Chapitre 55 - Keneth

Keneth trépignait d’impatience depuis qu’il avait aperçu la princesse de Carreau dans la lugubre cité de Lignis. Il n’avait aucune idée de la raison de sa présence ici, mais nul doute que la chance lui souriait enfin. Il regrettait encore de s’être enfui sous le coup de la surprise. Fort heureusement, il savait son visage des plus banal, impossible que la jeune femme le reconnaisse s’ils se croisaient à nouveau.

Keneth devait apprendre à mieux gérer ses émotions. Dès qu’il en avait repris le contrôle, il s’était précipité à l’adresse du contact qu’il ne devait voir qu’en cas d’urgence. La situation l’exigeait, ça ne faisait aucun doute, il devait à tout prix mettre l’Organisation au courant de ce qu’il avait vu. Et l’information s’était révélée primordiale, comme il s’en doutait, car il n’avait pas eu à attendre longtemps pour recevoir ses nouveaux ordres de mission. En attendant que le Prêtre de l’Aube refasse surface, il devait surveiller les agissements de la princesse et, si une occasion se présentait à lui, la réduire au silence. En réalité, ce n’était pas les mots exacts que son contact lui avait transmis. Des assassins allaient être missionnés, mais ils n’arriveraient probablement pas avant plusieurs semaines et d’ici là, la cible pourrait très bien s’être envolée. Et puis, c’était lui qui avait découvert Annyaëlle de Naerys cachée dans l’enceinte de Lignis, pourquoi laisserait-il d’autres que lui recevoir les louanges du maître ?

Keneth tourna entre ses mains la dague courte qu’il s’était procurée. C’était une arme simple, au pommeau usé par le temps et au tranchant affûté. Il avait même enduit la lame de suie pour empêcher un reflet inopportun de le trahir quand il passerait à l’acte. C’était quelque chose qu’il avait déjà vu quelque part, longtemps auparavant. La princesse n’était pas à prendre à la légère, elle avait certainement dû recevoir un entraînement pendant les mois qu’elle avait passés sur l’île de la Confrérie. Il se doutait qu’une aristocrate ne devait pas être très douée dans tout ce qui se prêtait au combat, mais il ne ferait pas l’erreur de la sous-estimer. Peu importait la situation, il fallait toujours se méfier de son adversaire.

Ce qui l’inquiétait beaucoup plus, c’était le jeune homme qui l’accompagnait. Lui pouvait être dangereux. D’après son âge, Keneth estimait qu’il arrivait au terme de son apprentissage, ce qui était loin de l’arranger. Il y avait aussi le risque que des Ombres soient dissimulées dans la ville afin de veiller sur la princesse, mais Keneth n’en avait repéré aucune et il avait entendu dire que la Confrérie se rassemblait dans le sud pour lutter contre les Kreiis. Encore une fois, la chance semblait s’être décidée à le soutenir.

Les journées de Keneth se ressemblaient toutes depuis qu’il avait rencontré la princesse. Il guettait son retour dans la basse-ville, faute d’avoir pu s’infiltrer discrètement dans sa partie haute, et prenait son mal en patience. Il avait entendu de sombres rumeurs sur le maître de la cité, un homme froid et sanguinaire qui n’hésitait pas à éliminer tous ceux qu’il soupçonnait de trahison ou d’espionnage. On racontait que tous ceux qui lui déplaisaient ou lui tenaient tête subissaient un sort peu enviable, parfois pire que la mort. Keneth avait même entendu certains évoquer l’idée qu’il s’était débarrassé de la réelle maîtresse de Lignis, sa mère, pour prendre le contrôle de la cité, mais ces rumeurs-là n’étaient rien de plus que des murmures échangés d’une voix tremblante. Quoi qu’il en soit vraiment, le portrait qu’on lui avait dépeint du Duc l’avait suffisamment effrayé pour qu’il ne prenne pas le risque de se rendre dans la haute-ville.

De toute façon, Keneth était bien plus à l’aise au milieu de la foule, prêt à fondre sur sa proie sans que personne ne l’ait vu arriver ou repartir. Alors, il guettait patiemment la princesse, attendant son retour. Elle avait pris l’habitude de venir balader dans la basse-ville les jours de marché et il l’avait observé longuement, attendant son heure. Pour l’instant, il n’avait pas pu agir, mais il continuait de chercher le bon moment pour frapper.

