Chapitre 5 - Tarot, Kems, échiquier, menaces et ultimatum

Par Zig
Notes de l’auteur : Coucou ! Et voilà, le projet d'été est rangé, celui d'automne/hiver reprend ses droits ! Ce chapitre est un gros premier jet qui devra subir pas mal de modifications, mais j'ai besoin d'avis sur certains effets un peu "visuels", que je sais avoir mal rendus... Tous vos avis, conseils, remarques, sont les bienvenus ! Bonne lecture à celleux qui me liront ! (PS : comme d'hab la mise en page des voix a sauté ;_;)

« E'é'éma'euh

— Pardon ? Fais un effort pour articuler, je ne comprends rien.

— Ekkékémateuh 

— Echec et ma... Bernard ! On ne joue pas aux échecs mais au tarot, fais un effort s'il te plaît ! M. Armand, vous prenez le chien ? »

Perdu dans ses pensées, Armand leva la tête et chercha Molly du regard, sans bien comprendre.

« Quel chien ? »

Exaspéré, Féval soupira avant d'abattre ses cartes.

« Moi j'essaye de vous vider la tête, mais personne ne m'aide !

— Keeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeems »

Hurla soudain une Malemort, assise juste à côté de Bernard dont la langue bien pendue – c'était le cas de le dire – humidifiait la nappe grise.

« Mais puisque je vous dit qu'on joue au tarot, s'agaça Féval. Le kems c'était la semaine dernière, Madge. Ce n'est pourtant pas compliqué ! »

A sa gauche Juan – un squelette à béret marron – jeta lui aussi cartes sur table, avant de croiser radius et cubitus sur ses côtes ouvertes.

« Juan est d'accord avec moi, fit remarquer Féval. A chaque fois c'est la même chose.

— Keeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeems, insista Madge.

— Ekkékémateuh, répéta Bernard.

Tac, tac, tac, tac, tac, firent les mâchoires de Juan.

— J'ai rarement vu des joueurs aussi mauvais, conclut Molly, amusée ».

Perdu au milieu de cette débâcle sonore, Armand continuait à fixer son jeu, l'air ailleurs. Si Féval s'acharnait à l'inclure dans la partie, Molly avait abandonné l'idée depuis longtemps. Armand ne participait que par politesse, non par envie. Il ne pensait qu'à M. Pierre.

« Tu ne crois toujours pas en sa mort, n'est-ce pas ? demanda doucement la féline. »

L'apprenti Fossoyeur secoua la tête, avec la lenteur égaré de ceux qui voguent loin. Les rythmes anarchiques du tarot lui parvenaient à moitié, trop loin de ses préoccupations actuelles. Dans le secret de son cœur, Armand remerciait Féval pour la manière dont-il cherchait à l'occuper – avec toute la sollicitude et l'inquiétude du grand frère – mais rien ne pouvait effacer l'absence, pas même la bonne volonté. Le temps passait à sa manière étrange, avec ses règles de cimetière, mais le Maître des lieux ne revenait pas. Armand avançait, ou du moins essayait, s'accrochant à ses habitudes par réflexe et désespoir, sans oser prendre d'initiative. Il s’abîmait les mains à force de creuser près du Mausolée, de la grande entrée, du cabanon des bois, où M. Pierre aimait tant fumer.

Mais rien. La place vide résonnait d'absence.

« Tac, tac. Tac, tac, tac ? »

Son attention happée par la communication bruyante de Juan, Armand tourna la tête dans sa direction, le visage toujours fermé et le regard ailleurs.

« Excuses-moi, tu veux bien répéter ?

Tac, tac. Tac, tac, tac ?

— Non, non ce n'est pas toi, c'est moi... j'ai l'esprit occupé mais tu joues très bien, ne t'en fais pas.

Tac ! Tac tac tac. Tac. Tac. Tac tac tac tac tac ?

— Aucune. Et... je ne sais pas. Je suppose que s'il était mort je le saurais, non ?

