Chapitre 6

Par Elka

6.

 

Vacances obligent, Camille n'était pas dans le bus ce soir-là, comme le point d'orgue d'une mauvaise journée. Callinoé avait passé l'après-midi à ruminer sa discussion avec sa sœur, à se remettre en cause, à s'invectiver pour son caractère. Il avait même failli perdre son calme avec un client assurant qu'il ne voulait pas commander un livre de Umberto Eco ou de Jonathan Coe mais de Umberto Coe et que c'était quoi ces jeunes qui ne donnaient plus crédit à leurs aînés, vraiment la société allait à vau-l'eau.

Il sortit du bus deux arrêts avant sa maison pour s'aérer la tête. Il traînait des pieds sur le trottoir, jouant avec son ombre inhumainement allongée devant lui. La sueur collait son t-shirt dans son dos et les petits cheveux qui rebiquaient sur sa nuque, mais une agréable petite brise soufflait et il passa, relativement apaisé, le portillon de chez-lui. Une odeur d'oignons l'accueillit.

— Pile à temps ! dit sa mère. Roxanne, descends manger !

— Je peux prendre une douche ? demanda Callinoé en jetant son sac dans un coin.

— Non, c'est prêt.

— Bon ben je vais au moins enfiler un truc qui pue pas, grommela Callinoé.

Un jour, il aurait son propre appartement...

Il croisa Roxanne au milieu des escaliers et se prépara à une réplique acide.

— J'aurais pas dû m'énerver, marmonna-t-elle. Déso'.

Un élan d’affection fraternel l’enveloppa.

— T'as bien fait de t'énerver.

Il plaqua une bise sur sa joue, à laquelle elle se déroba en riant. Leur père les appela de la cuisine et Callinoé courut dans sa chambre se changer avant de redescendre.

— Tu as passé une bonne journée ? s'enquit sa mère en servant une louche de sauce sur ses pâtes.

— Pas mal.

— T'as vu Ego ? demanda Roxanne.

Elle essayait d'enterrer leur dispute. Assise à l'autre bout de la table, elle souriait timidement, ce qui lui ressemblait peu.

— C'est Baptiste qui a eu à faire à lui. Apparemment, il ne mettait pas la main sur les crèmes au chocolat bio qu'il adore.

— Ça c'est trop triste !

— Cet homme doit se sentir bien seul, philosopha leur père.

Roxanne leva les yeux au ciel mais seul son frère le remarqua. Dans leur famille, ce n'était pas bien vu de se moquer des absents... Sauf quand les remarques venaient de leurs parents. Roxanne appelait ça « la contradiction des darons » et aimait répéter que c'était un véritable fléau dans les relations parents-enfants.

— Je vais poser quelques jours de congés, annonça soudain Callinoé.

L'expression ahurie de Roxanne valait bien l'accélération de son rythme cardiaque quant à ce qu'il allait dire ensuite.

— Comme ça, tout d'un coup ? s'étonna sa mère.

— Roxi et moi on va se faire un petit voyage, dit-il. Si tu es toujours partante ?

— Euh oui mais... mais t'avais dit…

— C'est une bonne idée. J'y ai réfléchi.

— Une seconde, les interrompit leur père. De quoi vous parlez ?

Callinoé invita sa sœur à expliquer, ce qu'elle fit avec de grands gestes, délaissant totalement ses spaghettis. Il étudia les sourcils froncés de leur père et le plissement de paupières de leur mère et, quand celle-ci demanda calmement si ça n'allait pas leur coûter trop cher, il sut que c'était gagné.

— J'ai de l'argent de côté, dit Roxanne, et c'est vraiment quelque chose que je veux faire.

— On regardera le trajet ensemble, décida leur père. On vérifiera les hôtels et on vous en financera une partie.

La lumière de la cuisine pétilla dans les yeux de Roxanne.

