi deviner, s’écria Ludovic. Tu vas écrire sur samedi soir !

- Mieux que ça, je vais écrire sur l’alcool et les jeunes.

 

Florian plongea le nez sur sa page vierge qui devint rapidement noircie par son stylo bic. Curieux, ses quatre amis se penchèrent au-dessus de son épaule.

 

- Par exemple, je pourrais décrire Ludo’ qui se retrouve dans la douche d’un mec qu’il ne connaît pas après avoir passé la nuit à boire une dizaine de Whisky-Coca…taquina Florian.

- Je t’étripe si tu oses faire ça !

- Je pourrais décrire Baptiste et Sébastien en train de se demander s’ils demandent à la fille de remettre ça ce soir ou pas…

- Hey ! s’indignèrent les deux frères. Si tu nous fais passer pour des obsédés, on te jure qu’on fera tout pour que Cindy te viole !

- Je pourrais décrire Clémence, avec un T-shirt beaucoup trop grand pour elle, en train de se poser des questions sur le lieu où elle se trouve…continua Florian, bien décidé à énerver ses amis.

 

Comme elle l’a fait à Baptiste, la jeune fille lui sauta dessus pour le rouer des coups.

 

- Tu pourrais te décrire appuyé contre le mur parce que tu es chancelant à force d’avoir trop bu…dit-elle d’un air diabolique.

- Dis-donc toi, t’es déchaînée aujourd’hui, plaisanta Sébastien.

 

Clémence rit, toujours accrochée au cou de Florian, qui lui, ne riait plus du tout. Il venait d’apercevoir la jeune fille à l’écharpe. Elle venait de passer lentement en bas de leur escalier, le regard fixé sur le sol. Au même moment, la sonnerie marqua le début des cours et les habituels soupires et grognements se firent entendre au sein du groupe. Florian restait muet et immobile. Il aurait juré voir des larmes perlées sur les joues de la jeune fille.

 

- Flo’, qu’est-ce que t’as ? demanda Ludovic, inquiet.

- Rien.

 

Il se leva rapidement, se détachant ainsi d’une Clémence étonnée. Il descendit les escaliers et avant de suivre la direction qu’avais pris la jeune fille, il se tourna vers ses amis.

 

- Allez en cours. Je vous rejoins dans une heure !

 

Puis sans attendre une quelconque réponse, il repartit sur les traces de la jeune fille.

 

- Sérieusement, je ne sais pas ce qu’il a depuis quelques temps…soupira Baptiste.

- C’est pas le plus important…s’exclama Sébastien. Le plus important, c’est qu’il ne nous décrive pas comme des obsédés dans son prochain texte !

- Tiens, en parlant de « truc important », commença Ludovic, j’aimerais savoir avec quoi tu as dessiné ton petit cochon sur ma nuque…

- Bah, avec un feutre indélébile. Pourquoi ?

 

Ludovic devint tout rouge et Clémence osa même penser qu’une fumée blanche sortait de ses oreilles.

 

- Ton petit cochon de merde ne part plus ! hurla-t-il.

- Ah bon ? fit Sébastien d’un air faussement étonné.

- Je vais te tuer !

 

Ludovic sauta sur Sébastien et le renversa sur les fesses. La victime gesticula dans tous les sens -comme un petit cochon- et se mit à pousser des hurlements qui se firent entendre dans tout le lycée. Clémence et Baptiste se soutenaient mutuellement pour ne pas tomber ; ils étaient pris d’un grand fou rire.

 

- Lulu’…commença Clémence, avant de s’étouffer.

- P’tit frère ! appela désespérément Baptiste avant de s’écrouler sur une marche.

- Au sec…hurla Sébastien d’une voix aiguë, les quatre fers en l’air. Vais mourir ! Vais mou… Argh ! Maman ! Ma… Lu… stop ! Arrê... Chemise... J’lègue mes chemi… à mon frère… Ma basse… à Clémence… Argh ! Et Alysson… mes cigarettes… À mon ex… Mais euh ! Putain… Lulu… pitié ! Aïe !

 

À présent, Ludovic avait entreprit la dure tâche d’étrangler Sébastien. Baptiste et Clémence étaient impuissants, toujours secoués par leurs fous rires.

 

- Ludovic, arrête maintenant ! ordonna la jeune fille, en essayant de reprendre son souffle.

- Ma mère se suicide si elle s’aperçoit que son petit bébé a été étranglé par son meilleur ami !

- Argh…fit Sébastien, pour soutenir les arguments de son frère.

- Lulu’, c’est pas la meilleure solution…

- Baptiste a raison, si tu veux enlever le petit cochon de ton cou, il faut utiliser des produits décapants.

 

Ludovic s’arrêta de torturer Sébastien, sans pour autant ôter ses mains de sa gorge. Il regarda Clémence d’un air interrogateur.

 

- T’es sûre que ça s’enlève avec des produits décapants ?

- Oui, c’est la dernière solution à ton problème.

- Argh…confirma Sébastien.

- Bon, dans ce cas, je veux bien faire un effort…mais il a intérêt à ne plus m’emmerder avec ses petits cochons, sinon j’lui fais bouffer son feutre indélébile !

 

Ludovic lâcha la gorge de Sébastien, qui soupira de soulagement.

 

- Je vois des étoiles, fit-il béatement en se relevant.

- Manquait plus que ça…soupira le frère.

