Chapitre 50 : Aélya - Adam

Aélya venait de répartir les tâches entre les différents membres du village. Peu nombreuses, il fallait la jouer fine pour créer le bon équilibre. Mélissa, Lili et Nali étaient parties au marché. Danaïs s’occupait des trois petites. Jasmine irait ramasser les légumes. Aélya, avec ses six poches de sang trois fois par jour, ne faisait rien. Elle n’en avait pas la force.

Elle se rendit vers son lieu de lecture habituel. Peut-être se contenterait-elle de dormir d’ici le prochain prélèvement. Elle n’en savait trop rien. À quelques pas de son spot, elle se figea.

La statue modelée par les mains d’un sculpteur merveilleux rayonnait. Le grain de peau, les muscles, les vêtements, les cheveux remuant sous un vent invisible : tout était parfait. Le regard figé vers l’horizon, l’éleveur ne broncha pas à l’approche d’Aélya.

Il avait choisi de se mettre sur un rocher un peu en surplomb. Aélya s’assit en tailleur à sa gauche et le dévora des yeux. Absorbant chaque courbe, elle se perdit sur ses lèvres, son nez, ses bras. Il avait plus ou moins la pause du penseur de Rodin.

Ses vêtements tombaient à la perfection. Du grand art, à n’en pas douter. Aélya s’en désintéressa rapidement pour se recentrer sur lui, son odeur, sa présence, son charisme malgré son silence, sa prestance dans son immobilisme total. Il y avait quelque chose de grandiose en lui qu’Aélya aurait été incapable d’expliquer.

Il s’imposait sans un mot. Et pourtant… Son visage ne reflétait qu’une infinie tristesse, une mélancolie profonde, une peine incommensurable. Il était la représentation même du chagrin. Quel évènement tragique venait-il de vivre pour se trouver dans cet état ?

À aucun moment Aélya ne se demanda pourquoi il était là. Contrairement aux autres, elle n’imaginait pas que les éleveurs ne parcouraient jamais les fermes. Au contraire. Ils venaient souvent pour construire, réparer, assembler, préparer, planter, introduire des espèces et bien d’autres choses.

Aélya clignait à peine des yeux, ne voulant pas rater une miette du spectacle. À aucun moment il ne lui accorda la moindre attention et elle ne le dérangea pas dans ses réflexions. Totalement silencieuse, elle savourait sa présence, le cœur battant fort, la respiration rapide, l’esprit vide.

Elle ne pensait plus à rien. Elle volait avec lui. Plus rien d’autre n’existait que lui. Le monde disparut. Il en devint le centre et plus rien d’autre n’eut d’importance. Comment le rendre heureux ? Elle aurait tout donné pour voir un sourire se peindre sur son visage merveilleux.

Son bracelet vibrant la ramena au présent. Il faisait nuit ! Impossible ! Elle avait passé toute la journée là ? Elle avait raté tous ses prélèvements. Stan allait la faire souffrir atrocement pour ça. Dégoûtée de devoir quitter ses flans, apeurée à l’idée qu’il ne soit plus là à son retour, elle courut vers la tour argentée, ignorant les appels de ses compagnes surprises de la voir passer en coup de vent.

Il l’attendait dans le hall.

- Je suis désolée, dit-elle. Pardonnez-moi ! Je… Je ne voulais pas… Je…

- Calme-toi, Aélya. Ce n’est pas du tout ton genre de faire ça.

Elle tomba à genoux, en larmes.

- Pardon, pardon, fut tout ce qu’elle parvint à dire, terrifiée à l’idée de la punition à venir mais encore plus choquée d’avoir déçu son éleveur, d’avoir rompu sa confiance en elle.

- Aélya ! Calme-toi ! Je te connais assez pour savoir que ceci n’est pas normal. J’aimerais avant tout comprendre alors respire.

Aélya n’arrivait pas à reprendre pied. Elle voulait que le prélèvement soit rapide pour pouvoir le retrouver vite. Et s’il était parti ? Si elle ne le revoyait jamais ? Son cœur se serra à cette idée.

