Chapitre 5 : Nouveau lien

Tout allait pour le mieux. Les derniers événements avaient donné du courage aux siréniens. Ces victoires les avaient galvanisés. Corail avait appris qu’un navire humain avait été coulé. Ces marins sans honneur traquaient les orques, les harponnaient puis les tiraient à bord de leur galion. Ils les mangeaient. Ils transformaient leurs arêtes en colle. Des créatures aussi intelligentes ! Quelle honte !

Trois siréniens avaient perdu la vie dans l’abordage mais au moins, les orques étaient sauves. Le navire gisait sur le fond, son équipage avec. Les humains sauraient à quoi s’en tenir. L’océan ne leur appartenait plus.

Corail, les pieds dans le sable, observa le ciel. Farhynia se trouvait loin, par là, dans cette direction. Corail pouvait sentir sa joie. La sirénienne sourit. Savoir sa dragonne heureuse la rassurait. Elle parvenait à vivre malgré l’éloignement forcé pesant sur elles.

Corail, de son côté, devait admettre peiner. Loin de Farhynia et de Jack, elle fondait souvent en larmes. Elle se sentait mal, profondément, une sensation jamais ressentie. Les siréniens ne connaissaient pas l’amour passionnel. Ils aimaient, bien sûr, mais pas à deux. Le banc formait un tout et les sentiments s’épanouissaient entre frères et sœurs. La reproduction en était séparée.

Or Corail aimait un être humain, un seul, unique. Aucun sirénien ne pouvait lui apporter de réconfort. Aucun ne comprenait. Ils cherchaient à lui remonter le moral par des caresses. Le plaisir était au rendez-vous mais il ne ressemblait pas à celui de Jack. Certes, l’humain se montrait bien timide par rapport au banc, mais ses caresses étaient emplies de respect et d’amour. Malgré sa différence, il l’acceptait et l’adorait.

Corail serra les poings, se demandant pourquoi elle continuait à venir sur cette plage. À quoi bon ? Espoir inutile. Jack et Farhynia ne reviendraient pas. Corail aurait dû en faire le deuil mais elle n’y parvenait pas. Ils lui manquaient tant. Elle espérait leur retour.

- Salut, Corail, dit une voix masculine à sa droite.

Perdue dans ses pensées, elle n’avait pas entendu les pas crissant sur le sable. Elle se tourna et sursauta avant de regarder autour et au dessus d’elle, pour se découvrir seule avec l’humain.

- Anthony ? Où est Zaroth ?

- Parti chasser, répondit-il avec désinvolture.

Comme tous les dragonniers, Anthony portait une chemise et une veste en cuir doublée – il faisait froid en altitude – mais se présentait jambes nues, son intimité cachée par un vêtement crème attaché à ses hanches.

- Il te laisse souvent sur une plage déserte ? s’amusa Corail.

La présence d’Anthony ne la dérangeait pas. Bien au contraire. Elle fut heureuse d’avoir quelqu’un à qui parler, quelqu’un qui pourrait comprendre son manque, sa tristesse, ses besoins. Elle se sentait parfois si loin des siens, comme si elle ne partageait plus une grande partie de leurs préoccupations. Elle était heureuse qu’ils se débrouillent sans elle.

Elle avait craint un instant de devenir une référence, un genre de chef. Elle ne voulait pas commander. Les voir s’épanouir et prendre des initiatives l’avait rassurée. Elle avait été l’étincelle. Ils seraient l’incendie.

- J’aime l’océan, indiqua Anthony. Le bruit des vagues me détend.

Les mots sonnaient faux. Corail n’en tint pas compte. Anthony avait le droit de ne pas dire toute la vérité. Après tout, ils ne se connaissaient pas particulièrement bien.

- Je comprends, assura Corail. Tu n’en profites pas pour manger ?

- Je n’ai le droit de manger que les restes de Zaroth, annonça Anthony.

Corail acquiesça. Voilà un régime alimentaire qui ne lui aurait pas convenu. Elle détestait la viande, surtout cuite. Le poisson cru – surtout le saumon – et les huîtres avaient sa préférence.

