Chapitre 6 : Aelia

Par Talharr

Aelia :

      — Qui est au courant ? demanda Aelia, paniquée.

     — Le Cercle de Baltan. Un de leurs messagers est venu remettre une lettre de ton père, répondit Sairen.

De mon père ? Ses pommettes se crispèrent.

     — Elle y parlait de toi… et je n’ai pas pu m’empêcher de fouiner.

     — Et qu’est-ce que la lettre disait ?

     — Que… tu étais l’Hirondelle. Celle qui sauverait ou détruirait notre Terre.

Aelia n’en revenait pas. Comment son père savait ?

Ilara. Elle a dû tout raconter.

     — Détruire ? Non je… je dois la sauver avec Arnitan. C’est ce que m’a dit ma mère.

     — Aelia, je ne comprends rien. Arnitan ? Ta mère ?

     — Emmène-moi à la tour. Je t’expliquerai tout là-bas.

Il hésita.

     — S’il te plaît, Sairen. J’en ai assez que tout le monde décide à ma place. J’ai besoin de savoir qui je suis. Je suis… perdue.

Sa voix tremblait, ses yeux s’embuèrent.

     — Alors allons-y.

     — Merci… souffla-t-elle.

Avant qu’il n’ouvre la porte, elle lui agrippa le bras.

     — Va-t-on m’arrêter ? Tuer les gens de Vaelan ?

Sairen fronça les sourcils.

     — Pourquoi mon père ferait-il ça ? Tu es ma promise. Tu n’as rien à craindre. Et je suis là.

     — Et le Cercle de Baltan ?

     — Des érudits. Ils étudient les textes, rien de plus. Ma légère crainte ne venait pas d’eux… mais de toi. Ils veulent seulement t’interroger, je te le promets.

De moi ?

      — Tu as peur de moi ? demanda-t-elle, déçue.

Sairen hésita.

      — Quand j’ai entendu mon père parler de toi, oui, ça m’a fait peur. Sauver ou détruire le monde… Mais je vois que tu ignores presque tout. Je vais t’aider. Et j’ai besoin de comprendre pourquoi notre Terre aurait besoin d’être sauvée.

Elle fut un peu rassurée, mais une inquiétude sourde restait.

Dans les couloirs austères, seuls leurs pas résonnaient sur les murs.

Ils doivent tous être occupés avec les gens de Vaelan.

Ils dévalèrent l’escalier qui tournoyait comme la coquille d’un escargot.

Arrivée en bas, Aelia fit remarquer, amusée :

     — Escalier de gauche pour manger, celui de droite pour dormir… Vous aimez compliquer les choses.

Sairen sourit, prêt à repartir, mais elle l’arrêta encore.

     — Tu sais ce que représente cette fresque ?

Elle pointait un serpent géant poursuivant un loup, crocs venimeux sortis.

     — Aucune idée. Sûrement une métaphore de chasseur.

     — Je suis l’Hirondelle. Arnitan, le Loup. Pourquoi y a-t-il un serpent sur celle-ci ?

     — Le Loup ? Tu veux bien m’expliquer ?

Jamais on ne m’a parlé d’un serpent... Sûrement que Sairen a raison.

     — Ae…

     — J’ai entendu. Je t’expliquerai en chemin.

En marchant vers la tour, Aelia lui raconta tout : la marque à son poignet, confiée seulement à sa servante ; l’attaque du mage voulant voler le collier de sa mère ; la mort de l’enfant sous ses yeux ; l’hirondelle devenue monstre pour la sauve.

     — Je… Je ne savais pas. Ça a dû être tellement horrible, dit-il avec compassion.

Elle garda le silence. Les images douloureuses revenaient. Sairen respecta ce moment.

Puis dans un souffle, elle reprit. Lui expliqua alors qu’elle avait été propulsée dans un autre royaume. Balar et plus précisément dans un village prénommé Krieg.

Elle y avait rencontré Arnitan. Celui qui était le Loup. Rien ne s’était produit pendant un long moment.

Puis sa mère lui était apparu, vivante. Dans un endroit sombre. Une prison.

Elle était accompagnée d’une jeune fille rousse et toutes les deux lui intimèrent sa mission. Protéger le Loup et la Terre de Talharr.

      — Je n’ai rien dit à mon père. Elle ne m’est plus apparue… mais je suis sûre que ce n’était pas un rêve. J’ai senti ses doigts.

Elle tremblait.

      — Je suis certain que nous trouverons ce qui se passe, promit-il.

      — Et cette destruction… ce doit être si nous échouons. Mais personne ne m’en a jamais parlé.

Une question, qui n’avait rien à voir, trottait dans la tête d’Aelia.

      — Comment s’appelle ta bien-aimée ?

