Chapitre 55 : Erzic

Par Talharr

Erzic et son armée avançaient à pas rapides vers l’ennemi. Nul ne les verrait arriver, enveloppés dans leur cercle invisible. Un carnage se profilait.
De là où ils étaient, il voyait déjà que la bataille tournait en leur faveur. Les troupes de Vaelan reculaient, se rapprochant de plus en plus de leurs murailles. La fin du comté approchait.
Un homme se distinguait parmi tous : Rhazek, son armure dorée étincelante, manœuvrant dangereusement sur son Kelrim.

Des rocs enflammés illuminaient le ciel avant de s’écraser au milieu des guerriers, tandis que la musique du Choriste continuait de faire danser les morts. Cette danse allait bientôt s’achever.

Les Zarktys, fidèles à Malkar, dégainèrent leurs épées courbées. Leurs dents limées découvertes, ils étaient prêts à tuer sans distinction.
À peine la barrière magique se dissipa-t-elle qu’une pluie d’éclairs s’abattit sur eux, pulvérisant des corps instantanément.
Face à eux, l’ennemi les avait repérés et se ruait vers eux. Ils n’étaient pas nombreux, mais les éclairs continuaient de décimer les rangs d’Erzic.

Comment était-ce possible ? N’était-ce pas Malkar qui devait les aider ?

Alors que les Zarktys et les créatures affrontaient les guerriers de Vaelan, Erzic leva les yeux vers les murailles. Elle était là. Ses cheveux dorés flottaient dans le vent. Elira. Avait-elle retrouvé toute sa puissance en si peu de temps ? Ou bien Talharr l’aidait-il encore ?
Impossible. Le demi-dieu ne pouvait pas intervenir autant de fois.

Il jura. Elira restait la magicienne la plus puissante qu’il ait jamais connue. Seul Calir la surpassait. La bataille venait peut-être de basculer. Mais Erzic n’allait pas se laisser dominer. Il détourna plusieurs éclairs qui menaçaient de le frapper.
D’autres Dralkhar invoquèrent des tornades d’eau, engloutissant l’ennemi.

La musique du Choriste résonna à nouveau, suivie de cris d’agonie.

    — Il faut détruire cette machine ! hurla Rhazek sous les éclairs.

    — Utilisons un roc enflammé et envoyons-le dessus ! proposa un Dralkhar.

Erzic acquiesça.

    — Il faudra être plusieurs. L’un protègera le feu, l’autre guidera le roc. Les autres bloqueront les éclairs.

Les mages autour de lui hochèrent la tête. Erzic envoya un Dralkhar ordonner qu’une catapulte projette un roc enflammé vers eux. En attendant, ils se défendaient, les éclairs redoublant de puissance et faisant exploser les mages les plus faibles. Les Zarktys et les monstres progressaient, massacrant les guerriers de Vaelan, malgré leurs pertes. Les géants broyaient les corps, envoyaient les hommes voler dans les airs.

Que font-ils ? s’exaspéra Erzic, sentant sa magie s’affaiblir.

Enfin, un roc enflammé fendit le ciel vers eux.

    — Maintenant ! cria Erzic.

Il propulsa le projectile vers le Choriste. Les Dralkhar se regroupèrent autour de lui : l’un protégeait les flammes, les autres formaient un bouclier contre les éclairs. Plusieurs furent désintégrés, remplacés aussitôt par un autre. Un éclair frappa le bouclier, faisant chanceler Erzic, mais il reprit le contrôle.
Puis l’explosion retentit. Le Choriste s’embrasa, et la musique mourut.

Les éclairs faiblirent. Ta magie est puissante, Elira, mais pas éternelle. Tu es comme nous, jubilait Erzic.

Les Zarktys et les créatures achevèrent les derniers combattants.

    — Prenons-les en tenaille ! ordonna Erzic.

C’est fini, Elira. Tu as tout perdu. Ta fille, ton fils, ton mari. Et bientôt ta vie.

    — C’est ce que tu crois, Erzic ? répondit une voix.

Sur les murailles, ses yeux verts brillaient dans l’ombre.

    — Ton Alion ne se souvient plus de rien. Malkar lui a arraché ses souvenirs à jamais. Ta fille, cette Hirondelle, connaîtra une fin tragique. Et toi, avec ton comte, vous mourrez dans la douleur, dit Erzic.

    — Je pensais que tu ouvrirais les yeux. Notre dieu, Malkar, n’a plus jamais eu de liens avec la Terre de Talharr, depuis sa défaite contre son frère. Jamais il n’aurait ordonné de tels massacres !

Erzic revit Rhazek tuant femmes, enfants, vieillards, réveillant la Forêt maudite. Et si… ? Non ! Ce doute ne devait pas exister.

Jamais son dieu ne le lui pardonnerait.

    — Tu mens. Tu gagnes du temps. Calir nous a offert un lien direct avec Malkar. Comment as-tu pu trahir au point de t’allier à Talharr ?!

    — Tu ne comprends pas, répliqua Elira. Calir se fiche de Malkar comme de Talharr. C’est Dalar qu’il veut réveiller ! Si les deux frères ne se lèvent pas ensemble, ce monde sombrera. La mort continuera de s’étaler sur les siècles à venir.

Mensonge. Elle mentait forcément.

    — Alors pourquoi avoir laissé les élus entrer dans les Terres Abandonnées avec lui ? Pourquoi ne pas les avoir arrêtés ?

Silence. Il sentit un soupçon de peur la traverser.

    — Calir… est avec eux ?! C’est lui… le Serpent ?!

Erzic sourit.

    — Il l’a toujours été. Et il ne l’a dit qu’à quelques-uns d’entre nous. Tu vois ? Ta fille n’aura pas de fin heureuse.

    — Ils échoueront peut-être… mais ils survivront. Et lorsqu’ils reviendront, toi et tous les tiens tremblerez. Les deux frères seront à leurs côtés. Et toi, Erzic, tu finiras esclave de Dalar.

    — Jamais ! Malkar seul renaîtra. La vie nous sera meilleure. Et toi, tu ne verras pas ces jours !

Elle éclata d’un rire clair. Ses cheveux dorés volèrent au vent, la connexion psychique se coupa puis elle disparut des murailles.

La tempête s’apaisa. Devant eux, les portes de la cité s’ouvrirent. Des centaines de créatures cornues jaillirent : les Taurgorn.

Leur dernière carte avant la mort… pensa Erzic.

Il resta un instant figé devant le Choriste encore en flammes.  Et si je servais un dieu qui me condamnerait ?

Non. Impossible. Calir n’aurait pas menti à ce sujet. Il pensa pourtant au mensonge sur l'Hirondelle. Une nécessité, se convainquit-il. Elira n’était qu’une traîtresse, un sang-mêlé d’un Dralkhar et d’une Alkasrim sans légitimité.

Malkar, mon dieu, je vous attends. Je purifierai ces terres pour vous.

Et il s’élança dans la bataille.

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