 

Baptiste s’accroupit près de Sébastien et lui montra deux doigts de sa main.

 

- Combien de doigts ? demanda-t-il, méfiant.

- Sept, répondit le jeune frère sans la moindre hésitation.

 

Pour toute confirmation, Baptiste lui administra une magistrale gifle. Durant quelques secondes, la tête de Sébastien tangua dangereusement de gauche à droite, puis se remit à sa place correctement.

 

- Argh…

- Combien de doigts ? répéta Baptiste.

- Deux petits cochons.

- Ça va, il est à nouveau dans son état normal. Ma mère n’y verra que du feu.

- Mon pauvre Sébastien…soupira Clémence en prenant le jeune homme dans ses bras pour le bercer. Des tortionnaires, ce sont des tortionnaires ; ils te martyrisent.

- Oui, pleurnicha l’intéressé. T’as vu ça, Clém’, ils sont méchants avec moi. Même mon grand frère. J’le dirai à ma maman !

- Hey, c’est pas le seul à plaindre ! Moi, j’ai un petit cochon derrière le cou, et personne ne me console !

- Ludo’, je m’en occuperais de ton petit cochon derrière le cou ; cette après-midi, on ira chez moi pour soigner ça, rassura la jeune fille avant de s’intéresser à nouveau à Sébastien. Ça va, Séb’, tu tiens debout ?

- Il faut que tu me soutiennes…couina le jeune homme. J’ai été brutalisé… Il faut que tu me fasses pleins de câlins et pleins de bisous pour que je me remette…

- Mouais, on verra ! fit-elle, méfiante.

- Bon, les gars…commença Baptiste.

- Je suis une fille, précisa Clémence.

- C’est pareil, commenta Ludovic.

- Bon, les gars et la fille…reprit le jeune homme blond. On a plus de dix minutes de retard ; Flo’ a déserté ; Ludo’ est handicapé de la nuque ; Séb ne tient plus sur ses jambes ; et les cours ont déjà commencé. Deux choix sont possibles : soit on va en cours et on se fait gueuler dessus (et peut-être virer de la classe), soit on ne prend pas le risque de se faire défoncer et on sèche le cours. La question est : qu’est-ce qu’on fait ?

- On sèche, répondirent trois voix en cœur.

 

 

 

Florian s’engouffra silencieusement dans le C.D.I. ; il avait perdu la trace de la jeune fille mais il était certain qu’elle se cachait ici. Il s’enfonça dans les rayons. Il s’arrêta quelques instants devant le rayon des manuels de Terminale.

 

« Pas ici, elle est trop petite pour être en Terminale ».

 

Il continua son chemin à travers les rayons. Il s’arrêta une nouvelle fois devant le rayon « Essais ».

 

« Non, elle n’est pas du genre philosophique ».

 

Il avança encore jusqu’au rayon suivant, celui du Théâtre.

 

« Comédienne comme Baptiste ? Non, ça se verrait sur son visage ».

 

Il passa devant les étagères où reposaient les recueils de poésie.

 

« Poète ? Pourquoi pas ? ».

 

Mais il n’y avait personne. Il ne restait plus beaucoup de rayons, mais Florian continua sa route.

 

« Peut-être dans les romans… Romans policiers, à l’eau de rose, d’aventures ou de science-fiction ? ».

 

Un son se fit entendre ; Florian tendit l’oreille. Il s’engagea dans le rayon, en suivant le bruit. C’était des doigts. C’était des doigts qui effleuraient les dos des livres. Le jeune homme se baissa et scruta à travers deux ouvrages l’ombre des doigts qui glissaient sur les livres de l’autre côté du rayon.

 

- Q…Queneau…R…Rabelais…S…Saint-Exupéry… murmura une petite voix. Ça y’est.

 

Les doigts firent tomber des livres les uns sur les autres dans un bruit sec, et saisirent un volume de taille moyenne. Un faisceau de lumière remplaça la place du livre et frappa les pupilles de Florian quelques secondes. Il s’aperçut que deux yeux stupéfaits l’observaient derrière le rayon. Un sourire de prédateur se dessina sur le visage du jeune homme. Il se releva et fit le tour du rayon, triomphant.

 

- Ah, je te tiens ! s’exclama-t-il.

 

Sous le choc, la jeune fille était encore accroupie, son livre à la main, et ne semblait pas accorder de l’importance au fait que son écharpe traîne par terre. Elle changea de couleur. De rose, elle passa au blanc, puis au rouge. Elle se releva brutalement en bredouillant quelques excuses.

 

- Bah, pourquoi tu t’excuses ? demanda Florian, que la situation amusait.

 

La jeune fille ne répondit pas, rajusta son écharpe et reprit sa route vers la sortie du C.D.I. dans l’ignorance la plus absolue.

 

- Hey ! Minute Papillon ! Pas si vite, j’en ai pas terminé avec toi ! s’écria le jeune homme en lui courant après.

 

Il la rattrapa par le bras et la tira vers lui.

 

- Ah mais laisse-moi ! hurla-t-elle en se débattant.

- Nan. Suis-moi.

- J’ai cours, protesta la jeune fille.

- Menteuse, les cours ont commencé il y’a plus de vingt minutes !

- Justement, je suis en retard !

- Hey, fais attention à ce que tu dis, j’ai déjà eu ton âge !

 

Florian l’entraîna tout au fond de la salle, derrière les derniers rayons. Elle se laissa faire, mais décida toutefois de garder sa langue dans sa poche.

