Chapitre 6.2 : Flammes

Par Camice

Ariane avait bien de la chance, que son bras brûlé ne soit pas celui avec lequel elle se bat, sinon, elle n’aurait plus rien qui lui amène de la joie dans sa vie. Aussitôt fait, qu’elles étaient couchées. Liz avait reçu tout ce dont elle avait besoin pour dormir confortablement. Le silence était lourd et pesant dans la chambre. Et même emmitouflée dans son épaisse couverture, Ariane ne trouvait pas le sommeil, tourmentée par son bras, ses actions, son inaction, sa paix qui n’arrivera jamais, car elle ne pourra jamais se remettre de tout ça, et malgré tout…

Malgré tout. Quand Liz s’était retrouvée martyrisée.

Ariane s’était énervée.

Elle avait eu, des émotions qui l’ont envahie, comme pendant son séjour sur le monde magique.

Elle avait été prête à la défendre, au point de s’en brûler, au point d’en avoir mal.

N’était-ce pas la preuve qu’elle était en train de changer ?

– Merci…

– Quoi ? s’enquit la petite.

– Merci d’être venue…

Sa colocataire se redressa d’un bond pour la regarder, abasourdie.

– Tu sais dire “Merci” ? Et moi qui croyait qu’il n’y avait que de l'insolence qui pouvait sortir de ta bouche.

– …

– Non, sérieusement, pourquoi tu me remercies ?

— Merci, de rester, de m’avoir soigné, de ne pas abandonner…

Un petit silence s’installa. Elle n’entendait plus les tic tac de sa montre, et elle ressentait davantage leur absence dans les moments comme celui-ci. Calée sur le dos, Ariane ne voulait pas confronter le regard de sa camarade et se contentait d’admirer le plafond blanc de sa chambre.

– J’aurais abandonné aussi, tu sais ? Seule. Moi aussi je voulais laisser tomber, après tout, ma vie est meilleure ici mais… Je veux me battre pour ce qui est vrai, et quand j’ai vu l’article sur toi… Tu te battais, tu ne savais pas encore pourquoi, mais tu te battais.

— Pourquoi je me bas ?

— Toi aussi, pour la vérité, pour savoir ce qui s’est vraiment passé. Tu ne passerais pas autant de temps à t’acharner sur les autres si la situation te convenait.

— …

— Merci de m’avoir défendue, Ariane.

Liz savait, elle savait qu’elle était la raison de sa colère. Ariane l’avait pris pour une petite stupide, ce qui n’était pas si loin de la réalité, mais elle savait réfléchir, son comportement actuel était totalement différent de celui qu’elle avait sur Errêt. Peut-être que c’était elle, qui était en tort, de l’avoir jugé sur un comportement que tout le monde aurait eu en temps de crise.

— Tu n’es pas si mal…

— …

Ariane tourna la tête vers la jeune fille, qui était en train de dormir profondément, une expression paisible qu’elle n’avait pas sur son visage éveillé. Ariane en vint à se demander si Liz riait de la même manière que Maï Rose, si elle pouvait rire, tout court. Un pincement au cœur la prit. Non, elle ne pouvait pas s’empêcher de penser qu’elle était en train de remplacer sa meilleure amie. Sauf qu’elle savait que c’était faux : Maï Rose était son soleil, le restera toujours. Liz était comme une petite sœur qui avait besoin de protection, une boule de neige fragile qui se brise sous pression. Et pourtant, elle avait soigné ses blessures sans flancher, sans se plaindre, elle savait quoi faire, les gestes, les paroles, comme si elle les avait déjà répétés des centaines de fois.

Ariane se leva de son lit, et enjamba silencieusement Liz qui ne flancha pas, pour retourner dans la salle de bain. Le miroir était toujours couvert. La jeune fille tendit une main pour le découvrir.

Ses yeux bleus étaient rouges, elle avait du pleurer de douleur alors que le feu grillait ses membres, des cernes les encadraient religieusement et simplement, lui donnant un air malade qu’elle ne se connaissait pas. Un nez aplatit, des lèvres plissées et sèches. Sa peau, plus pâle que jamais, avait des airs de fantôme du passé, ses cheveux blonds, brûlés à moitié par le feu, laissait des extrémités noires qu’elle ne pourra pas cacher à ses parents le lendemain. Et pour finir… Au sommet de son crâne, sa couleur naturelle reprenait le dessus sur la teinture. Ses cheveux blancs.

La dernière fois qu’elle s’était vue dans un miroir, c’était le miroir dimensionnel de Norrow.

Ariane prit son couteau suisse et entreprit de découper tous ses cheveux par poignées, sans faire attention à ce qu’elle coupait. Elle ne voulait plus voir de blond, ce blond qui cachait ce qu’elle était depuis tout ce temps et ces cheveux blancs qui expliquaient pourquoi elle était différente. Un tas de cheveux dorés finirent sur le plancher, ne laissant sur sa tête que ses fins cheveux blancs, au plus près de son crâne, des touffes inégales s’y dispersant.

Alors, elle posa sa montre morte sur son oreille et enclencha le mécanisme.

Tic

Tac

Elles allaient retrouver Maï Rose, quoi qu’il en coûtât.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez