Chapitre 54 - Bintou - Résurrection

Bintou se posait de nombreuses questions. Devait-elle tenter de former de nouveaux kwanzas ? Pour le moment, elle gérait les siens et c’était déjà pas mal. Elle avait trouvé de quoi occuper ceux en demande d’animation. Les autres prenaient soin de la zone occupée avec les elfes.

Elle se trouvait déjà chanceuse qu’aucune conséquence désastreuse n’ait été dénombrée. Aucun msumbi ne semblait avoir développé de lien avec le shen. Pas d’esprit se déversant à l’horizon. Les kwanzas travaillant avec les traqueurs se montraient assez discrets pour ne pas réveiller le don chez quiconque.

Fallait-il le faire volontairement ? En temps que Mtawala, Bintou était censée le faire. C’était d’ailleurs son unique mission. Bien sûr, elle était censée coordonner les kwanzas et faire le lien avec les anciens, mais Bintou ne se considérait pas comme leur chef. Elle ne méritait pas ce titre. Ils avaient tous de nombreuses connaissances, parfois davantage qu’elle en certains domaines. Elle ne se sentait pas de contrôler quelqu’un ayant un savoir qu’elle ne possédait pas.

De plus, elle n’avait pas envie de commander. Ce poste ne lui convenait pas. Enseigner oui, régner non. Elle n’était pas faite pour ça.

Elle était heureuse d’avoir formé les kwanzas. Ainsi, elle se sentait moins seule. Si elle avait été la seule utilisatrice de la magie, la corruption n’aurait pas existé, Elgarath n’aurait pas été maudite, les elfes n’auraient pas été mis en esclavage mais Bintou aurait été seule toute sa vie. Elle ne l’aurait pas supporté. Elle serait devenue folle. Elle avait besoin d’eux.

En former de nouveaux ? Pas maintenant, en conclut-elle finalement. Il y avait déjà bien assez avec les problèmes actuels pour ne pas en rajouter. Bintou se posa. Pas d’apprenti tout de suite. Plus tard, quand la situation serait apaisée, quand tous les msumbis seraient retournés chez eux, loin de ce désert pourri où ils survivaient difficilement.

Une alerte de proximité résonna dans le shen. Elle se retourna pour constater l’arrivée de Faïza, Atumane et de leur groupe de traqueurs, tous essoufflés. Une elfe des bois les accompagnait.

- Que faites-vous là ? s’étrangla Bintou. Vous êtes censés l’amener…

- Nous avons été attaqués, indiqua Faïza.

- Et ? répliqua Bintou qui ne voyait pas bien en quoi cela différait de l’habitude.

Évidemment qu’ils se faisaient attaquer. C’était le lot quasi quotidien des traqueurs, surtout juste après une prise.

- De partout… par tout le monde, précisa Atumane. Du simple marchand au soldat entraîné. Tous les eoxans nous tombent dessus.

- D’habitude, ils nous craignent, indiqua le chef des traqueurs, comme si une aura de peur nous protégeait. Elle vient de disparaître. Je ne me l’explique pas.

- Vous avez été vus pratiquant la magie ? proposa Bintou. Amadou avait prévenu que cela les rendait fous !

- Atumane et moi nous en servons à peine, se défendit Faïza. Nous usons bien davantage de nos lames que de nos pouvoirs.

- Vous êtes sûrs que vous en avez ? répliqua le chef des traqueurs. Parce qu’en dehors de la guérison, je n’ai été témoin de rien.

- Nous vous désignons l’emplacement des elfes, rappela Faïza.

- Ah oui, c’est vrai. C’est impressionnant ! ironisa le msumbi et Bintou sourit.

Rien de très extravagant, en effet. Rien à même de se faire désigner par les eoxans.

- Ils vous ont suivis jusqu’ici ? interrogea Bintou.

-Certains ont essayé, indiqua le chef des traqueurs. Le désert les tuera. Ils ne connaissent pas cet environnement. Ils sont partis sans eau ni protection contre le soleil ou le froid.

- Nous non plus, nous n’avons pas d’eau, répliqua Faïza.

- Mais vous nous soutenez magiquement, répliqua le chef des traqueurs.

Faïza le transperça des yeux.

- Ce n’est pas spécialement impressionnant non plus, continua-t-il. C’est invisible, je veux dire. Les eoxans ne peuvent pas avoir constaté que notre rapidité vient de vous. Vous vous contentez de nous caresser l’épaule. Ce n’est pas comme si une gerbe d’étincelles se produisait. De l’extérieur, il ne se passe rien. Mais bien sûr que vous êtes magiciens !

Faïza sourit. Enfin un peu de reconnaissance !

- Reposez-vous. Je vais aller surveiller le désert.

Pendant la nuit, l’alerte de proximité retentit de nouveau. Amadou arrivait accompagné de son groupe.

- Les eoxans vous ont aussi attaqués ? interrogea Bintou et Amadou hocha gravement la tête. Où est Nazir ?

Amadou secoua négativement la tête tandis que les traqueurs s’écroulaient d’épuisement. Amadou avait dû les soutenir seul.