- Et toi ? Tu te promènes souvent sur des plages désertes ? interrogea Anthony.

- Ce n’est pas n’importe quelle plage déserte. C’est ici que nous nous sommes installés, Jack et moi, dans la grotte que tu vois là-bas, précisa-t-elle en la désignant du doigt. Nous y avons vécu heureux jusqu’à ce que…

- Ce que quoi ? interrogea Anthony.

- Ce que Farhynia me manque trop.

Anthony fronça les sourcils. Là où elle s’attendait à de la compassion, elle lut une totale incompréhension dans le visage de son interlocuteur. Zaroth ne lui manquait-il pas lorsqu’il s’éloignait trop longtemps ?

- Je l’ai appelée, poursuivit Corail.

- Elle t’a fait du mal ? supposa Anthony.

- Mais non, pourquoi ? Farhynia ne me ferait jamais rien.

Corail détailla Anthony. Quelque chose n’allait pas. Les réactions d’Anthony la surprenaient. Elle se sentit loin de lui, peut-être même encore plus que des siréniens. Elle soupira de déception.

- Laisse tomber, dit-elle avant de lui tourner le dos.

Elle inspira avant d’être projetée en avant. Elle s’effondra sur le ventre, un poids sur son dos l’empêchant de bouger.

- Anthony ? s’étrangla Corail.

Pourquoi venait-il de s’en prendre à elle ? Elle tenta de se redresser mais l’humain pesait deux fois son poids et faisait deux têtes de plus qu’elle. Il la maintint sans difficulté.

Il attrapa ses bras, les croisa dans son dos et les lia à l’aide d’une cordelette fine mais solides. Sans cesser de peser de tout son poids sur elle, il se retourna pour attraper ses chevilles et les lier l’un à l’autre de la même manière. Enfin, il se releva.

Corail se mit sur le côté pour pouvoir le regarder. Il regarda en l’air. Corail suivit son regard pour voir apparaître un monstre marron. Zaroth se posa sur la plage, à un pas de Corail, lui masquant l’océan et une bonne partie du ciel. Les pieds d’Anthony disparurent. Nul doute qu’il venait de prendre place entre les épaules de sa monture.

Zaroth étendit ses ailes. Corail ne comprenait pas. À quoi bon l’attacher pour ensuite s’en aller. Au moment du décollage, Corail vit la patte de Zaroth fondre sur elle. Il comptait l’écraser ?

La réalité fut bien pire. Le dragon la saisit avec délicatesse entre ses griffes et s’envola d’un bond. Corail ne put retenir le contenu de son estomac. Voler sur le dos d’un dragon, oui. Tenue dans une patte, pieds et poings liés, le sol défilant en dessous, non.

Corail vomit pas moins de trois fois durant le trajet. L’arrivée la terrifia. La proximité du sol à l’atterrissage la fit hurler de terreur. Zaroth, malgré sa taille, s’avéra aussi doux qu’un agneau. Corail fut déposée sans la moindre douleur sur la pierre sombre de la haute grotte de montagne, uniquement accessible par les airs.

Zaroth s’écarta un peu pour laisser passer Anthony, armé d’un couteau.

- Anthony ! Mais qu’est-ce qui se passe ? Que fais-tu ?

Il la retourna brutalement. Corail supposa qu’il allait l’égorger, lui faisant ainsi payer le massacre du camp d’entraînement. Elle estima le mériter.

En un instant, elle se retrouva libre de ses mouvements. Il venait de la détacher. Corail bondit sur le côté pour s’écarter de son ravisseur mais il s’était déjà éloigné pour rejoindre le centre de la grotte d’un pas mécanique.

Corail ne comprenait pas. Que faisait-elle là ? Pourquoi Anthony agissait-il de manière aussi…

Corail hurla. La chaleur de la flamme assécha sa peau. L’odeur de viande grillée envahit la grotte. Les crocs écrasèrent le crâne. Les griffes ouvrirent le ventre dont les entrailles se répandirent. Corail vomit de la bile blanche.