Appuyé contre un mur, ses yeux survolaient attentivement la masse de visages anonymes qui se mélangeaient sur la place, quand il répara enfin les longs cheveux brun-roux de sa cible, plus rares dans les régions du nord. Pourtant, Keneth ne bougea pas. Impassible, il scruta la foule, cherchant le jeune homme qui l’accompagnait constamment, mais ne trouva nulle trace de lui. Un large sourire étira son visage, l’aurait-il laissé seul pour une fois ?

Keneth se mit en marche et rejoignit les étals du marché. Il se mêla à la foule, faisant mine de s’intéresser aux marchands, veillant à ne pas perdre de vue la princesse. Il humait les odeurs de toutes sortes d’épices, certaines familières, d’autres totalement inconnus, testait la douceur des étoffes et s’arrêtait sur bien d’autres choses. Durant la demi-heure qui suivit, il se contenta de maintenir une certaine distance entre eux, au cas où son partenaire aurait la mauvaise idée de la rejoindre.

À son plus grand regret, Keneth remarqua vite qu’elle n’était pas réellement seule. Un homme emmitouflé dans une longue cape se tenait constamment à ses côtés, le visage dissimulé sous un ample capuchon. De temps à autre, il arrivait à discerner des bribes de vêtements dissimulés en dessous, des tissus riches qui ne pouvaient pas appartenir à un simple villageois. Keneth ne soupçonna pas un instant qu’il s’agisse d’une femme, la démarche était celle d’un homme, même si sa silhouette plutôt mince aurait pu le tromper. Contrairement à la princesse, qui semblait beaucoup s’amuser, il n’avait pas l’air particulièrement ravi de se trouver là, malgré les sourires qu’il lui adressait.

Keneth savait que c’était sa chance. L’homme ne semblait pas dangereux et il ne tenterait sûrement pas de s’interposer, surtout s’il voulait rester anonyme. Si tout se passait comme prévu, l’inconnu ne découvrirait la blessure mortelle de la jeune femme qu’une fois qu’il serait déjà loin. Keneth se faufila au milieu de la foule tel un serpent, invisible et silencieux. De plus près, il remarqua la barbe naissante sur les joues de l’homme et ses traits fins et anguleux sous son capuchon. Keneth était si proche de la princesse qu’il aurait pu poser la main sur son épaule en tendant le bras. Son cœur accéléra sous la pression et l’adrénaline. Imperceptiblement, il posa ses doigts sur la dague dissimulée dans la doublure de son manteau. Au même moment, la jeune femme se retourna sans le voir et le bouscula.

— Je suis désolée ! s’excusa-t-elle aussitôt en reculant.

La princesse Annyaëlle s’immobilisa, confuse. Elle semblait chercher du regard si elle ne l’avait pas blessé quand ses yeux s’arrêtèrent sur son visage. Une étincelle sembla briller dans le bleu sombre de ses iris et il sentit de la glace couler dans ses veines.

— On se connaît, non ?

Keneth ne bougeait plus, tétanisé. Comment avait-elle pu se souvenir de son visage ? Il sentait la peur prendre le contrôle de son corps tandis qu’il observait les sourcils de la jeune femme se froncer sous l’effort qu’elle faisait pour se rappeler où ils s’étaient déjà rencontrés. Son cœur se mit à résonner si fort à ses oreilles qu’il faillit ne pas entendre l’homme qui accompagnait Annyaëlle se rapprocher d’elle et échanger quelques mots. Elle se détourna par réflexe, sans se méfier de lui. Keneth savait qu’il n’avait besoin que de quelques secondes pour accomplir sa mission, il était rapide. Il lutta de toutes ses forces pour contraindre sa volonté à surpasser sa peur et agir, mais soudain une pensée malvenue s’insinua dans son esprit. Keneth n’avait jamais tué. Du moins, il n’était jamais passé à l’acte lui-même, pas volontairement. Une sueur froide coula dans son cou. Il devait le faire, pour lui, pour l’Organisation. Ses doigts se refermèrent sur la dague. Lorsque la lame fendit l’air, nul reflet n’aurait pu alerter la jeune femme du danger qui fondait sur elle, elle ne pouvait y échapper.

