Vers quatorze heures le lendemain, Rosalya était de retour à l'appartement. Elle comptait faire les magasins avec Alice afin de reconstituer entièrement sa garde-robe, somme toute bien pauvre. Lysandre, attaché au confort de son appartement, avait suggéré qu'elles sortent entre filles, mais son amie avait insisté pour qu'il se joigne à leur folle aventure de reines du shopping.
— Il faut l'avis d'un garçon ! déclara-t-elle avec un grand sourire. Castiel peut rester ici s'il veut, mais toi, tu dois absolument venir avec nous !
Lysandre poussa un soupir résigné ; la journée allait être longue. Il n'était pas le seul à redouter l'enthousiasme débordant de Rosalya. La yôkai non plus n'était pas très emballée par cette idée, mais elle n'osait pas exprimer son désaccord. Après tout, Rosalya essayait de l'aider, et, même si elle était un peu exubérante, cela partait d'un bon sentiment. Puis ce serait l'occasion pour Rena de prendre ses repères dans cette nouvelle ville. Mieux encore, le destin mettrait peut-être l'Élu qu'elle cherchait sur son chemin, si telle était la volonté de l'Oracle.
Castiel, qui mettait un point d'honneur à faire exactement le contraire de ce que voulait Rosalya, s'était finalement joint au cortège, lui aussi. Lysandre lui en était reconnaissant. Sa présence obligerait Rosa à réfréner ses lubies les plus débridées.
***
La rue commerçante n'était pas très loin de leur appartement, ils s'y étaient donc rendus à pied, ce qui avait permis à Rena de cartographier mentalement le quartier et ses artères principales. En chemin, ils s'arrêtèrent devant plusieurs magasins pour en admirer les vitrines, mais Rosalya avait une idée très précise des boutiques qu'elle voulait dévaliser. Rena, elle, n'était pas aussi pressée. Les vitrines faisaient office de points de repère qu'elle s'efforçait de mémoriser, et les objets qui y étaient exposés étaient autant de curiosités pour la yôkai. Elle voulait en voir et en retenir le plus possible. Elle s'arrêta une nouvelle fois devant la devanture de ce qui ressemblait fortement à une librairie aux ouvrages quelque peu particuliers.
— On peut entrer ? demanda la jeune amnésique à ses accompagnateurs.
— Pourquoi pas ? acquiesça Lysandre avec un sourire. Ça t'intéresse, les mangas ?
Rena ne savait pas ce qu’était un manga. Sans doute faisait-il référence à ces petits livres aux couvertures illustrées pleines de couleurs vives. Elle se contenta de hocher la tête avec conviction.
— En même temps, vu comment elle était sapée quand on l'a trouvée, est-ce que ça t'étonne vraiment ? ironisa Castiel.
Ignorant le commentaire railleur du rouquin, Rena prit les devants, et ils entrèrent tous les quatre dans la petite boutique. C'était la première fois que la gardienne voyait autant de livres terriens. Elle comprenait pourquoi Ykhar avait autant de mal à résister à la tentation d'en faire rapporter toujours plus à chaque expédition. Rena était fascinée par ces ouvrages pleins d’images en noir et blanc. Elle ne comprenait pas les textes, mais elle pouvait au moins profiter des dessins et se faire une idée du contenu. Elle parcourut les étagères du regard à la recherche de celui qui l'intéressait, en se fiant uniquement à l'apparence de la tranche.
— Hé ! les salua un jeune homme aux cheveux bruns en les abordant amicalement. C'est rare de vous voir ici ! Surtout toi, Rosalya.
— C'est Alice qui voulait entrer, répliqua la jeune femme sur la défensive, comme si elle se sentait insultée à l'idée qu'on puisse croire qu'elle entrerait volontairement dans ce type de magasin.
— Alice ? fit son camarade en levant un sourcil.
