Le sol tremblait sous les pas des danseurs. Trois femmes, toutes de rose et d’orange vêtues, glissaient avec grâce sur le parquet. Comme trois poupées accrochées au même fil, elles sautaient à l’unisson, guidées par les flûtes et la cithare. De leurs masques couleur de l’aurore coulaient des perles aux reflets de nacre. Deux hommes les accompagnaient, frappant la terre en réponse aux tambours et aux cymbales. Le visage entièrement dissimulés derrière des museaux de loups, ils jaillissaient de sous les tables, bondissaient près des femmes et les suivaient sans jamais les toucher, comme mystifiés par le singulier mouvement de leurs voiles de coton. Les ombres projetées sur les murs se mêlaient aux rosaces en bois gravées tout autour de la salle du banquet. Les invités, subjugués par le spectacle, picoraient les mets que faisaient circuler les serviteurs. Les viandes les plus rares avaient été saupoudrées des épices les plus chères et les plus odorantes, charmant même les convives les plus difficiles. De la glace pilée, fraîche comme la menthe, passait d’un bout à l’autre de la pièce.
Les Serza s’étaient surpassés.
Chidera se joignit aux applaudissements. Tout se déroulait comme prévu : le comte, en tenue galatéenne bleu de mer, était assis à la place d’honneur, juste à la droite de leur hôte. Léonide se trouvait à côté d’eux. Somptueuse dans son sari ocre, le cou enrobé de chaînes d’or fines comme des toiles d’araignée, elle discutait avec l’ambassadeur. Un peu plus loin, les Fulmen et les Bellusuk s’échangeaient leurs avis sur le poème qui avait été lu au début de la réception, en prenant régulièrement à partie le couple Bellerezh. La dame Qatiss, elle, se trouvait à proximité du chef des Serza, entourée de serviteurs et de ses filles, tandis que ses fils discutaient avec l’aîné des Ruzdorn. Pas de doute : le banquet de bienvenue était un triomphe.
—Chidera ! s’exclama une voix sucrée à ses côtés. Ces rubis sont sublimes !
—Oh, ça ? dit-elle en caressant distraitement ses boucles d’oreilles. Oui, je les aime bien. Ça doit être la couleur.
—Je ne crois pas vous avoir vue avec auparavant… ?
—Les orfèvres me les ont apportés la semaine dernière, confirma-t-elle en piquant de sa fourchette une datte confite. Je me suis dit qu’il était temps de les sortir. Elle se pencha vers elle et lui souffla sur le ton de la confidence : C’était soit ça, soit remettre mes perles. Vous imaginez ?
Le sourire de Séléné vacilla ; celui de Chidera s’épanouit. Car qui pouvait rivaliser avec la fortune des Volindra ? Deux fleurs de grenat écarlate en pleine éclosion ornaient sa chevelure. Chacun de ses doigts arborait une bague. Sa robe, selon la mode de l’île, chatoyait en un millier d’éclats rouges et noirs, jouant avec le feu des vasques. Chidera resplendissait. Même Séléné ne pouvait le nier ce soir, elle qui d’ordinaire éclipsait toutes les jeunes filles. Quoiqu’elle n’ait pas épargné ses efforts : son épaisse crinière noire avait été nouée en un chignon qui tenait moins de la coiffure que de l’architecture. Du reste, sa robe était piquetée de fleurs – jaunes, encore, ne put s’empêcher de noter la jeune Volindra – et ses joues de cercles roses, selon les traditions galatéennes. Une joie maligne agita Chidera en la voyant dévorer ses accessoires du regard. Son regard glissa par-dessus l’épaule de Séléné : assis dans un coin, au milieu d’une montagne de coussins – brodés et neufs, en satin de Ters – discutait Astor Duad-Govel. Il faisait tourner le vin de sa coupe d’une main experte, buvant à petites gorgées sans jamais se départir de sa bonne humeur, riant par intervalles aux remarques de ses compagnons. Chidera reconnaissait deux des enfants Serza, d’une quinzaine d’années environ, et une fille Ruzdorn de leur âge qui buvait ses paroles. L’avertissement de Léonide lui revint à l’esprit. Aucun Galatéen ne serait allé à faire des confidences à l’ennemi, voulut-elle se rassurer. Mais la petite Ruzdorn, béate d’admiration devant le jeune homme, et l’excitation volubile des deux garçons l’inquiétaient.
—Le vicomte paraît s’amuser, remarqua Séléné en suivant son regard. Je me demande de quoi ils parlent.