 

- Bah, assis-toi, dit-il. Tu vas rester planter là avec ton sac à la main.

 

La jeune fille ne répondit pas.

 

- Oh, tu sais parler ? T’a perdu ta langue ?

 

Pour toute réponse, elle lui tira la sienne.

 

- Petite arrogante, va. On ne tire pas la langue à son aîné. Comment tu t’appelles ?

- Alexandra, mais Alex, ça va plus vite, répondit-elle, en reprenant sa couleur pivoine.

- Ok, moi c’est…

- Florian, je sais, fit Alex d’une traite.

 

Le jeune homme lui lança un regard interrogateur, ce qui ne fit qu’augmenter ses rougeurs.

 

- C’est écrit sur ta gourmette, expliqua-t-elle.

 

Florian regarda sa gourmette et hocha la tête d’un air affirmatif.

 

- En effet, belle déduction, j’aurais pas fait mieux. Dis-moi, pourquoi tu pleurais tout à l’heure ?

- Je ne pleurais pas, répondit sèchement Alex.

- Prends-moi pour un con.

- Comme tu veux.

- Non, sérieusement, dis-moi.

- Pourquoi je devrais te le dire ?

- Parce que je veux savoir, c’est tout.

- Et qu’est-ce que tu en as à faire de moi ?

- Bah…commença Florian.

 

Il s’arrêta. C’était vrai, qu’est-ce qu’il en avait à faire de cette fille ?

 

- À vrai dire…je sais pas. Tu m’intrigues, c’est tout.

- Ah bon ? Depuis quand je peux intriguer quelqu’un, moi ?

- Hey, le prends pas mal…

- Et qué, « le prends pas mal » ? Comment veux-tu que je le prenne ? Si tu viens me voir pour te foutre de ma gueule, tu ferais mieux de repartir et de tout raconter à tes copains ! Comme ça, vous rigolerez bien !

 

Florian ne comprit ni son agressivité, ni ce qu’elle racontait.

 

- Euh…fit-il pour toute réponse.

 

Et avant qu’il puisse rajouter quelque chose, elle se mit à pleurer. Ses lunettes étaient embuées et de grosses larmes perlaient sur les verres.

 

- Oh Alex, pourquoi tu pleures ? demanda Florian, en le prenant dans ses bras.

 

Alex trembla un instant et, sans l’accord du jeune homme, elle se moucha dans son T-shirt.

 

- J’en ai marre, dit-elle doucement. À chaque fois que les gens me parlent, c’est pour se moquer de moi. Et à chaque fois, je craque et je me mets à pleurer parce que j’accumule tout ce qu’ils me disent. Ça les fait rigoler quand je pleure. Ils aiment avoir une meilleure note que moi, parce qu’ils imaginent que je suis une intello, et qu’ils aiment me dépasser. Mais je suis pas une intello moi. Je travaille, j’essaie de me débrouiller pour avoir la moyenne. Ils aiment se moquer de moi parce que je suis moche et que j’ai une tête à faire rire. Et puis voilà quoi… Tu t’en fiches, mais bon, je te le dis quand même.

- Tu n’as qu’à les mater, proposa gentiment Florian.

- À chaque fois, je me mets à hurler, je provoque un scandale. Mais quand j’essaye de me faire entendre, ils rigolent. C’est pas facile, tu sais.

- Je sais. C’est toi qui rigoleras plus tard quand ils seront vieux, et quand ils seront obligés de porter des lunettes. Toi, à leur âge, tu les mettras occasionnellement. Quoique je suis mal placé pour parler, j’ai aussi des problèmes de vue, et je mets pas mes lunettes.

- Ça m’aiderait si tu les mettais de temps en temps. Si tu en portais, les gens se moqueraient moins de moi.

- Écoute, pourquoi tu mettrais pas des lentilles ?

- Beurk ! S’enfoncer ce truc dans l’œil, t’es fou !

- J’ai un copain, dont je garde l’anonymat, qui met des lentilles. Ça lui va vachement bien, on s’en rend pas compte !

- Je préfère garder mes lunettes.

- Tu vois, tu ne fais pas d’efforts. Pourquoi tu changerais pas de coiffure ?

- Rien ne me va, répondit Alex.

- Roh, t’es trop têtue, j’abandonne.

- Merci.

 

Alex se retira des bras de Florian et ôta ses lunettes pour les essuyer avec son écharpe. Le jeune homme la regarda faire. Lorsqu’elle les remit sur son nez, il les enleva aussitôt et se recula jusqu’à la fenêtre.

 

- Rends-moi mes lunettes ! pesta Alex les mains tendues devant elle.

- Viens les chercher.

- T’es chiant.

- Je sais.

- Tu t’es jamais demandé pourquoi je portais des lunettes ? C’est parce que je ne vois pas ! Alors comment veux-tu que je vienne les chercher ?

 

Elle clignait rapidement des yeux. Ses paupières étaient presque fermées, ses sourcils froncés, son nez plissé et ses lèvres retroussées.

 

- J’adore la bouille que tu fais, remarqua Florian en mettant les lunettes sur son nez. Ah putain, ça fait trop mal aux yeux !

 

Il les retira en quatrième vitesse.

 

- Bien fait, lança Alex. Rends-moi mes lunettes.

- D’accord.

 

Il s’approcha d’Alex et lui déposa délicatement les lunettes sur le nez.

