École de sorcellerie de Passravent – Mercredi 13 novembre 2002
- Ah ! dit quelqu'un derrière Isabelle. Vous êtes là, mademoiselle.
Isabelle se retourna pour voir apparaître un petit homme portant de petites lunettes rectangulaires sur un nez long et fin. Il avançait le dos courbé et semblait être assez âgé. Cependant, son regard était doux et accueillant. Il était vêtu d'un simple pantalon de ville, d'une redingote et ne portait aucun chapeau sur ses cheveux argentés mal peignés.
- Bonjour, monsieur, dit Isabelle.
- Bonjour, Isabelle, répondit l'homme. Je m'appelle Pascal Frotiiu et je suis le directeur de cette école. Je suis ravi de t'accueillir ici, même si j'aurais préféré le faire dans d'autres circonstances.
« Mes parents viennent de mourir tués par le maître des morts », se rappela-t-elle. Isabelle ignorait totalement de qui il s’agissait. Vu son pseudonyme, pas le plus sympa des sorciers, supposa-t-elle. Elle évacua cette question. L’urgence n’était pas là pour le moment. Il s’agissait de faire croire qu’elle était une sorcière, de tenir ce rôle sans mourir en lançant un sortilège niveau 2 ou plus.
- Je suppose que tu as envie d’un peu de tranquillité, indiqua le directeur. Tu dois avoir hâte de découvrir ta chambre.
- Pas vraiment, répondit Isabelle. Je peux aller en cours avec les camarades de ma classe ?
- Si tu veux, dit monsieur Frotiiu, apparemment surpris de cette requête.
Il la mena le long de plusieurs couloirs. Il arriva près d’une salle dont la porte était ouverte. Le silence se fit lorsqu’il entra. Les regards vers Isabelle furent curieux.
- Bonjour à tous. Je vous présente Isabelle Cheriez. Elle intègre votre classe à partir de maintenant. Je ne doute pas que vous saurez lui faire bon accueil.
- Bienvenue, dit gentiment la prof, une grande dame brune. Je suis madame Bernard. Tu peux rejoindre tes camarades.
Le directeur s’éclipsa discrètement.
- Nous sommes en train d’apprendre à déterminer l’effet d’un objet magique, indiqua madame Bernard. Tu peux prendre le pot et t’y mettre.
Isabelle se saisit d’un des pots de fleur en argile encore disponibles sur le bureau de la prof et s’installa à une table devant les regards accueillants de ses nouveaux camarades.
- Ne l’active pas, évidemment, précisa madame Bernard.
Remarque inutile : Isabelle ne savait pas activer un objet magique et ne comptait pas le faire. Si cet objet était de niveau 2, elle en mourrait. Elle préférait autant ne pas s’y frotter. Elle entra en contact avec la magie en se crispant. Chez les de Ranti, ce simple acte lui coûtait de la souffrance. Dans le bureau de monsieur Benet, à peine tentait-elle ensuite de lancer un sort qu’elle se faisait rabrouer.
Rien ne se produisit, ni douleur, ni engueulade, ni explosion tuant tous les élèves de la salle. Parfait. Isabelle constata que ce pot contenait effectivement de la magie. En revanche, elle fut incapable d’en déterminer l’effet. Un élève donna la bonne réponse et fut félicité. Isabelle enregistra la signature magique de cet objet et l’associa à l’effet annoncé.
Madame Bernard distribua un autre bidule et la consigne reprit. Isabelle enregistrait chaque réponse avec attention, dégoûtée de ne rien pouvoir noter, n’ayant pas de mot à mettre dessus. La magie vibrait en elle de manière différente en fonction des objets, mais comment le représenter ?
- Tu vas y arriver, l’encouragea madame Bernard. Vous en étiez déjà là dans ton école précédente ou bien vous vous contentiez d’activer des objets magiques ?
- Je découvre, répondit Isabelle.
- Vu comme tu es concentrée, tu devrais vite y arriver.
- Merci, madame.
- Evan ! Tu es responsable d’Isabelle. Tu lui fais découvrir l’école et tu fais en sorte qu’elle ne se perde pas.
- Bien, madame, répondit le jeune homme en question.
Cela ne semblait pas le déranger du tout.
- On va où ? demanda Isabelle qui suivait son guide hors de la salle.
- Déjeuner, indiqua-t-il. Tu sais déterminer lequel est le bon ?
Isabelle regarda le mur et constata qu’il était couvert de graffitis.
- Le bon quoi ? demanda-t-elle.
- Celui qui mène au réfectoire, précisa Evan en fronçant les sourcils.
Isabelle se raidit. Elle attirait l’attention. Il ne fallait pas. Se sentant en danger, elle activa ses pouvoirs, comme une auto-défense. Ne surtout pas lancer de sorts ! Cela pourrait être dangereux. Elle ne voulait mettre la vie de personne en danger.
Le mur étincela dans la magie. Isabelle fit le point et bientôt, chaque symbole résonna d’une manière propre et personnelle. Isabelle trouva cela très impressionnant.
- Non, admit Isabelle. Je ne sais pas.