Il se tourna alors vers la jeune fille en la dévisageant avec étonnement. Pendant une fraction de seconde, Rena crut voir une ombre passer dans son regard, mais son expression se détendit aussitôt. Il lui sourit chaleureusement, puis se présenta à son tour.
— Moi, c'est Armin. Enchanté. Tu cherches quelque chose en particulier ? Je connais le magasin comme ma poche. En plus de travailler ici à temps partiel, je suis un de ses plus fidèles clients. C’est même une des raisons pour laquelle le patron m’a engagé.
— Je ne faisais que regarder, répondit-elle poliment. De toute façon, je n'ai pas d'argent.
— Ah, la vie d'étudiant fauché, je connais bien ! plaisanta Armin en lâchant un petit rire désinvolte.
— Si tu veux prendre quelque chose, vas-y, lui dit alors Lysandre. On paiera pour toi.
— Ça m'embête un peu, quand même...
— T'inquiète, c'était prévu, la rassura Castiel. Tu n'avais pas de portefeuille quand on t'a trouvée. On s'est mis d'accord pour t'offrir ce que tu voulais aujourd'hui. Si tu y tiens, tu pourras toujours nous rembourser quand tu auras retrouvé la mémoire et le numéro de ton compte en banque.
Il aurait été malpoli de décliner l'offre si généreuse des deux hommes. Contrainte et forcée, Rena demanda donc conseil à Armin. Il la dévisagea un moment en se tenant le menton, ses yeux s’attardant un long moment sur ses iris gris et sa chevelure blanche. La yôkai se surprit à fuir son regard qu’elle trouvait particulièrement inquisiteur. Soudain, le visage du vendeur s’éclaira.
— C’est bon ! J’ai trouvé ce qu’il te faut. Une histoire de yôkais. Je suis sûr que ça va te plaire. Tiens, c’est le premier tome d’un manga nommé Nura, le seigneur des yôkais. Tu m’en diras des nouvelles. On les a tous en rayon, tu n’auras qu’à revenir si tu veux la suite.
Rena tiqua à la mention de sa race. Ce terrien lui faisait froid dans le dos. Son aura était oppressante et il dégageait quelque chose qu'elle n'avait jamais ressenti chez les humains qu'elle avait croisés jusque-là. Elle prit le livre qu'il lui tendait en évitant tout contact direct, et le remercia avec un petit sourire crispé. Alors qu'elle se dirigeait vers la caisse avec Lysandre, Armin avait pris Castiel à part pour lui poser quelques questions sur leur nouvelle « amie ».
— Elle sort d'où, elle ?
Castiel lui résuma rapidement la situation, les yeux de son camarade s'écarquillant un peu plus au fil de son récit.
— C'est vraiment pas juste ! râla Armin, la mine boudeuse. Comment ça se fait que ce soit vous qui viviez mon plus grand fantasme ?
— Ton fantasme ? répéta Castiel en arquant un sourcil.
— Qu'une fille amnésique en cosplay me tombe dans les bras !
— Je te rappelle que c'est une vraie fille en chair, en os, et en 3D !
— Justement ! Quelles sont les chances qu'une chose pareille se produise dans la vraie vie ? Et en plus elle s'appelle Alice ! Elle pourrait être sortie tout droit d'un conte de fées que ça ne m'étonnerait pas !
— Tes fantasmes vont un peu trop loin, je crois, soupira son ami.
— Et donc, elle va rester avec vous jusqu'à ce qu'elle retrouve la mémoire ? demanda Armin plus sérieusement.
— C'est le plan.
— Vous faites quoi cet après-midi ?
— Rosalya veut l'emmener acheter des fringues, comme si elle ne lui en avait pas refilé assez comme ça... Et après, on ira manger un bout en ville.
— J'aurais bien voulu me joindre à vous, répondit Armin avec une pointe de déception dans la voix, mais j'ai du boulot à l'hôpital. La dure vie d'interne en médecine.
— Pas si dure que ça, répliqua Castiel avec un sourire moqueur. Sinon tu n’aurais pas le temps de traîner ici et de jouer sur ton PC jusqu'à trois heures du mat’. Tu crois que je ne te vois pas quand t'es connecté sur Steam ?
— Écoute, je rêvais de devenir développeur ou gamer professionnel, mes parents en ont décidé autrement... J'ai suivi cette voie pour leur faire plaisir, mais j'essaye de concilier mon devoir et mes passions, même si ça veut dire sacrifier quelques nuits de sommeil.
Castiel lui offrit un regard compatissant tout en lui donnant une petite tape encourageante sur l'épaule. Il savait mieux que quiconque que réaliser ses rêves et vivre de sa passion n'était pas facile, surtout quand on avait des parents qui avaient une voie toute tracée pour leur précieuse progéniture.
***
Armin et ses amis se séparèrent devant le magasin de mangas. Alors qu'il s'éloignait, il se retourna une dernière fois pour les saluer de la main, mais son regard était braqué sur la yôkai. Rena fut soulagée de le voir disparaître au coin de la rue, car la façon dont il l'avait dévisagée, comme s'il avait percé son secret à jour, la mettait extrêmement mal à l'aise.
Rosalya, elle, avait vivement exprimé son mécontentement suite à cet arrêt impromptu qui retardait ses propres plans. Après leur avoir fait promettre qu'ils ne perdraient plus de temps en route, ils arrivèrent enfin devant le fameux magasin de vêtements. Comme Lysandre s'en était douté, il s'agissait de la boutique de son frère. Leigh les salua poliment, mais il était aussi discret et timide que son frère cadet. Il laissa donc Rosalya se charger de leur faire visiter le magasin. Après un rapide tour du propriétaire, les essayages purent commencer.
Rosalya avait proposé à Rena tout un tas de vêtements qu'elle lui avait fait essayer bon gré mal gré. Elle la faisait marcher, tourner sur elle-même, et prendre des poses étranges, mais la gardienne se laissait faire sans broncher. De temps à autre, elle interpellait Lysandre pour avoir son avis et, lorsque Castiel avait le malheur d'émettre le sien, elle lui jetait un regard noir et l'envoyait balader. Castiel s'était donc mis à donner son avis pour tout et n'importe quoi. Finalement, Rena avait trouvé une tenue qui, sans l'emballer totalement, était correcte, et surtout, lui permettait d'être libre de ses mouvements. Rosalya ne partageait pas son avis. Elle était même effondrée face à une tenue aussi banale. Un jean bleu marine, un T-shirt uni noir et un sweat à capuche gris, le tout complété par une paire de baskets blanches.
— Tu... tu es sûre que ça te convient ? demanda Rosalya en faisant une drôle de moue.
— Oui, c'est confortable.
— Ça, je n'en doute pas, mais...
— Si ça lui plaît, c'est le plus important, intervint Lysandre. C'est elle qui a besoin de vêtements, pas toi.
— Oui, c'est vrai, admit Rosalya avec une mine boudeuse. M'enfin, c'est pas un uniforme, tu sais. Tu aurais pu prendre autre chose, histoire de varier un peu ton style, au lieu de prendre trois exemplaires de la même tenue.
— C'est plus simple comme ça, ça m'évite de me demander comment je vais m'habiller chaque matin, répondit Rena avec un rire léger.
— Si tu le dis, fit la fashionista sans grande conviction. Même si passer une heure à me décider devant mon dressing est un des plus grands plaisirs de ma vie, je suppose que ce n'est pas le cas de tout le monde.
Malheureusement pour la gardienne, la séance de torture vestimentaire n'était pas terminée. Rosalya l'entraîna à l'étage pour l’aider à choisir quelques paires de sous-vêtements, ce qui les occupa encore une bonne heure supplémentaire. Rosalya lui avait expliqué que le magasin appartenait à son compagnon et qu’elle pouvait bien lui offrir ces quelques articles. Le compagnon en question ne semblait pas avoir d'objection.