 

- T’as un copain ? demanda Florian en se retournant pour son bloc-note de son sac.

 

Alex éclata de rire.

 

- Nan, mais tu rigoles ! s’écria-t-elle.

- Bah…non.

- Bien sûr que non, j’ai pas de copain ! Faudrait être complètement taré pour vouloir sortir avec moi !

- C’était pour ça que tu pleurais tout à l’heure ?

- De quoi ? répéta Alex, qui ne comprenait pas.

- Laisse tomber. T’as un trou demain ?

- Oui, de dix à onze heures.

- Parfait, l’heure où je suis censé avoir maths !

- Tu vas sécher ?

- Bah oui. Donc demain, tu m’attends au C.D.I. à dix heures, compris ?

- Mouais…

- Me pose pas de lapin, sinon je vais t’en faire baver.

 

Du haut de son mètre 55, Alex lui tira à nouveau la langue et Florian lui donna une petite tape sèche sur le crâne.

 

- Vilaine. Allez file, je dois écrire.

- Tu écris quoi ? demanda-t-elle, intéressée.

- Des textes.

- J’aime écrire, dit Alex après un silence.

- Tu écris quoi ? Des poèmes ?

- Non. Des histoires.

- Tu me les feras lire ?

- J’sais pas. Non, je crois pas.

- Bah pourquoi ?

- Parce que tu vas te moquer.

- Mais non…

- Je prends pas le risque.

- Tu donnes bien l’image d’une fille qui rêvasse.

- Je sais. La prof de maths me le reproche souvent. Soi-disant que je regarde par la fenêtre plutôt que de faire mes exercices sur les fonctions.

- C’est pas bien ça. Qu’est-ce que tu regardes par la fenêtre ? demanda Florian en griffonnant sur son bloc-note.

- Toi.

- Je suis un sage garçon, je ne sèche jamais les cours ; il est impossible que tu me voies dans la cour à faire je-ne-sais-quoi. T’as qui en maths ?

- Gimenez.

- Oh la poisse ! Je l’ai aussi.

- Je lui dirais que tu comptes sécher son cours demain matin.

- Tu fais ce que tu veux, je suis couvert.

- Par qui ?

- Un copain qui ment comme il respire.

- Qui ?

- Baptiste.

- C’est qui ?

- Un copain tout blond.

- Ah oui, je vois. C’est lui qui porte des lentilles ?

- Non.

- C’est qui alors ?

- Je peux pas le dire. J’ai promis de garder le secret même sous la torture.

- Même à moi ?

- Ouais.

- C’est le brun alors ?

- Nous sommes tous bruns dans le groupe, excepté Baptiste.

- Celui qui a des cheveux qui tombent jusqu’aux oreilles ?

- Sébastien ?

- Oui.

- Nan, c’est pas lui.

- Ah, c’est celui qui a les cheveux bouclés, qui fait au moins un mètre 90 et qui est hyper mignon ?

- Ludovic ?

- Oui.

- Il est peut-être mignon, mais il est gay. Dommage pour toi ma fille.

- Ah. De toutes façons, il ne m’intéressait pas. Alors, c’est lui qui porte des lentilles ?

- Je ne te le dirais pas.

- Ça peut être que lui, de toutes façons.

- T’es logique.

 

Alex s’assit sur la table et observa Florian écrire sur son bloc-note.

 

- Tu écris sur quoi ?

- L’alcool. Je te promets que demain, j’écrirais sur toi.

- Sur moi ?

- Ouais, t’es une fille intéressante, t’es pas comme les autres. T’as de l’esprit, au moins. Et à part Clémence, je connais peu de filles qui en ont.

- Clémence, c’est ta copine ? demanda la jeune fille, rougie par les paroles de Florian.

- Ça dépend de ce que tu entends par « copine ». C’est ma meilleure amie.

- Moi aussi, j’écris sur toi. Mais j’écris sur toi à travers un autre personnage.

- Ah bon ? Dis-moi, tu ne lui fais pas subir milles supplices à mon personnage, j’espère ?

- Non…fit Alex, en faisant mine de réfléchir.

- Sadique.

- Je peux jeter un coup d’œil sur ton texte s’il te plaît ?

- T’as bien de la chance, t’es la première à le voir presque terminé.

 

 

 

Qu'est ce qui s'est passé hier ? Je ne me rappelle plus de rien J'ai vu enchaîné les verres Ça ne finit jamais bien

Il y a quelqu'un dans ma douche Et je sais même pas qui s’est Il s'est passé un truc louche Mais qu'est ce que j'ai fait ?

Qu'est ce que j'ai fait ?

Yeah, yeah Mais qu'est ce que j'ai fait ?

Yeah, yeah Mais qu'est ce que j'ai fait ?

Qu'est ce que j'ai fait ?

Yeah, yeah Mais qu'est ce que j'ai fait ?

Yeah, yeah Mais qu'est ce que j'ai fait ?

Je pose un pied sur le sol J'ai peur de ce que je vais voir Soit je lui dis c'était l'alcool Soit on remet ça ce soir

Qu'est ce que c'est que ce tee-shirt ? Qui fait la taille du canapé ? Toute cette histoire me fait peur Mais qu'est ce que j'ai fait ?

Qu'est ce que j'ai fait ?

Yeah, yeah Mais qu'est ce que j'ai fait ?

Yeah, yeah Mais qu'est ce que j'ai fait ?

Qu'est ce que j'ai fait ?