Evan lui en montra un. Elle enregistra la signature magique et observa Evan. Il toucha le symbole. Isabelle fit de même et le monde changea autour d’elle. Elle venait de se téléporter juste en touchant un dessin. Sorcellerie niveau 1, tout à fait acceptable.
La salle à manger était bruyante mais pas autant qu’Isabelle l’aurait cru. Une vingtaine d’adolescents s’installaient. Isabelle reconnut tous ceux ayant participé au cours précédent avec elle.
- Où sont les autres élèves de l’école ? demanda Isabelle.
- Dans leur propre salle à manger, répondit Evan.
- Pourquoi vous séparer ?
- Qu’en sais-je ? C’est comme ça, c’est tout, répondit le guide en haussant les épaules.
Isabelle tenta de trouver des raisons possibles et en trouva beaucoup, trop pour tenter de trouver la bonne. Elle décida d’ignorer cela et de se concentrer sur sa tâche principale : passer inaperçue. Elle s’assit loin d’Evan, près d’un groupe de filles. Elle écouta leur conversation, tentant d’intégrer leur univers, restant muette, uniquement attentive au contenu de leurs échanges.
Après manger, les premières années nettoyèrent la salle à manger, lavèrent la vaisselle, la rangèrent puis se rendirent dans le foyer adjacent, vaste pièce munie de canapés et de fauteuils où ils se reposèrent ou travaillèrent, selon la volonté de chacun.
Finalement, ils se levèrent tous ensemble pour se rendre au cours suivant, touchant le symbole nécessaire. Isabelle découvrit monsieur Tybard, un professeur d’histoire extraordinaire. Avec lui, impossible de dormir. Son récit était passionnant, rempli d’anecdotes. Il utilisait du matériel pour illustrer ses propos, faisait réaliser des expériences à ses élèves pour ancrer encore plus le savoir transmis. Isabelle passa un excellent moment.
Le cours suivant, le dernier de la journée, permettait aux élèves d’obtenir des connaissances sur leur environnement.
- Nous étudions actuellement le bois. Sais-tu quoi que ce soit sur cet élément ? demanda gentiment madame Cochet à Isabelle.
- Non, madame, répondit Isabelle.
Des connaissances biologiques sur les arbres, la jeune femme en possédait beaucoup. En revanche, d’un point de vue magie, elle ne savait rien.
- Quel élément étudiais-tu dans ton école précédente ?
Isabelle préféra ne pas répondre. Si elle l’avait fait, nul doute que le professeur lui aurait demandé de développer, ce qu’elle aurait été incapable de faire. Des ricanements envahirent la salle. Les premières années se rendaient compte de l’ignorance récurrente d’Isabelle et se moquaient allègrement.
- Silence ! gronda madame Cochet. Je ne tolérerais pas un tel comportement ! Vous voulez une retenue, monsieur Grafy ? Non, alors ôtez ce sourire de votre visage. Mademoiselle Ojen, seriez-vous une dinde ? Non ! Alors cessez de glousser !
Le calme revint. Amine accepta de résumer les connaissances sur le bois acquises lors des cours précédents. Isabelle écouta avec attention puis reporta son écoute sur madame Cochet qui continuait la leçon.
Tous se rendirent ensuite en salle d’étude. Isabelle demanda à se rendre à la bibliothèque et obtint la permission. Elle observa les étagères croulants sous les livres. Elle avait de la lecture en retard, à n’en pas douter. Par où commencer ? Elle prit un ouvrage au hasard et le lut.
Après le dîner, Evan la mena jusqu’à sa chambre. Les élèves de cette école avaient leur propre chambre avec salle de bain. Isabelle n’en revint pas. Un lit, un bureau, une chaise, une armoire, voilà des choses qu’elle n’avait jamais eu, sauf pendant deux semaines chez Hubert.
Alors qu’Evan sortait pour la laisser tranquille, Isabelle sentit une immense tristesse l’envahir. Où était Hubert ? Que faisait-il ? S’inquiétait-il de son absence ? La cherchait-il ? La croyait-il en danger ? De fait, elle l’était mais le seigneur James Moriat ne viendrait jamais chercher une magicienne dans une école de sorcellerie. Isabelle approuvait le choix de la cachette.
Isabelle avisa le lit puis la salle de bain. Prendre une douche serait agréable. Dormir aussi. Sauf que la jeune femme n’avait rien d’autre à se mettre que les vêtements qu’elle portait. Tant pis. Elle se lava, dormit en sous-vêtements et remit les même habits le lendemain.
École de sorcellerie de Passravent – Jeudi 14 novembre 2002
- Salut, Isabelle, lança Evan qui l’attendait dans le couloir le lendemain matin.
Visiblement, il tenait à honorer son rôle de guide.
- Tu portes la même chose qu’hier, remarqua-t-il.
- J’ai dû partir précipitamment de chez moi, indiqua Isabelle. Je n’ai rien emmené. Je n’ai que ça à me mettre.
À Fairview, elle n’avait que quatre ensembles différents, concessions difficilement obtenues auprès de monsieur Benet après des semaines d’un comportement irréprochable. Les trois laissés sur place ne lui manquaient pas vraiment.
- Oh ! s’exclama Evan. Je suis navré.
