Arnitan :
Ils étaient arrivés au bout du chemin. Devant eux, une passerelle rocheuse menait vers la tour. Elle scintillait plus intensément, le soleil ayant laissé place à un temps orageux. Un vent violent et une pluie battante s’abattaient sur eux.
La mer déchaînée frappait les côtes. Le moment semblait suspendu dans le temps. Arnitan inspira à pleins poumons l’air maritime. Il avait cru avoir perdu cette odeur à jamais. L’image de Gwenn, assise seule sur le banc près du port de Krieg, s’imposa à lui. La jeune femme aux cheveux roux tourna la tête, un grand sourire aux lèvres. Il aurait pu s’effondrer, mais la main qu’il sentait dans la sienne le fit tenir bon. À bientôt, Gwenn, pensa-t-il.
Elle lui fit un signe d’au revoir. Merci, Tan. Je t’attendrai, promit-elle. Puis elle disparut.
Aelia, à ses côtés, semblait tout aussi bouleversée, les yeux larmoyants.
— Pour tous ceux que nous aimons, hein, chuchota-t-il.
Elle serra sa main, ses cheveux dorés volant dans le vent.
Arlietta et Céleste auraient déjà dû intervenir, taquinant ce geste, mais la peur les paralysait.
Brelan et les guerriers avaient déjà entamé la traversée de la passerelle, prêts à subir un assaut à tout moment. Ils s’étaient attendus à une armée protégeant la tour, mais aucune trace de vie n’était apparue. Il n’y avait qu’eux.
Arrivés au bout, les guerriers se mirent en position devant une grande porte noire. Brelan fit signe que la voie était libre. Le reste du groupe les rejoignit, accompagné par le grondement des vagues. Arnitan aperçut alors des symboles gravés sur la porte : un loup et une hirondelle, mais aucun serpent. Au centre, une phrase dans une langue inconnue.
Sylros s’avança et déchiffra :
— L’Hirondelle ouvrira le passage, le Loup fera renaître celui qui créa ce monde. Ensemble, ils sont la force perdue de Dalar.
— Dalar ? s’étonna Gabrielle.
— Le père des demi-dieux. Mais ne devions-nous pas vaincre Malkar ? ajouta Brelan.
— À nous de le découvrir. Quoi qu’il y ait ici, cela doit disparaître, répondit Sylros.
Calir posa sa main sur la porte et la retira aussitôt.
— Elle est glaciale. Nous ne survivrons pas longtemps dans une telle température.
Les guerriers tentèrent de l’ouvrir, mais elle resta immobile. Arnitan ancra son regard dans les yeux verts d’Aelia.
— Je crois que c’est à nous d’intervenir, murmura-t-il tendrement.
Elle acquiesça, silencieuse depuis leur départ.
Aelia lâcha la main du Loup et s’avança vers la porte. Brelan ordonna aux hommes de reculer. L’Hirondelle posa sa paume sur la surface glaciale. Un halo de lumière jaillit, si puissant qu’Arnitan dut détourner les yeux. Puis une explosion retentit, et la porte disparut.
Aelia était encore debout, haletante, face à l’ouverture obscure. Arnitan se précipita vers elle.
— Lia ? Que s’est-il passé ?
— Tout… va bien. J’ai senti une chaleur immense me traverser. Et une voix nous appeler : le Loup et l’Hirondelle.
Arnitan fixa l’entrée sans lumière, glacé par la peur. Aelia posa sa main sur sa joue et l’embrassa, comme pour effacer le reste du monde.
— Promets-moi, demanda-t-elle après ce baiser.
— Aelia… tu sais très bien que…
— S’il te plaît. J’ai besoin de t’entendre le dire. Si jamais tu… je ne le supporterai pas, dit-elle, les yeux brillants.
Un instant, il se perdit en elle. La vie coulait à nouveau dans ses veines, il ne voulait plus que ça s’arrête.
— D’accord. Je te le promets. Au moindre danger, on sortira ensemble.
— Merci… souffla-t-elle, les lèvres contre les siennes.
Derrière eux, tout le monde les dévisageait. Le rouge leur monta aux joues. Arnitan croisa le regard de sa sœur : elle souriait.
— Bien, maintenant que c’est fait on peut y aller. À moins que vous n’ayez pas terminé ? lança Brelan.
— Oh… si, on peut y aller, répondit Arnitan, gêné.
— Parfait. On ne sait pas ce qui nous attend. Restez aux aguets, à chaque bruit, chaque mouvement. Compris ?
Tous acquiescèrent.