Yeah, yeah Mais qu'est ce que j'ai fait ?

Yeah, yeah Mais qu'est ce que j'ai fait ?

Merde, je ne tiens plus debout Je m'adosse au mur pour pas tomber Il y a du papier peint partout J’avais jamais remarqué

Mais depuis quand j'ai un chat Où est passé ma télé ? Ou alors j’suis pas chez moi ? Mais qu'est ce que j'ai fait ?

Qu'est ce que j'ai fait ?

Yeah, yeah Mais qu'est ce que j'ai fait ?

Yeah, yeah Mais qu'est ce que j'ai fait ?

Qu'est ce que j'ai fait ?

Yeah, yeah Mais qu'est ce que j'ai fait ?

Yeah, yeah Mais qu'est ce que j'ai fait ?

 

 

- Super, c’est vachement original ! s’exclama Alex.

- Merci.

 

Alex feuilleta le bloc-note, mais elle fut interrompue par Florian qui voulait lui retirer des mains.

 

- Tsss ! Le reste, c’est personnel !

- C’est sur ta chérie ! s’écria Alex.

- Nan, j’ai pas de chérie ! C’est sur ma mère !

- Sur ta mère ?

- Alex, lâche ce bloc-note ou je me mets en colère, et j’aimerais pas que tu sois victime de mes crises !

 

Alex obéit, apeurée.

 

- Merci.

- Bon, je vais devoir y aller, fit la jeune fille en regardant sa montre.

- On se voit demain ?

- Oui.

 

Alex ramassa son sac, réajusta son écharpe, et détala vers la sortie du C.D.I.. Seul avec son bloc-note, Florian resta pensif jusqu’à la sonnerie.

 

 

 

- Allez, entrez les gars.

 

Clémence ouvrit la porte de sa maison, et laissa entrer Florian, Ludovic, Baptiste et Sébastien.

 

- Au fait, où t’étais passé Flo’ ce matin ? demanda Ludovic.

- Je discutais avec une fille.

- J’le savais ! s’exclama Baptiste en écrasant ses doigts sur le piano familial, et d’où un son horrible en sortit.

- Putain Baptiste ! s’écria Clémence en emprisonnant sa tête entre ses mains.

- Quoi ?

- Promets-moi que c’est la dernière fois que tu touches un piano ! T’as pas le profil de pianiste et tu fais un boucan terrible.

- Hey, c’est pas ma faute si ton piano n’est pas accordé !

- Il est accordé figure-toi ! C’est toi qui fait n’importe quoi !

- Bon, mon problème est urgent, intervint Ludovic. J’aimerais qu’on m’enlève la merde qu’a dessiné Sébastien.

- Hey, mon petit cochon, c’est du luxe !

- Toi, ta gueule !

 

La conversation dévia sur le problème de Ludovic, ce qui permit à Florian d’échapper à l’interrogatoire des autres membres du groupe. Clémence entraîna les quatre garçons dans sa chambre. Hélas, la chambre si bien rangée de la jeune fille se transforma bien vite en champ de bataille. Baptiste commença à farfouiller dans la collection de disques de Clémence, Sébastien se mit à jouer avec son ours en peluche, et Florian se lança dans une grande réflexion sur ses chaussons de danse classique, accrochés sur le mur. Quant à Ludovic, il enleva son sweat (laissant dévoiler au passage un torse bien musclé) et plongea à plat ventre sur le lit de Clémence. La jeune fille sortit un instant de sa chambre, puis revint avec du coton, des pansements et d’autres produits méconnus aux yeux de Ludovic.

 

- Allez, c’est parti, dit Clémence avec détermination.

 

Elle s’assit à côté du jeune homme et releva ses boucles brunes à l’aide d’une petite pince. Le petit cochon de Sébastien était désormais découvert au grand jour.

 

- Mon dieu, que c’est moche ! s’horrifia la jeune fille en louchant sur le dessin. Bon, Lulu’, garde la mâchoire fermée, ça va être un peu douloureux.

 

Elle prit une petite bouteille qui portait un petit logo orange.

 

- Hey, s’écria un Ludovic affolé, c’est un produit corrosif !

- Oui.

- Mais ça va me creuser la peau ! Nan, Clémence, je refuse que tu m’auscultes avec un produit chimique !

- Tant pis pour toi, tu garderas ton petit cochon à vie, fit la jeune fille en rebouchant la petite bouteille.

- Mais euh…

- Lulu’, c’est de l’acide chlorhydrique !

- Mon dieu ! Je vais m’évanouir !

- Ça va simplement t’irriter la peau.

- Ça va faire partir la peau, oui. Je refuse Clémence, tu m’entends, je refuse. Trouve autre chose pour enlever cette merde de ma nuque !

- Très bien, lança la jeune fille. Je vais prendre du savon classique et frotter très fort.

 

Elle sortit de sa chambre en courant et revint quelques minutes pus tard avec du savon et un gant. Elle savonna doucement la nuque de Ludovic. Ensuite, l’espiègle Clémence versa secrètement une goutte d’acide chlorhydrique sur la fine peau du jeune homme. Florian, Baptiste et Sébastien regardaient la scène avec autant d’impatience qu’un supporter devant un match de foot. Ludovic ne se rendit pas compte directement que Clémence avait usé d’un produit chimique pour parvenir à ses fins. Mais, au bout de quelques instants, alors que la jeune fille frottait doucement avec le savon, il sentit des picotements. Les picotements lui donnèrent rapidement l’effet d’une brûlure.