— Moi je le sais, intervint Féval. Je vis avec M. Pierre depuis sa nomination et il a toujours été là, dans un morceau de moi. Son cœur devrait battre dans ma tête, mais je ne l'entends plus. »

C'est ce que Féval répétait sans cesse et Armand – pourtant si calme et si doux – ressentait une colère grimpante, qui lui donnait envie de chasser son ami. L'apprenti n'était pas fou, il savait ce qu'il ressentait, ce que le murmure fluide du cimetière lui glissait à l'oreille. Juste un filet de voix, une impression vague qui flottait quelque part autour de lui, glissait sur sa peau pour déposer des baisers d'espoir. Ils gonflaient son cœur. Ils vibraient dans sa tête. Le Grand Mausolée hurlait que son maître vivait.

« Nous ferions mieux d'arrêter, proposa Molly, c'est ridicule. Il semble assez clair qu'Armand n'a pas la tête au jeu, et de toute manière Bernard est en train de perdre sa mâchoire sur les cartes. »

Soudain pris de panique, le Flétrissé plaqua ses mains molles au niveau du menton qui – comme le signalait justement Molly – s'était abaissé de plusieurs bons centimètres. La mandibule ne tenait plus que par la force limitée d'un muscle fatigué, aux fibres déchirées. Rendu malheureux par le constat de sa décrépitude, Bernard lança à l'assemblée un regard désolé, qui lui valut une caresse amicale de la part d'Armand.

« Tu n'y es pour rien, vous êtes tous adorables de rester avec moi. Je sais que vous me regardez comme une personne en deuil, et ça me touche, mais je vous assure que je vais bien, et que j'ai de l'espoir. Mon maître retrouvera le chemin de la maison. Je ne sais pas ce qui le retient, mais rien ne peut empêcher M. Pierre de revenir parmi nous ».

Il irradiait du jeune homme une telle force, une telle confiance et une telle assurance, que personne n'osa le contredire. D'habitude si passif, Armand montrait soudain une facette de lui qu'il laissait rarement paraître, trop occupé à se laisser guider par les habitudes et son absence de réflexion. Plus M. Pierre s'absentait, plus Armand se parait d'une aura nouvelle, faite de calme et augmentée par les pulsations nocturnes de l'extérieur. L'apprenti Fossoyeur respirait et grandissait en même temps que la nécropole et, pour la première fois, Molly et Féval voyaient à quel point le lieu et son gardien s'entremêlaient. Quant à Bernard, Madge et Juan, ils n'avaient pas besoin de cette prise de conscience : ils le savaient déjà.

Soudain, Armand fronça les sourcils et porta une main crispée à son ventre douloureux. Quelque chose le déchirait de l'intérieur et il essaya de se redresser, prenant appui sur la grosse table de bois brut. Pâle et tremblant, le front et les joues couverts de sueur, il déglutit à plusieurs reprises tandis que des haut-le-cœur le prenaient, gonflant en vagues violentes qui effleuraient les dents pour venir mourir contre les lèvres.

« Armand ? s'inquiéta Molly. Tu vas bien ? »

Il ne put répondre et crispa les mâchoires, le corps saisit de spasmes anarchiques. Sa respiration se bloqua et il se pencha en avant, essayant d'évacuer ce qui paralysait sa gorge. Un froid glacial lui engourdit le bras droit tandis que Féval se téléportait contre son épaule. Une main légère, à peine sensible, s'appuya sur son omoplate, effectuant des gestes encourageants.

Les dents de Juan s'entrechoquaient.

La chair de Bernard faisait des bruits mous.

Madge hurla dans l'air ouaté du cabanon.

Et Armand se mit à vomir.

 

                            Et si j'étais resté...

 

Une première forme noirâtre s'échoua sur les cartes avant de ramper.

 

                                                                                                     Ne vas pas là-bas.

 

Attends-moi.

 

                               Et si tu m'avais écoutée...

 

Attends-moi

 

Un bruit écœurant s'échappa d'Armand, tandis qu'une seconde masse rejoignait la première. Les deux vomissures se marièrent pour n'en former plus qu'une, rapidement rejointes par une troisième.

« Que se passe-t-il ? demanda Molly, paniquée.

— Comment veux-tu que je le sache ? s'agaça Féval, tout aussi dépassé ».