- Tu as l’air bouleversé ! Qu’est-ce que tu as ?

- C’est peu dire que t’es pas doué ! lança la voix désincarnée. Je vais te faire une fleur parce que c’est visible comme le nez au milieu de la figure : elle est amoureuse.

- Amoureuse ? répéta Stan. C’est vrai que… Mais ? Tu es amoureuse de qui ?

Aélya aurait été bien en peine de répondre à cette question. Une statue divine ?

- Aélya, tu as le droit d’avoir des émotions. L’amour ne t’est certainement pas interdit ! Je suis juste surpris. Tu passes tes journées au village. Qui a pu ainsi faire battre ton cœur ? Un homme a passé le fleuve ?

Aélya secoua négativement la tête. Elle ne voulait pas qu’il l’interroge. Qu’il la punisse, la prélève et qu’on en finisse. Elle crevait d’envie d’y retourner.

- Une des femmes de ton village ? D’un autre village ? Tu n’es amoureuse ni d’un homme, ni d’une femme ? Un animal ? proposa Stan, amusé par ce jeu de devinette. J’avoue. Je sèche. T’as une idée ? lança-t-il en l’air.

- Non et je m’en fous, répondit la voix désincarnée.

Stan s’accroupit devant Aélya.

- Puis-je retourner le voir ? demanda-t-elle d’une petite voix apeurée.

- Ben t’es pas qu’un peu amoureuse, toi, répondit-il. Aélya, c’est qui ?

- Qu’en sais-je ? Vous n’avez pas vraiment pour habitude de vous présenter !

- C’est un éleveur ? s’exclama la voix désincarnée, soudain intéressée. Il y a un éleveur dans les fermes, là, tout de suite ? C’est impossible ! J’appelle Baptiste.

Aélya ouvrit de grands yeux terrifiés. Baptiste venait une fois de plus de se faire convoquer par sa faute. Son consommateur apparut.

- Quoi encore ? demanda-t-il, furieux.

- Aélya, mène-nous à l’élu de ton cœur, ordonna Stan.

Elle se dirigea vers la porte et sortit.

- Oh ! Stan ! Non ! s’exclama Baptiste.

- Il y a un éleveur dans les fermes, expliqua Stan tandis qu’Aélya attendait patiemment qu’ils se décident à sortir.

- Non, il n’y en a pas, assura le maître des lieux. Stan ! Ne fais pas un pas de plus !

- Il faut que nous allions voir qui c’est !

- Tu restes là. Je m’en charge, annonça Baptiste.

Il sortit seul en prenant soin de refermer la porte derrière lui.

- Tu as vu un éleveur dans les fermes ? gronda Baptiste.

- Oui, monsieur, assura Aélya.

- Espérons que tu n’aies pas rêvé.

- J’ai passé la journée à le contempler, expliqua Aélya tout en marchant. Il ne respirait pas, ne bougeait pas, ne cillait pas. Je vous ai déjà vus faire ça. C’est forcément un éleveur !

- Je te crois, assura Baptiste. Tu penses sincèrement avoir vu un éleveur. Seulement parfois, il y a un écart entre la réalité et la vérité.

Aélya sentit son cœur exploser. L’avait-elle rêvé ? Après tout, épuisée, qu’elle ait dormi n’était pas complètement impossible.

- Il faut qu’il existe, bredouilla-t-elle, les yeux trempés de larmes.

- Je lui souhaite d’être un mirage de ton esprit, sinon, il va prendre cher !

Aélya ne répondit rien. Elle avait mal au ventre. Plus que quelques pas et il apparaîtrait. Tout son corps se détendit. Il était toujours là, aussi immobile qu’avant. Baptiste se figea.

- Ah ouais, d’accord, soupira-t-il.

Il dévisagea Aélya, la détaillant de la tête aux pieds, se tourna une fois de plus vers la statue puis annonça :

- Très bien. Cadeau !