—De chevaux, sans doute, soupira Chidera amusée. Elle observa un instant la Bellusuk, ses sourcils légèrement froncés, la manière dont ses doigts jouaient avec une boucle négligemment dégagée de son chignon. Elle suggéra alors : Peut-être devrions-nous le sauver ?
—Vous pensez ? dit Séléné, son visage s’éclairant à cette idée. Après tout, vous avez raison : nous ne pouvons pas le laisser à la merci des petits toute la soirée !
« Je n’aurais pas dit mieux, » songea Chidera en reportant son attention sur Astor. Celui-ci parut sentir qu’on l’observait ; il se tourna vers elles et, tout de suite, se fendit d’un sourire. Séléné, rougissante, ne le lâcha pas des yeux tandis qu’il se levait et venait jusqu’à elles. Il les salua avec grâce :
—Mesdames. C’est un plaisir de vous voir.
—Tout le plaisir est pour nous, minauda Séléné en lui tendant sa main.
Chidera se mordit la langue. Dans l’Empire, les nobles marquaient leur respect aux dames en embrassant le dos de leur main. Mais à Galatéa ? Une révérence suffisait. Astor, vêtu d’une chemise en coton, tout en blanc et bleu de ciel, avait clairement accepté de respecter les coutumes locales ; forcer ainsi le contact relevait d’un délicat mélange de sottise et de grossièreté. Chidera maudit silencieusement les tuteurs des Bellusuk qui avaient clairement échoué dans leur mission. Mais Astor ne broncha pas : il se contenta de prendre la main de Séléné et se baissa, sans toucher la peau. Puis il se tourna vers Chidera, le brun de ses yeux pétillant d’humour, comme s’il se retenait de rire à une plaisanterie connue de lui seule :
—Puis-je ?
Et Chidera, bonne joueuse, lui tendit la main à son tour. Il lui sembla un instant qu’il hésita en la portant à ses lèvres, mais il la relâcha presqu’aussitôt, et l’impression disparut.
—J’espère que le banquet vous plaît, lança Chidera. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas eu une aussi belle fête.
—Dame, entre les vins, les plats et la compagnie… Non seulement cette soirée est l’une des meilleures que j’ai connues, mais savoir l’attention que vous y avez porté la rend plus spéciale encore, dit Astor.
—Pourtant, je suis certaine que vous avez dû avoir votre lot de divertissements à la cour impériale ! protesta Séléné. Kalon doit regorger de merveilles et de fêtes.
—La capitale des Landes est magnifique, concéda le jeune homme en portant sa coupe à ses lèvres. Mais votre cité est si différente ! La musique, les vêtements, l’architecture… J’ai l’impression d’être passé dans un autre monde.
Mais la Bellusuk ne se laissait pas convaincre. Elle insista :
—Mais enfin, on dit bien que chaque soir a lieu un concert, ou une pièce, ou des danses – sans jamais que l’une ressemble à l’autre. Galatéa est bien terne, en comparaison. Surtout pour vous : vous êtes le plus proche ami du prince Janus !
—Vous paraissez être fine connaisseuse des choses de la cour, dame, répondit Astor.
Son ton se voulait complice, ses yeux restaient rieurs, mais Chidera remarqua les signes plus discrets et ô combien révélateurs d’un certain agacement : la façon dont il avait passé son poids d’une jambe à l’autre, ses doigts brièvement serrés autour de sa coupe, cette froideur presque imperceptible dans la voix que Chidera aurait manqué si elle n’en avait pas été l’auteur tant de fois dans le passé. Elle se demanda s’il fallait se réjouir de l’impair. Ce n’était pas suffisant pour mettre à mal la signature du traité, mais juste ce qu’il fallait pour tenir le vicomte éloigné de Séléné. Car si personne n’ignorait l’amitié entre Astor et Janus, unique héritier de la couronne impériale, personne ne pouvait manquer de savoir par la même occasion les rumeurs qui entouraient le prétendant au trône. Certains le disaient mal-aimé par son empereur de père ; d’autres le disaient fragile d’esprit, et influençable. Or pouvait-il y avoir plus forte influence sur l’esprit d’un garçon qu’un autre, de quatre ans son aîné ? Et ce n'était là que les rumeurs dont Chidera, modérément intéressée par la question, avait connaissance.