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Elie Langroi
Posté le 28/11/2020
Salut !
Voilà un joli moment, plein d'amour et de fraternité.
Et même la relation avec les parents commencent à se mettre en place et elle promet d'être intéressante, même de loin.
Pour avoir des amis qui travaillent en librairie (et avoir travaillé en bibliothèque), combien de fois on peut avoir des "j'aimerais un roman écrit par Thérèse Raquin" puis une certitude absolue que si on leur tend du Zola, il y a erreur ! Trop drôle !
Elka
Posté le 28/11/2020
Je confirme ce que j'ai dit plus tôt : tu commentes plus vite que ton ombre !
Je n'ai fait qu'un stage de quelques mois en librairie, mais même comme ça j'ai eu droit à un catalogue coloré de clients. Faut croire que j'ai réussi à les replacer avec plus ou moins de justesse !
Seja Administratrice
Posté le 23/09/2019
Eh bah voilà :P Allez, en avant pour l'aventure, maintenant ! En espérant qu'ils crèvent pas à 50 bornes de la maison et ne doivent pas passer le reste du roman à bosser dans un bar du coin pour se payer des pneus :P
Elka
Posté le 23/09/2019
xD
J'aurais dû te consulter sur le scénario, cette idée était parfaite
Dédé
Posté le 22/09/2019
Vraiment très heureux que Calli ait dit oui. Et c'était vraiment génial la façon dont il l'a annoncé. De voir la réaction de sa sœur, aussi. C'est vraiment trop mignon la relation qu'ils ont tous les deux.

Hâte de voir leur périple !

PS : Umberto Coe xD Il parait que le client a toujours raison mais tout de même. Umberto Coe, quoi ! xD
Elka
Posté le 22/09/2019
Je me dis qu'ils ont un peu une relation idyllique, du coup j'ai essayé de nuancer à l'avenir, tu me diras !
Et les clients/parents qui ont toujours "raison" on sait tous les deux que c'est bieeeeen relou :p
Dédé
Posté le 22/09/2019
Oh oui… Nous-mêmes on sait !
J'ai hâte de découvrir cette relation nuancée.
Rachael
Posté le 27/08/2019
Pour le coup, il est vraiment court ce chapitre, mais c’est le début de l’aventure, non ? Calinoe a pris sa décision, on le sentait venir, à vrai dire. C’est super de l’avoir fait hésiter, comme ça, c’est très réaliste.

Détails
C'est Baptiste qui a eu à faire à lui : qui a eu affaire à lui
Elka
Posté le 27/08/2019
Coucou !
C'est une histoire aux chapitres très courts. Je crois que ça m'a aidé à centrer mon propos à chaque fois. Peut-être que quand ils sont aussi courts il faut pas que j'hésite à en poster carrément 3 d'un coup ? Je verrais.
En tout cas ça me permettait de boucler la partie 1 avec cette publication :)
Ca n'aurait pas collé au personnage d'accepter tout de suite, sans une once d'hésitation. La spontanée de la famille, c'est Roxanne. Par contre, il était tenté.
Merci de ta lecture Rach !
Olek
Posté le 27/08/2019
Aaah ! Je n'aurai pas eu à attendre longtemps ^^
Un chapitre court mais sympa, sur lequel je n'ai que trois remarques :
- Le terme de point d'orgue est utilisé pour parler d'un temps d'arrêt au cours ou au terme d'une action qui a été menée sur un rythme soutenu (c'est pas moi qui le dit, c'est Larousse ^^). A mon avis, le sens ne correspond pas à ce que tu veux exprimé ici. Peut-être serait-ce plutôt "point culminant" ou "apogée" ?
- On écrit "a eu affaire" et non "a eu à faire" dans ce cas-ci. En effet, le premier est utilisé pour "être en rapport avec [quelqu'un]" tandis que le deuxième signifie "réaliser [quelque chose]".
- J'aime beaucoup le paragraphe sur la "contradiction des darons" !
Elka
Posté le 27/08/2019
Merci Olek !
Tes remarques ont bien été prises en compte (je sentais que y avait une faute à "avoir affaire à", l'explication me sera bien utile à l'avenir)
C'est une histoire à très courts chapitres ahaha
A vite <3
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