Il s’éloigna en ronchonnant, tapant dans quelques cailloux au passage. Que venait-il de se passer ? Qu’est-ce qu’Aélya était censée faire ? Son bracelet ne vibra pas. Devait-elle retourner dans la tour argentée pour son prélèvement ?

Puisqu’on ne l’appelait pas et qu’aucune douleur ne parcourait son corps, elle choisit de retourner contempler la merveille assise là.

Le soleil l’éblouit. Il faisait un temps magnifique. La statue était toujours là. Comment le faire sourire ?

- Puis-je vous aider dans votre réflexion, monsieur ? proposa Aélya.

Pas de prélèvement depuis plus d’une journée. Elle se sentait en pleine forme. La statue s’anima et cela la rendit encore plus belle. Le visage triste le devint encore plus.

- Je viens de me faire poignarder en plein cœur par ma propre femme. J’ai été obligé de mettre mes filles à mort parce qu’elles ont essayé de me tuer.

Aélya frémit. Cela expliquait le chagrin.

- Il n’y a que cinq survivantes à ce massacre ignoble. Comment faire en sorte que cela ne se reproduise plus ?

Aélya ne dit rien. La question était-elle réelle ou rhétorique ?

- En ce qui concerne Malika, c’est réglé. Elle est consignée à la pouponnière et n’en sortira plus jamais.

- Majesté ? s’étouffa Aélya, incrédule, avant de tomber à genoux, prosternée devant le roi.

L’éleveur se tourna vers elle et tiqua.

- Tu as conclu ça juste de…

- Malika, c’est votre femme, dit Aélya.

- Et tu connais le nom de ma femme, rit le roi.

Quel son délicieux ! Il souriait ! Il riait même !

- Je m’appelle Aélya.

- Si tu es là, c’est que tu es un animal, dit Chris. Depuis quand les animaux connaissent-ils le nom de ma femme ?

- Je suis particulière, précisa Aélya avant de perdre tout sourire.

- Qu’y a-t-il ?

- Je viens de comprendre ce qu’a dit votre frère.

- Ce qu’a dit mon frère ?

- Oh merde, dit Aélya en tremblant, comprenant pleinement les implications du cadeau.

- Explique ! ordonna-t-il.

Aélya leva les yeux sur le roi et planta son regard dans le sien, un regard humble, soumis, doux, caressant, tendre, suppliant.

- Je vous aime, dit-elle.

- Je sais. Je le sens.

- Vous nourrir vous aiderait-il à vous concentrer, Majesté ?

- Sans aucun doute, dit-il. Mais tu peux garder tes pots de confiture et ton pain, je n’en veux pas.

Pour toute réponse, Aélya tendit son bras avec déférence. Serait-elle capable de supporter la morsure sans se débattre ? Elle en douta. Elle ne pourrait pas faire plus que cela. Chris observa le don avec circonspection.

- Vous n’avez pas choisi cet endroit au hasard, lança Aélya et ça n’était pas une question. L’odeur y est agréable.

- En effet, dit Chris.

- C’est parce que je passe toutes mes journées ici. Majesté, c’est mon odeur. Je suis votre nourriture.

Le regard de Chris changea du tout au tout. Son regard se fit brillant, son sourire carnassier.

- Je ne vais pas pouvoir m’offrir, gémit Aélya. C’est trop dur.

- Ça me convient !

Alors qu’il l’attrapait et plantait ses dents dans sa gorge, Aélya hurla et se débattit. Son sang s’écoula. Elle avait l’habitude d’en perdre. Les premiers instants furent supportables puis le prélèvement passa de normal à important et Aélya commença à angoisser. Il ne cessa pas. Aélya prit peur. Allait-il la tuer ? Son esprit se rebella. Impossible de laisser la mort venir sans lutter.

Tout cessa en un instant. Aélya se tenait à quatre pattes. Le prélèvement avait été important mais pas insurmontable.