 

                                                                                          Nous n'avons rien fait....

 

Rien.                                                   Ni toi.                                            Ni moi.

 

« Fais quelque chose !

— Et quoi ?

— Mais je n'en sais rien ! Quelque chose ! »

Armand sentait son crâne sur le point d'exploser. Il entendait tout avec une acuité redoublée : les grillons dehors, les premières gouttes s'écrasant sur la terre déjà humide, le bruissement des feuilles cacophoniques. Son cœur battait dans son palais et les sons blancs vidaient ses oreilles. Saisi d'un nouveau spasme, il s'agrippa désespérément à Féval, puis grimaça lorsque la chair fantomatique de la Ghûl lui glaça les doigts. Les poils de Molly lui chatouillèrent l'avant-bras et il expulsa une quatrième masse noire, encore plus grosse que les trois précédentes.

 

                 Tu n'aurais jamais dû y aller....

                                                             Pas là-bas.

                       J'étais seul.

Tu avais froid.

                       Tu devais revenir.

                                                         Attends-nous.

                            Attends-nous.

Attends-nous.

                                                      Attends-nous                                Attends-nous

ATTENDS-NOUS.

 

Sous la Grande Horloge.

 

Dans un dernier gargouilli immonde, Armand vida ce qui lui rongeait l'intérieur. Enfin complétée, la substance se mit à onduler doucement puis gagna en férocité, sous le regard horrifié des spectateurs. Complètement épuisé par ce qu'il venait de vivre, Armand s'effondra, récupéré in-extremis par un Féval sur la défensive, prêt à agir.

Molly feula, montrant croc et griffes, tandis que la masse gagnait en verticalité. Du magma sombre naquit un bras, dont l'arrondi amputé se dota d'une main, puis de doigts. Chaque morceau s'ajoutait dans une surenchère de bouillonnement. D'immenses cloques membraneuses explosaient puis naissaient, dessinant lentement une forme humaine. Une tête bouclée transperça la fange et secoua sa chevelure d'ébène, envoyant des viscosités sur la Malemort et le Flétrissé.

Armand haletait, le souffle court, blafard et nauséeux. Ses paupières lourdes fermaient presque intégralement son regard épuisé, et il devait lutter pour ne pas perdre pied. En plus des sensations horribles qui marquaient son être, l'hostilité de Féval le transperçait, alors même qu'elle ne lui était pas destinée. Peu conscient de sa force, la Ghûl laissait parler sa dimension animale, emplissant la pièce d'une charge mentale qui, additionnée au reste, créait un marasme.

Le temps avait disparu, figé par l'énergie des monstres qui envahissaient l'habitat. Poussée à bout par l'ambiance insoutenable, la Malemort finit par disparaître en émettant un bruit de bulle. Bernard – très soutenant mais pas vraiment courageux – ramassa ses morceaux éparpillés et rampa jusqu'à la porte que Juan lui ouvrit, avant de s'y engouffrer à son tour.

Finalement, un petit garçon en veston et montre à gousset leur fit face, débout au milieu des verres, des cartes, et des jetons en plastique. Les oreilles de Molly – rabattues vers l'arrière en signe de méfiance – revinrent aussitôt à leur place initiale avant de s'agiter, mues par la surprise.

« Vincent ? »

La chatte ne savait quoi penser, et Armand toussa à plusieurs reprises, essayant d'apaiser sa gorge. Lui aussi n'en croyait pas ses yeux, et tâchait de mettre les informations bout à bout, sans grand succès.

Un souffle de plus, et le temps reprit son cours, guidé par l'attaque violente de Féval. Si les autres n'osaient bouger, lui laissait parler son instinct de protecteur. Il avait bondi, quittant sa forme solide pour adopter cette silhouette vaporeuse propre aux Ghûls. Sous les yeux ébahis de Molly et Armand, Vincent traversa la pièce, projeté par une force qu'il ne savait contrer, faute de pouvoir l'anticiper. Le dos du petit garçon percuta le plan de travail et renversa les bols de grès. Des morceaux se fichèrent dans sa peau mais il ne sembla pas s'en formaliser, trop occupé à se redresser avec nonchalamment. Sa tête pivota lentement, provoquant un craquement sinistre avant de s'arrêter dans son dos. Même s'il avait l'habitude des bizarreries anatomiques, Armand frissonna d'horreur, dégoûté par l'angle anormal. L'apprenti entendit un soupir résigné, puis observa les dislocations consécutives des articulations. Le corps se ré-arrangeait pour adopter une silhouette complètement différente, capable d'esquiver les coups invisibles de Féval.