- Seynabou et Sikha sont morts, annonça Amadou. Ils étaient en train de délivrer une elfe. Le propriétaire leur a refusé le passage. C’est extrêmement rare. Cette fois, ils ont chargé sans hésitation. Les traqueurs ne s’y attendaient pas. Seynabou et Sikha non plus. Ils se sont faits massacrer. Seuls les elfes noirs restés à l’extérieur s’en sont sortis. Ils sont repartis vers Adesis faire leur rapport à leur chef de caste.

Bintou s’en figea de stupeur tandis que les villageois sortaient doucement prendre soin des leurs inconscients.

- Nous nous promenions à la recherche d’elfes. Nazir et moi sondions les environs, en vain. Il n’y avait aucune elfe à des lieux à la ronde, je peux l’assurer. Les forains qui nous ont croisé ont égorgés les deux traqueurs à l’arrière. Nazir s’est jeté sur eux pour les sauver. Il a réussi mais sa projection n’est pas passée inaperçue. Je l’avais prévenu : les eoxans haïssent la magie. Le monde a basculé dans la folie. Ils ont lardé Nazir de coups de couteaux, s’acharnant, tandis que le reste de leur groupe se jetaient sur « ceux qui ont accueilli le mal en leur sein ». J’ai réussi à ralentir mentalement les forains pour permettre au groupe de s’enfuir mais Nazir…

Amadou ne termina pas sa phrase. Avait-il survécu aux coups de couteau pour finalement brûler vif sur un bûcher ? Cela l’avait-il seulement tué ? Était-il mort ou vivant ?

- Il ne répond pas, indiqua Amadou. Les eoxans ont l’habitude des magiciens.

- Des marabouts, répliqua Bintou. Ils n’ont pas grand-chose en rapport avec nous.

- Ils s’acharneront et Nazir finira par mourir. Nous ne sommes pas immortels. Ce que je ne m’explique pas, c’est la raison de la première attaque. C’était gratuit. Ces gens n’étaient pas des brigands ni des mercenaires mais de simples troubadours, jongleurs et acrobates. Pourquoi s’en prendre à un groupe armé et entraîné ?

- Ils savaient déjà que vous étiez magiciens ?

- Leur surprise n’était pas feinte, la contra Amadou. Leur visage a changé quand les blessures des traqueurs se sont refermées sous leurs yeux. Non ! Il y a autre chose.

- Faïza et Atumane ont subi une attaque eux-aussi, indiqua Bintou. Ils sont là.

- Je sais. Ils me l’ont déjà dit, indiqua Amadou en désignant sa tête.

- Les autres groupes ? interrogea Bintou.

- À ma connaissance, ils sont morts, annonça Amadou.

- Quoi ? s’exclama Bintou. Non ! C’est impossible !

Une vingtaine de kwanzas ne pouvait pas avoir disparu de cette manière. Ce n’était pas envisageable.

- Ils ont tous indiqué être attaqués avant de cesser d’émettre, indiqua Amadou l’air grave.

« Kaoutar ? Serkan ? Vous allez bien ? » lança Bintou.

« Oui, bien sûr ! » s’exclama Kaoutar. « Amadou nous a déjà posé la même question. Que se passe-t-il ? »

« Mamou ? Comment… » commença Bintou.

« Bintou ! Enfin tu me contactes ! C’est bien la première fois que je regrette de ne pas pouvoir lancer de message télépathique ! La situation est critique ici ! »

« Comment ça ? »

- Que se passe-t-il ? demanda Amadou en voyant le visage inquiet de Bintou.

- Je parle avec Mamou. Il y a un problème ! expliqua Bintou.

- Quel problème ?

Bintou lui fit signe d’attendre.

« L’oasis où je suis subit une attaque. Les eoxans sont arrivés sans prévenir. Ils massacrent tout le monde. Je suis caché avec les enfants dans une réserve de nourriture. Nous... »

« Mamou ? »

Bintou ne reçut plus qu’un ensemble de pensées incohérentes. Une émotion prédominait : la peur.

« Mamou ! Laisse-les te frapper et fais le mort ! » hurla Bintou. « Tombe et ne te soigne surtout pas ! »

Bintou attendit, blême. Le temps sembla s’étirer à l’infini. Elle resta connectée aux pensées de Mamou, espérant un retour à quelque chose de compréhensible.

« Ils sont morts… Ils sont tous morts… Tous les enfants… Il y a du sang… partout… Ils viennent vers vous. »

- Des eoxans viennent vers nous, annonça Bintou. Ils sont assoiffés de sang.

- Quoi ? s’exclama Amadou.

Faïza et Atumane s’approchèrent à leur tour.

« Mamou. Retourne à la zone protégée. Je préfère te savoir en sécurité là-bas. Nous nous occuperons de la situation ici. »

« Non, je veux rester. Je peux soigner les blessés et soutenir les personnes fatiguées. Je vous rejoins. »

« Non ! » s’exclama Bintou. « Les eoxans viennent vers nous. Tu cours à l’avant du danger ! »

Mamou fit la sourde oreille. Bintou grinça des dents.