Il guida Isabelle vers le mur de téléporteurs, le front plissé.
- Tu sais lequel choisir pour aller au réfectoire ? demanda-t-il d’un ton chaleureux.
Isabelle observa les dessins. Les formes ne ressemblaient à aucune de celles des autres murs. En revanche, la signature magique de l’un d’eux ne mentait pas. Elle le désigna. Evan suivit son doigt et se figea, clignant plusieurs fois des yeux, clairement abasourdi. Qu’il se demanda comment une élève aussi peu douée ait pu le déterminer aussi vite l’ébouriffait.
- Oui, en effet, confirma-t-il avant de le toucher.
Après le petit-déjeuner, Isabelle constata que peu de premières années se trouvaient au foyer. Elle se demanda où étaient les autres mais n’osa pas poser sa question à voix haute, de peur de se mettre en avant. Ils revinrent quelques minutes plus tard, tendant des sacs à Isabelle.
Abasourdie, la jeune femme s’en saisit sans comprendre. Elle ouvrit le premier. Il contenait deux tee-shirts. Le suivant un pull. Puis des pantalons, des jupes, des robes, des pyjamas. Aucun sous-vêtement, cela étant trop intime. Isabelle en fut tourneboulée. Une fille la prit dans ses bras tandis qu’elle fondait en larmes.
- Merci, à tous, dit-elle, une fois de nouveau capable de parler. Je vais aller mettre tout ça dans ma chambre.
- Je viens avec toi, indiqua Evan.
- Je sais y aller seule, répliqua Isabelle, désireuse de libérer le jeune homme de son boulet.
- Le premier cours de la journée ne va pas tarder. Nous allons nous y rendre. Tu ne nous retrouveras pas.
- Montre-moi simplement le bon téléporteur, répliqua Isabelle.
Il l’amena au mur du réfectoire et lui désigna celui menant au premier cours de la matinée. Isabelle lança sa main vers le dessin conduisant aux chambres. Elle rangea ses affaires dans son armoire. Elle prit son temps, se fichant totalement d’arriver en retard.
Elle n’avait jamais possédé autant de vêtements de sa vie. Elle choisit un chemisier et une jupe formant un joli ensemble et les passa. Elle pleura puis se décida à se rendre en cours.
- Je suis désolée de mon retard, indiqua Isabelle au professeur à la peau d’ébène et au regard d’encre.
- C’est Evan qui est en tort. Il aurait dû t’accompagner, répliqua le professeur.
- J’avais besoin d’un moment seule, précisa Isabelle. Je lui ai demandé de s’éloigner.
Le professeur sembla se rendre compte du visage défait et des yeux rouges de son élève. Il n’insista pas.
- Tu vas enfin pouvoir nous montrer ton talent, murmura Violette, la jeune femme à côté de laquelle elle s’assit.
- Pourquoi ?
- Monsieur Zombala enseigne la symbologie.
Isabelle montra d’un geste qu’elle ne voyait pas le rapport.
- Être capable de trouver le bon dessin aussi vite prouve tes compétences en la matière ! murmura Violette qui dut se taire car le cours reprenait.
Au mur, un cercle apparut.
- Isabelle ? Que permet ce symbole ? demanda monsieur Zombala.
- Je n’en ai aucune idée, monsieur, répondit poliment Isabelle.
La classe fut marquée d’un moment de stupeur.
- Pourquoi fais-tu croire à tout le monde que tu ne sais pas ? s’énerva Violette.
- Je ne sais réellement pas ! répliqua Isabelle.
Violette la dévisagea. Il était clair qu’elle la prenait pour une menteuse. Monsieur Zombala eut un regard compatissant vers Isabelle et insista :
- Tu ne peux pas ne pas savoir, l’encouragea-t-il. Allons. Un cercle permet ?
Isabelle lui lança un regard vide. Le professeur secoua la tête.
- Violette ? interrogea-t-il.
- D’enfermer, de séparer, de classer mais également de protéger, de sécuriser. C’est une forme de base, termina-t-elle en accompagnant ses mots d’un regard dédaigneux vers Isabelle.
Une spirale apparut.
- Et celle-là ? Isabelle ? demanda monsieur Zombala.
Mais pourquoi s’acharnait-il à l’interroger ? Elle voulait juste qu’il lui fiche la paix. Toutes les mains se levèrent et Isabelle se sentit scrutée. Elle qui voulait passer inaperçue, c’était raté.
- Allez, Isabelle ! l’encouragea Evan. Tu as déjà vu ce symbole ! Tu l’as déjà touché !
Isabelle haussa les épaules en faisant une moue d’ignorance. Monsieur Zombala soupira. De chaleureux, il devenait agacé.
- Yvan, lança-t-il.
- Le mouvement, monsieur. C’est le symbole de base des téléporteurs.
Isabelle ne savait même à quoi ressemblait le dessin qu’elle touchait. Elle ne le voyait pas avec ses yeux mais en utilisant la magie. Elle aurait été incapable de reconnaître le dessin permettant de se rendre dans sa chambre si on lui dessinait devant les yeux. Elle ne se repérait qu’à sa signature magique.
