7.
Il était près de vingt-trois heures quand Roxanne poussa la porte de sa chambre. Callinoé mit son film en pause, alluma sa lampe de chevet et repoussa son ordinateur en bout de lit. Sa sœur referma doucement le battant pour s'installer sur le matelas.
Peu pudique, comme souvent, elle ne portait qu'un débardeur et une culotte. Ses cheveux noués en un chignon serré formaient une bosse au-dessus de son crâne, semblant tirer ses traits pour y graver des ombres plus profondes.
— Pourquoi t'as changé d'avis ?
Callinoé se mit en tailleur. On étouffait dans sa chambre, avec les fenêtres closes pour empêcher les moustiques d'entrer.
— Parce que tu avais raison, c'est une idée qui me plaît et que j'ai trop tendance à refuser les choses nouvelles.
— Mais ça te fait plaisir ?
Il sourit.
— Oui. Et que les parents cautionnent me paraît assez dingue pour ne pas revenir sur ma décision.
Elle rit et se releva, déjà plus pimpante en dépit de l'heure.
— Oui, c'est fou. Je pense qu'ils reviendront sur leur décision demain.
— Trop tard, la nôtre est prise.
Elle s'approcha, les mains dans le dos, et se pencha pour l'examiner théâtralement.
— Tu vas pas retourner ta veste, hein ? s'assura-t-elle. Je t'en voudrais fort.
— T'inquiète pas. Je poserai mes congés demain. J’en ai déjà touché un mot à mon patron.
Elle l'embrassa sur la joue, lui souhaita une bonne fin de film et quitta la pièce sur la pointe des pieds. Leurs parents dormaient déjà.
Callinoé fixa son écran, la figure figée de Marion Cotillard en pleine tirade, et s'allongea sur son matelas humide de sueur, les bras en croix. Il n'arrivait pas à trancher s'il était content ou non.
Content de sortir du boulot quelques jours. De quitter ses parents, de prendre la route avec sa sœur, de se rendre dans un endroit qu'il aimait bien pour la dernière fois. Oui, il aurait dû éprouver du plaisir, une pointe d'ivresse à l'idée de la route.
Mais rien.
Pas de déplaisir pour autant, juste un vide qui aurait presque eu de quoi l'inquiéter. Callinoé se demandait parfois s'il était « normal ». Il avait l'impression que les gens autour de lui vivaient avec plus de réalité. Que les êtres humains s'imprégnaient de la vie comme on boit de l'eau ; qu'elle les portait quelque part quand lui faisait du surplace. Il traversait souvent des phases de rien, de malaise profond, qu'il s'efforçait de cacher.
Pourquoi avait-il changé d'avis ? Parce que c'était la bonne chose à faire, non ? Parce que n'importe qui aurait accepté, à moins d'une excellente raison qu'il ne possédait pas.
Il se mit à souhaiter que le voyage remplisse ce creux qu'il ressentait avec plus d'acuité à la tombée de la nuit.
Comme nous parvenons à la fin de cette première partie, j'ai pensé qu'un p'tit commentaire pourrait toujours faire plaisir - et mieux peut-être ! - t'aider...
Je n'ai en revanche guère de remarques négatives à te faire part sinon que tu ne décris sans doute pas assez les lieux. Même cette remarque reste par ailleurs absolument subjective, pour la simple raison que tu possèdes déjà un style bien concret, affiné et fluide, mais fluide...!
Ta plume fait réfléchir tout en restant très accessible, ce que je trouve extrêmement bien, en fait. On retrouve parfois dans ton texte des intonations à la Malika Ferdjoukh, mais c'est léger, et vraiment agréable. En effet, tu emploies souvent des techniques très visuelles ; on s'imagine très aisément tes personnages, l'ambiance malgré cette sorte "d'absence de descriptions". (Je ne te reproche pas d'en faire peu, hein. Justement, là, j'essaye de te dire à quel point il est incroyable de se représenter si précisément les personnages alors qu'aucune description approfondie n'est officiellement mise en œuvre. Et c'est léger, ainsi. Ailé. Continues ainsi ! <3)
On bondit de chapitres en chapitres sans avoir le souvenir concret d'avoir cliqué sur "suivant". L'histoire racontée promet d'être originale ; t
(...) L'histoire racontée promet d'être originale ; c'est d'ailleurs en partie ta couverture qui a aiguillé ma curiosité et poussé à ajouter ce roman à ma PàL ;)
En fait, ce qu'il manque sans doute à ton roman, c'est un approfondissement de l'émotion. Je veux dire, tout s'enchaîne (et c'est très bien) or, je pense vraiment que tu pourrais plus forcer sur le côté émotionnel.
Ca enrichirait, enroberait si tu veux, étofferait ton roman ;) Après, je peux comprendre que tu veuilles attendre la Grande Relecture pour ce genre de choses, mais je tenais seulement à te signaler mon avis !
Bon bah... Je crois que c'est tout pour moi ! XD Je lirai la suite avec grand plaisir <3
Puisse ta plume cracher des nuées de papillons <3
Pluma.