- Un bon millier d’eoxans avance sur nous, indiqua Atumane les yeux fermés. Ils seront là avant la tombée de la nuit. Ils semblent animer d’une ferveur incontrôlable.

- C’est notre faute, pleura Bintou. Seule la présence de magiciens peut expliquer un tel fanatisme. Ils ont appris notre soutien aux msumbis et ont décidé d’intervenir.

- Je ne pense pas, la contra Amadou. Ils ont découvert lors de l’attaque notre nature de magicien. Cela a dû envenimer la situation mais elle était déjà mauvaise avant.

- Quelle est la raison de leur attaque en ce cas ? demanda Faïza. Les msumbis vivent reclus ici depuis des générations. Pourquoi s’en prendre à eux maintenant ?

- Parce que nous sommes là, insista Bintou.

- Je suis d’accord avec Bintou, annonça Faïza.

- Moi pas, répéta Amadou. La raison est autre mais honnêtement, je m’en fous. Je vais protéger mon peuple de cette menace.

- Comment ? interrogea Bintou.

- En attaquant, indiqua Amadou. Les eoxans ont peur de la magie. Je compte bien leur faire savoir qu’ils ont raison.

- Seul contre des milliers ? ricana Bintou. C’est suicidaire, rien de plus !

- Parce que je serai seul à défendre notre peuple ? gronda Amadou, très mécontent.

- Je ne vais pas tuer des milliers d’eoxans, précisa Bintou, alors qu’aucune autre solution n’a été envisagée. Si ça se trouve, une négociation est possible. Peut-être qu’en leur parlant, nous pourrions…

- Ils ont exterminé toutes les personnes présentes à l’oasis où se trouvait Mamou, hommes, femmes, enfants. La situation n’est pas aux palabres !

- Si nous savions pourquoi ils agissent de cette manière, nous pourrions…

- Je ne resterai pas les bras croisés pendant que les miens se font massacrer. À quoi bon avoir protégé un pays si tous ses habitants se font exterminer ?

- Je ne te dis pas de…

- Atumane ? demanda Amadou. Es-tu avec moi ?

- Oui, répondit le kwanza, coupant le souffle à Bintou. Je te suis.

- Le but est avant tout de faire peur, rappela Amadou. Les tuer tous sera impossible. Le spectacle doit être grandiose.

- Je vais leur en mettre plein la vue, promit Atumane.

- Vous allez uniquement les rendre encore plus féroces ! s’exclama Bintou. Les eoxans haïssent la magie. C’est toi-même qui l’a dit, Amadou !

- Ce sont des paysans armés de fourches, indiqua Amadou. Lorsqu’ils verront les premiers rangs tomber, ils s’enfuiront.

- Pour revenir plus nombreux et mieux armés demain ! répliqua Bintou. C’est reculer pour mieux tomber. Que pourrons-nous faire à quatre ?

- Kaoutar et Serkan nous rejoindront demain en milieu de journée. Mamou sera là pendant la nuit. Quant aux renforts en provenance de la zone protégée, ils sont en route, annonça Amadou.

Il avait pris les choses en main.

- Tu comptes vraiment tuer ces pauvres gens ? insista Bintou.

Les têtes des adversaires apparurent à l’horizon. Ils arrivaient.

- Ce ne sont que des paysans, des hommes mais également des adolescents… et même des enfants, remarqua Bintou. Quelqu’un les a montés contre les msumbis. Ils suivent aveuglément une petite voix qui les pousse à venir jusqu’à nous. Personne ne devient aussi fanatique sans raison. Il suffit de désamorcer…

- Tu as déjà essayé de parler avec les eoxans ? gronda Amadou. Moi oui. J’ai vécu avec eux pendant des générations et tu sais quoi ? Ils n’ont même pas accepté de m’adresser la parole. Je n’ai eu droit qu’à du mépris, de l’indifférence voir du dégoût. Des années sans un mot, sans un regard, sous des visages grimaçants et des regards fuyants.

Bintou comprit qu’Amadou comptait se venger des années de souffrance passées seul à Eoxit. Bintou s’en voulut d’avoir raté la douleur de son ancien apprenti. Elle qui le croyait épanoui là-bas. Elle se trompait lourdement.

Amadou avait raconté sa vie à Eoxit, passant en revue les évènements majeurs, mais sans y mettre d’émotion, de manière détachée et Bintou comprit maintenant pourquoi. Amadou était en grande souffrance. Il avait dû vivre une profonde dépression, une immense anxiété, un mal-être intense. Pas étonnant qu’il soit devenu un criminel.

- Je t’en prie, Amadou. Ces gens sont innocents, supplia Bintou en désignant les eoxans qui avaient franchi une bonne partie de la distance les séparant de l’oasis des anciens.

- Faïza ? lança Amadou.

Bintou se tourna vers son amie. Elle l’avait toujours soutenue. D’une fidélité sans faille, elle ne…

- Je suis avec toi, annonça Faïza en s’avançant vers Amadou, fuyant le regard de Bintou.