Quelques instants suffirent pour qu’il ne subsistât plus rien d’Anthony, mis à mort par son dragon. Zaroth tourna la tête vers Corail. De terreur, la sirénienne s’éloigna en rampant. Le dragon avait-il encore faim ? Vu sa taille, elle douta qu’un simple humain lui suffise comme déjeuner.

Son dos rencontra le mur. Elle avait atteint le fond de la grotte. Très large et haute, elle n’offrait aucune fissure dans laquelle se réfugier, aucun mobilier derrière lequel se cacher, nul abri où lui échapper.

Zaroth fit trois pas vers elle puis descendit son cou et plia la patte, proposant son épaule. Le geste ne permettait aucune mauvaise interprétation. Il voulait qu’elle le monte. Corail remua la tête de droite à gauche. En réponse, Zaroth ouvrit la gueule et une petite flamme naquit.

Farhynia acceptait le refus. Zaroth n’en tolérerait aucun. Les jambes tremblantes, l’estomac en vrac, la gorge nouée, Corail se traîna jusqu’à la patte qu’elle escalada. L’ascension lui sembla prendre une éternité. Qu’il était grand ! Trop grand. Corail ne se sentait pas du tout à sa place.

Elle glissa ses jambes dans les conduits prévus à cet effet et ils se refermèrent sur elle. Quelle différence avec Farhynia ! Corail n’avait jamais eu l’occasion de comparer mais la sensation la fit frissonner. Avec Farhynia, la pression était dure, persistante, un peu douloureuse et inégale. Zaroth proposait une prise tout en douceur et homogène. Corail trouva cela très agréable.

Le décollage fut puissant et ce premier vol calme. Zaroth vola à faible altitude, laissant parfois la cime des arbres caresser son ventre. Corail, qui n’avait pas volé depuis longtemps, se prit à apprécier. Elle ferma les yeux et profita du vent sur son visage.

Farhynia adorait voltiger, rendant ses vols erratiques. Heureusement, à travers le lien, Corail anticipait les mouvements et n’en souffrait donc pas. Zaroth proposait un vol tranquille, compensant l’absence de lien. Farhynia aimait la vitesse. Le vent fouettait toujours Corail. Zaroth avançait comme un escargot en comparaison mais Corail ronronna de plaisir.

Le retour à la grotte puant le cochon grillé la ramena à la réalité. Zaroth avait tué son précédent dragonnier, sans la moindre raison. Anthony lui était dévoué alors pourquoi le faire brûler vif avant de le dévorer ? Zaroth s’éloigna, laissant Corail seule dans la grotte. Depuis le parapet, elle observa le crépuscule. En dehors d’une trace sombre en son centre, la grotte ne proposait de toute manière rien à regarder. Mieux valait se tourner vers l’extérieur pour ne pas devenir fou.

Zaroth revint avec un lion dans la gueule. Corail observa l’animal mort avec circonspection. Elle ignorait que certains dragons aimaient les carnivores. Elle les pensait mangeur de vache, de cochon et de mouton. Zaroth consommait des lions ? Corail observa le dragon faire brûler sa proie avec une crainte mêlée de surprise avant de froncer les sourcils.

Quel pouvait bien être le met préféré de Farhynia ? Ne pas le savoir lui fut soudain insupportable. La dragonne bleue ne lui avait jamais proposé de partager son repas, sachant que la sirénienne préférait les produits de la mer et Corail n’avait jamais vu Farhynia chasser ou se nourrir. La déception tordit ses entrailles.

Corail tourna son regard vers le ciel. Brouillard. Brume. Flou. Bulles. Impossible de connaître la position de Farhynia. La dragonne devait la brouiller. Pourquoi ? La savait-elle en compagnie de Zaroth ?

Le géant marron déposa un morceau de lion cuit devant Corail. La sirénienne observa l’offrande, en saisit toute la portée et fit « non » de la tête. À nouveau, Zaroth fit naître une flamme en retour dans sa bouche.

- Puissant dragon, lança Corail d’une voix suppliante, je ne mange que du poisson !

Elle appuya ses mots d’un geste, comme elle l’aurait fait avec Farhynia, mais le feu jaillit, s’arrêtant à deux doigts de Corail. Il maîtrisait son souffle à merveille, à n’en pas douter.