Pour être parfaitement honnête, Armand ne comprenait pas ce qui se jouait devant ses yeux. Il entendait, observait, supposait qu'un combat terrible avait lieu ; mais il ne devinait rien parce que tout arrivait dans une dimension différente, à laquelle il n'avait pas accès. Autour de lui les objets volaient, se brisaient. Tout un pan de sa vie avec M. Pierre tombait en morceau, mis en pièce par une entité qui n'avait rien à faire ici, dans son cimetière. Sous sa protection.

Alors Armand agit.

Parce que l'apprenti Fossoyeur voulait protéger sa cuisine, protéger son chez-lui et son refuge ; la force de sa volonté contraint Féval à s'éloigner, pour reprendre forme fixe. La Ghûl jeta un regard surpris à son ami, choqué par cet ordre silencieux auquel il avait obéi, sans pouvoir lutter.

« Vous n'êtes pas le bienvenu, signala doucement Armand, sans animosité.

— Tiens, se moqua Vincent, j'ai l'impression d'avoir déjà entendu ça quelque part. Le petit Fossoyeur essayerait-il de remplacer son maître ? »

Un rire capricieux accompagna la raillerie. Il gagnait en force tandis que la tête pivotait pour reprendre sa place, et que les coudes se ré-emboîtaient, vite suivis par les poignets, les hanches, et les genoux. Vincent se reconstituait pièce par pièce, réparant ses yeux noirs aux longs cils et ses joues rondes pleines de vie.

Il riait toujours.

« Comment as-tu fait pour franchir les protections ? demanda abruptement Féval.

— Tu l'as bien vu, non ? J'ai utilisé mes Regrets. Je suis désolé d'ailleurs, Monsieur Armand, ce n'est pas très agréable. Je n'avais pas d'autre solution, voyez-vous, jamais je n'aurais pu entrer sans mes précieux bébés. »

Armand frissonna, saisi par la manière dont les « bébés » étaient sortis de lui. Vincent les avait-il implantés durant l'attaque du Mausolée, lorsque la créature l'avait traversé ?

« Pourquoi vouliez-vous venir à tout prix ? l'interrogea Armand.

— Je me doutais que M. Pierre ferait de la résistance. Cependant je ne pensais pas qu'il fuirait en vous laissant la charge de ce domaine. J'essaye d'être clairvoyant, mais il semblerait que j'ai surestimé notre ancien Maître Fossoyeur.

— Il est toujours le Maître, rappela fidèlement Armand.

— Plus maintenant. Pierre ne s'est pas présenté devant ses pairs, qui ont donc décidé qu'il n'avait plus sa place dans l'Imaginaire. Le Maître Fossoyeur n'est plus, vive le nouveau Maître ».

Son regard moqueur se posa sur la silhouette chétive d'Armand, charriant toute une rivière de mépris et de jugement. Si les mots de Vincent s'adoucissaient, ils cachaient à peine tout le dégoût que l'apprenti lui provoquait.

« Le Conseil n'a pas son mot à dire dans la succession, s'offusqua Molly. Il s'arroge une influence qu'il n'a pas, et se permet des atteintes inadmissibles. Tu n'as rien à faire ici, Vincent, et tu n'avais aucun droit de forcer l'entrée comme tu viens de le faire !

— Tu n'as pas ta place non plus, le chat. Dois-je te rappeler à qui tu dois allégeance ?

— Tu vas me dire que David est d'accord avec tout ça ? Qu'il valide les projets du Conseil ? Ici je suis une invitée, pas une intruse, et je n'ai pas violé les Accords pour m'introduire de force ! »

L'hostilité de Féval grimpa en flèche, alimentée par la soudaine colère de Molly. Son enveloppe humaine ondula, déformée par la nature profonde de la Ghûl. Cependant, la créature resta à sa place, respectant la volonté pacifique d'Armand.