Faïza venait de la poignarder en plein cœur. Bintou observa les trois kwanzas qui allaient sans aucun doute tuer un grand nombre d’eoxans. Ils réussiraient probablement à les faire fuir… ou pas.

Bintou avait la capacité de les retenir. En cas de combat, même à un contre trois, elle gagnerait. Elle ne le désirait cependant pas. Elle baissa les yeux, dégoûtée, triste, des larmes de rage et d’impuissance roulant sur ses joues.

- On y va, lança Amadou.

- Non, dit une voix masculine.

Le ton était ferme mais doux. Pas un cri. Pas un hurlement. Un « non » simple, comme s’il s’agissait d’une simple conversation.

Bintou se tourna vers l’origine du son et se figea. Soudain, tout disparut. Plus rien n’exista. Le monde n’avait plus de sens. Le ciel et le sol se mêlèrent. La neige fut le feu, la nuit le jour, la tristesse la joie, la sérénité la colère, la peur l’apaisement, le bonheur la peine, la vie la mort…

La boîte fermée à clef depuis tant de générations vola en éclat. La serrure explosa et toutes les émotions se déversèrent en une tornade incontrôlable. Le tsunami emporta tout avec lui.

Bintou perdit tout accès au shen, devenant faible et sans protection. Devant lui, de toute façon, elle était impuissante. Son regard plongé dans le sien, elle attendit quelques battements cardiaques la sentence mortelle… qui ne vint pas.

Constatant qu’il ne comptait pas la tuer, elle tomba à genoux et se mit à répéter en amhric, encore et encore, sans s’arrêter « Je t’en supplie. Accepte moi comme apprentie ». Ce mantra tourna en boucle dans la partie de son esprit qui lui était réservé. Elle ne désirait que cela : qu’il termine sa formation, qu’il lui donne enfin les réponses. Elle en avait besoin. Elle voulait mettre un terme à tant de souffrance et de questionnements.

Sans un mot et le visage fermé, il détourna son regard d’elle pour observer les évènements près de lui et Bintou, tout en continuant à penser intensément, fit de même.

Devant Amadou, Faïza et Atumane, trois eoshen avaient fait leur apparition. Comment faisaient-ils cela ? Qu’il parvienne à entrer dans son esprit pour s’y invisibiliser, passe encore. La porte lui étant destinée étant toujours disponible, cet acte lui était aisé. Mais ces trois-là ? Se pouvaient-ils qu’ils soient réellement assez doués pour entrer dans l’esprit d’Amadou, de Faïza et d’Atumane sans que les kwanzas ne s’en rendent compte ? Bintou ne pouvait imaginer qu’Amadou, maître incontesté en contrôle d’esprit, puisse se laisser pénétrer aussi aisément.

À moins qu’il ne le fasse pour eux ? se demanda Bintou. C’était envisageable. Il acceptait de dépenser beaucoup d’énergie pour ces trois-là. D’ailleurs, elle ne les connaissait pas. Elle ne se souvenait pas les avoir croisés au foyer. Ils devaient être spéciaux pour qu’il les protège de cette façon.

Atumane et Faïza s’étaient figés et se lançaient des regards perdus. Que faire ? Comment réagir ? Ils ne semblaient pas sûrs d’eux.

Bintou constata que tous les eoshen, lui y compris, tenaient une Nech’i kwasi dans leur main droite. Elle frémit. La menace était sérieuse.

- Renonce à ton projet d’attaque magique, ordonna l’eoshen devant Amadou.

- Va te faire foutre, répondit Amadou d’un air hautain. Tu ne me fais pas peur. Écarte-toi !

- Non, répondit l’eoshen.

La Nech’i kwasi fondit sur Amadou. D’un souffle de la magie, le kwanza dévia le projectile magique qui s’effrita dans l’air. Amadou avait bien écouté et retenu l’histoire de Bintou. Il savait qu’il suffisait de l’éloigner pour faire disparaître la menace.

D’un bond, Amadou se retrouva juste devant son adversaire. Il tendit la main et serra juste devant le torse de l’eoshen en ricanant. Celui-ci ne s’attendait pas à un tel mode opératoire. La magie se pratiquait de loin, pas au corps à corps.

L’eoshen s’écroula. Bintou, incapable de contacter le shen, ne vit pas l’assemblage mais elle savait qu’Amadou venait de maudire cet eoshen. Serait-il un jour capable de réutiliser correctement la magie ? Peut-être pas… Amadou était un expert en son domaine.

Il se crut vainqueur mais les eoshen avaient quelque chose qui lui échappait : un esprit de groupe et de cohésion. Les deux faisant face à Atumane et Faïza se départirent de leur projectile qui frappèrent Amadou dans le dos. Le kwanza s’écroula sans un cri, le visage déformé par la douleur, les yeux révulsés, le corps arqué.

Atumane et Faïza ne bougèrent pas pour soutenir leur compagnon. Ils restèrent figés malgré l’absence de menace visible. Les eoshen reconstruisirent tranquillement une nouvelle Nech’i kwasi. S’ils avaient vengé leur compagnon, aucun d’eux ne lui vint en aide. L’eoshen maudit resta au sol, inconscient, seul.

