Peu après avoir quitté l’habitation rocailleuse de Caliawen où vivrait maintenant Keyran, le loup s’engouffra dans l’épaisse forêt qui entourait le village. Il marcha dans les bois en direction d’un lieu dont lui seul connaissait l’emplacement, croisant çà et là des habitants du village ou autres animaux de sa connaissance en profitant de l’apaisante présence de la forêt aux alentours. Le loup marcha une bonne heure avant d’atteindre une petite clairière où reposait un cercle de six menhirs, chacun frappés d’une rune et entourant un socle de pierre. Le loup se positionna à deux pas du cercle de pierre, ferma les yeux et les rouvrit soudainement. La couleur dorée de ses iris pris possession de la totalité de ses yeux. Il récita alors :
- Réykus ta trébios no tis plaxos.
Les runes gravées sur les six menhirs s’illuminèrent alors d’une lumière d’or, des éclairs partirent du sommet des dolmens et convergèrent simultanément vers le centre du socle de pierre. Ils formèrent une boule de foudre dorée qui fut bientôt parsemée d’une couleur rouge. Le loup pouvait sentir la magie se concentrer dans cette boule de foudre qui finit par exploser, soufflant une époustouflante bourrasque pliant les arbres aux alentours et propageant, telle une onde de choc, les quelques résidus de magie restants et ne laissant sur le socle qu’un corbeau. Le loup grogna de frustration.
- Elle m’a encore envoyé un messager.
Le corbeau fut soudain assailli d’ondes magiques et ne put émettre qu’un léger croassement. Ses yeux changèrent alors de couleur, ils passèrent d’un noir profond à un rouge sang. Il croassa une dernière fois avant de laisser place à une voix féminine.
- Bonjour, dit-elle, avant de s’envoler pour aller se poser en haut d’un menhir.
Le loup lui, se contenta d’un léger grognement en guise de salutation.
- Toujours aussi peu bavard hein, constata le corbeau. Mais bon, j’ai fini par m’y faire avec le temps, cela fait tout de même quelques années que nous nous connaissons. Mais tu étais tout de même plus bavard lorsque nous étions ensemble, dit l’oiseau un brin de nostalgie dans la voix
Nouveau grognement de la part du loup.
- Si je t’ai appelé, ce n’est pas pour parler du passé, mais pour parler du présent. Le garçon est arrivé ici de force.
En entendant ces paroles, le corbeau resta silencieux un instant, puis il demanda :
- Tu penses qu’il est derrière ça n’est-ce pas ?
- Je ne le pense pas, j’en suis sûr. Même affaiblit par le fait de ne plus avoir d’enveloppe de chair, il est le seul être, à ma connaissance, capable de forcer les lieux-murs.
- Mais c’est impossible ! Il est mort sous nos yeux, protesta la voix
Le loup fit non de la tête.
- Nous avons détruit son corps, mais pas son âme. Mais il y a encore une chose que je ne t’ai pas dite.
Le loup lui relata alors les évènements de l’infirmerie et ce qu’il avait pu voir du rêve de Keyran. Soudain, une aura de colère se dégagea du corbeau, car même si l’oiseau n’était que le réceptacle d’une autre conscience, une émotion aussi forte que la colère peu avoir de grandes répercutions sur le monde physique. Une aura rouge sang parsemée de taches noires s’échappa, telles d’imposantes flammes, du corps du corbeau. Le loup, bien qu’il comprît la colère que pouvait ressentir la femme, resta impassible bien que la même colère bouillît en lui.
- Il me le paiera ! Je jure qu’il me le paiera, jura la voix tandis que la couleur des yeux des pupilles du corbeau gagnait en intensité. La pression magique qu’exerçait la colère de la femme fissura le menhir jusqu’à le briser.
- Calme-toi ! Lui intima le loup à la femme projetant sa propre aura constituée de flammes dorées. Je sais qu’il mérite le pire pour ce qu’il a fait et je te promets qu’il paiera mais pour l’instant nous devons nous assurer qu’il ne tentera plus rien contre le garçon.
La femme ayant calmé sa colère demanda :
- Très bien, que proposes-tu ?
- De ton côté, assure-toi que les différents cultes qui lui étaient dévoués ont tous été abolis et de mon côté, je mobiliserai la meute pour le protéger en cas d’attaque.
Le corbeau pencha la tête sur le côté l’air septique.