Mais Keneth n’atteignit jamais sa cible. Une main agrippa si fort son poignet gauche qu’il hoqueta de douleur et fut arrêté net dans son élan. Dans son autre main, la dague s’immobilisa à seulement quelques centimètres de la Princesse de Carreau.

Keneth regarda la lame d’un air stupide, encore surpris de l’avoir manqué. Annyaëlle n’avait pas encore remarqué ce qu’il venait de se produire, s’il se dépêchait de réagir peut-être que… Il se figea, quelqu’un l’avait empêché de frapper. Keneth se tassa sur lui-même et chercha des yeux son agresseur. C’était la poigne d’un homme et celui-ci était dissimulé sous une cape et un capuchon de laine. Il devait être à peine plus grand que la princesse, mince, mais beaucoup plus musclé que l’inconnu avec qui elle se trouvait. Keneth crut défaillir. C’était l’aspirant qui ne la quittait presque jamais, Saule, s’il ne se trompait pas, et ses yeux étaient braqués sur sa dague recouverte de suie. Il comprit aussitôt qu’il n’avait pas encore identifié l’objet.

— Qu’est-ce que tu fais ? demanda Saule d’une voix sourde.

Keneth tenta de se dégager, mais les doigts de l’aspirant enserraient son poignet aussi sûrement qu’une gangue de fer. Sa cible et l’inconnu se retournèrent, alertés par le bruit. Pour la première fois, il aperçut le visage de l’homme qui accompagnait la princesse. Celui-ci fixa sa main et une lueur de colère s’anima dans ses yeux gris aussi tranchants que du métal. Il se jeta en avant pour saisir la dague.

Keneth savait qu’il était foutu. Petit à petit, les passants commençaient à ralentir et à les observer, réalisant qu’il se passait quelque chose d’anormal. Il devait agir vite. Il esquiva la main de l’inconnu, puis lacéra le bras qui emprisonnait toujours son poignet. Keneth ne prit pas le temps de vérifier l’ampleur de son coup, il se précipita dans la foule, abandonnant sa mission et bousculant tous ceux qui se trouvaient sur son passage. Sans ralentir sa course, il jeta rapidement un regard en arrière. L’aspirant grimaçait et agrippait son avant-bras dégoulinant de sang tandis que la princesse se précipitait vers lui. Keneth sentit l’espoir l’envahir, ils ne semblaient pas le poursuivre.

— Veille sur le Duc !

Keneth se retourna vivement, il avait eu tort. Il vit deux hommes se précipiter vers l’inconnu aux yeux gris, peut-être des gardes, et Saule le prendre en chasse. Que pouvait faire le Duc dans la basse-ville ? C’était un cauchemar, il n’y avait pas d’autres explications, et Keneth se réveillerait tôt ou tard.

La foule compacte le ralentissait et il jouait des coudes pour sortir de là au plus vite. La peur lui donnait des ailes et il fonçait droit devant lui, renversant les étals qu’il rencontrait sur sa route dans le vain but de ralentir son poursuivant. Quelques passants voulurent l’intercepter, mais sa dague était une dissuasion suffisante pour qu’ils s’écartent et le laisse passer.

Keneth s’engouffra dans les ruelles tortueuses qui bordaient la place et s’enfonçaient dans la basse-ville. S’il était suffisamment rapide, il pourrait certainement y semer l’aspirant. Malheureusement, Keneth connaissait aussi mal la cité que celui qu’il essayait de fuir et devait choisir son chemin à l’aveugle à chaque embranchement. Il jura en entendant les bruits de course dans son dos.

Les bâtiments de pierre noire semblaient l’encercler de toute part, l’empêchant de trouver une issue. Plus il avançait, plus les ruelles se faisaient désertes et sombres, peut-être pourrait-il trouver une cachette s’il mettait assez de distance avec son poursuivant. Keneth tournait autant que possible pour rester hors de portée des yeux de Saule et tenter de le perdre, mais le jeune homme ne semblait pas vouloir renoncer. Dans la panique, il emprunta la mauvaise rue, hésita à faire demi-tour et perdit de précieuses secondes avant de repartir à toute allure. L’adrénaline qui coulait dans ses veines lui donnait un second souffle, mais combien de temps cela allait-il encore durer ? Puis il remarqua l’étrange silence dans son dos, il avait dû prendre un peu d’avance à défaut de l’avoir semé.