- D’accord. D’accord, répéta Corail. Je vais manger.

La respiration haletante et le cœur battant à mille à l’heure, elle déchiqueta la viande tendre et l’avala. Le goût de sang la dégoûta mais elle retint la nausée qui la prit. Elle devait manger pour survivre et Zaroth ne comptait visiblement pas lui permettre autre chose.

Il se rendit au bord de la falaise, se dressa sur ses deux pattes arrière et tendit la tête hors de la grotte. Il retomba sans faire trembler la terre, mastodonte aux pattes de velours, puis revint vers Corail pour ne s’arrêter qu’à un doigt d’elle. Il ouvrit sa gueule, remplit d’eau. Il devait y avoir un lac là-haut, ou une source.

Corail observa l’offrande et serra la mâchoire. « Tu manges et tu bois ce que je te donne et rien d’autre », comprit la sirénienne. Il prenait le contrôle. Corail s’en rendait compte mais n’eut d’autre choix que de mettre ses mains dans la gueule du géant, passant entre ses crocs, ceux-là même qui avaient déchiqueté Anthony un peu plus tôt.

L’eau s’avéra pure et rafraîchissante. Zaroth avala ce que Corail ne but pas. Puis, il se coucha contre un mur et souleva une aile. Là encore, l’appel ne souffrait aucune incompréhension. Sous la lune haute, cela ne pouvait que signifier « Viens dormir ». Nul besoin de communication d’esprit à esprit pour saisir.

Corail resta figée et ne put retenir des larmes. La sensation de trahir Farhynia lui enserra le cœur et l’âme. Cette fois, nulle flamme ne la menaça. Zaroth étendit le cou et la poussa vers son aile du museau dans le bas de son dos. Corail ne put lutter contre la puissance du mastodonte. Une fois dans l’aile, petite grotte marron fraîche et propre, Corail tomba à genoux et sanglota. Elle pleura longuement pour finir par s’endormir, harassée.

Elle s’éveilla reposée, surprise de se trouver entourée de marron. La réalité de sa situation lui sauta aux yeux, la griffant méchamment. Prisonnière de Zaroth dont elle ignorait les intentions. Le mastodonte déplia son aile et s’étira puis lui jeta quelque chose. Corail reconnut la robe que Jack lui avait faite, celle qu’elle portait, pas les secondaires toujours accrochées à une épine dorsale de Farhynia – en tout cas l’espérait-elle.

Le vêtement aurait dû se trouver dans la grotte où elle avait vécu avec Jack. Zaroth avait violé leur intimité pour aller la récupérer. Corail passa l’habit, pas du tout heureuse de retrouver la sensation du vêtement sur sa peau. Pourquoi le dragon l’obligeait-il à ça ? Qu’en avait-il à faire qu’elle soit nue ?

Corail fixa la capuche et le voile et Zaroth retroussa les babines, signe de satisfaction chez les dragons. Il baissa le cou et tendit l’épaule. Consciente de n’avoir pas le choix, Corail grimpa.

Zaroth prit son envol. Dehors, le ciel se teintait de rose et d’orange. La lumière colorait la nature. Corail, bien que mal à l’aise, apprécia le vol… jusqu’à ce qu’elle reconnaisse le paysage. Lorsqu’ils passèrent sur une haute muraille de pierres claires en cercle et que Zaroth amorça une descente, plus aucun doute ne fut possible : il l’emmenait au camp d’entraînement. Corail n’avait aucune envie d’y retourner. Elle ne vivrait pas avec les cavaliers futurs dragonniers, c’était hors de question. Et s’il la déposait là, elle s’enfuirait. Elle connaissait la porte de secours.

Il se posa sur le champ d’entraînement. Rapidement, une quantité impressionnante de dragons apparurent, trop pour que Corail puisse compter. Ils restèrent immobiles devant Zaroth dont elle sentait le corps trembloter. Elle savait qu’ils parlaient ainsi, leurs écailles cliquetant formant des sons inaudibles. Elle attendit puis Zaroth s’envola et tout le monde le suivit.

La formation se posa sur une plaine. Zaroth désigna six candidats tandis qu’un immense dragon vert portant une femme se posait. Corail voulut saluer l’humaine – une survivante car les dragonnières femmes étaient une exception - mais celle-ci lui tournait le dos et ne semblait pas désireuse d’un contact visuel avec elle. Corail ne chercha pas à l’interpeler. Le dernier dragonnier à l’avoir approchée lui avait sauté dessus, l’avait attachée avant de finir brûlé vif et dévoré par son dragon. Elle ne souhaitait cela à personne alors elle tint sa langue.

Les six dragons placèrent un mannequin à forme humaine sur leur dos. Le dragon vert s’envola et six dragons l’encadrèrent. Ils revinrent et furent remplacés par d’autres. Certains perdirent le mannequin qui s’écrasa une centaine de pas plus bas. Corail frémit et tenta de maîtriser sa respiration erratique. Elle ne pouvait s’empêcher d’imaginer un être vivant à la place de cette poupée de métal.

Les envols se succédèrent et Corail commença à trouver le temps long, sur le dos d’un Zaroth qui ne bougeait pas. Elle aurait voulu pouvoir marcher. En fait, non, nager lui manquait. Elle tentait de changer de position mais Zaroth la maintenait sans la blesser toutefois. Une poigne douce mais ferme.

Corail repensa à Anthony. Il se tenait tout le temps sur le dos de Zaroth. Comme il devait s’ennuyer. Elle secoua la tête. La matinée terminée, Zaroth la ramena à la grotte où elle eut droit de boire dans sa gueule. Restée toute la matinée assise en plein soleil, elle en avait bien besoin.

Elle remercia silencieusement Zaroth et… son contentement lui parvint. Faible, certes, mais bien présent. Leurs regards se croisèrent et elle sentit son immense joie. Le lien entre eux se développait et cela le rendait euphorique. Pourquoi ? À quoi bon la voler à Farhynia ? Avait-il le droit de faire cela ? La dragonne bleue le savait-elle ?

Sur un ordre gestuel de Zaroth, Corail remonta en selle et le dragon se contenta de voler en rasant les arbres comme il aimait le faire. Le soir, elle eut de nouveau droit à de la viande. Cette fois, elle mangea sans être forcée et engloutit tout le morceau. Un seul repas par jour ne lui suffisait pas. Elle crevait de faim. Elle dormit de nouveau sous son aile.

Les jours suivants se ressemblèrent. Corail assistait à ce qu’elle estimait être les cours pour les dragons. Ils apprenaient à garder les mannequins sur leur dos. Le nombre de dragons présents la surprit beaucoup. Parfois, ils n’étaient que cinq. À d’autres moments, cinquante. Comme si leur présence n’était pas obligatoire et que chacun faisait comme il l’entendait.

Corail fut également choquée par les mauvais résultats. Les dragons étudiants peinaient. Certains ne parvenaient même pas à placer le mannequin sur leur dos et Zaroth ne les aidait pas. À quoi servait-il donc ?

Corail s’ennuya beaucoup. Son lien avec Zaroth se développa. Lorsqu’il partait chasser, elle connaissait sa direction et sa distance. Ainsi, elle pouvait prévoir son retour.

Elle passait ses rares moments de liberté dans la grotte à marcher en rond, ayant un grand besoin de bouger. Elle commença à parler toute seule.

Un matin, Zaroth ne se rendit pas dans l’habituel champ d’entraînement mais sur la plaine juste au-dessus de la caverne dédiée au repos des étudiants dragons. Zaroth parla un peu, pas beaucoup, puis attendit. Les nuages passèrent dans le ciel qu’il ne se passa toujours rien.

Des bruits étouffés parvinrent à Corail qui se tourna vers le trou, à gauche, unique chemin entre les bâtiments dédiés aux humains et la caverne. Un homme apparut. Il mit sa main sur son front pour protéger ses yeux de l’extrême luminosité puis s’avança avant de se placer en face de son dragon.

D’autres arrivèrent, parfois seuls, souvent en groupe. Finalement, il n’y eut plus un seul dragon sans son cavalier devant lui. « Premier vol », comprit Corail qui en frémit d’horreur. Ce jour-là, une majorité des cavaliers mouraient !