- Tu es sûr que c’est une bonne idée ? tu n’es pas l’alpha de cette meute et connaissant Exéryos, il ne risque pas de l’accueillir à bras ouverts et puis il est humain.
Le loup rassura la femme en lui assurant que le garçon passerait la cérémonie des formes mais la mit aussi en garde sur ce qui arriverait si Keyran ne révélait aucune forme animale. Ce à quoi la femme répondit par un juron bien sentit à l’adresse d’Arcos, le loup ne put qu’être d’accord. En ce qui concernait Exéryos le loup y vit une belle occasion de tester les capacités animales de Keyran, du moins… s’il en possédait, dans le cas contraire Exérios serait le cadet de leurs soucis. Après un au revoir, ils se quittèrent.
À présent, le loup devait s’entretenir avec l’alpha de sa meute. Ce ne serait guère chose facile mais il aurait le soutien de certains membres.
Parcourant une nouvelle partie de la forêt, le loup marcha quelques longues minutes entre les divers arbres, pierres et énormes racines parsemant le sol de la forêt et écoutant les conversations des plantes et des oiseaux. Nombre d’entre elles portaient sur une certaine onde magique qui aurait traversé et bouleversé, durant une courte durée, une grande partie de la forêt, Le loup rassura les êtres peuplant la foret, leur assurant que ce n’était rien de grave. Bien entendu il mentait, mais il valait mieux que personne ne sache rien. Il continua son chemin bercé par les chants des différents oiseaux, tous réunis, ils produisaient une mélodie qui l’apaisait lorsqu’il était tourmenté ce qui était particulièrement le cas aujourd’hui. Il s’arrêta quelques temps, profitant des bienfaits des chants de son environnement. Il se remit ensuite en route passant entre deux rangées d’énormes pierres de toutes formes et de toutes tailles, voyant que la lumière commençait à décliner, le loup leva les yeux et vit que le soleil descendait progressivement pour laisser place à l’astre de la nuit. Celui-ci ne tarderait sans doute pas à prendre la place qui lui revenait dans le ciel, entouré d’une multitude d’étoile. Le loup regarda au loin, à quelques mètres une grotte se présenta en face de lui. Son chez lui, la grotte de sa meute. Là, une louve, au pelage brun dont la tête était séparée en deux par une bande de poils blanc et dont les yeux était d’un vert profond, semblait déjà l’attendre. Le loup s’avança alors vers elle. Lorsqu’elle vit son compagnon approcher, elle s’avança également vers lui pour l’accueillir. Une fois qu’ils furent face à face la louve baissa la tête comme exécutant une révérence ; un signe de respect adressé en temps normal en signe de soumission à l’alpha de la meute. Le loup la pria de relever la tête car cet honneur ne lui revenait certainement pas. Mais la louve insista en rappelant au loup que s’iln’avait pas fait exprès de perdre face à Exérios, ce serait lui le chef de la meute. Elle considérait donc son congénère mâle comme le véritable chef de meute. Le loup laissa sa congénère en finir avec le cérémoniel avant de la saluer
- Bonsoir Sylva. La salua t’il calmement
- Hum… Bonsoir à toi aussi. Répondit la louve.
Elle ne comprenait pas pourquoi son compagnon, non, son chef, son alpha refusait la moindre marque de respect qu’on pouvait lui montrer. Mais il en était ainsi car tel était son désir. De plus, elle ne savait pratiquement rien de lui. La seul et unique chose qu’il avait acceptée de révéler à l’ensemble de la meute était qu’un enfant ferait son apparition dans leur monde. Il leur avait également dit que cet enfant était destiné à accomplir une grande prophétie mais il y avait tellement de textes anciens qu’il était impossible de savoir quel texte ancien ce garçon était destiné à accomplir. Voyant que son congénère affichait un air différent que d’habitude il était préoccupé.
- Que ce passe t’il ? IL est arrivé quelque chose au garçon ? demanda Sylva.
- Où sont les autres ? demanda le loup.
- En chasse. Dit simplement Sylvia. Ils ne devraient pas tarder.