- À genoux ! ordonna-t-il et Aélya prit la pose demandée. Incroyable ! dit-il en lui caressant le visage.

Quel doux contact ! Aélya sentit son cœur bondir de joie.

- Je t’ai pris au moins dix litres et tu sembles aussi fraîche et pleine de vie qu’avant.

Il enroula un bras autour de son ventre et renifla la base de ses cheveux, la chatouillant. Elle gloussa de plaisir. Il déposa des baisers sur sa nuque avant de défaire les nœuds de sa tunique. Aélya ondulait pour l’encourager à poursuivre. Il prit possession de son bien, intégralement, pour le plus grand plaisir d’Aélya qui découvrit en le roi un amant merveilleux.

Elle était nue, blottie contre lui. Elle se sentait bien.

- Ça ne me dit pas ce que je dois faire, indiqua Chris, les yeux dans le vague, un doigt dans le vagin d’Aélya faisant de doux allers et retours, la faisant tressaillir.

Son autre main maintenait sa gorge dans un acte de possession. Il ne serrait pas, la laissant libre de respirer à loisir. Il la tenait juste contre lui tandis qu’elle souriait, ronronnant contre sa statue merveilleuse.

- Vous êtes le roi. Faites vous reconnaître en temps que tel, proposa Aélya.

- Comment ça ? dit Chris.

- Maintenant que votre femme et vos filles vous reconnaissent, faites en sorte que ça soit le cas du reste du monde.

Il retira son doigt de son ventre pour se redresser un peu, lui permettant de la regarder dans les yeux. Il attrapa nonchalamment un sein et lança :

- Je viens de nommer Imhotep grand vizir afin de me donner le temps de réfléchir, précisa-t-il.

- Très bien, répondit Aélya en se retournant pour se placer à califourchon sur le roi qui la laissa volontiers agir.

Il plaça ses mains sur ses hanches.

- Qu’il gère les Vampires ! C’est la Terre qui vous intéresse, pas le palais, que je sache !

- Quoi ? Attends !

Il sortit un boîtier de sa poche et appuya sur un bouton.

- Je croyais les fermes sécurisées, dit Aélya.

- Tu en sais vraiment beaucoup pour un animal ! s’exclama Chris. Oui, les fermes sont sécurisées. Quiconque en dehors ne peut pas entendre ce qui s’y passe. Sauf qu’il y a de nombreux éleveurs ici. Tu disais ?

- Vous voulez régner ? Régnez ! En maître absolu. Faites vous connaître et reconnaître ! Que la Terre devienne votre !

Elle déposa de doux baisers sur le cou du roi qui caressait son dos en retour. Il planta soudain ses crocs dans son cou, la maintenant sans difficulté, la relâchant peu de temps après.

- C’est vraiment difficile de se retenir, dit Chris. Tu sens tellement bon.

Aélya gémit en tentant de se reculer.

- Chut… souffla-t-il. C’est fini. Viens m’embrasser.

Aélya posa ses lèvres sur celles du roi qui avait rentré ses dents. Il sortit son sexe dur de son pantalon et des mains sur ses hanches, guida le sexe de sa partenaire jusqu’au sien.

- Tu es délicieuse, dans tous les sens du terme ! précisa Chris.

- Je suis à vous, dit Aélya tandis qu’il lui procurait un orgasme de ses doigts agiles.

- J’adore entendre ça.

- Tous les humains devraient vous le dire, rappela Aélya.

- Tu n’es pas humaine, ma chérie, susurra Chris à son oreille.

- Je sais, dit-elle. Je ne connais aucun terme générique permettant de regrouper les humains et le bétail des fermes.

- J’avais compris le principe, ne t’inquiète pas. Continue à faire des allers et retours. Ne t’arrête pas. C’est si bon ! Jouis autant que tu veux, ma belle. Profite ! J’adore te voir onduler de la sorte ! Tu es très douée ! Tu fais ça souvent ?

- C’est ma première fois, Majesté.

- Oh ! Comment peux-tu être aussi douée ?