- Zaroth ! Je t’en prie, non ! chuchota Corail en essayant de se dégager.

Elle ressentit son ricanement. Il se moquait de sa terreur. Les jambes bien serrées l’empêchaient de bouger.

- Je ne veux pas assister à ça ! Par pitié, laisse-moi descendre. Je t’attendrai, je te le promets. Je n’essayerai pas de m’enfuir. Tu me retrouveras à ton retour mais ne m’oblige pas à regarder ce massacre !

Zaroth l’ignora. Ses écailles cliquetèrent une fois. Tous les dragons offrirent leurs épaules à leurs cavaliers. Corail continuait à se débattre. Tout pour ne pas assister à ça !

Un homme, plus malin que les autres, s’avança vers son dragon. Ce dernier gronda. L’homme recula et secoua la tête. Corail ne comprit pas la réaction de la créature ailée. Pourquoi agressait-il le seul cavalier à avoir compris ?

Le dragon, un immense rouge à pointes jaunes, agrippa son cavalier par la jambe. Ce dernier hurla tandis qu’un croc lui tailladait la jambe, déchirant son vêtement et lui retirant sa botte. Le dragon retroussa les babines, signe de contentement.

Les chaussures et les pantalons ! Les cavaliers devaient les retirer mais ils l’ignoraient. Comment cela s’était-il passé le jour du premier vol ? Certes, elle avait refusé de grimper mais les autres se trouvaient là et l’avaient fait, eux, sans qu’aucune violence de ce type ne soit nécessaire. Comment les dragons s’étaient-ils fait comprendre ?

Le souvenir la heurta de plein fouet. Aucun dragon n’avait dit quoi que ce soit. Anthony l’avait fait. Il secondait Zaroth, non pas par choix, mais par compassion. Il agissait pour éviter davantage de souffrance.

- Vous devez retirer tout ce que vous portez en dessous de la ceinture, annonça Corail d’une voix forte. Gardez de quoi couvrir votre entrejambe si vous le souhaitez mais tout le reste doit être retiré avant de grimper.

Des exclamations agacées ou outrées retentirent tandis que Corail recevait des félicitations mentales de la part de Zaroth. C’était la première fois qu’il lui faisait parvenir des pensées positives. Corail sentit son cœur bondir de joie. Il suffisait de lui plaire, d’agir selon sa volonté et elle serait récompensée.

- Allons ! Dépêchez-vous ! cria Corail d’une voix forte.

Les cavaliers ronchonnèrent mais s’exécutèrent. Zaroth enveloppa Corail dans un cocon mental de bien-être. Une fois tous les cavaliers en place, le premier vol se fit. Corail ne put retenir la nausée et vomit à plusieurs reprises sur un Zaroth impassible. De retour à la grotte, Corail tenait à peine sur ses jambes. Elle mangea l’esprit flou et s’endormit heureuse de la sécurité offerte par l’aile de son dragon.

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Dyonisia
Posté le 21/09/2024
Tiens, tiens, les dragons connaitraient-ils la jalousie et la duplicité ?
Chapitre coup de théâtre - comme dans les bonnes séries où même les héros meurent - qui commence par la nostalgie qui affecte Corail, ce qui se comprend : il est déjà dur de se trouver entre deux cultures ; alors, entre trois...
L'enlèvement semble a priori explicable. Que les "maîtres du ciel" veuillent s'assurer de celle qui est cause de leurs problème pour en obtenir a minima des explications serait logique.
Mais il apparait que Zaroth désirerait s'approprier ce qui fut l'apanage de sa jeune, et revendicative, congénère... Humains, trop humains, ces dragons !
Mais c'est ce qui fait le charme de l'histoire.
Nathalie
Posté le 22/09/2024
Jalousie ou pas ? Toute la question est là. Ce chapitre propose en effet un gros coup de théâtre, qui aboutira sur quoi, là est la question !

Humains, mes dragons, je ne sais pas. Emotifs, en tout cas, c'est certain.

Bonne lecture !
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