Effectivement quelques minutes plus tard, les deux loups aperçurent plusieurs loups courants dans leur direction et bientôt se furent cinq loups qui vinrent à leur rencontre. Quatre d’entre eux avaient des pelages simples, gris, noir ou blanc sans particularité si ce n’est quelques cicatrices çàet là. Mais un loup se démarquait des autres, il avait le pelage gris presque noir,une rangée de quatre cicatrices lui barrait le flanc droit et il avait perdu son œil droit. C’était l’alpha, lorsqu’il vit le loup aux yeux d’or le chef de meute lâcha la cuisse de cerfs encore saignante qu’il tenait fermement entre ses crocs faisant couler quelques filaments de sang de sa gueule et grogna, montrant les crocs à son rival. Étant menacé le loup aux yeux d’or fit de même. Sentant qu’une confrontation semblait inévitable les autres membres de la meute s’écartèrent des deux rivaux tous, sauf un… Sylvia qui s’interposa entre les deux loups montrant à son tour les crocs à Exérios.
- Ça suffit vous deux ! Mettez vos différents de côte et écoutez-vous pour une fois l’heure est grave.
- Comment oses-tu, femelle… menaça Exérios, grognant de plus belle.
Voyant que la situation allait dégénérer le loup aux yeux d’or déploya son aura d’or et rappela ainsi à l’alpha de la meute où était réellement sa place. Ne pouvant rien face à l’écrasante présence du loup, Exérios ne put qu’admettre la supériorité de son rival et recula en baissant la tête, suivis par les autres loups qui savait mieux que personne que la place de chef revenait légitimement au loup qui se trouvait devant eux. Baissant peu à peu l’intensité de son aura « yeux d’or » s’adressa à Exérios :
- Relève la tête mon ami je ne compte pas prendre ta place, sous mon commandement cette meute court à sa perte. Tandis qu’avec toi ils sont en sécurité.
Les loups s’échangèrent des regards incrédules, comment pouvait-il les penser en sécurité avec un chef comme Exérios presque tyrannique qui ne pensait que par sa propre force. Toujours sur ses gardes Sylva poussa un soupir se calmant peu à peu mais pas complètement. « Yeux d’or » demanda alors au chef de meute de s’approcher afin qu’il lui expose la situation. Exérios s’avança vers « yeux d’or » tentant tantbien que mal de masquer sa peur. Le loup exposa alors la situation à l’ensemble de la meute. Lorsque « yeux d’or » arriva au moment de l’intégration de Keyran à la meute, les loups affichèrent des regards incrédules. Soudain un loup au pelage brun dont un œil était barré d’une petite cicatrice demanda :
- Qu’est-ce qui nous prouve que ce garçon sera un loup ? lança t’il. Cette forme est extrêmement rare dans ce monde, si rare qu’il ne peut en avoir que deux dans une même génération et dois-je vous rappeler ce qui se passera si ces deux loups se rencontrent ? De plus qui nous dis que ce sera le bon loup…
Les autres loups approuvèrent de la tête.
- Absolument rien, admit yeux d’or. Je vous demande donc de me faire confiance.
- Dans ce cas il devra prouver qu’il a bel et bien sa place en cette meute, dis Exérios et tu sais comment.
Nouvel hochement de tête de la part des loups.
- J’en convient parfaitement. Admit « yeux d’or »
- Bien dans ce cas c’est convenu, ce garçon rejoindra la meute s’il s’en trouve digne.
Cette fois les loups hurlèrent à l’unisson vers le ciel pour marquer leur accord solennel avant de réintégrer leur grotte afin de savourer leur chasse et prendre du repos. Avant que Sylva rentre elle aussi « yeux d’or » l’arrêta
- Sylva ? Je voulais te demander quelque chose.
- De quoi s’agit-il ? demanda Sylva.
- Une fois que ce garçon aura passé la cérémonie des formes ainsi que son intégration à la meute… j’aimerais que tu veilles sur lui.
Sylva émit un petit rire amusé.
- Pourquoi ne suis-je pas surprise ? demanda la louve avec un petit rire.
- Peut-être parce que tu savais que de toute la meute tu es la seule à savoir quand quelqu’un doit être protégé et ce sera son cas… plus tôt que nous le croyons. Alors qu’en dis-tu ?
Après quelques secondes de réflexion elle planta son regard d’émeraude dans les yeux d’or de son congénère. Elle prit ensuite une profonde inspiration avant de donner sa réponse.
- Très bien. Je veillerais sur lui. Répondit-elle déterminée.
Le loup la remercia et ils rejoignirent leurs compagnons pour se repaitre de leur chasse.