Séléné semblait réaliser ce qu’elle venait de dire, et avait à peine le temps de le regretter que déjà le jeune homme s’adressait à Chidera :
—Mon père m’a fait comprendre que les procédures pour le renouvellement du traité ne commenceraient que dans quelques jours, afin de mettre tout en place – quelques litres d’encre et une demie-tonne de parchemin, je suppose. Toujours est-il que je me retrouve désœuvré. Dites-moi, par où devrais-je commencer mon exploration de votre île ?
Prise de court, Chidera ouvrit la bouche, prête à suggérer n’importe quelle bâtisse du moment qu’elle était construite loin du temple et de la demeure des Volindra, quand un serviteur se glissa à côté d’elle et lui dit :
—Dame Chidera, dame Qatiss aimerait avoir le plaisir d’échanger quelques mots avec vous.
—Le devoir m’appelle, lança la jeune femme à ses deux compagnons. Elle accepta l’aide d’Astor pour se lever et, une fois debout, lui dit : Toutefois, si je devais me perdre quelque part dans Galatéa, ce serait sans doute dans la Baie des Larmes.
—Quoi, madame, vous voudriez me voir pleurer ? demanda-t-il avec un sourire taquin.
—Oh non, vicomte ! Pas pour l’instant.
Sur ce, elle s’éloigna pour rejoindre dame Qatiss, le rire d’Astor suivant ses pas.
Elle se faufila entre les convives, échangeant parfois un signe de tête ou une plaisanterie. Le brouhaha des conversations l’enveloppa. Des bribes lui parvenaient à droite, à gauche, mais rien de particulièrement intéressant. Un accord tacite semblait s’être fait : les sujets sérieux ne franchiraient pas les portes du banquet. La politique se jouerait ce soir sous ses habits de velours.
Enfin, elle parvint à la hauteur de la vieille femme, enfoncée dans un fauteuil. Face à elle se tenait le seigneur Bellerezh, rouge et vacillant, qui balbutiait on-ne-sait-quoi. Dame Qatiss gardait une mine poliment intéressée, mais à peine vit elle la silhouette de Chidera qu’elle fit signe au serviteur le plus proche en s’exclamant :
—Laisse donc cet éventail, petit, et apporte-nous des rafraîchissements. Seigneur Bellerezh, en voulez-vous ? Mais si, voyons, votre coupe est presque vide. Du vin, et vite ! Chidera, vous n’avez pas été présentée au seigneur Bellerezh, n’est-ce pas ?
—Je n’ai pas encore eu cet honneur.
—Considérez cela comme fait. Monsieur, voici Chidera Volindra, héritière de son nom, fille unique de Léonide et Caius Volindra. C’est une jeune femme pleine de promesses.
—Ah oui ! acquiesça l’homme en secouant vigoureusement la tête. Vous êtes, euh… membre du Conseil rouge !
—Conseil pourpre, monsieur, le corrigea doucement Chidera. C’est exact.
—Le seigneur Bellerezh me faisait justement part d’une de ses grandes passions : la mythologie des Landes ! Chidera, vous aimez les histoires ? Déjà enfant, vous en raffoliez.
—Ma foi… hésita Chidera, ses yeux allant de l’un à l’autre.
—Je le savais. Vous verrez, c’est un puits de savoir : une source intarissable, en vérité, lança-t-elle avec une expression qui en disait long. Mais vous m’excuserez, ma fille m’appelle…
—Laquelle ? demanda l’invité en parcourant la pièce du regard.
—La blonde, dit dame Qatiss sur un ton qui n’admettait pas de contradiction, et surtout pas de remarque comme quoi tous ses enfants avaient l’exacte même couleur de cheveux.
Chidera la regarda s’éloigner avec le sentiment de s’être faite avoir. Mais déjà le Bellerezh, le teint empourpré d’alcool, se lançait dans une explication sur ses dernières recherches, avec cette excitation des experts de sujets obscurs qui ne demandent rien de mieux que d’expliquer leur passion. Chidera se contenta de prendre la coupe que le serviteur lui tendait et d’en boire une gorgée.
La soirée avançait. Si Chidera ne se trompait pas, ils devaient en être aux petites heures du matin, là où la nuit règne encore. Elle et le Bellerezh avaient fini par s’asseoir quelques minutes plus tôt, lui parlant et elle acquiesçant. Elle l’avait écouté jusque-là d’une oreille distraite, et songeait désormais à la meilleure façon de lui fausser compagnie quand un mot attira son attention.
—Les chimères ? répéta-t-elle. Qu’est-ce que c’est ?