- Pourquoi voulez-vous que les nôtres meurent ? s’écria Faïza, dégoûtée, en amhric.

- Je ne le souhaite pas, assura le meilleur des eoshen shale. Bintou, lève-toi. Tu recommenceras ton activité en cours plus tard.

La Mtawala se releva et cessa de répéter sa demande.

- Tu es avec moi. Faïza et Atumane, vous êtes ensemble. Fra’tel et Mil’s, vous serez ensemble. Écoutez-moi bien tous les trois, continua-t-il en se tournant vers les humains sous la menace des Nech’i kwasi : Pas de shen. Vous allez sortir vos armes et combattre avec vos lames. La seule magie acceptée sera la projection. C’est clair ?

- Quoi ? s’exclama Faïza. Pourquoi ?

- Parce que si vous utilisez le shen devant les eoxans, combien parmi les survivants vont s’éveiller ? Un, dix, cent ? Vous comptez aller les chercher pour les former ? À moins que l’idée d’une nouvelle génération de marabouts incontrôlables vous plaise ?

Faïza frémit.

- Une corruption ne vous a pas suffi ? Vous en voulez d’autres ? gronda-t-il et Faïza secoua négativement la tête.

Elle observa Amadou au sol, tremblant, transpirant, la bouche grande ouverte cherchant de l’air.

- S’il souffre, c’est qu’il est vivant, indiqua-t-il. Nous allons faire exactement ce qu’il voulait, à savoir leur faire peur, simplement sans l’usage de la magie. Le but est de les faire fuir.

- Ils reviendront plus nombreux et mieux armés demain, répliqua Bintou.

- Je m’en fiche. Je cherche uniquement à gagner du temps, précisa-t-il.

- Comment ça ?

- Les explications viendront après, dit-il et Bintou hocha la tête, acceptant immédiatement de repousser à plus tard.

Elle lui faisait confiance. Elle suivrait ses directives sans s’opposer. Elle était trop heureuse de pouvoir confier le commandement à quelqu’un d’autre, quelqu’un qui ne soit pas Amadou.

- Je tiens à être compris alors écoutez-moi bien : je ne veux pas un seul mort parmi les eoxans.

- Quoi ? s’exclama Atumane. Tu déconnes ! C’est impossible !

- Vous frappez avec précision. Si votre lame dérape, vous soignez votre adversaire avant de passer au suivant.

- La projection, c’est pour eux ? s’étrangla Faïza en désignant les eoxans sur le point d’entrer dans l’oasis.

Il hocha la tête.

- Non, dit Atumane. Je ne vais pas…

L’eoshen en face de lui leva sa main alourdie de sa Nech’i kwasi. Atumane grimaça.

- Atumane, s’il te plaît, murmura Faïza. Je n’ai pas envie d’aller au combat sans toi.

Il fronça les sourcils puis baissa le regard avant de hocher la tête. Il suivrait les ordres, à reculons mais il le ferait. Satisfait, l’eoshen shale hocha la tête et les six combattants se placèrent devant les eoxans en dégainant leurs armes. Les eoxans se figèrent avant de foncer en hurlant.

- Au fait, Bintou, ça ira sans accès au shen ? interrogea-t-il.

Bintou hocha la tête en souriant. Elle n’avait pas besoin de magie pour se battre. Connectée à son moi intérieur, elle ne risquait rien. Quant à blesser mortellement un adversaire, cela ne se produirait que si elle le choisissait et elle ne comptait pas s’opposer à sa volonté. Enfin, en duo avec lui, elle se sentait en totale confiance.

Les trois binômes restèrent soudés. Les deux elfes noirs agissaient de concert. Atumane et Faïza se soutenaient. Bintou et l’eoshen shale dansaient dans une harmonie fusionnelle parfaite.

Atumane blessa mortellement un adversaire et dut s’agenouiller pour le soigner. Faïza le couvrit mais ne parvint pas à le protéger correctement et il fut touché. Le shale soigna d’une caresse Atumane, lui rendant sa force, tandis que Bintou repoussait les adversaires et la danse reprit, Faïza aidant Atumane à se relever.

Enfin, les eoxans reculèrent, tremblants et sous le regard transperçant des magiciens, s’éloignèrent, retournant vers l’arrière prévenir leurs chefs, qui qu’ils soient, de la situation. Bintou n’en doutait pas : ils reviendraient mais cette fois, il ne s’agirait pas de paysan. Des chevaliers en armure de cuir, épées et dagues, des soldats entraînés les remplaceraient et la victoire ne serait pas aussi facile.

- Atumane, va soigner l’homme en vert et jaune, ordonna le shale.

- Non, répondit-il.

Le shale le fixa et son regard transperçant et insistant suffit à convaincre Atumane d’obéir. Bintou aimerait posséder un tel charisme, une telle force de persuasion.

- Faïza, celui-là, continua-t-il avant d’en désigner un à Fratel et un autre à Mil’s.