Le cours continua. Les formes de base défilèrent. Le professeur n’interrogea plus Isabelle. Les élèves donnèrent toujours la bonne réponse, prouvant que cette connaissance était acquise et bien ancrée.
Finalement, le professeur proposa une spirale chevauchant un cercle et demanda à quoi pouvait servir ce symbole. De fait, les conséquences pouvaient être nombreuses. Monsieur Zombala précisa qu’il n’y avait pas qu’une seule bonne réponse. Il fallait juste proposer quelque chose de cohérent.
Isabelle leva la main. La classe se figea. Le professeur lui donna la parole.
- Il sert à s’échapper d’une prison ? Un genre de tunnel d’évasion ?
Monsieur Zombala sourit.
- C’est une excellente réponse, valida-t-il.
Isabelle ricana. Elle trouvait cela totalement ridicule. Étudier des dessins de gamins n’était, à ses yeux, pas de la magie. Elle leva la main à chaque fois, proposa un truc, n’importe quoi qui combinait les éléments de base rappelés précédemment, et le professeur valida toutes ses réponses. Ce qu’Isabelle ne comprenait pas était pourquoi les autres ne trouvaient pas. Il suffisait d’avoir un peu d’imagination.
Au cours suivant, Isabelle découvrit monsieur Letil, un homme tout petit mais plein d’énergie. Il enseignait l’art des potions. Il distribua une recette à tous les élèves qui durent la réaliser. Isabelle ne put s’empêcher de ricaner. De la cuisine, maintenant ? Mais quel était cet endroit ? Elle lut rapidement les lignes. Recette pour débutant, vraiment. Elle faisait mille fois plus compliqué avec le chef Yann.
Elle fut la première à terminer et monsieur Letil la félicita. Loin de la jalouser, les autres la félicitèrent. Isabelle commença cependant à comprendre pourquoi les magiciens dénigraient les sorciers, pourquoi ils les considéraient comme des incapables. S’ils passaient leur vie à dessiner et à touiller, cela s’expliquait.
Elle apprit que tout l’après-midi était réservé à une seule matière, la plus difficile : la divination. Madame Laloutre proposa à ses élèves de se mettre en binôme, de préparer le thé avant de le boire. Puis, chaque élève dut échanger avec son compagnon avant de lire l’avenir dans le fond de la tasse.
- Rappelez-vous ! Ne tentez jamais de lire votre propre avenir. C’est très dangereux, prévint madame Laloutre.
- Je vois un chevalier, annonça Magalie. Madame, ça veut dire quoi un chevalier ?
- Magalie, tu dois déchiffrer avec ton cœur, pas avec ta cervelle. Suis-je monsieur Zombala ?
La classe pouffa de rire. Le grand black et la petite rousse n’avaient vraiment rien en commun.
- Je ne te demande pas d’identifier un symbole puis de comparer avec une banque de données. Peu importe ce qu’un livre te dira. Dans ton cœur, que signifie le chevalier ? Cela te fait penser à quoi ?
- Quelqu’un de fort, un protecteur, répondit Magalie.
- Très bien, voilà, tu as ta réponse, indiqua madame Laloutre.
Magalie regarda Isabelle et haussa les épaules. La magicienne observa la sorcière devant elle. Elle rayonnait comme si elle était fière d’elle. Elle avait vu un protecteur fort dans la tasse de thé et ? Et rien. Voilà. Sa prédiction s’arrêtait là. Super.
- Merci, Magalie, dit Isabelle qui faisait son possible pour masquer à quel point elle trouvait tout cela complètement stupide.
Magalie la fixa de ses grands yeux ouverts, comme si elle attendait fébrilement quelque chose.
- Oh ! Ta tasse ! comprit Isabelle.
La magicienne activa la magie qui ne répondit rien. Cette tasse n’avait rien de magique. Pour faire plaisir à sa camarade, elle regarda au fond et vit un chat.
- Il va arriver quelque chose à ton chat mais je ne sais pas si c’est positif ou négatif, annonça Isabelle avant de poser la tasse.
- Je n’ai pas de chat, répondit Magalie.
Isabelle haussa les épaules. Qu’y pouvait-elle ?
- Ta prédiction est un peu trop précise, Isabelle, annonça madame Laloutre. Tu as vu un chat, c’est ça ?
Isabelle confirma d’un geste de la tête.
- Magalie pourrait tout aussi bien trouver un chaton abandonné ou se faire griffer par un chat sauvage.
Isabelle admit que ces possibilités se tenaient.
- À tes yeux, que représente le chat ? Que ressens-tu quand tu visualises un chat ? demanda madame Laloutre.
- Rien, madame. Je n’en ai jamais vu en vrai.
- Tu n’as jamais vu de chat ? railla Magalie d’une moue méprisante.
- Ben non, répondit Isabelle.
- Tu sais ce que c’est, insista madame Laloutre. Cela évoque forcément quelque chose chez toi. Je n’ai jamais vu de castor et pourtant, cela m’évoque la persévérance et le travail bien fait.
Isabelle comprenait le principe. Elle n’avait juste pas du tout envie de participer. Cette journée complète de cours plus ridicules et inutiles les uns que les autres commençait à lui peser. Le lycée de Fairview lui manquait. Sentant le regard de tout le monde sur elle, elle se força.