« Si je viens ici, indiqua Vincent, c'est pour vous aider. Voyez-vous, nous sommes dans une situation exceptionnelle, qui requiert des mesures toutes aussi exceptionnelles. Le Conseil m'envoie pour vous prévenir.

— Nous prévenir de quoi ? s'étonna Féval.

— De votre situation à tous. Le Conseil est inquiet. Ce Domaine est l'un des derniers encore intacts, et potentiellement la prochaine cible de... »

Vincent ravala ses mots, prenant une pause pour réfléchir à la suite. Sur le bout de sa langue il pesait les consonnes et les voyelles, les sélectionnant avec soin.

« … de ce qui semble ronger l'Imaginaire. Le Mausolée ne peut pas être laissé sans protecteur or Pierre n'est plus là, et il faut un nouveau responsable. Vite.

— Je suis là, rappela Féval. JE suis le protecteur du Mausolée.

— Non, le détrompa Vincent. Tu es l'outil du protecteur, ne mélanges pas tout. Le Fossoyeur est, et restera, le seul et unique rempart entre la folie du monde extérieur, et la pureté de l'Imaginaire. Il est le Juge, et tous les jurés.

— Il est aussi le bras droit de la Mort, et elle est la seule apte à prendre des décisions.

— La Mort a délégué son pouvoir décisionnel au Conseil, rappela Vincent. Or le conseil a tranché ».

Comme trop souvent, Armand ne suivait qu'à moitié. Il avait beau se concentrer – et ne pas penser aux reflux gastriques qui lui rongeaient l'estomac – la majorité des concepts échangés lui échappaient. Malgré tout, il parvint à rattacher son attention lorsque Vincent demanda :

« M. Armand a-t-il réussi l'épreuve ? »

Une épreuve ? Quelle épreuve ? M. Pierre n'avait jamais évoqué ce détail, il s'en serait souvenu. Désireux de ne pas montrer sa panique – et même si c'était peine perdue – Armand coula un regard discret vers Molly, en quête d'indice. La féline demoiselle ne lui fut d'aucune aide : elle paraissait aussi démunie que lui. Heureusement pour eux, Féval tenait la route :

« M. Pierre n'étant pas mort, cette épreuve n'a pas lieu d'être.

— Si M. Pierre n'est pas mort, où est-il ?

— Nous l'ignorons, avoua Armand, mais il est forcément par ici.

— C'est une indication bien trop vague, et qui ne nous aide pas. L'équation est simple : ce cimetière a besoin d'un protecteur. Le Fossoyeur en titre a disparu depuis trop longtemps, et son héritier n'a reçu ni les dons, ni les connaissances, et n'a pas réussi l'épreuve non plus. Par conséquent, si M. Pierre n'est pas revenu d'ici deux jours, le Conseil prendra le contrôle de ce Refuge.

— Vous ne pouvez pas ! rugit Féval, déformé par la colère.

— Bien sûr que si. C'est un cas d'extrême urgence. Si vous ne voulez pas que ça arrive, vous avez deux solutions : retrouver le Fossoyeur, ou faire en sorte que M. Armand le devienne. Vous avez deux jours. Pas une seconde de plus.

— C'est absurde ! s'opposa Molly. Ici le temps ne s'écoule pas correctement, nous n'avons aucun moyen de le décompter !

— Nous ? Dois-je te rappeler ta place, Molly ? Tu n'as rien à faire ici et tout ça ne te regarde pas. Rejoins ton maître et cesse d'interférer. »

Sur ces mots – des ordres, fermes et cassants – Vincent se penchant pour récupérer une larve noire, qui fuyait sous les meubles de cuisine. En la remarquant, Armand se sentit nauséeux et porta le poing à sa bouche, dans l'espoir de la sceller. Le geste ne put échapper à Vincent, qui fit entendre son rire grinçant.