Chacun dut en soigner deux de plus avant que le shale n’annonce :

- C’est bon. Maintenant, ils passeront tous la nuit. On retourne à l’oasis.

Faïza s’approcha de Bintou.

- Il ne t’a pas demandé de soigner quiconque.

- Je n’ai pas accès au shen. Je ne peux pas projeter, expliqua Bintou.

- Je te comprends maintenant, murmura-t-elle tandis qu’elles parcouraient le sable chaud. Ils sont beaux !

Bintou suivit son regard vers les deux eoshen qui discutaient en riant, revenant probablement sur les meilleurs moments du combat.

- Et son assemblage ! continua-t-elle en désignant le shale du menton. Tu nous l’avais dit mais le voir est autre chose ! Quelle merveille !

- Si tu le dis. Je ne le vois pas. Je n’ai…

- Pas accès au shen, j’ai compris, la coupa Faïza. Ce combat en est la preuve : vous êtes des âmes sœurs. Vous combattez comme une seule entité. Vous vous complétez à merveille. C’est magnifique à voir.

Bintou eut envie de pleurer. Elle réfréna ses émotions juste assez pour retenir ses larmes mais pas assez pour retrouver l’usage du shen.

Le shale ne s’arrêta que devant une hutte où se trouvaient deux eoshen que Bintou voyait pour la première fois.

- Nous avons dû l’attacher et Gary l’empêche d’accéder à ses pouvoirs sinon, il est agressif, indiqua l’eoshen.

Le shale hocha la tête en grimaçant.

- Continuez. Nous n’avons pas le temps immédiatement. Nous gérerons le problème plus tard. Pour le moment… Bintou ? Je ne peux pas faire cela à ta place.

- Quoi donc ? demanda-t-elle.

- Allez voir les anciens, leur faire savoir que M'Sumbiji existe toujours et qu’ils doivent s’y rendre maintenant.

- Gabriel refusera de…

- Gabriel fera son travail, qui est de faire en sorte de concilier toutes les espèces vivantes présentes dans la zone protégée. Il mettra en place les mesures nécessaires à la bonne préservation de l’ensemble, permettra l’harmonisation, créera toutes les règles afin d’équilibrer le poids de chaque espèce. Les msumbis obéiront à ces lois parce qu’ils en comprendront le principe et l’utilité. Tu dois juste aller parler aux anciens et leur présenter la situation.

- Ne fais pas ça, gronda Atumane. Bintou ! Tu es la Mtawala, toi, pas lui. Si cette décision doit être prise, c’est par toi, pas par lui. C’est en toi que les anciens ont placé leur confiance !

- Gouverner, ce n’est pas décider seule, répliqua Bintou, mais savoir écouter les bons conseils au bon moment, profiter des opportunités et ne pas se faire aveugler par la peur. Je vais aller leur parler. M’accompagneras-tu ?

- Jusqu’à la porte, si tu veux, précisa-t-il. À l’intérieur de la hutte, non. C’est ton rôle, pas le mien.

- Tu veux que je t’accompagne ? proposa Faïza.

- Avec joie. Atumane ?

Le kwanza grimaça puis hocha la tête. Bintou mena le groupe et la porte de l’immense hutte des anciens fut ouverte pour eux. Le shale, comme prévu, resta dehors. Hamed, Abdelmajid, Smaël et Cherouan piaffaient d’impatience d’entendre le rapport.

- Tu as réussi à repousser les eoxans, lança Hamed et ce n’était pas une question.

- Ils vont revenir, plus nombreux, mieux armés. Nous ne pourrons pas les repousser indéfiniment.

- Cela devait se produire un jour, maugréa Smaël. Ils ont cessé de nous laisser leur prendre leur bien le plus précieux. Ils ont enfin décidé de contre-attaquer. Nous n’aurions jamais dû accepter de traiter avec le démon. C’était voué à l’échec depuis le départ.

- Vous avez bien fait, au contraire, car les elfes sauvées permettront votre survie, annonça Bintou.

- Comment ça ? interrogea Smaël.

- Nous savions que la corruption allait venir, raconta Bintou. Nous avons essayé de la combattre. Nous avons accompagné les msumbis dans leur exode vers le nord car nous n’étions pas sûr de réussir à la repousser.

- Vous avez accompagné l’exode ? répéta Abdelmajid et Bintou ne releva pas.

L’important n’était pas là.

- Nous avons réussi, indiqua Bintou. M'Sumbiji a en grande partie été dévasté par le mal mais tout l’est a été préservé. Le soutien des elfes nous a permis de venir vous rejoindre. Il est temps de retourner à la maison.

- M'Sumbiji existe toujours ? s’étrangla Hamed.

- Tu veux que nous partions… tous ? bafouilla Cherouan.

- Maintenant, précisa Bintou. Avant que les eoxans ne reviennent. Ils ne doivent trouver que des maisons abandonnées.

- C’est impossible ! s’exclama Smaël. Un peuple tout entier ne peut…

- Nous l’avons déjà fait, indiqua Bintou. Nous pouvons le refaire.