Mieux vaut tard que jamais, dirons-nous.
Surtout que ton commentaire est adorable, et me fait très plaisir ♥ Je prends bonne note de tes remarques, si je fais une grande réécriture un jour (et de façon générale, c'est une bonne chose à garder à l'esprit quand j'écris)
Désolée encore, et surtout merci !
Je trouve que c'est bien représenté, cette impression de stagner, de ne pas comprendre où vous les gens alors que nous, on reste, on se plante, on se vautre. Mais finalement, tout le monde est un peu pareil et c'est ce que Calinoé doit comprendre. C'est bien !
Et un voyage initiatique, nom d'un chien, c'est toujours tellement bien à lire ! Impatient de voir ce qui se passe ensuite !
Ohlala j'espère ne pas décevoir tes attentes ! Merci mille fois pour tes retours, en tout cas !
Je l'ai dévorée du coup (enfin juste la première partie)
7 chapitres et je ne sais toujours pas si Camille est une fille ou un garçon... est-ce que j'ai raté un indice ? J'ai ouvert l'oeil pourtant (je guette le yaoi tel un oiseau de proie). En fait, j'aime bien ne pas savoir.
Callinoé est un SUPER BEAU prénom ! je pensais que c'était un nom de fille au début, mais nom... c'est super beau ! tu l'as inventé ou entendu ?
Quand à l'histoire, elle est douce et triste, proche, émouvante... je suis bien contente que Calli ait accepté le voyage avec sa soeur, il aurait regretté s'il l'avait pas fait. Roxane à l'air super !
Le moment ou il taille la tata coincée a la librairie m'a paru un peu rude lol ! pauvre Anne Frank aussi, c'est pourtant un bouquin jeunesse non ? je l'ai pas lu, mais j'imaginais pas que c'était si chiant que ça, c'est pas un bouquin riquiqui et a partir de 10ans ? si ça se trouve le gamin aurait aimé ! Pardon pardon je viens mettre mes gros sabots dans des détails sans importance xDD
en tout cas cette histoire me plait beaucoup elle est sensible et très bien racontée, et les personnages sont attachants !
Oui j'ai eu beaucoup de chance, pas mal de plumes sont venues mettre leur nez ici ce weekend et j'en ai été super touchée.
Je n'ai pas défini le sexe de Camille, c'est normal que tu n'aies rien trouvé ! Iel est du sexe que tu souhaites :) C'est fait exprès !
Et merci pour Callinoé, je l'ai inventé (enfin, en soi je l'ai peut-être entendu un jour mais moi j'ai eu l'impression de l'inventer)
Ahaha mais non tu n'as pas de gros sabots ! C'est le genre de discussion qui mène à débats. Si j'avais pris "la princesse de Clève", c'est Ery qui aurait réagi :p L'avis de Callinoé (et le mien, par extension, parfois) n'est pas parole d'évengile, très loin de là. C'est surtout le genre de pensée que j'aurais eu face à quelqu'un dénigrant la litté jeunesse actuelle.
En soi je ne garde pas un souvenir de fou d'Anne Frank, je crois que j'étais trop jeune quand je l'ai lu, et que ce qui était marquant on me l'avait déjà dit (l'histoire dans les grandes lignes, quoi). Et c'est vrai que la plupart des bouquins classiques que j'ai aimé, c'est l'école qui m'y a mené. Ce qui n'est pas un mal, et m'a permis de lire d'autres choses à côté ! :)
Merci pour ton retour Sorryf <3 On peut débattre littérature tant que tu veux !
Aussi, j'ai réalisé que je t'avais pas lu depuis DES ANNEES. Et pendant tout ce temps, t'as évolué en écriture, Claquette. Et pourtant, on te reconnait toujours dans les mots. C'est bien fichu, quand même ! T'as une manière bien à toi de décrire le ressenti des personnages avec juste quelques mots qui te foutent un bon gros coup. Et c'est bien, les coups (phrase à ne pas sortir de son contexte).
BREF, je continuerai cette histoire ! Je vais juste me remettre un peu de la première fournée :P
Merci pour ce retour sur mon écriture, ça me touche ce que tu dis. Je suis très heureuse que tu reviennes tremper une palme par chez-moi, aussi.
Eh oui, un bon coup, ça fait du bien (dis ça à mes élèves... oups ? :p)
Je lui souhaite de remplir ce vide qu'il ressent. Et la façon dont tu parles du deuil. Avec Roxanne et lui, on a deux comportements complètement différents mais tellement réalistes. Ah ! Mais ce réalisme qui se dégage de ce texte… Je m'en remets pas.
Bon… Et depuis tout à l'heure, je me retiens de faire des câlins à Calli et de me proposer pour remplir son creux. (ce qui peut être mal interprété, j'en ai conscience, mais il fallait que je le dise… Voilà.)
A bientôt pour la suite !