— Gabrielle, Céleste, Arlietta, Draiss et Calir vous restez ici avec deux guerriers, ordonna Brelan.
— Quoi ?! Hors de question ! Je viens avec vous, s’emporta Calir.
— Vous nous ralentirez. Dedans, il faudra sans doute se battre. On ne pourra pas vous protéger.
— Je sais me battre, rétorqua Calir. Je peux même vous être utile.
Brelan soupira.
— Soit. Mais si vous tombez, ne venez pas vous plaindre.
Calir sourit en hochant la tête. Un messager aussi grassouillet qui saurait se battre ? Personne n’y croyait.
Ils achevèrent leurs préparatifs. Arnitan rejoignit sa sœur et Draiss.
— Tout ira bien. On sortira de cette tour, la Terre de Talharr sera sauvée et on retournera à Krieg. Nos familles nous y attendront.
Ses mots ne semblèrent pas avoir l’effet escompté.
— Tu mens mal, Tan, répliqua Céleste.
— Ta sœur a raison, ajouta Draiss.
— Je ne mens pas…
— Bien sûr que si. Tu ne sais pas ce qui vous y attend. Comment pourrais-tu être sûr de survivre ? J’ai peur pour toi, petit frère, sanglota Céleste.
Arnitan la prit dans ses bras. Elle pleurait, secouée. Il lui releva doucement le menton. Comme son père le faisait quand ils étaient tristes.
— Je sais que je survivrai. C’est tout.
Il déposa un baiser sur sa joue.
— Je t’aime, grande sœur.
— Moi aussi. Sauve notre famille.
Il se tourna vers Draiss.
— Tu ne vas pas m’étreindre aussi ? dit son ami, rieur malgré les larmes.
Arnitan esquissa un sourire.
— Tu es mon général. Protège-les. Mais ne fais pas le héros : survie.
Ils s’enlacèrent tous les trois, longtemps.
Gabrielle les rejoignit avec des fioles et des paquets.
— Pour toi, jeune Loup. Des feuilles de roca, des boissons miraculeuses.
Elle semblait usée, son corps marqué par le voyage. Arnitan fut heureux de l’avoir auprès d’eux, visage familier de Krieg, symbole de leur vie passée. Une femme de confiance, au grand cœur. Bien qu’elle ne le montrait que très rarement. Man avait eu raison.
— Merci.
— Pas de bravades. Si ça tourne mal, tu sors. On est d’accord ?
— Oui, madame, répondit-il avec un sourire.
Elle l’enlaça soudain.
— Je suis certaine que vous réussirez. Tu es un jeune homme extraordinaire, Arnitan. Gwenn et ton père doivent être fiers de toi.
Ses mots le touchèrent profondément. Les larmes coulèrent malgré lui.
Patan vint se loger entre ses jambes, un regard qui annonçait qu’il était prêt à se battre.
— Non, mon garçon. Tu resteras protéger Céleste, lui dit-il.
Arnitan se baissa pour caresser une dernière fois ses poils rêches, les larmes s’enfouissant dans la fourrure.
— Ne fais pas de bêtises, d’accord ?
Patan sortit la langue pour lécher son maître.
Arnitan se mit à rire. C’était ça la force de son chien.
— C’est l’heure ! cria Brelan.
Arnitan s’essuya le visage. Il vit Aelia dans les bras d’Arlietta. Lordan, à côté, leur adressait un sourire triste.
Le groupe devant se rendre à l’intérieur de la tour était de quinze personnes. Sept guerriers de Cartan, Lordan, Sairen, Brethin, Brelan, Calir, Sylros, Aelia et Arnitan.
Brelan y entra le premier, suivit par le reste du groupe. Un vent glacial les accueillit. Sylros et Aelia firent apparaître une boule de feu pour éclairer les lieux. Des tapisseries et tableaux recouvraient les murs, tous représentant des créatures aux yeux jaunes. Un grand serpent y figurait. Était-ce celui qui avait tué Gwenn ?
Des meubles parsemaient le couloir, impeccables malgré les siècles. Pas une toile d’araignée, pas une trace de poussière. Un mauvais pressentiment serra le cœur d’Arnitan.
Ils s’engagèrent dans le couloir sans fin. Aelia prit sa main. À leurs côtés, Lordan et Sairen marchaient en silence.
Leurs regards se portaient vers l’avant.
Vers l’inconnu.
Vers le destin du monde.
Toujours une ou deux remarques de formes
- une pluie battante s’abattaient sur eux. (évite la répétition :)
- — Pour tous ceux que nous aimons, hein, (je ne sais oas si je garderais le hein, la réplique sonne bien sans).
Je continue ^^