- La douceur, répondit-elle. Le chat m’évoque la douceur.
- Soit quelque chose de très positif, indiqua madame Laloutre. De quoi rassurer Magalie sur son avenir.
Isabelle leva les yeux au ciel à cette réplique. Madame Laloutre, passée au binôme suivant, ne s’en rendit pas compte mais les autres élèves s’en aperçurent. Lorsque tous les élèves eurent annoncé leur prédiction, les binômes changèrent et Isabelle se retrouva avec Violette. Elles burent le thé ensemble puis échangèrent leurs tasses.
Isabelle se figea avant d’attraper celle tendue par Violette. Elle vibrait dans la magie. La magicienne, qui avait activé son lien avec la magie en tentant de lire son avenir à Magalie, ne l’avait pas coupé, se sentant bien mieux ainsi. De ce fait, elle se rendit immédiatement compte que la tasse résonnait.
Elle s’en empara, surprise, car après une rapide vérification, aucune autre tasse ne brillait, pas même la sienne.
- Je vois un cercle, annonça Violette. Tu es en sécurité.
« Ou en prison », pensa Isabelle qui ne la contredit pas, ne voulant pas polémiquer avec sa camarade. Elle jeta un œil au fond de la tasse. Elle n’avait aucune idée de comment allier la forme sombre et la résonance magique. Elle lança d’instinct :
- Tu vas tomber amoureuse.
- Isabelle ! intervint madame Laloutre. Tu cherches trop à interpréter. La divination est un art compliqué. Seuls les grands devins réalisent des prédictions aussi précises. Tu as vu un cœur je suppose ?
- Euh… non, répondit Isabelle qui aurait été incapable de nommer la forme au fond de la tasse. J’ai suivi mon instinct.
- Ce n’est pas grave. On change de binôme !
Isabelle se retrouva avec Gontrand. Il fusillait Violette des yeux.
- Pas besoin que tu boives le thé, dit Isabelle. Je peux déjà prédire que tu vas t’engueuler avec ta petite-amie.
Gontrand lui lança un regard noir tandis que toute la classe ricanait. Madame Laloutre intervint pour faire revenir le calme mais Gontrand semblait prêt à exploser.
- Elle est censée être déjà amoureuse ! De moi ! hurla le jeune homme.
- Pourquoi tu t’énerves ? C’est ma première fois en divination. Franchement, mes paroles ne valent rien.
Gontrand lui lança un regard surpris.
- Tu faisais quoi à ton école précédente ?
Isabelle le fixa de manière appuyée sans répondre.
- Pardon, excuse-moi, finit-il par lancer.
Il avala d’un trait sa tasse de thé et la donna à Isabelle. À nouveau, celle-ci résonna dans la magie, de manière opposée à celle de Violette.
- Tu vas avoir une peine de cœur, indiqua Isabelle.
- Ah super ! lança Gontrand. Tu ne pourrais pas au moins faire croire que tu essayes de faire l’exercice ?
- Je fais l’exercice ! s’exclama Isabelle qui avait la nette impression d’être la seule à faire de la vraie divination dans cette salle.
- Madame ? Isabelle n’a même pas regardé au fond de ma tasse avant de me donner son pronostic.
Inutile de regarder. La résonance se suffisait à elle-même.
- Isabelle ! gronda madame Laloutre. La divination est un art subtil et difficile, complexe et ardu, qui demande de la concentration et de la rigueur.
Isabelle leva de nouveau les yeux au ciel. Cette fois, le professeur le vit tandis que la classe se figeait de stupeur.
- Isabelle, sors de mon cours, ordonna madame Laloutre.
Elle se leva, prit ses affaires et se rendit à la bibliothèque. Elle fondit sur la documentaliste.
- Bonjour, madame. J’aimerais lire un livre sur la divination mais un truc vraiment basique, pour les très grands débutants.
La documentaliste le lui fournit volontiers. À la fin de la journée, Isabelle l’avait terminé. Elle demanda la même chose mais en symbologie. Inutile de se renseigner en histoire de la sorcellerie : le professeur racontait merveilleusement et ne lui demandait pas de fournir des connaissances personnelles. Pour les objets magiques, aucun livre ne remplaçait l’expérience et le ressenti. Les potions ne lui demandaient rien. Suivre une recette n’avait rien de compliqué.
Il restait bien sûr la nature mais trois matières lui semblaient trop. Si elle s’éparpillait, elle n’y arriverait pas. Elle allait devoir choisir ses matières car tout rattraper serait insurmontable. Elle aimait bien la symbologie et la divination. Elle choisit ces deux-là. En étude de la nature, elle ferait comme elle pourrait, suivant au mieux.
Salle de réunion de l’école de sorcellerie de Passravent – Mercredi 20 novembre 2002
- Voilà une semaine que la jeune Isabelle Cheriez nous a rejoint, dit Pascal. Je vous ai convié pour faire un point rapide. Carmen ? Tu es la professeur référente des premières années. Que peux-tu nous dire sur Isabelle ?