 

- Clémence…

- Oui ? fit la jeune fille, d’une voix compatissante.

- Ça brûle.

- Le petit cochon est en train de partir.

 

Ce fut un énorme mensonge. Le petit cochon était bien en train de partir, certes, mais il n’était pas le seul. Un morceau de peau se décollait aussi. Ludovic ressentit une vive douleur à cet endroit, juste au moment où Clémence retirait délicatement le morceau de peau.

 

- Clémence ! hurla-t-il.

- Oui ?

- Qu’est-ce que t’as mis ?!

 

Il n’attendit pas la réponse et leva sa tête du coussin pour découvrir, à sa plus grande horreur, le produit corrosif ouvert et posé sur la table de nuit. Il avait mal à l’endroit où la peau n’existait plus, et lorsqu’il faisait un mouvement de la tête, la douleur se faisait plus terrible encore.

 

- Mon pauvre Ludovic… Je suis désolée… Je vais te désinfecter tout cela avec de l’Héxomédine, attends-moi.

 

Elle se leva et sortit une nouvelle fois de sa chambre. Sébastien semblait parfaitement désolé de son acte.

 

- Pauvre Ludovic…firent Florian, Baptiste et Sébastien en cœur.

- Les mecs, faites-moi penser à quelque chose la prochaine fois que je dois me faire soigner…commença le jeune homme.

- Oui ?

- Faites-moi penser à ne pas prendre Clémence comme infirmière personnelle.

- Pourquoi ? demanda Baptiste.

- Parce qu’elle n’est pas diplômée…

 

Clémence revint dans sa chambre avec un autre flacon à la main. Ludovic se relava sur ses genoux et fixa la jeune fille.

 

- Attends une minute. Je te vois venir. Tu comptes mettre de l’Héxomédine sur ma chair si tendre, si brute et si fragile. Ça va me brûler dix fois plus que ton produit chimique !

- C’est pour désinfecter.

- Je ne veux pas savoir…Argh ! hurla Ludovic. Putain de merde !

 

Clémence n’avait pas attendu son consentement et lui avait plaqué un coton mouillé d’Héxomédine sur l’endroit où il n’y avait plus la peau. Ludovic cria de douleur, même lorsque la jeune fille souffla sur la plaie. Pour terminer sa tâche, elle colla délicatement un pansement à l’endroit où se trouvait le petit cochon avant « l’opération ».

 

- Voilà Lulu’. Je ne peux pas dire que tu auras été courageux, mais au moins, tu es débarrassé du vilain petit cochon de Sébastien.

 

Elle ébouriffa les cheveux bouclés de Ludovic et lui colla un gros bisou sur la joue.

 

- Ça fait mal, se plaignit le jeune homme. Je souffre le martyre !

- Je sais Lulu’, il faut attendre que la peau se reforme.

- Ludovic, commença Sébastien en s’avançant d’un pas, je t’ai toujours considéré comme un con, tu m’as toujours considéré comme un con, mais je voulais m’excuser de t’avoir dessiné un petit cochon sur la nuque avec un feutre indélébile, à condition que tu t’excuses d’avoir englouti trois Whisky-Coca de suite samedi soir et de m’avoir torturé ce matin.

- Et t’es censé t’excuser…nargua Ludovic.

 

Mais les deux amis finirent par se serrer la main.

 

- Comment tu fais Lulu’ pour avoir tant de muscles ? demanda Baptiste, dont la question trottait depuis un certain temps dans la tête.

- Du sport, répondit l’intéressé.

- Ouah, fit Sébastien, admiratif.

- Qu’est-ce que je donnerais pour avoir les mêmes ! s’exclama Florian.

- Ah ah, vous m’enviez tous, hein ?

- Ouais !

- Mon dieu Clémence ! s’exclama soudainement Baptiste.

- Quoi ?

- Tu as du Vivaldi dans tes disques !

- Oui. Et alors ?

- Mais c’est ringard !

- Ça détend, répondit-elle simplement en haussant les épaules.

 

Baptiste continua à farfouiller dans la pile de disques de la jeune fille.

 

- Maroon 5, Dido, Norah Jones…t’as vraiment des goûts de chiotte Clémence.

- Je ne t’ai pas demandé ton avis. Tu sais très bien que j’aime tout sauf le rap, le raï, le métal et le hardcore !

- Le rap s’incline, le rock domine, dit sagement Ludovic.

- Dax Riders ! hurla soudainement Sébastien en sautant sur la jeune fille qui bascula en arrière.

 

Les deux amis s’étalèrent sur le lit de Clémence.

 

- Qu’est-ce qui lui prend ? demanda Ludovic à Baptiste.

- J’sais pas.

- Séb, laisse-moi ! Tu m’étouffes !

 

Sébastien était entré dans la « phase bisous » et c’était Clémence qui en faisait les frais aujourd’hui.

 

- Séb !

- Bisous !

- Arrête !

- Gâtés !

- Putain, on s’en sort pas…soupira Florian.

 

Clémence finit par pousser Sébastien qui se catapulta sur l’énorme oreiller.

 

- Mais euh…fit le jeune homme en faisant la moue.

- Clémence, tu m’accompagnes à la cuisine ? demanda Baptiste. Comme ça, on ramène de quoi bouffer.