Sairen la regarda choquée par ce qu’elle venait de demander.

      — Euh… Nila.

Les yeux du jeune comte s’étaient illuminés en prononçant ce prénom.

      — Jolie prénom. Il faudra que tu me la présentes, sourit-elle.

Il rougit.

     — Quand nous aurons fini notre balade, dit-il.

Si seulement cette histoire de mariage n'existait plus. 

 

Le reste du chemin se fit en silence, sous le soleil qui transperçait faiblement les nuages.

La tour se dressait devant eux, sombre et imposante.

J’espère que Sairen a raison sur ces érudits…

À ses côtés, le garçon se tendit soudain.

     — Qu’y a-t-il ?

Pas de réponse. Elle reprit sa marche… pas de sa propre volonté. Ses jambes se mirent à avancer toutes seules.

     — Aelia ! Qu’est-ce que tu fais ?!

     — C’est pas moi ! Mes jambes avancent toutes seules ! Aide-moi !

Sairen s’élança vers elle. Son bras essayant de la tirer en arrière. Ils basculèrent ensemble en arrière.

    — Merci… dit-elle, dans un soufflement.

Il l’aida à se relever.

La peur s’intensifia d’un cran.

Pourquoi moi ? Je ne suis pas forte. Maître Saltar et madame Ilara me manquent. Le banc de la paix…

En cet instant elle voulait rebrousser chemin, pourtant si proche du but. Sa vie à Lordal, qu’elle n’avait quittée il n’y a pas si longtemps, semblait être révolue. Elle sentait que peut-être plus jamais elle ne pourrait faire des farces à son maître préféré, de se perdre dans les différents écrits de la bibliothèque d’Ilara ou de se poser dans le jardin si paisible.

Et alors qu’elle se remémorait tous ces moments, une douleur pulsa dans sa tête

Bienvenue jeune Hirondelle. Nous vous attendions.

     — J’entends des voix. Elles appellent l’Hirondelle… dit-elle la tête tourné vers la tour.

    — Je… je n’entends rien, répondit Sairen, soucieux.

Ils étaient à mi-chemin. Seuls les battements de leur cœur résonnaient dans ce chaos vide de son.

Soudain les grandes portes pierreuses s’ouvrirent, dans un raclement sourd.

Une silhouette était postée à l’intérieur. Mais elle ne bougea pas.

     — Vous êtes du Cercle de Baltan ? cria Sairen.

Aucune réponse.

Des lumières s’allumèrent aux quelques fenêtres de la tour.

La voix résonna à nouveau.

     — Bienvenue jeune Hirondelle. Nous vous attendions. Jeune comte, vous êtes également sollicité.

Ses jambes avancèrent. Non !! cria-t-elle, intérieurement.

Aelia tenta de se débattre mais rien n’y faisait. Elle tourna son regard affolé vers Sairen, qui était dans le même état qu’elle.

     — Sairen ! Que vont-ils nous faire ?

     — Je...

Il n’en sait rien…

La porte approchait. La silhouette toujours dans l’ombre.

Aelia s’arrêta de gigoter, voyant que ses efforts étaient vains.

Appeler à l’aide ? Qui les entendrait ?

Pourquoi des érudits les tueraient ? Elle tenta de s’en convaincre, et se laissa porter.

Si je peux avoir des réponses, alors soit.

De toute façon il était trop tard pour faire quoi que ce soit d’autre. Ils passèrent devant la silhouette sombre.

Le sol de pierre cria dans la tour. Un noir absolu venait de les engouffrer.

    — Merci d'avoir accepté notre invitation, Hirondelle et jeune comte Sairen.

Une voix douce venue des hauteurs de la tour.

Soudain une lumière les aveugla. Aelia cligna des yeux pour s’y habituer. Face à eux, un homme. Vêtu d’habits simples. Du jaune et du vert.

S’il ne s’était pas passé ce qu’ils venaient de vivre, voir cet homme habillé de cette façon aurait été comique.

Était-ce un érudit du Cercle de Baltan ? Du coin de l’œil, elle vit Sairen qui devait se poser la même question.

Aelia testa ses jambes.

Libre !  

Elle s’avança vers l’homme.

     — Qu’est-ce que vous allez lui faire ?! s’écria Sairen.

L’homme, à qui il restait un poignet de cheveux grisonnant, la jaugea de ses yeux à moitié jaunes et verts.

    — Je ne fais rien, lui dit-il.

    — Que nous voulez-vous ? Comment avez-vous fait tout ça ? demanda Aelia.

Derrière elle, Sairen semblait avoir compris que leurs membres n’étaient plus prisonniers.

Aelia s’arrêta  à quelques mètres du vieil homme.

     — Nous ne vous ferons aucun mal. Cependant nous n’avons pas beaucoup de temps.

    — Aucun mal ? Et comment appelez-vous ce qui vient de se produire ?

    — C’était un test. Voir quel choix vous alliez prendre. Fuir ou affronter l’inconnu.

    — Vous êtes un mage. Comme celui qui m’a…

La jeune comtesse ne finit pas sa phrase mais se reprit aussitôt.

     — Je veux des réponses. Qui suis-je ? Quel est mon rôle ? Je vous en prie.

Au mot "mage", un sourire était né sur le visage du vieil homme, et ne l’avait plus quitté.

     — Tout le monde aura un rôle dans ce qui se prépare. Le vôtre jeune comtesse est primordiale. L’Hirondelle, celle qui ouvrira la voie au Loup. Qui libérera le mal. Ou le détruira.

     — Libérer le mal ? Je ne comprends rien, se désola Aelia.

     — Veuillez me suivre. Le Cercle de Baltan nous attend. Protecteur de l’Hirondelle, ne restez pas planter là, l’intima le vieil homme, dont Aelia le suivait déjà.

Aelia tourna la tête vers Sairen. Le protecteur de l’Hirondelle ? Le garçon semblait tout aussi surpris et perdu.

     — Sairen ? l’appela Aelia.

Il baissa la tête, puis releva un regard décidé.

     — Allons-y, dit-il.

Aelia hocha la tête. Leurs réponses étaient ici. Mais qu’est-ce qui les attendait ? Une part d’elle avait peur.

Il le faut Lia. Pour toi. Pour toutes les personnes qui en confiance en toi. Pour revoir Lordal.

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Scribilix
Posté le 06/08/2025
Salut,
Haa enfin on rentre dans cette fameuse tour dont tu parles depuis le t1. C'est toujours agréable à lire mais j'aurais quand meme deux questions :
- tout d'abord il me semble que Sairen aime une autre femme pourtant il parle d'Aelia comme de sa promise et je le trouvais peut-etre un peu trop proche par moment. A moins qu'il n'ait changé d'avis devant ses yeux d'olives haha.
- Ensuite je n'ai pas compris comment tout le monde est au courant que Aelia est l'hirondelle. Sairien evoque un messager de son père mais je ne me souviens pas que Aelia en ait parlé à son paternel (peut-etre que la scène a eu lieu et que c'est juste un oubli de ma part).
Quelques remarques sur la forme :
- Va-t-on m’arrêtée et tuer les gens de Vaelan ? ( m'’arrêter)
- seul leurs pas résonnaient sur les murs. ( j'aurai dis contre les murs mais peut-etre que je chipote).
- Qu’elle n’avait pas parlé de la marque sur son poignet, ( elle expliqua qu'elle )
- Le moment où une hirondelle s’était transformée en monstre et l’avait sauvé, de ce mage. ( rajouter ainsi devant pour que ca sonne moins abrupte )
- Seuls les battements de leur cœur résonnaient dans ce chaos vide de son. ( je ne suis pas convaincu par l'envolée lyrique, par moment il est préférable de faire plus simple). Cette métaphore en revanche est bien trouvée : Ils dévalèrent l’escalier qui tournoyait comme la coquille d’un escargot.

Voilà, je continue ^^
Talharr
Posté le 06/08/2025
Hello,
oui je pouvais pas ne pas les faire entre dans cette tour ahaa
En effet Sairen en aime une autre et je vais modifier le passage. Je voulais le mettre dans ses prochains passages mais ils arrivent pas tout de suite. Il est pas amoureux d'Aelia c'est une certitude aha Pour promise par contre c'est parce que ils sont censés se mariés :)

Alors tout le monde, non, mais la zone influente et les mages. Ce sera bien plus expliqué dans les passages suivants. Elle en parle pas à son père mais voilà je dis rien, tu me diras si j'ai bien fait ou non de ne rien dire sur ce passage :)

ahha merci pour la métaphore, je trouvais ça pas mal :)

Et merci pour les corrections je vais refaire tout ça :)
Talharr
Posté le 06/08/2025
J'ai ajouté ça à la toute fin : Mais une autre pensée traversa son esprit. Allait-il devoir abandonner sa bien-aimée, Nila ?

Je les protégerais toutes les deux ! se promit-il.

:)
Scribilix
Posté le 06/08/2025
Oui rapide mais efficace, au moins ca rappelle que Sairen a quelqu'un d'autre. Je lirais la suite pour avoir mes réponses dans ce cas ^^
Talharr
Posté le 15/08/2025
Et voilà de grands changements s'imposaient. Et bien plus de chapitres sur Sairen aha
Plus d'ambiguité entre Aelia et Sairen. Et un peu plus d'émotion et de question de la part de notre jeune comtesse :)
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