- Des femmes m’ont montré et la bibliothèque du palais contient des fichiers très détaillés.

- La bibliothèque du palais ? Parce que tu sais lire ? Je croyais cela interdit aux animaux.

- Je suis particulière, répéta Aélya avant de crier, ravagée par un nouvel orgasme.

- Encore, ma belle, continue ! Tu es infatigable ! C’est merveilleux !

- Je suis à vous, répéta Aélya.

Il se jeta sur sa poitrine offerte pour la mordiller, lécher son corps trempé de sueur, caresser ses seins, empoigner ses fesses. Ils semblaient ne faire qu’un, devinant les envies de l’autre, bougeant en harmonie, respirant de concert.

- Arrête de bouger. Reste juste en position. Je t’interdis de jouir. Concentre-toi deux minutes.

- Oui, Majesté, répondit Aélya.

- Je dois régner selon toi ?

- Oui, Majesté. Faites votre la Terre.

- Cela a déjà été tenté, rappela Chris.

- Pas vraiment et pas par vous, rétorqua Aélya. Paul s’était contenté de prévenir les chefs religieux de votre présence et il n’était pas spécialement charismatique.

Chris sourit à demi tout en fronçant les sourcils.

- Tu en sais des choses !

- Et encore, je n’ai rien bu ni mangé depuis ce matin, répliqua Aélya.

- Va chercher à manger puis reviens. Je ne t’ai pas dit de manger hein ! Tu apportes le repas ici !

- Oui, Majesté.

Aélya se rhabilla en vitesse puis se rendit au village. À cette heure, tout le monde dormait. Aélya attrapa un pot de confiture et un pain.

- Aélya ? lança Danaïs. Tu étais où toute la journée ? On s’est inquiétée !

- Oh ! Euh… Je suis désolée de vous avoir fait peur. Ça va. Je dois juste manger. Je ne l’ai pas fait de la journée.

- Tu…

Danaïs blêmit. Aélya constata que son regard se portait sur sa gorge alors qu’elle venait de tourner la tête pour attraper un verre sur la table derrière elle.

- Tu as été prélevée à la source !

Danaïs s’approcha pour mieux observer.

- Deux fois ! hurla-t-elle.

- Danaïs, ça va !

- C’est pour ça que tu n’as pas été au centre de prélèvement ! Tu as été prélevée autrement ! Les salopards ! Putain ! Mais ta vie n’est pas assez pourrie comme ça !

- Danaïs, arrête !

- Ils n’ont pas le droit ! hurla la femme.

Se voir en miroir lui fit ressortir toutes ses émotions personnelles, enfouies depuis toujours. La serrure venait de sauter, permettant à des années de mal-être de ressortir. Danaïs cria, s’énerva, bafouillant, reprenant difficilement son souffle. Elle câlinait Aélya avant de taper sur la table.

- Ça va, Aélya ?

Danaïs se tourna vers la source de la voix masculine et se figea dans une terreur indicible. Un éleveur se tenait dans la hutte principale. C’était censé être impossible !

- Oui, Majesté. Pardon de vous faire attendre. Je… J’ai du mal à m’extraire…

Elle s’éloigna difficilement des bras de Danaïs qui l’enlaçaient gentiment.

- Danaïs ? J’ai cru t’entendre crier ? Ça…

Lili fit un bond de côté en apercevant l’éleveur devant elle.

- Qu’est-ce que… murmura Lili tandis que Nali entrait à son tour avec prudence.

- Aélya ? bredouilla Danaïs. Ça veut dire quoi, le mot « Majesté » ?

Aucune femme n’avait jamais entendu ce terme, inutile dans les fermes.

- Ça veut dire qu’il commande, indiqua Aélya.

- Il commande quoi ? demanda Danaïs.

- Tout, répondit Aélya. Tout le monde.

Les femmes entrèrent une à une, se passèrent le mot et bientôt, toutes les adultes furent présentes.