- C’est une gentille gamine, annonça Carmen Bernard. Elle ne s’est pas du tout intégrée dans le groupe. Pourtant, ils vont vers elle mais cela reste difficile.
Toute l’équipe approuva d’un geste ou d’un son. Pascal grimaça. Il n’aimait pas quand une intégration se passait mal.
- Elle est très respectueuse des règles. Elle est toujours à l’heure. Elle range et nettoie sa chambre ainsi que les parties communes. Les devoirs sont toujours faits. Il n’y a eu qu’un seul incident à déplorer mais Emilie en parlera mieux que moi.
La professeur de divination hocha la tête sans prendre la parole pour autant, laissant sa collègue continuer.
- En ce qui concerne ses compétences en objets magiques, c’est simple, elles sont nulles. Elle ne connaît strictement rien à rien. À croire qu’elle n’a jamais suivi la moindre scolarité en sorcellerie avant la semaine dernière. Par contre, elle est très volontaire, persévérance, motivée et à l’écoute. Pas un bavardage, pas une déconcentration. Elle progresse à une vitesse phénoménale.
- Vous êtes d’accord, chers collègues ? demanda Pascal.
- Non, dit François Letil. Isabelle est extrêmement douée en potion. Elle réalise des chefs d’œuvre. Par contre, elle est extrêmement condescendante. Elle prend tout le monde de haut et son comportement est à la limite du supportable. Elle va vite se mettre ses camarades à dos à force de les mépriser de cette façon.
- Incroyable ! s’exclama Hervé Tybard. Nous n’avons pas la même élève en classe. Ce n’est pas possible ! Isabelle est charmante, passionnée. Elle partage volontiers avec ses camarades, les aide lors des travaux de groupe.
- Tant mieux ! s’exclama François Letil. Si son attitude n’est pas tout le temps aussi prétentieuse, c’est une bonne chose.
- En même temps, quand on est nul, difficile de se montrer hautain non ? intervint Naëlys Cochet. Isabelle ne sait rien, sur rien. Même l’eau, le bois ou l’air lui sont étrangers. Elle écoute en classe et fait ses devoirs mais elle n’atteint jamais la moyenne car elle fait le strict minimum. Elle est vraiment mauvaise.
- Elle ignorait visiblement tout de la symbologie à son arrivée, confirma Bombou Zombala. En revanche, elle se montre volontaire et motivée. Quand j’ai constaté ses progrès, j’ai cru qu’elle s’était moquée de moi les premiers cours. D’ailleurs, ses camarades pensent la même chose. Et puis, j’ai interrogé un peu plus Evan, le responsable des premières années. Isabelle ne s’intègre en effet pas au groupe parce qu’elle refuse de participer aux activités sportives et ludiques, temps qu’elle passe à la bibliothèque. Curieux, j’ai demandé à Anne la liste des ouvrages sélectionnés par Isabelle.
Tout le monde était pendu aux lèvres de l’africain. Carmen Bernard grimaçait. Nul doute qu’elle s’en voulait de ne pas avoir eu cette idée elle-même. En temps que professeur référent de la classe, cette action lui revenait.
- « Art de la symbologie », lut Bombou Zombala. Pour ceux ici qui ne le savent pas, c’est une encyclopédie des symboles. Je base mon cours dessus. C’est très progressif, très bien fait. Elle en est au chapitre 3. Nous en sommes au chapitre 5 en cours. Elle rattrape doucement son retard. Or cette lecture ne lui a été imposée par personne. Je ne lui ai rien demandé, ni même suggéré. C’est elle qui est allée requérir de l’aide auprès d’Anne.
- Elle a emprunté d’autres livres ?
- Des dizaines traitant de divination, indiqua Bombou Zombala.
Tout le monde se tourna vers Emilie Laloutre, la seule professeur à n’avoir pas encore donné son avis sur Isabelle. Elle semblait gênée. Elle mit un peu de temps à se lancer.
- Je n’aime pas Isabelle, finit-elle par lâcher. C’est physique. Je suis d’accord avec François. Elle est pédante, c’est insupportable. Elle nous juge et croyez-moi, le résultat n’est pas bon. Elle n’a clairement jamais fait de divination de sa vie et a un très mauvais a priori sur ma matière. Je l’ai exclue de cours parce que son comportement ne convenait pas.
La salle retint son souffle. Qu’une élève se fasse exclure dès son premier cours n’était pas chose banale.
- Je l’avais reprise sur sa manière de faire et elle a osé lever les yeux au ciel. Ses camarades m’ont indiqué qu’elle faisait cela souvent. Ils se sentent rabaissés et dénigrés par la nouvelle arrivée.
François Letil sourit, ravi d’avoir trouvé un allié dans ses plaintes. Les autres n’en revinrent pas.
- Cependant, continua Emilie Laloutre et il sembla au directeur que les mots qui sortirent lui brûlèrent la gorge, j’ai un doute. Je pense que c’est moi qui ait eu tort.
François Letil perdit tout sourire.
- J’ai repris Isabelle parce qu’elle avait annoncé à Violette qu’elle allait tomber amoureuse, expliqua Emilie Laloutre.
Carmen Bernard ricana puis lança :
- Aucun débutant ne peut prédire quelque chose d’aussi précis. Elle disait n’importe quoi pour se faire remarquer.