Moi je ne me remets pas de ta gentillesse, merci encore Dé, tu me gonfles de motivation et de confiance
(Au fait, il y aura combien de chapitres ? Il me semble que tu avais déjà fini de l'écrire... ou je me trompe ? C'est possible que je me sois emmêlée les pinceaux)
J'aime de plus en plus le personnage de Callinoé (déjà ce prénom est très très cool, tu l'as trouvé comment ?), ses faiblesses le rendent tellement humains et résonnent avec le lecteur. On a tous connu ces moments de vide, à plus ou moins grande échelle (et surtout après un deuil, j'imagine), et cette drôle de sensation après avoir pris une décision, un truc qui devrait nous faire plaisir mais qui ne provoque rien, comme ça. Mais en général (enfin, pour moi), ça change une fois que le projet est en route (une fois que je suis partie, dans le cadre d'un voyage comme ici), donc j'espère qu'il en sera effectivement de même pour ton perso !
Et c'est vrai qu'il ne se passe pas grand-chose, du moins comparé à des romans d'aventure, mais au final dans la vie un deuil, une relation fraternelle, un séjour, ce sont des choses tellement importantes <3 Et puis ta plume coule toute seule !
(Juste, pourquoi les parents se seraient opposés à leur projet... ? Ils sont grands, nan ?)
Combien de chapitre je ne sais plus. Y a 5 parties mais elles rapetissent en avançant xD C'est court en tout cas
Je te dirais bien que "Callinoé" a une origine pleine de choses intéressantes et de citations latines mais, en fait, je l'ai trouvé complètement au hasard... J'ai juste beaucoup aimé la consonance (et le fait que le surnom Callie soit un surnom féminin pour un personnage masculin) et du coup j'en ai fait un quelqu'un.
Oui tu as raison, y a les petites aventures dans la vie quotidienne, et certains bouquin réussissent bien à utiliser ses riens pour entraîner le lecteur, je voulais un peu faire de même (tout en utilisant des sujets que j'écrirais sans me poser trop de questions, puisque je reprenais un peu l'écriture avec ce texte)
Merci !!
J'aime beaucoup comment, à travers les yeux de ton personnage, tu nous entraînes entre les phases du deuil. On comprend tout à fait ses réactions, qu'on ait vécu ou non une douleur similaire à la sienne.
J'aime beaucoup le personnage de Roxane qui, on le sent bien, est aussi attristée que lui mais différemment : elle a un tempérament plus joyeux, plus imprévisible, et j'ai l'impression qu'elle entraîne son frère vers la bonne pente.
Mine de rien un bout de ficelle narrative pointe le bout de son nez : le voyage, avec d'abord les hésitations, puis le départ et les péripéties émotionnelles qu'il va entraîner. C'est chouette d'avoir un horizon narratif même si, en vrai et selon moi, tu aurais tout aussi bien pu continuer à nous proposer des petites tranches de vie : j'aurais tout autant aimé !
A très vite pour la suite !
Tu as bien cernée Roxane, ce qui me fait plaisir. Callinoé aime bien se laisser entraîner par elle. Il semblerait que tous, jusque là, sont réceptif à ces scènes de deuil ; je suis contente d'avoir pu retranscrire ce que je souhaitais.
Ne t'en fait pas pour les tranches de vie... c'est quand même principalement ce dont il est question dans cette histoire (du coup, faudra me prévenir du moment où on se lasse xD)
Merci pour ton retour <3 A vite
C'est intéressant ce que tu me dis ! Ca le rend distant parce que... c'est dur de saisir ce qu'il ressent ? Mais si du coup ça le rend un peu mystérieux et que ça donne envie de poursuivre c'est bien. En tout cas me plaît de savoir ce qu'on en pense !
Merci pour ton enthousiasme <3
Détails
déjà plus pimpante en dépit de l'heure : je ne sais pas si c’est bien le bon adjectif, on dirait qu’elle s’est recoiffée, repoudrée comme par magie…
Il n'arrivait pas à trancher s'il était content ou non : pas sûre qu’on puisse employer cette tournure (trancher si)
Que les êtres humains s'imprégnaient de la vie comme on boit de l'eau : j’aime !
Olek et toi êtes si prompts à commenter que ça me permet de corriger très régulièrement, c'est super, merci beaucoup ! J'ai modifié ce que tu m'as pointé, faut que je pense à mettre le chapitre à jour. (et merci de noter la phrase que tu as aimé, je le fais moi-même beaucoup trop peu alors que c'est super à savoir <3)
Rien de mieux que le mal-être pour approfondir un personnage ahaha J'espère que tu continueras de l'apprécier, du coup.
Merci pour ton commentaire Rach !
J'espère qu'en déversant ton mal-être sur Calinoé, cela te remettra d’aplomb ! On a tous des creux et des pics, je suis sûre que tu vas remonter la pente !
J'aime beaucoup la profondeur que tu donnes à Callinoé ici. Il devient moins candide, plus mélancolique, ça donne envie de venir lui faire un câlin et de lui montrer les belles choses de la vie.
Merci de ta lecture !