- Mélissa ? lança Aélya. J’ai faim. Je n’ai pas mangé de la journée. Tu voudrais bien me préparer un festin, s’il te plaît ?

- Bien sûr ! s’exclama Mélissa avant de se mettre aux fourneaux, aidée de Jasmine, qui lançait de temps en temps un regard apeuré vers l’éleveur qui s’était tranquillement assis sur un banc devant une table.

- La nourriture est pour lui ? chuchota Danaïs à son oreille.

- Si tu parles des mets préparés par Mélissa, la réponse est non. Si tu parles de moi, la réponse est oui, répondit Aélya.

Danaïs blêmit.

- Aélya ? lança Chris.

Il claqua des doigts en désignant le sol à sa droite.

- À genoux. Les mains dans le dos.

Aélya se mit en position. Chris plaça dans sa main les premiers mets froids proposés par Mélissa : des concombres, des carottes crues, du poivron et des fèves. Aélya lui mangea dans la main sous les regards dégoûtés, apeurés, terrifiés des spectatrices.

Mélissa continua à poser des plats. S’ils étaient chauds, Chris les servaient à la cuillère ou à la fourchette. Quand ils étaient froids, il les présentait dans sa paume.

- Tu vas manger tout ça ? s’amusa Chris en observant l’énorme quantité de nourriture posée.

- Je n’ai rien mangé de la journée, rappela Aélya en hochant la tête. Ça vous embête ?

- Pas le moins du monde, la rassura-t-il. Ta faim digestive serait-elle aussi insatiable que ta faim sexuelle ?

Aélya rougit intensément tandis qu’il riait. Les deux amants se dévoraient des yeux, ignorant totalement les femmes ahuries autour d’eux. Lorsque les mets chauds salés disparurent pour laisser place au dessert, Chris fit signe à Aélya de venir se mettre sur ses genoux. Il plaça des morceaux de pâte de fruits dans sa bouche et Aélya dut l’embrasser pour recevoir la nourriture sucrée.

Danaïs ne tint pas. Ce spectacle la mit trop mal à l’aise si bien qu’elle quitta la salle. Plusieurs femmes l’imitèrent pour aller se coucher, laissant le couple savourer ce moment en toute intimité. Finalement, Mélissa rejoignit sa hutte et ils furent seuls. Ils jouèrent ainsi longuement et Aélya commença à se sentir mieux. Son estomac indiquait sa satiété.

- Finalement, il t’arrive d’être rassasiée. Après avoir ingurgité autant de nourriture qu’un éléphant, ça passe, s’amusa Chris.

Aélya gloussa en rougissant.

- Tourne-toi, ordonna-t-il et elle resta sur ses genoux, mais de dos.

Il planta sans prévenir ses dents dans sa gorge, la maintenant tendrement contre lui tandis qu’elle tentait de fuir. Il retira ses crocs tout en continuant de la tenir, sachant qu’elle tenterait de s’éloigner de lui. Avec douceur, il la mit debout en la serrant toujours.

- Au lit, maintenant. Tu es épuisée.

Trois prélèvements à la source en quelques heures et le roi ne se privait pas de se servir allègrement à chaque fois. Aélya avança mécaniquement. Arrivée dans sa hutte, elle se coucha et il s’approcha pour l’enlacer. Elle gémit en tentant de s’éloigner.

- Non, Aélya. Attends ! Assieds-toi face à moi.

Tremblante, elle fit comme demandé.

- Quand je sors les crocs, tu as le droit de me fuir. Au contraire, ça me plaît. Dans le cas contraire, cela t’est formellement interdit.

Il lui attrapa le poignet. Aélya se sentit envahie d’une terreur profonde. Devant lui, il n’y avait plus l’être aimé mais la mort. La sensation disparut pour laisser la place à un amour profond.

- Dans le premier cas, tu me fuis. Dans le second…

Il sourit, dévoilant un sourire parfait. Il ouvrit ses bras et elle vint s’y blottir, s’endormant contre lui, tremblante et épuisée.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez