Chapitre 6 : Été : 1 Charlie : 0

Notes de l’auteur : Bonne lecture !

 

Playlist Charlie :

Footloose – Kenny Loggins

 

 

***

 

 

— Je meeeeeeeure de chaud…

— Allez Charl’s, encore un petit effort et tu seras libérée, me sourit Nick en arrosant quelques pots de fleurs près de l’entrée.

— L’été est vraiment la pire saison du monde… maugréai-je en laissant retomber ma tête dans mes bras.

Étalée sur le comptoir des Jardins d’Iris, je profitai du fin filet d’air frais que me soufflait le climatiseur. La chaleur était atroce aujourd’hui, frôlant les 38°C à l’ombre. Si l’enfer ressemblait à quelque chose, j’étais certaine que ce serait les rues de Bellamy à cet instant. Depuis mon poste de décomposition, je pouvais voir l’air onduler au-dessus de la chaussée. L’asphalte brillait comme de la lave en fusion. J’étais certaine que si je mettais un pied dehors trop longtemps, mes chaussures fondraient. Et moi avec.

Je soupirai. Même les cohortes de touristes que je détestais tant n’avaient pas oser mettre le nez dehors.

— Dieu bénisse cette merveilleuse clim… soufflai-je en relevant à peine la tête.

Épuisée, je baillai à m’en décrocher la mâchoire. Nick secoua la tête en me voyant faire. Je me contentai de lui tirer paresseusement la langue avant de laisser retomber ma tête sur le comptoir.

Ce fou m’avait levé beaucoup trop tôt ce matin avant de me traîner à la boutique pour le seconder. J’étais monstrueusement jalouse de Tom qui devait encore dormir à cette heure-ci notons qu’il ne se réveillait généralement jamais avant midi, mais ayant veillé très tard avec son crétin de meilleur ami, je ne le voyais pas se lever avant 15 heures. Donc, dans approximativement une demi-heure selon l’horloge de la boutique. Ce que me confirma un rapide coup d’œil à mon téléphone.

J’aurais pu me plaindre et choisir de ne pas venir, mais aider Nick à la boutique un matin par semaine était la condition pour que je puisse aller à l’Adonis jusqu’à minuit. J’avais tellement hâte d’y être ! Max avait prévu de chanter ce soir et Romy avait eu la permission de ses parents pour nous accompagner.

Mon regard se reporta sur le bitume que je voyais onduler comme des flammes sous la chaleur. Je grimaçai.

— Vivement l’automne…

— Tu dis ça à chaque fois, s’amusa mon frère en réorganisant un bouquet de reine-marguerite – Nick était incapable de rester longtemps sans rien faire.

— Parce que chaque année est pire que la précédente ! Sérieux, comment ils font tous ces gens pour ne pas griller comme des sauterelles sous un cagnard pareil ? Comment ils peuvent même oser prétendre aimer l’été ? fis-je en fronçant le nez.

— Parce que c’est synonyme de vacances et de bon temps en famille.

J’émis un drôle de son, savant mélange entre un grognement et un soupire de frustration en laissant retomber ma tête sur le comptoir frais. J’avais l’impression de bouillir de l’intérieur. Une sensation que j’exécrai au plus haut point.

J’entendis Nick s’approcher.

— Si tu n’aimes vraiment pas cette chaleur, pourquoi n’irais-tu pas vivre dans le nord ?

— Oh j’y comptes bien ! m’exclamai-je en me redressant brusquement.

Mon frère sursauta.

— Vraiment ?

La surprise sincère que je lisais dans ses yeux me blasa étrangement. Quoi ? Il s’était vraiment attendu à ce que je reste dans cette région toute ma vie ? J’abhorrais l’été, mais je l’abhorrai encore plus ici.

D’une voix que j’espérai calme et pas trop abrasive, je répondis donc :

— Nick, je déteste cette région autant que ses vagues de chaleurs et tous ces touristes qui nous pompent l’air. Sans parler de tous ces cons que je n’arrête pas de croiser. Si on ne me siffle pas parce que je suis en short, on m’insulte pour mon style un peu décalé. Personnellement, je rêve d’un petit village, idéalement en Bretagne. Il parait qu’il fait frais là-bas et ça à l’air tellement plus beau qu’ici…

— Ne dis pas de bêtise, souffla Nick avec un faible sourire, le bassin méditerranéen est très beau aussi.

— Oui, si on aime les tons ocres déprimants et les couleurs extravagantes d’une flopée de familles en vacances qui vient polluer les plages de leur présence en plus de leurs déchets, lâchai-je platement.

Je fus presque impressionnée d’avoir déballé cette tirade dans un souffle. Morose, je reposai le menton sur mes bras croisés.

— Tu sais très bien que je ne supporte pas les tons aussi fades, je préfère les couleurs. C’est distrayant, ça met de bonne humeur et c’est aussi tout doux.

Comme un exemple, je pointai l’ensemble bleu pastel à imprimé nuages que je portais. Composé d’un crop-top et d’un short à taille haute, son tissu était l’un des plus doux et léger que j’avais trouvé dans la mercerie que m’avait conseillée Mme Anne.

— Je doute que les couleurs flashy de Max soient très douces pour les yeux, fit remarquer Nick avec un sourire joueur.

— Tu as raison, concédai-je avec amusement en repensant à cette abomination fuchsia qu’elle avait ramené au lycée une fois. Je préfère les gammes pastel.