- Vous n’étiez pas là ! gronda Abdelmajid.

- Si, répliqua Bintou. Les kwanzas étaient présents, invisibles mais actifs.

- Invisibles ? répéta Abdelmajid.

- Faïza ? Atumane ? S’il vous plaît…

Bintou ne pouvait pas le faire elle-même, n’ayant pas accès au shen. Elle vit les quatre anciens sursauter. Faiza et Atumane venaient clairement de contrôler leurs esprits afin d’être rayés de leur mémoire. Les anciens regardèrent un peu partout, surpris avant de sursauter au moment où les deux kwanzas relâchaient leur contrôle.

- Invisible, oui, confirma Bintou.

- Vous pouvez faire ça ? blêmit Hamed.

- Et bien d’autres choses encore. Cet exode est réalisable mais il faut se dépêcher. Dès que vous donnerez votre accord, votre volonté sera transmise partout dans le désert. Quatre oasis sont déjà tombés, indiqua Bintou. Les eoxans ont massacré tout le monde là-bas. La nuit approche. Ils se sont arrêtés pour se reposer et rester au chaud. Nous devons en profiter pour partir.

- Nous allons en discuter. Sortez, s’il vous plaît, annonça Hamed.

Les trois kwanzas s’exécutèrent.

- Ils vont accepter, annonça le shale dès qu’ils furent dehors. Ils sont trois à être d’accord. Ils vont réussir à convaincre le quatrième.

Sa prédiction s’avéra exacte. Ils reçurent l’autorisation de lancer la deuxième grande migration quelques instants plus tard.

- Et maintenant ? interrogea Bintou.

- Cet oasis est le plus grand. Nous ne serons pas trop de six pour le gérer, annonça le shale.

- Six ? répéta Bintou qui en comptait bien davantage.

- Amadou requiert au moins deux personnes, annonça-t-il. Il se montre extrêmement agressif. Quant à Juul, il est incapable d’accéder au shen.

Bintou reconnut l’eoshen maudit par Amadou. Il se tenait debout, visiblement sans souffrance, mais la malédiction resterait.

- Comment est son assemblage ? interrogea Bintou en regardant Faïza.

- Massacré, grimaça son amie. Je ne laisserai jamais Amadou m’approcher, c’est certain. Quelle horreur !

- Il a détruit des fils ou juste emmêlés ?

- Emmêlés, je dirais, mais d’une façon…

- Il n’y a pas été avec le dos de la cuillère, comprit Bintou. Impossible de le soigner rapidement.

- Cela peut être soigné ? demanda le shale.

- Je ne vois pas son assemblage alors je ne peux pas répondre avec certitude mais normalement, oui, indiqua Bintou.

Il hocha la tête.

- Tous les autres eoshen sont partis vers le nord afin de ramener tout le monde vers le sud. Il n’y aura plus un seul mort, d’un côté ou de l’autre. Le but est de s’en aller, c’est tout.

- La traversée d’Eoxit et de Falathon ne sera pas facile mais pas impossible non plus. Un peu de menace suffira à faire se pousser les badauds. Adesis en revanche… maugréa Bintou.

- Je parlerai à Elian, promit le shale. Elle écoutera et comprendra.

- Tu sembles bien sûr de toi, répliqua Bintou. Vous êtes proches tous les deux ?

- Elle ne m’a jamais vue, indiqua-t-il. Moi, en revanche… Cela fait un moment que nous nous promenons au milieu des elfes.

- Je croyais qu’il n’y avait pas d’eoshen à Adesis, gronda Bintou.

- C’est ce que Kaoutar et Serkan ont lu dans l’esprit des elfes noirs présents ici, rappela Faïza. Ce n’est une vérité implacable non plus !

Bintou grimaça. Elle détestait ne posséder qu’un bout d’information.

- Moi je croyais que les eoshen nous tueraient s’ils apprenaient notre existence, chuchota Atumane.

Le shale garda un visage sombre et fermé à cette réplique. Bintou respira difficilement. Le shale avait-il simplement décidé de garder cet acte pour plus tard, utilisant les kwanzas pour déplacer ce peuple avant de les détruire une fois la mission réussie ?

Elle éjecta ses craintes. Après tout, s’il voulait les tuer, il pouvait le faire quand il voulait et même si elle avait encore accès au shen, elle ne pourrait rien contre lui.

- Aucun elfe ne sait que nous sommes à Adesis. Nous sommes invisibles, précisa le shale.

- Comment faites-vous pour vous promener au milieu des elfes sans être vus ? demanda-t-elle. Il est impossible de manipuler leurs esprits pour se rendre invisible.

- Tu ne maîtrises toujours pas la nature, en conclut-il en souriant.

La remarque piqua Bintou au vif. L’ancrage, elle l’avait. Elle refusait simplement de s’en servir par peur de déclencher une nouvelle corruption.

- Faïza, demande à un maximum de kwanzas de venir ici au plus vite, ordonna le shale. Gabriel va devoir faire des choix cruciaux. Il s’agira pour lui de garder des naturalistes pour préparer l’arrivée des msumbis tout en lâchant du lest afin qu’ils arrivent sans heurt.

Faïza hocha la tête.

- Contacte également Mamou, demanda Bintou. Dis-lui de ne pas nous rejoindre mais de remonter vers le nord pour soutenir. Transmets-lui mes excuses pour l’obliger à effectuer cette tâche qu’il déteste.

Faïza acquiesça. Quelques instants plus tard, elle annonça :

- Ils s’étonnent de recevoir ce message de ma part et pas de Bintou.

- Dis-leur la vérité, répliqua Bintou. Ils savent que je perds régulièrement l’accès au shen. Ça ne les surprendra pas spécialement. S’ils ne te croient pas, partage ta vue. Cela les rassurera.

Faïza grimaça.

- C’est sûr que ça se produit souvent.

- C’est une critique ? gronda Bintou. Quoi ? La situation ne s’y prête pas ?

Ce disant, elle désigna l’eoshen shale du menton. Faïza fit la moue.

- Tu te crois meilleure ? ricana Bintou. Si Atumane vient à mourir, tu crois garder ton don ?

Faïza blêmit en secouant la tête.

- Nous sommes tellement faciles à vaincre. Tu en tues un et dix tombent, maugréa Bintou.

Le shale sourit. Cette formation incomplète rendait les kwanzas faibles.

- Amadou peut mourir que j’en ai rien à foutre, précisa Faïza.

- Et tu en es fière ? cracha Bintou. Le fait que nous ne soyons pas unis est aussi une de nos faiblesses. Nous avons réussi à nous unir et ensemble, nous avons relevé un immense défi : repousser les terres sombres. Et nous voilà incapables de protéger notre peuple contre les eoxans. Nous manquons de cohésion, d’esprit d’équipe, de collaboration, d’entraide, de soutien.

Faïza grimaça. Elle ne pouvait nier que Bintou avait raison.

- C’est ma faute, continua la Mtawala. C’est au chef à insuffler la bonne énergie.

- Tu n’es pas notre chef, gronda Atumane.

- C’est bien ce que je dis, insista Bintou. C’est ma faute.

Un silence pesant suivit cette déclaration. Nul ne s’opposa à sa réflexion.

- Cent vingt kwanzas sont en chemin, annonça Faïza. Ça ira ?

Le shale gravement la tête tandis que Fratel sursautait.

- Quoi ? Vous ne trouvez pas ça suffisant ? interrogea Faïza, surprise.

- Fratel vient simplement de comprendre l’ampleur de la tâche à venir, indiqua le shale.

- L’ampleur de la tâche à venir ? répéta Faïza, perdue.

Il ne daigna pas lui répondre. Elle se tourna vers Bintou qui ne lui apporta aucun indice. Bintou hésitait : la tâche à venir était-elle de tuer les kwanzas ou de terminer leur formation ? Elle préféra garder le silence. Mieux valait de pas instiller le doute dans un moment aussi délicat.

- Bintou et moi partirons devant, annonça le shale. Nous devons atteindre Adesis les premiers afin d’obtenir le droit de passage d’Elian. Les eoshen commenceront le travail. Les kwanzas prendront le relais à leur arrivée. Le but est de soutenir les msumbis afin qu’ils avancent jour et nuit, sans boire ni manger, quelque soit leur âge, leur sexe ou leur santé. Quelques eoshen resteront derrière pour repousser les eoxans qui approcheraient d’un peu trop près. Des Tewagi se sont proposés de les aider. Nous avons accepté avec plaisir. Partons maintenant !

Bintou constata que l’oasis était désert. Sous la lune en croissant, ils coururent, rejoignant rapidement la troupe.

- Atumane, Faïza, Fratel et Mil’s, restez là. Soutenez tout le monde. Économisez vos forces. Les renforts mettront du temps à arriver. Personne ne doit s’arrêter, jamais. Le soutien est désagréable mais ils doivent le supporter. Montrez-vous insistants, très insistants. N’accordez aucune pause, à personne, pour quelque raison que ce soit. Même une femme qui accouche attendra.

Les quatre désignés hochèrent la tête.

- Allons-y, lança-t-il à Bintou.

- Ma présence te gêne, dit-elle dès qu’ils eurent dépassé la troupe.

- Elian risque d’être plus difficile à convaincre si je me trouve en ta compagnie. Elle ne t’apprécie pas énormément.

- Nos relations sont cordiales, répliqua Bintou, agacée.

- Je suis un elfe, dit-il comme si l’argument se suffisait à lui-même. Laisse-moi gérer l’échange, ordonna-t-il et elle hocha la tête.

Au pied des montagnes, ils croisèrent des kwanzas allant dans l’autre sens. Ils se saluèrent rapidement, chacun ayant sa mission à accomplir. La traversée de Falathon fut rapide. Contourner le lac Lynia fut une formalité. Traverser le fleuve Vehtë en marchant sur l’eau ne posa aucune difficulté, Bintou pouvant accéder à son moi intérieur malgré sa déconnexion au shen. La traversée de la bande de terre sombre se fit sans encombre.

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