 

Sans un mot, Clémence suivit Baptiste jusqu’à la cuisine. Une fois arrivés dans la pièce, la jeune fille ferma la porte.

 

- Qu’est-ce que tu voulais me dire ? demanda-t-elle.

- Ne sois pas trop dure avec Séb… C’est sans doute lui qui souffre le plus.

- Je sais…

- T’es un peu comme une mère pour nous tous. Regarde, Florian a des problèmes avec la sienne et c’est vers toi qu’il cherche du soutien. La nôtre ne s’occupe plus de nous, et toi t’es toujours là pour mon frère et moi. C’est normal que Sébastien s’attache à toi. C’est un vrai gamin ; il est un gros friand de câlins. Et comme ça fait des années que ma mère ne lui en a plus fait… Bref, tu me comprends.

- Oui.

- Il n’arrête pas de culpabiliser. Il croit que c’est de sa faute si les parents se disputent. Il prend tout sur lui alors qu’il devrait sans foutre. Alors moi, ça me fait de la peine parce que c’est mon petit frère et je sais qu’il est fragile. La nuit, des fois, je l’entends pleurer. Tu peux pas savoir comment c’est insupportable. Et je peux rien faire. C’est ça le pire. À chaque fois qu’il rentre à la maison, il a une idée bien en tête. Il s’imagine que ma mère va l’accueillir les bras ouverts et qu’elle va le couvrir de bisous. Et quand il arrive, il voit qu’elle l’ignore et qu’elle se dispute encore et toujours avec mon père.

- Pauvre Sébastien…

- Donc, je te disais ça pour que tu y ailles mollo avec lui.

- Compte sur moi. Bon, on prend des cookies ?

- Ouais ! s’exclama Baptiste.

 

Clémence ouvrit le placard et en sortit deux boîtes de cookies. Les deux amis rapportèrent la nourriture dans la chambre de la jeune fille.

 

- Ah ! Des cookies ! s’exclama Florian.

- Miam miam ! fit Ludovic, dont la langue léchait déjà ses babines.

 

Sébastien ne disait rien et était toujours vautré sur l’énorme oreiller. Clémence changea aussitôt d’attitude envers lui. Elle alla le prendre dans ses bras pour le bercer. Il se laissa faire, et un sourire satisfait apparut rapidement sur son visage. Il cala sa tête au creux du cou de la jeune fille et s’endormit très vite.

 

- Je suis presque jaloux, remarqua Florian, en prenant deux cookies à la fois.

- Manquait plus que ça, soupira Ludovic en imitant Baptiste.

- Roh, mais je rigole. Puis, de toutes façons, Sébastien sort avec Alysson. Alors, il viendra pas me piquer ma Clémence.

- À mon avis, il sortira bientôt plus avec Alysson, c’est moi qui te le dis ! assura Baptiste. Généralement, avec Séb, les histoires d’amour ne durent que dix jours !

- Ouais, comme toi !

- Lulu’, moi, quand je sors avec une fille (même si ça ne dure que dix jours), je m’en occupe au moins.

- Ah ça, c’est vrai, affirma Clémence.

- C’est vrai aussi, que Séb regarde tout juste sa copine.

- Je ne l’ai jamais vu lui dire bonjour depuis mon arrivée, dit Florian. M’enfin, ça ne nous regarde pas. Occupons-nous plutôt de notre groupe.

- T’as trouvé un nom ? demanda Ludovic, ravi.

- Pas du tout.

- Ah…fit le jeune homme d’un air déçu.

- J’ai juste pensé qu’on devrait avancer les musiques.

- T’as raison, fit Baptiste en volant une feuille de portées sur le bureau de Clémence. Faut qu’on s’y mette.

- C’est pour quelle chanson ? demanda la jeune fille.

- Celle sur l’alcool.

 

Les quatre amis (excepté Sébastien puisqu’il dormait encore sur Clémence) se mirent donc à composer leurs musiques, en se donnant mutuellement des conseils. Ludovic et Baptiste écrivait à une allure affolante sur leurs feuilles. Clémence essayait de faire de même, mais elle avait quelques difficultés avec la grosse tête de Sébastien qui prenait beaucoup de place. Le soir arriva très vite et il fallut quitter Clémence et sa chambre douillette.

 

- C’est pas mal ce qu’on a fait finalement, dit Baptiste en s’étirant comme un félin. Faudra régler quelques petits trucs avec Séb, mais on a bien travaillé. Je suis content.

- Ouais, c’est simple et rythmé. Faudra qu’on le joue pour voir ce que ça donne, ajouta Ludovic.

- Il faudrait peut-être réveiller Sébastien, proposa Florian.

 

Ce fut Clémence qui s’en chargea. Après quelques petites secousses, Sébastien finit par ouvrir les yeux.

 

- C’est déjà le soir ? demanda-t-il, étonné.

- Ouais, répondit le frère.

- Putain, on doit vite rentrer ! Maman nous avait promis de faire de la mousse au chocolat !

 

Sébastien se leva d’un bond et détala de la chambre de Clémence.

 

- La table ne sera même pas mise…soupira Baptiste. Ça va encore lui faire un choc. Bon, les amis, je dois suivre cet imbécile. À demain !

 

Une fois que les deux frères furent partis, Florian se tourna vers Clémence et la regarda d’un air implorant, avant de se mettre à genoux.

 

- Clémence, mon Amour, ma Vie, ma Folie…j’peux dormir chez toi, « steuplé » ?

- Hors de question. Tu rentres chez toi. Ta mère va s’inquiéter.

- Ouah, comment elle t’a rembarré vieux ! pouffa Ludovic.

- Mais…mais…mais…Clémence…balbutia Florian. Tu peux pas me faire ça ! Pas à moi quand même !

- Flo’, tu m’écoutes quand je te parle ? Rentres chez toi ! Et arrête de t’accrocher à ma jambe.

 

Florian dû donc lâcher la jambe de Clémence, et rentrer chez lui, penaud. Ludovic décida de le raccompagner pour s’assurer que Florian « rentre bien chez sa mère et qu’il ne fasse pas de grosse connerie ».

 

 

 

Sébastien ouvrit la porte de sa maison dans un grand fracas, Baptiste sur ses talons.

 

- M’man, on est là ! cria-t-il en courant en direction de la cuisine.

 

Il la trouva vide. Les couverts et les assiettes n’étaient pas mis et aucun plat n’attendait ni dans le four, ni dans le réfrigérateur. Il pouvait entendre sa mère se disputer avec son père dans le salon. Voyant que son petit frère était abattu, Baptiste le prit par l’épaule et le fit sortir de la maison.

 

- Viens Séb, on va manger une pizza et puis on ira se coucher.

 

Ils se rendirent donc au coin de la rue où une caravane vendait toutes sortes de pizza. Sébastien était toujours muet. Baptiste paya quelques parts de pizza et les deux frères mangèrent en silence assis sur un petit muret. Lorsqu’ils finirent leur maigre repas, ils rentrèrent chez eux. Ils se couchèrent tôt. Baptiste et Sébastien n’avaient qu’une seule chambre pour eux seuls. Par conséquent, ils dormaient chacun dans un petit lit, doté d’une unique place. Leur chambre était collée au salon, et jusqu’à minuit et demi, ils entendirent leurs parents se disputer. Des parents qui ne se souciaient pas que leurs propres enfants essayaient de vivre correctement dans une ambiance comme celle-ci.

 

Vers une heure du matin, Baptiste ne dormait toujours pas. Il se tournait encore et encore dans son lit, et n’arrivait pas à trouver le sommeil. Puis, il s’immobilisa dans son lit lorsqu’il entendit des sanglots. C’était Sébastien qui pleurait. Baptiste se frappa le front et maudit ses parents avant de reprendre son assurance.

 

- Sébastien ? appela-t-il dans l’obscurité de la chambre.

 

Mais l’interpellé se contenta de renifler. Baptiste alluma donc la lumière et se leva. Il s’assit sur le lit de son frère et lui prit le menton pour le forcer à le regarder. L’oreiller de Sébastien ressemblait à un vrai mouchoir. Baptiste soupira.

 

- Séb, pourquoi tu pleures ? demanda-t-il en lui caressant son front chaud.

 

Son petit frère ne répondit pas.

 

- Tu sais bien que ce n’est pas ta faute. Il faut que tu restes en dehors de ça.

- J’ai l’impression de ne pas exister quand je suis ici.

- C’est l’impression que j’ai aussi, murmura Baptiste. Mais moi je sais que tu existes. Tu sais que je suis toujours là avec toi.

 

Sébastien sourit. Son frère lui caressa les cheveux puis déposa un « baiser de frangin » sur le front.

 

- Allez, on devrait essayer de dormir. On a cours demain.

- J’ai pas envie d’aller à l’école, soupira le petit frère.

- Moi non plus, mais bon…

- Dis, tu veux pas dormir avec moi ?

- Bah, si c’était possible, je voudrais bien…mais comme tu peux le voir, ton lit n’est fait que pour une personne…

- C’est pas grave, il faut juste se serrer un petit peu…

- Séb, reviens sur Terre. Tu rentres à peine dans ton lit, et tu voudrais que je me tape l’incruste ? On va être serré comme des sardines à l’huile !

- C’est pas grave, s’entêta Sébastien.

 

Baptiste baissa donc les bras et essaya tant bien que mal de se coucher à côté de son frère. Une fois la lumière éteinte, Sébastien se colla contre son frère et ils s’endormirent peu de temps après.
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Nascana
Posté le 27/07/2010
C'est trop mignon, ce que fait Baptiste pour son frère. Je trouve leur vie familliale vraiment triste, j'ai envie de verser des larmes quand je lis ce qui ce passe chez eux.
Sinon, j'ai bien aimé l'opération cochon ^^. Clémence est un peu dure sur ce coups-là, utiliser de l'acide j'aurais pas osée. Mais de l'acetone, peut-être ^^.
J'espère qu'on va en savoir plus sur Alex. Je pense que c'est un personnage intéressant et plein de potentiel.
La Ptite Clo
Posté le 27/07/2010
:) Ne t'inquiète pas pour Baptiste et Sébastien. Je pense que puisque les choses sont certainement évoluer, ça ne pourra que bien finir pour eux. :)
Contente que l'opération cochon t'ait plu ! XD En fait, j'y connais rien dans ces trucs chimiques, je sais même pas ce que c'est l'acetone donc bon... Ludovic aura dû supporter l'acide, faute de mieux. XD
Concernant Alex, c'est un personnage autobiographique, de mes années lycées seconde-première, une époque où ça n'allait pas DU TOUT, comme tu peux le constater XD. Mais bon, je l'ai adaptée au groupe de rock. :) À suivre...
Câlins et merci !
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