—Ce sont des créatures de l’ombre, qui changent constamment d’apparence, s’empressa-t-il de d’expliquer. On dit qu’elles attirent leurs victimes grâce à leurs ruses… avant de les dévorer.
—Vous en avez déjà vu, vous ? demanda Chidera avec un sourire incrédule.
—Non. En revanche, on en entend de plus en plus parler. Mais il faut dire que c’est un folklore très riche, très répandu… Et puis, il y a eu toutes ces attaques récemment.
Voyant que la jeune femme attendait de plus amples explications, il s’éclaircit la gorge et poursuivit :
—Voyez-vous, l’Empire des Landes est vaste, bien plus qu’il y a dix ans. Mais à l’origine, quand nous n’étions que le royaume des Landes, on parlait beaucoup de la frontière ouest du pays, qui s’arrête à une forêt. Personne n’y allait car on disait qu’elle était hantée. C’est de là que vient la légende des chimères : les monstres y seraient nés… Et aujourd’hui, ils en sortent.
Il regarda par-dessus son épaule. Chidera se pencha vers lui pour mieux l’entendre. Seulement alors il murmura :
—Ça fait un an, environ, qu’on entend des rumeurs comme quoi des monstres attaqueraient des gens. Au début, ce n’était rien : deux, trois paysans, soi-disant morts mystérieusement. Mais ça commence à prendre de l’ampleur !
—Vous pensez que c’est vrai ? chuchota Chidera, dubitative mais amusée. Que des chimères hantent l’Empire ?
—Allez savoir, dit-il en haussant les épaules. Pour l’instant, il n’y a pas deux histoires qui se ressemblent : des fermières qui tombent dans les lavoirs, des moutons déchiquetés par de grands chiens noirs, des chasseurs attaqués par des bêtes mi- ours, mi- mante religieuse… Comme je vous disais : les monstres, dès qu’il fait nuit, on en trouve partout ! C’est un folklore emblématique du continent… Très complexe…
—Je vois, murmura Chidera. Ah, j’aperçois ma mère. Excusez-moi un instant, voulez-vous ?
Il agita la tête, sourcils froncés dans une profonde réflexion. Le temps que Chidera se lève de sa chaise, il s’était jeté sur son voisin de droite, au moins aussi ivre que lui. Elle en profita pour s’éclipser.
Tandis qu’elle se glissait dans les couloirs de la Maison rouge, elle songeait aux histoires du seigneur Bellerezh. Il y avait des années qu’elle n’avait pas entendu de contes de fées. « Les habitants de l’Empire doivent bien s’ennuyer, s’ils doivent s’inventer des ennemis, » pensa-t-elle en pénétrant dans le cloître.
Chidera dépassa les colonnes, guidée par le bruit de l’eau. Le ciel déployait largement ses constellations au-dessus de sa tête. Elle avança à pas lents dans la cour intérieure. Celle-ci formait un carré, divisé en quatre parterres fleuris. Au centre se trouvait une fontaine où était perché un chasseur. Il brandissait fièrement une tête de lion. Chidera l’observa un instant, se demandant quel avait été le modèle pour la statue. Avec un peu d’imagination, elle retrouvait le menton, peut-être le nez d’un aïeul des Serza, celui dont le portrait ornait un de leurs salons d’été. Elle plaignait l’artiste qui avait dû sacrifier son honnêteté au profit de sa commission. Elle s’étira, releva la tête. Aussitôt l’air frais caressa son visage, et elle ferma les yeux avec délice. Oui, elle avait eu raison : la nuit ne durerait plus longtemps.
Soudain, quelque chose à l’extrémité de son champ de vision attira son attention. Par réflexe, elle tourna la tête, et elle vit alors Astor Duad-Govel, immobile, le visage encore dans l’ombre et les pieds baignés de lune.
Il la dévisageait d’un air étonné, presque timide, comme s’il avait été témoin de quelque évènement qu’il n’aurait pas dû voir. Loin de la musique et des dorures, silencieux comme il était, il paraissait plus jeune. Il remonta ses lunettes rondes sur son nez pour se donner une contenance, pour remplir le silence qui les entourait. Toutefois, les habitudes reprirent bien vite le dessus. Mettant ses mains en évidence, il s’excusa :
—Pardonnez-moi, je ne voulais pas vous faire peur.
—Pas peur, le corrigea Chidera. Juste surprise. Que faites-vous là ?