« Pas de panique, mon garçon, il ne te fera plus de mal. J'aurais aimé te faire croire que je peux à nouveau sortir de toi, mais tu as déjà bien assez de problèmes. »

Insensible aux cris d'angoisse poussés par le ver – pour lequel Armand ressentait presque de la peine – Vincent l'écrasa entre ses doigts. Le geste entraîna un son de verre brisé. Un flou noir engloutit la main du Marchand, avant de gagner son bras, puis son épaule, et une bonne moitié de son corps.

« Deux jours, rappela-t-il. Vous avez deux jours ».

Et il disparut simplement, avalé par cette brèche dimensionnelle qui déroba – au passage – le bol préféré d'Armand. Et quelques céréales.

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Dragonwing
Posté le 02/10/2022
Tu vois, ici, j'apprécie qu'Armand commence à montrer un peu de caractère. C'est une évolution agréable, et assez naturelle de le voir commencer à user de son autorité justement pour préserver le calme de son cimetière dans lequel il tend tellement à se réfugier pour éviter ses problèmes. (Et en parlant de calme, c'est reposant de ne toujours pas avoir Gigim et Dakini dans les pattes. L'absence de M. Pierre a au moins ça de bon !)

Tu disais avoir besoin d'avis sur certains aspects visuels ici, et je ne sais pas si c'est le genre de choses qui peut t'aider, mais j'ai beaucoup aimé les descriptions de l'apparition et de la disparition de Vincent, notamment le paragraphe qui commence par "Molly feula". J'ai beaucoup aimé cette phrase aussi : "Juste un filet de voix, une impression vague qui flottait quelque part autour de lui, glissait sur sa peau pour déposer des baisers d'espoir."

Mais quel saleté, ce Vincent, il me sort vraiment par les yeux. Lui et son Conseil à la noix puent l'abus de pouvoir.
Zig
Posté le 03/11/2022
Ah bah voilà ! Je te l'avais bien dit (en retard, certes), il commence à prendre du jus ce petit !

Vincent est une sale petite peste (que j'adore, donc). On le verra beaucoup plus dans la seconde partie du roman (normalement il est composé de deux tomes mais, vu que le T1 est assez court, je pense redécouper le livre en parties).
Elore
Posté le 12/04/2022
C'est encore moi >:)

L'intrigue s'épaissit, c'est chouette de voir que les circonstances forcent l'équipe du Cimetière (et surtout Armand) à bouger, juste quand je commençais à me demander quelle direction allait prendre l'histoire !

Par contre, j'admets que je suis tout aussi confuse qu'Armand quant à ce qui s'est dit, je me perds entre les noms et les descriptions. Je pense qu'une partie de ce flou est volontaire, mais je me demande si tu ne pourrais pas l'atténuer un peu, pour tes lecteurices ?

J'ai vu dans ton préambule que tu doutais de certaines descriptions et en effet, j'ai trouvé que certains moments du "combat" étaient un peu flous aussi. Autant ça peut s'expliquer par l'état d'Armand, autant si tu additionnes ça avec la confusion que j'ai mentionnée avant, ça donne un joli brouillard ! Je ne sais pas si ça pourra t'aider, mais je me demande si quelques informations supplémentaires sur les Ghûls ne pourraient pas aider à mieux se représenter les actions de Féval, notamment.

Ceci dit, ce moment-là mis à part, j'ai trouvé ta plume claire et évocatrice ! Et j'ai toujours aussi envie d'en savoir plus, je m'attache de plus en plus aux personnages :)
Zig
Posté le 15/08/2022
Re-coucou !

Et oui, il y a encore énormément de choses à revoir.... Pour l'instant les chapitres ne sont que des premiers jets, et je sais déjà que je vais avoir un ENORME travail à refaire sur les descriptions, l'ambiance et la mise en place des personnages. J'attends d'arriver au bout pour pouvoir tout reprendre à zéro et homogénéiser (ce qui ne fera pas de mal !)

J'ai aussi ce "souci" d'avoir un style très lent, qui met du temps à placer les choses. En réalité le tome 1 (il y en aurait deux en tout) n'est qu'un seul préambule géant, et je pense que ça se sent beaucoup.

Merci pour ta lecture et tes conseils. J'ai hâte de finir pour pouvoir les appliquer **
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