***
L'après-midi était déjà bien avancée lorsqu'ils se séparèrent, Rosalya ayant prévu de passer la soirée avec Leigh. Lysandre, lui, avait pris quelques dispositions pour faire avancer les recherches concernant l'identité d'Alice.
— Tu te souviens de l'ami dont je t'ai parlé hier ? Celui qui prépare le concours de commissaire ? Je l'ai appelé ce matin, il nous a donné rendez-vous dans un bar appelé le Snake Room pour qu'on en discute.
— Oh non ! râla Castiel. Ne me dis pas qu'il va falloir qu'on se coltine ce pète-sec de Nathaniel.
— Tu peux bien faire un effort pour une fois ? Dis-toi que c'est pour Alice.
— Mouais... S'il paie l'addition, j'veux bien me sacrifier.
Lysandre balaya les jérémiades de son ami d'un geste de la main agacé. Il était affligé par la puérilité de son ami et le fait qu'il ne prenne pas au sérieux la gravité de la situation, mais il n'avait pas envie de se disputer avec lui. Pas maintenant, et surtout pas devant Rena qui comptait sur eux pour l’aider à surmonter cette épreuve.
Survivre à une scéance shopping avec une fashionistas ? J'ai connu ça avec la famille. Pauvre Rena, je compatis. Elle c'est trouvé une bonne tenue temporaire, pratique pour une combattante.
Sinon, je me demande bien comment vas t'elle faire pour vivre sa vie. Il lui faudra bien un travail si elle reste un moment. Je ne l'imagine pas se faire chier chez Castiel et Lysandre. Les deux gars vont continuer à dormir ensembles ? Ça n'a pas l'air de les déranger.
Assez intéressant de voir Rena non affecté par la destruction du cristal. Cadeau de l'oracle, ou le fonctionnement différents de notre monde la protège. Elle ne ressent pas particulièrement une perte de mana.
J'imagine que Rena pourra vite fait comprendre l'histoire du manga. Ça serait potentiellement le bon moment pour avouer ne point savoir lire notre language.
Bon, elle a les vêtements, le logement gratuit, reste plus qu'une boussole magique pour trouver l'élu.
Peut-être... peut-être... x)
Je sais plus s'ils dorment ensemble ou si y en a qui dort dans le salon ? Mais s'ils partagent une chambre, y en a un par terre sur un matelas, c'est sûr. xD
Elle aura pas le temps de se faire chier Rena, t'inquiète. x)
Ou bien juste qu'elle ouvre un peu les yeux, vu qu'il est littéralement juste sous son nez. xD
Le manga de mon enfance !!!! Wah, comment j'suis trop content que quelqu'un d'autre le connaisse !! Ce qui me fait penser que je ne crois pas avoir la suite de Nura.... MAIS JE SUIS TROP CONTENT
Bravo, tu as réveillé mon âme de lecteur avide de manga ahah
OH. Lysandre. C'est un Nurarihyon ??? Ca expliquerait ses cheveux (et ses yeux, aussi, je crois). WOW (je viens d'avoir cette idée en pensant à la Yuki-Onna de Nura ahah)
Mais sachant que y a une Yuki-Onna assez importante, qu'on peut pas ignorer vu son rôle dans l'histoire, Armin sait quelque chose. Parce que c'est beaucoup trop proche. Si Rena avait été une autre yokai, j'aurai rien dit. Mais quand même, dans Nura, y a la Yuki-Onna donc bon. Le mec sait quelque chose.
Et je reste sur cette idée que Lysandre est un Nurarihyon mdrrr (ça se trouve, je me trompe complètement mais laissez-moi rêver)
Sinon, c'est quand que Castiel est content mdrr ? Il râle toujours !
Oui, Armin est louche et c'est à peine déguisé. x)
Quand Castiel râle c'est qu'il est content, en bon descendant de français qu'il est ! xD
Mais du coup, j'espère avoir preshot la nature de Lysandre ahah