Le fils de l’ambassadeur retrouvait déjà son assurance habituelle. Il lui répondit avec humour :
—En tant que membre de la délégation impériale, il est de mon devoir de m’occuper des victimes du seigneur Bellerezh. J’ai bien cru qu’il ne vous lâcherait jamais !
—Moi non plus, dit Chidera, et ils échangèrent un sourire.
Astor se rapprocha de la fontaine, s’agenouillant pour mieux voir la mosaïque, puis se mit à tracer des ronds dans l’eau comme un enfant curieux. Chidera s'agenouilla à côté de lui. Elle l’observa un peu, avant de lâcher :
—Vous faites ça souvent ? Il leva un sourcil. Vous enfuir des banquets pour jouer ? ajouta-t-elle en désignant du menton la fontaine.
—Seulement quand j’ai une belle femme pour partenaire.
Chidera leva les yeux au ciel, mais n’essaya même pas de feindre l’agacement.
—Tous les habitants des Landes sont de beaux parleurs, ou seulement vous ?
—Je ne vois pas ce que vous voulez dire. Je ne suis qu’honnêteté ! déclara-t-il. Mais vous avez raison sur un point : je voulais vous demander quelque chose.
—Dites-moi.
—C’est à propos de mon tour de l’île. J’aimerais vraiment pouvoir visiter le temple.
Chidera se figea. La lettre de l’oncle Félix lui revint en mémoire, l’ordre de sa mère aussi. « Nous y sommes, » pensa-t-elle. Astor, insensible à son trouble, poursuivit :
—Je sais qu’on ne peut pas y entrer, surtout depuis l’incendie… Chidera tiqua à cette mention. Mais j’espérais vraiment pouvoir y jeter un œil. N’y a-t-il vraiment aucun moyen ?
—Navrée, répondit Chidera d’un ton doux mais sans équivoque. Personne ne peut y accéder, et encore moins les étrangers.
—Je comprends. Toutefois, la relation entre Galatéa et l’Empire est particulière : nous sommes deux pays alliés, deux pays amis ! Ne serait-ce pas là un moyen de renforcer les liens qui nous unissent ? Je sais l’attachement que vous avez pour vos dieux, y compris parce qu’ils sont un symbole de votre indépendance….
—Un symbole ? répéta Chidera, outrée. Nous n’avons pas besoin de symbole pour marquer notre indépendance, monsieur. Galatéa est une cité-état, libre et neutre.
—Oui, bien entendu, concéda Astor.
—Vous n’avez pas l’air convaincu.
—Eh bien, dit-il, légèrement incertain, c’est le but du traité de paix. Galatéa doit beaucoup à l’Empire, vous devez le reconnaître.
« Votre liberté n’est due qu’à notre mansuétude, voilà ce qu’il est en train de me dire. » Chidera sentit la colère l’envahir. Cette fois, Astor le vit, et un éclair de regret traversa son visage. Cela ne fit qu’énerver Chidera plus encore. Oui, le jeune homme avait fait un faux pas, oui, c’était une erreur diplomatique, et si Chidera allait répéter ses propos à sa mère, nul doute qu’il subirait une punition. Mais Galatéa ne pourrait pas prendre offense à ses mots et ne pourrait pas véritablement l’utiliser dans les négociations, parce qu’Astor avait raison : Galatéa était faible face à l’Empire. Leur cité avait un besoin vital du renouvellement du traité de paix. Chidera le savait, Astor aussi : l’insulte en était plus grande encore. Avant même que le jeune ne puisse ouvrir la bouche, Chidera lâcha :
—Je suppose qu’à force de dépendre de quelqu’un aussi fortement, on ne peut s’empêcher de voir de la servitude partout.
Astor pâlit. Utiliser l’amitié du prince envers le vicomte n’était probablement pas digne d’elle ; faire référence aux rumeurs qui faisaient d’Astor le chien du jeune Janus, la créature qui obéissait à ses moindres désirs, encore moins. Chidera le regretterait, mais plus tard : pour l’heure, elle était satisfaite de le voir aussi offensé qu’elle. Elle se leva, épousseta la poussière de sa robe et dit :
—Il est temps pour moi de rentrer. Profitez de la fin du banquet, vicomte.
Elle quitta le cloître sans attendre sa réponse, et sans se retourner.
Ici ce qui m'intrigue c'est pourquoi Chidera se fait elle mandée par dame Qatiss alors que juste avant elle lui a confié la mission de s'occuper d'Astor ? Elle nenpeut pas espérer que en mettant Chidera dans les pattes de l'ambassadeur Astor débarque comme par magie.
