Quand Farah reprend ses esprits, quelqu’un est en train de la trainer par les pieds dans le sable. Prise de panique, elle secoue ses chevilles pour se dégager. Elle voit alors que la personne qui la remorque n’est autre que la petite fille du village. Celle qui avait les yeux noirs et avait désigné sa maison aux habitants en colère.
"Qu’est-ce que tu me veux ? Demande Farah d’un ton agressif. Et puis quel genre de petite fille es-tu ? Comment peux-tu m’assommer, me porter aussi facilement ?
-Elle répondra à toutes tes questions. Répond la petite fille d’un ton neutre.
-Qui ça ?
-Dina…"
Farah écarquille les yeux. Dina ? C’est elle qui a envoyé cette étrange fillette ? Elle relève la tête et prend conscience qu’elles se trouvent à côté d’une entrée de service du palais de Parham. Son ventre se noue. Elle ne veut pas courir le risque d’être livrée à Parham, mais Dina est son seul espoir. La vie en dehors du château est désormais impossible pour Farah. Si elle retourne au village, les habitants la livreront, sans compter qu’elle doit à présent être reconnue coupable du meurtre d’un des trois marchands…
Elle se relève et observe la fillette. Il n’y a pas si longtemps, elle lui aurait fait confiance instantanément. Mais les choses ont changé. Elle ne veut plus se faire avoir.
"Qu’est ce qui me prouve que ce n’est pas un piège ?
La petite fille ne répond pas. Elle se dirige lentement vers la porte et l’ouvre. Il y a quelqu’un derrière.
-Rien. Répond Dina. Mais moi tu peux me faire confiance."
Farah se jette dans les bras de son amie. Dina resserre ses bras autour d’elle.
- Mon enfant…murmure-t-elle en caressant les cheveux de Farah.
*****
-Qu’est-ce que tu veux Coralie ? Et puis d’abord comment tu as…c’était la voix de Dan !
-Oh ça… c’est un petit tour très simple, répond la jeune femme en haussant les épaules.
Elle s’assoit sur le bord du lit, elle pose sa main sur le torse nu de Sol et fait courir ses doigts froids le long du tatouage qu’il arbore sur le côté.
-Je suis venue te dire au revoir…
-Un simple texto aurait suffi, ironise Sol.
Coralie sourit. Elle semble réfléchir. Sol quant à lui, a mille questions à lui poser. Il devrait être mort de peur, ligoté sur son propre lit par une fille qui s’est relevée de manière inexpliquée de son coma, qui a réussi à s’enfuir de sa salle de bain du 6éme étage…mais il n’éprouve que de la curiosité.
-Coralie ? Demande Sol.
La jeune femme ne répond pas. Sol recommence jusqu’à ce qu’elle semble prendre conscience d’un seul coup que c’est elle qu’il est en train d’appeler.
-Excuse-moi…je ne m’appelle pas Coralie.
-Si, c’est ton nom, tu étais à l’hôpital tu te souviens ? Dit doucement Sol, pensant que le coma lui laisse probablment des séquelles.
-Non, répond-elle agacée. C’est son nom à elle !
Tout en disant cela elle tire sur la peau de ses bras et de son ventre.
-Mais ce ne va pas durer. Ce corps est trop usé, Coralie est morte. Continue-t-elle.
A cet instant elle se relève, fixe Sol droit dans les yeux et lui souffle un baiser imaginaire avant de s’effondrer sur le sol. Raide morte.
*****
Farah raconte tout à Dina. Le village, son choix de laisser mourir les enfants pour sa survie, son départ, sa rencontre avec les marchands. Dina a une expression indéchiffrable, on dirait presque… qu’elle est satisfaite.
-A mon tour, dit Farah, as-tu empoisonné la femme de Parham ?
-Oui
-Est-ce que tu comptais me faire accuser ?
-Oui.
La rapidité et la franchise de la réponse blessent Farah au plus haut point. Dina l’a trahie…
-Mais…pourquoi ?
-Te souviens-tu quand je t’ai dit qu’il te restait une leçon avant d’être une femme accomplie ? Tout ça fait partie de cette leçon.
Dina lui raconte alors son plan. Elle avait recueillie Farah et lui avait enseigné toutes ces choses pour la mettre en confiance, elle l’avait ensuite faite accuser du meurtre de la femme et de l’enfant de Parham pendant qu’elle-même prenait place en tant qu’épouse légitime du seigneur. La leçon…est de ne faire confiance à personne.
Le long des joues de Farah, coulent ses larmes. Dina prend son visage dans sa main.
-Ne t’inquiète pas ma chérie. Tu vivras une longue et belle vie, et je vais t’aider. Mais avant cela…Elle fait un signe de la main et deux gardes s’approchent de Farah. Ils la soulèvent sans difficulté et l’emmènent.
Farah est lasse. Toute sa vie n’a été que trahison et déception. Toute volonté de résister et survivre l’abandonne. Son corps est comme désarticulé. Elle ne demande même pas où ils se rendent. Elle sait. Elle est amenée devant son maître.
*****
Sol s’agite furieusement sur son lit, tentant de défaire ses liens. Dans sa tête tout se passe très vite : un cadavre dans sa chambre. Il est déjà recherché par la police, cette fois c’est sûr il n’en réchappera pas.
Tout à coup, il aperçoit comme une fine fumée grise sortir du corps de Coralie. La fumée s’élève haut dans la pièce et s’accumule au plafond. Soudain elle semble former…un corps. Quelques secondes plus tard, une femme bien vivante mais qui n’a plus les traits de Coralie se pose doucement au sol. C’est une femme superbe avec de longs cheveux bruns bouclés, une peau couleur caramel et un corps voluptueux. Ses yeux sont d’un vert presque irréel, sous ses vêtements moulants on devine des courbes à se damner, Sol sent une bouffée de chaleur l’envahir.
-Ah, on est mieux comme ça ! Déclare l’inconnue.
Le jeune homme quant à lui ne sait plus quoi dire. Il a soudain cessé de se débattre. Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel ?
-Le corps de Coralie était en train de se décomposer, je ne pouvais pas décemment continuer à le posséder, poursuit la créature.
Elle se tourne vers Sol et lui sourit.
-Ne fais pas cette tête…ce n’est pas si terrible que ça ! Ma vraie tête ne te plait pas ?
Sol a le souffle coupé, sa bouche s’ouvre, se ferme, mais aucun son n’en sort. Au bout de longues minutes, il parvient à articuler :
-Tu…qu’est-ce que tu es au juste ?
Il pose enfin la bonne question. La superbe créature laisse échapper un petit rire. Elle semble réfléchir à sa réponse. Puis elle lui lance un regard transpercant de ses beaux yeux verts.
-Je suis…un démon.