Keneth pénétra en trombe dans une ruelle qui s’avéra être une impasse. Dès cet instant, il sut qu’il était perdu. Il ne pouvait pas prendre le risque de faire demi-tour. La peur se répandait en lui, l’enserrant de son étreinte gelée et piégeant sa volonté. Il avait l’impression de suffoquer. Ses yeux cherchèrent quelque chose auquel se raccrocher, un détail, n’importe quoi qui pourrait l’aider à se sortir de cette situation. De combien de temps disposait-il encore ? Le cul-de-sac n’offrait aucune issue possible et ses murs étaient bien trop haut pour qu’il tente de les escalader. Malgré tout, il s’approcha et effleura les aspérités de la pierre, comme pour se prouver qu’il ne pourrait pas passer par là. Il recula en étouffant un cri de désespoir.

Keneth tourna sur lui-même, le souffle court, terrorisé. Une petite voix dans sa tête lui chuchotait que s’il n’avait toujours pas été rejoint, c’est qu’il avait peut-être réussi à perdre son poursuivant. Il aurait voulu pouvoir l’étrangler.

C’est là qu’il remarqua une porte solitaire, dans l’ombre, à peine visible. Il se précipita vers elle et essaya de l’ouvrir, sans résultats. Au fur et à mesure qu’il cognait contre battant, il sentait la terreur envahir chaque parcelle de son corps. Désespéré, il finit par reculer et prit de l’élan dans le but d’enfoncer cette ridicule porte qui s’obstinait à demeurer impassible devant lui.

Keneth se fracassa contre le bois dans un bruit sourd et fut violemment projeté en arrière, où il s’étala lourdement sur le sol poisseux. La douleur dans son épaule le submergea un moment, perturbant ses pensées. Il ne tenta pas tout de suite de se relever, mais quand il reprit ses esprits ses yeux s’exorbitérent d’horreur. Keneth oublia instantanément la douleur, il n’avait plus qu’une seule idée en tête, les bruits de pas de son poursuivant avaient repris, avant de s’interrompre à nouveau. Le souffle saccadé, il tourna son regard vers l’entrée de l’impasse et un petit cri plaintif s’échappa de sa bouche.

Saule était là, bloquant le passage, parfaitement immobile. Le temps s’étira, aucun d’eux ne faisait le moindre geste. Keneth n’osait ni se relever ni briser le silence qui s’était abattu dans la ruelle de peur de précipiter les choses. Il ne pouvait s’empêcher de détailler le jeune homme, observant sa posture assurée, la petite flaque de sang qui s’écoulait de la blessure qu’il lui avait infligée un peu plus tôt et dont il ne semblait pas se soucier, ce qui lui donnait un air encore plus terrifiant. Keneth finit par repérer la lueur mauvaise qui brillait dans les yeux sombres de l’aspirant. Il connaissait ce genre de regard. Peu importe ce qu’il pourrait dire, le jeune homme ne le laisserait jamais en vie. Keneth frissonna, les membres de la Confrérie ne tuaient pas pour si peu, et encore moins les aspirants, non ? Il se mit lentement à ramper en arrière sans le perdre de vue, son cerveau cherchant furieusement la solution qui pourrait lui sauver la vie.

— Qui es-tu ?

La voix résonna d’une violence à peine dissimulée. Keneth tressaillit et recula encore, il savait qu’il ne pouvait pas se permettre de se faire prendre. Il n’avait pas le droit de se mettre en danger, et avec lui toute l’Organisation. Mais il ne voyait pas d’échappatoire. Ses doigts se crispèrent sur sa dague et ses yeux fixèrent longuement la lame déjà souillée. Non, ça ne pouvait pas se terminer comme ça. Pas ici, pas dans l’une des ruelles lugubres du nord, si loin de chez lui. Pourtant, se laisser prendre n’était pas une option. Il approcha la lame de son visage et sa main se mit à trembler violemment. Il était bien trop lâche pour mettre fin à ses jours.

— Tu n’as aucun moyen de t’enfuir, tu sais, lui lança Saule d’un ton glacial. Mais ce n’est pas obligé d’être douloureux.

Le visage de l’aspirant était dénué de la moindre émotion, mais ses yeux trahissaient la haine profonde qui l’habitait.

Keneth atteignait presque le fond de l’impasse à présent. Derrière lui, l’immense mur projetait son ombre, mais il savait que ces ténèbres ne lui seraient d’aucune aide. Il lutta pour contrôler le tremblement de ses membres et se releva difficilement, manquant à plusieurs reprises de retomber piteusement.

— Je… ne me tuez pas…, implora-t-il faiblement.

Saule l’ignora et avança doucement vers lui, sans se presser.

— Pour qui travailles-tu ?

Les traits de Keneth n’étaient plus qu’un masque de terreur.

— Je ne peux pas… s’il vous plaît.

— Très bien, c’est toi l’aura voulu, le menaça Saule, une lueur mauvaise dans le regard.

— Non ! Pitié !

Keneth leva les bras devant lui pour se protéger et jeta son arme en signe de soumission. Il implora les Divinités de lui venir en aide, peu importe par quel moyen, mais que cet homme ne l’approche pas davantage.

Totalement focalisé sur le danger que représentait l’aspirant, il ne remarqua qu’au dernier moment la silhouette qui venait de surgir dans son dos, dissimulée dans l’ombre du mur. En une fraction de seconde, un bras s’enroula autour de son cou et le tira en arrière, le plaquant contre ce nouvel agresseur et l’entraînant dans l’obscurité. Keneth tenta de se dégager, mais la prise était ferme. Il sentit le souffle chaud de l’homme dans sa nuque et manqua de défaillir en reconnaissant la voix qui siffla à son oreille.

— Et bien Keneth, je suis déçu. Depuis quand prends-tu autant d’initiatives ? Tu as de la chance, si tu avais réussi ta mission, ce n’est pas de cet aspirant dont tu aurais dû avoir peur, lui assura l’homme.

Même s’il était de dos, Keneth aurait reconnu le timbre doucereux et teinté de danger de son mystérieux bienfaiteur entre mille. Il aurait pu être soulagé de son intervention si le ton que celui-ci venait d’employer ne lui avait pas inspiré une terreur encore plus grande que celle provoquée par Saule. Que lui reprochait-il ? Avant qu’il ait pu poser la moindre question, l’homme resserra la pression sur sa nuque et tous deux s’évaporèrent.


 

Dès l’instant où l’inconnu avait surgi du néant, Saule s’était précipité vers l’assassin. Trop tard. Furieux, il regarda sa main qui s’était refermée dans le vide et inspecta le mur de pierre. Il n’y avait rien, pas la moindre trace de son ennemi. Il fronça les sourcils, comment avaient-ils pu se volatiliser et qui était donc la personne qui était venue à son secours ?

Un pas de course résonna à l’entrée de la ruelle. Annya avait sans doute décidé de venir lui prêter main-forte malgré ce qu’il lui avait dit. Il s’apprêtait à la rejoindre quand il aperçut la dague abandonnée sur le sol. Il la ramassa et passa son pouce sur la suie qui recouvrait la lame. Peu de personnes utilisaient ce genre de subterfuge, avec un peu de chance il ne serait pas difficile d’en retrouver le propriétaire. Au moins, la suie excluait généralement le poison.

Saule fixa une dernière fois le fond de l’impasse, se demandant comment les deux hommes avaient pu s’enfuir aussi facilement. Il ne lui semblait pourtant pas avoir vu de portail, et quand bien même, il ne voyait pas comment la Confrérie pouvait être mêlée à cela.

Comme s’il prenait soudain conscience du coup de couteau qu’il avait reçu, il sentit le liquide chaud couler à grosses gouttes le long de ses doigts. Il avait totalement oblitéré sa blessure et perdait beaucoup de sang. En retournant vers Annya et en suivant le regard inquiet de l’aspirante vers son avant-bras, Saule songea qu’il serait raisonnable de soigner cette plaie rapidement. Il soupira en arrivant à sa hauteur.

— Il n’y a plus rien à faire ici. Rentrons.

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