Je comprends l'envie de teaser les chimères, mais je ne suis pas sûr de la nécessité de ce passage.
Enfin, j'ai particulièrement apprécié le moment du début, avec les descriptions vestimentaires, qui permettent d'ancrer ton monde.
Merci pour ce récit, à bientôt !
Alors il y a confusion : dame Volindra, la mère de Chidera, lui a demandé de garder un oeil sur Astor. Dame Qatiss est une femme plus vieille, d'une autre famille (quoique elle aussi matriarche) qui connait Chidera depuis qu'elle est enfant - et qui en l'occurence cherchait désespérément à échapper à une conversation, et a choisi Chidera comme sacrifice x)
Malheureusement, je crains que si je ne mets pas les chimères dès maintenant dans l'histoire, les évènements à venir paraissent tomber de nulle part... Tu me diras ce que tu en penses !
À bientôt !
J'ai beaucoup aimé ! Petite réserve simplement sur le fait qu'il y a une certaine répétition dans la "mise en scène", Chidera parle avec quelqu'un / s'éclipse à plusieurs reprises. Je ne sais pas si c'est nécessaire de développer tous ces dialogues, d'autant que certains me paraissent plus intéressants que d'autres.
Le dernier est super intéressant, j'aime beaucoup la finesse des analyses et introspections de Chidera dans ses échanges avec Astor, leurs piques subtiles, sa séduction grossière... Tout est décrypté et passionnant : on comprend les enjeux de pouvoir, les intérêts géopolitiques de chacun. J'espère qu'on reverra des échanges entre ces deux-là.
Il y a un très bel équilibre entre description et dialogue dans ce chapitre, tu donnes ce qu'il faut d'éléments (notamment sur les vêtements) pour apprécier l'ambiance sans que ça prenne le pas sur l'action. Très fluide à la lecture.
Mes remarques :
"si elle n’en avait pas été l’auteur" -> auteure ? (je sais que les 2 sont corrects, selon ton choix ^^)
"Maintenant bien plus qu’il y a dix ans." couper le maintenant ? je trouve qu'il apporte peu
"Chidera ne put se retenir de s’agenouiller à côté de lui." -> s'agenouilla ? (plus direct sans perdre grand chose je trouve)
Un plaisir de te lire,
A bientôt !
En effet, je remarque que Chidera a la manie d'aller et venir entre les conversations dans ce chapitre... Je vais essayer d'y remédier dans la réécriture :) Pour ce qui est des dialogues, je les considère tous plus ou moins importants pour la suite sauf celui avec dame Qatiss, et là je souhaite le garder égoïstement car elle me fait rire x) Mais je note tout de même !
Ravie que les échanges entre Chidera et Astor te plaisent, c'est définitivement un aspect important de l'histoire et de leur dynamique ! Ils auront à se reparler, relativement vite d'ailleurs.
Je vais corriger maintenant grâce à tes remarques. Merci !
À bientôt :)
Sans aucun doute mon chapitre préféré pour le moment !
Les descriptions des vêtements et accessoires étaient magnifiques, j'apprécie vraiment ! (je devrais commencer à en écrire !)
Les enjeux politiques deviennent de plus en plus clair, entre l'Empire et Galatéa et son indépendance...
J'aime l'intelligence de Chidera, les dialogues sont toujours bien écrits et amusants (ou intéressants) à lire !
A très vite !
Je savais que tu allais aimer les tenues dans ce chapitre ! Tu les avais mentionnées avant et je me disais bien que le passage du banquet te plairait, contente d'avoir tapé dans le mille ! Et définitivement, lance-toi dans l'écriture de vêtements, c'est vraiment très fun !
Je suis plutôt contente de ce chapitre, et d'autant plus qu'il te plaise. C'est vrai que le coeur des intrigues politiques s'y dévoile, et plus encore...
À bientôt !
Bref, vivement la suite :)
Wouah, merci d'avoir lu tout d'un coup ! Ça me fait super plaisir, ça veut dire que l'histoire a réussi à t'accrocher et c'est vraiment mon but. Le prochain chapitre est en préparation, il devrait sortir dans quelques jours.
Oui, Chidera est l'un des trois personnages principaux et je l'aime beaucoup aussi - elle ne cesse de me surprendre au cours de l'écriture !
J'espère que la suite te plaira également,
À bientôt !