- C’est exactement ce que j’ai pensé. Hier, Violette est tombée par hasard sur Tibault Facheux, troisième année. Ça a été le coup de foudre. Depuis, ils ne se quittent plus. Violette s’est fâchée avec son petit-ami du moment, Gontrand, qui s’était plaint qu’Isabelle, sans même regarder le fond de sa tasse, lui avait annoncé une immense peine de cœur.
- C’était aisément prévisible, même sans tasse de thé, répliqua Bombou Zombala.
- Isabelle venait à peine d’arriver. Elle n’est jamais avec ses camarades. Elle ignorait probablement qu’ils sortaient ensemble et de toute façon, elle a prédit à Violette qu’elle tomberait amoureuse et contre toute attente, cela s’est effectivement produit. Seuls deux autres élèves avaient, ce jour-là, eu des remarques vaguement émotionnellement positives vers Violette. Je pensais refuser l’entrée à Isabelle dans mon cours tant qu’elle ne se serait pas excusée, indiqua Emilie Laloutre. Je crois que ça serait plutôt à moi de le faire. Bombou, tu dis qu’elle a emprunté et lu des ouvrages traitant de divination ?
- Des dizaines, répondit Bombou Zombala en lui tendant la liste.
Emilie Laloutre la parcourut des yeux avec ahurissement.
- Je ne lui ai rien demandé non plus, précisa Emilie Laloutre. Je l’ai exclue de cours sans lui donner de travail. C’est elle qui a choisi de faire ça. Je n’en reviens pas.
- Elle choisit ses matières, maugréa Naëlys Cochet.
- En même temps, si elle ne sait rien sur rien, je la comprends, intervint Pascal. On ne peut pas attaquer sur tous les fronts en même temps. Elle a remarqué être douée dans deux disciplines et elle a foncé. Cela dénote une très grande maturité et une autonomie de haut vol. Je ne vais pas intervenir. Laissons-lui la possibilité de se faire tranquillement à notre école. Ce n’est que la première semaine après tout.
La rotonde – Lundi 10 avril 2006
Philippe ouvrit la session au moment où le dernier sorcier prenait place. Les échanges furent nombreux et enrichissants. Alors que la réunion arrivait à ton terme, un sorcier apparut et tendit un papier à son homologue.
- C’est pour vous, indiqua Farid El’Glem. Le seigneur James Moriat va retrouver sa fille.
Philippe s’empara du bout de papier. Son bouc émissaire allait retrouver son enfant. Il ricana. Il contacta Dan Bern.
« Trouvez moi James Moriat et surveillez-le. S’il vient à entrer en contact avec une femme, vérifiez s’ils ont un lien de parenté. Si c’est le cas, emmenez-la. Sa fille, celle-là même que vous avez confié à Benet, est à vous. »
Voilà qui rendrait Moriat fou de rage. C’était déjà une loque. Ce coup-là le réduirait définitivement au silence. Philippe sourit. C’était une bonne chose de faite.
Salle de réunion de l’école de sorcellerie de Passravent – Mercredi 12 avril 2006
- Isabelle Cheriez, annonça Pascal.
Philippe Geraud, professeur référent des quatrièmes années, se crispa.
- Mademoiselle Cheriez est… comment dire ça poliment… d’humeur fluctuante.
- C’est une chieuse, gronda Naëlys Cochet. Elle bavarde, elle s’agite, elle gigote. Dès le départ, ma matière ne l’intéressait pas mais avec les années, c’est devenu de pire en pire. Elle s’en fiche et ne s’en cache pas.
- Je perds la boule avec cette élève, annonça Bombou Zombala. Elle est super douée, parvient à réaliser des symboles d’une grande beauté, mais refuse parfois de faire un exercice pourtant simple. Je ne dis pas qu’elle échoue, non ! Elle refuse de le faire. Un refus net, catégorique, inébranlable.
- J’ai cela à longueur de journée, confirma Philippe Geraud. Isabelle refuse de pratiquer. Pas moyen de lui faire utiliser un objet magique.
- Les autres ? demanda Pascal, un peu abasourdi.
- Isabelle adore l’histoire de la sorcellerie, indiqua Hervé Tybard. Elle a la note maximale à chaque fois. Ces rédactions dénotent une grande finesse d’esprit.
- Son comportement hautain est allé en empirant, indiqua François Letil. En même temps, ses potions sont bien souvent meilleures que les miennes. Elle nous prend de haut et parfois, je me dis qu’elle a le droit. Elle n’a rien à faire dans mon cours. Je n’ai rien à lui apprendre. Elle me dépasse et de loin.
- Isabelle s’est montrée très réceptive, indiqua Emilie Laloutre. Méfiez-vous si vous lui demandez votre avenir, il se pourrait bien qu’elle ait raison. Nous avons balayé tout le champ de la divination. Isabelle montre une nette préférence pour le jeu de tarot, qui est la forme de divination la plus difficile car mettant en jeu le plus de paramètres. Elle accepte de tirer les cartes pour ses camarades ou pour moi – et il m’arrive de le regretter – mais elle refuse de le faire pour quiconque d’autre. Je ne sais pas pourquoi.
- Elle refuse un exercice, insista Philippe Geraud. Même dans une matière où elle est douée. Cette gamine est d’une suffisance !
- Elle ne s’est toujours pas approchée de ses camarades, indiqua Pascal.
- Parce qu’elle se considère comme supérieure. Elle les méprise, comme si…
Philippe Geraud cessa brusquement de parler. Il fronça les sourcils puis se tourna vers le directeur :
- Monsieur Frotiiu, dans quelle école se trouvait Isabelle avant de nous rejoindre ?
Pascal l’ignorait. Il s’en fichait. Ici ou là, cela ne changeait rien. Il ouvrit le dossier de la jeune femme sur son ordinateur et rechercha l’information.
- Aucune école n’est mentionnée, indiqua-t-il.
- Elle était instruite à la maison, en conclut Philippe Geraud. A-t-elle jamais été à l’école avant Passravent ?
- Peut-être pas, dit Bombou Zombala. Cela pourrait expliquer ses difficultés à s’intégrer à un groupe.
- Elle aurait toujours vécu seule avec ses parents ? comprit Emilie Laloutre. Les perdre a dû être atroce pour elle. Je ne m’étais pas rendue compte qu’elle était dans une telle souffrance !
- Elle n’avait pas l’air si tourmentée, indiqua Pascal. Monsieur Geraud, à quoi pensez-vous ?
- Ses parents ont été tués par le maître des morts, c’est ça ? demanda Philippe Geraud.
Pascal confirma d’un geste. Monsieur Geraud sortit sa tablette et tapota. Tout le monde attendit en silence, surpris par cette attitude non conventionnelle.
- Il n’y a rien. Elle est bien arrivée à l’école en novembre il y a quatre ans ?
- Oui, confirma Pascal.
- Le Häxa ne fait nulle part mention d’une attaque du maître des mots sur qui que ce soit à ce moment-là, expliqua monsieur Géraud. Or ce journal adore les gros titres bien sanglants et une orpheline était du pain béni.
- À quoi pensez-vous ? demanda Pascal.
- Ce dossier est bidon. Il ment. Isabelle n’est pas une orpheline. Ses parents sont bien vivants. Ils sont juste en prison.
- En prison ? Pourquoi ? s’exclama Emilie Laloutre.
- Parce que ce sont des puritains, siffla Philippe Geraud.
Pascal se figea. De nombreux enseignants blêmirent. Chacun assembla les morceaux et tous durent admettre que cela se tenait.
- Ils ont élevé Isabelle de cette manière et elle continue à suivre leurs préceptes, s’écria Philippe Geraud. Elle nous regarde de haut parce qu’à ses yeux, nous sommes de la merde. C’est une putain de puritaine !
- Calmez-vous, monsieur Geraud, s’interposa Pascal. Nous n’avons aucune preuve de…
- Ouvrez les yeux ! Elle nous le prouve au quotidien ! s’exclama Philippe Geraud.
- Je viens de refaire le film de ces années avec Isabelle et je confirme, intervint Bombou Zombala. Elle refuse de pratiquer lorsque les objets dépassent le niveau 1.
- Non ! Non ! s’exclama Pascal. Ce n’est pas possible. Cela n’a pas pu nous échapper. Faites venir Isabelle ici.
- À quoi bon ? maugréa Philippe Geraud tandis que madame Laloutre se levait.
- J’ai besoin de lui parler, d’entendre sa version, indiqua Pascal. Nous sommes en train de lui faire un sacré procès. Si nous l’accusons à tort, c’est extrêmement grave.
Il y eut un silence de mort dans la salle de réunion, chacun remuant de sombres pensées, se remémorant toutes ses interactions avec Isabelle, blêmes à l’idée d’avoir raté une telle énormité.
- Isabelle, approche, s’il te plaît, proposa Pascal alors que la jeune femme observait la salle où tant d’yeux la fusillaient. Nous avons une question à te poser.
- Je vous écoute, monsieur, répondit la jeune femme qui ne semblait pas spécialement angoissée.
- Choisis-tu volontairement de ne pratiquer que la sorcellerie de niveau 1 ? demanda Pascal.
Monsieur Géraud ronchonna à côté de lui. Il n’approuvait visiblement pas qu’il mette ainsi les pieds dans le plat et aurait sûrement préféré un peu plus de doigté. Le directeur n’en avait cure. Il voulait en avoir le cœur net.
- Oui, monsieur, répondit Isabelle et tout le monde dans la salle se figea d’incrédulité.
Elle venait d’avouer, à voix haute et sans le moindre complexe, être une puritaine.
- C’est interdit, monsieur ? demanda Isabelle.
- Elle ne le sait pas, souffla madame Laloutre. Ses parents ne le lui ont jamais dit ! Isabelle ? Où étais-tu au moment de la disparition de tes parents ?
Isabelle se tourna vers son professeur de divination. Un instant, elle se figea, fronça les sourcils, semblant réfléchir intensément puis elle attrapa un grigri pendant à son poignet gauche et disparut.
- Elle vient de se téléporter ! s’exclama Pascal. Appelez la police, maintenant ! Eh merde !