Je ne parvenais toujours pas à comprendre comment elle avait pu enfiler ne horreur pareille. Et l’apprécier ! Mais Max était sans nul doute la fille la plus excentrique que j’avais jamais rencontré. Et du moment qu’elle était heureuse, elle pouvait bien enfiler ce qu’elle voulait.

— Mais ça n’enlève rien au fait que j’en ai marre de cette région, poursuivis-je tout de même. Elle n’a rien à m’offrir à part des coups de soleil ou une grosse migraine avec ces maudites cigales.

Nick rit.

— J’avais oublié quel oiseau de nuit d’hiver tu étais, fit-il en m’ébouriffant les cheveux.

J’eus beau pousser des hauts cris, il n’en fit une fois de plus qu’à sa tête. J’essayai tant bien que mal de remettre de l’ordre dans mes cheveux lorsqu’il passa derrière le comptoir.

Il y eut un silence durant lequel je pus pousser quelques autres longs soupirs quand j’entendis un premier déclic. Je fronçai les sourcils, intriguée. L’instant d’après, de la musique s’éleva dans la boutique. Je dressai aussitôt l’oreille en reconnaissant les premières notes de Footloose et braquai un regard incrédule sur Nick.

Kenny Loggins venait de commencer le premier couplet lorsque je vis mon frère se mettre à danser. Enfin, si tant est qu’on puisse appeler sa manière de gesticuler « danser ».

— Allez, viens danser avec moi ! fit-il avec un sourire radieux.

— Certainement pas ! m’exclamai-je hilare en le voyant tourner sur lui-même.

J’étais partagée entre le fou rire et l’embarras le plus total. Nick n’avait jamais su danser, il avait autant le sens du rythme que notre père, et ce n’était pas peu dire. Maman se désolait de les voir gesticuler sans la moindre grâce. Elle avait bien essayé de leur apprendre à bouger, mais c’était peine perdue. Au final, nous finissions inévitablement par danser n’importe comment au milieu du salon dans un joyeux chaos de membres.

Lorsque Nick tira une corde imaginaire pour s’approcher de moi, je n’y tins plus. Il était si ridicule que si un client venait à apparaître, j’étais certaine qu’il partirait en courant. Alors allons nous rendre ridicule avec lui, me dis-je avec un sourire. Deux idiots qui dansent sur une musique entraînante étaient toujours plus acceptable et sympathique qu’un seul.

Je pris donc sa main et dansai avec lui. Nous nous trémoussâmes grotesquement tout au long de la chanson et celle qui suivit. Nick avait lancé cette vieille playlist que nous avions concocté il y a des années lorsqu’il m’avait fait découvrir les chansons culte des années 80. À Kenny Loggins se succéda Blondie, Cyndi Lauper et The Clash. Nous nous amusions tant que nous ne vîmes pas le temps passer et remarquâmes à peine la cloche de la porte tinter.

Après une énième pirouette, Nick et moi nous pétrifiâmes. Juste devant nous derrière le comptoir, un vieil homme et son épouse nous regardaient avec des yeux ronds. Si mes joues n’étaient pas déjà rouges à force de bouger, j’étais certaine que l’embarras qui m’envahit se chargea de les colorer pour de bon !

J’imaginais aisément la scène et, lorsque je croisai le regard de mon frère, je fus certaine qu’il eut la même pensée. Un sourire de connivence nous vint un instant avant d’éclater de rire face au ridicule de la situation. Nick fut le premier à se calmer et reprit son souffle en s’essuyant le coin l’œil où perlait une larme.

— Je suis à vous dans une seconde, lança-t-il au couple qui affichaient à présent des sourires amusés.

Il me semblait presque les entendre penser quelque chose comme « Ah ! la jeunesse ! » avec une nostalgie dont seules les personnes âgées avaient le secret.

— Tu ne devrais pas tarder, m’indiqua brusquement Nick en pointant la vieille horloge au-dessus de la porte. Tu vas être en retard.

En suivant son regard, je vis qu’il avait raison. Dieu que le temps passe vite quand on s’amuse ! Il me semblait que l’horloge affichait 16 heures pas plus tard qu’il y a cinq minutes. Or, et mon téléphone me le confirma, il était bientôt 18 heures. Les Jardins d’Iris allaient bientôt fermer, et moi, j’avais rendez-vous dans quelques minutes à mon bar préféré, quelques rues plus loin.

Un grand sourire aux lèvres, je me précipitai dans l’arrière-boutique où je rassemblai mes affaires en vitesse. J’entendais à peine mon frère discuter avec ses clients. En un rien de temps je revins dans la boutique. J’avais retrouvé mon casque, tenais mes rollers à la main et venais de jeter mon sac sur mon épaule lorsque je rejoignis mon frère au comptoir.

— Ne rentre pas trop tard, me rappela-t-il tout en encaissant le vieux couple.

— Promis ! m’exclamai-je en l’embrassant avant de me précipiter dehors.

— Passe une bonne soirée ! entendis-je derrière moi.

— Merci ! À ce soir !

Et, mon casque à nouveau vissé aux oreilles, je m’élançai dans les rues de la ville en direction de l’Adonis.

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Aliotis
Posté le 03/08/2025
Superbe démonstration de danse ! Et le final m'a bien fait rire également ^^
Mais je me pose la question : comment est-il possible que tout le monde dans la famille accepte tranquillement que Charlie travaille avec Nick à la boutique alors que Tom peut se permettre de se prélasser tout l'été ?
C'est assez injuste...

Depuis quelques chapitres, seul petit point noir, il y a quelques fautes qui apparaissent mais elles n'entachent en rien mon plaisir de lecture, elles me font tiquer au passage.
Lunatique16
Posté le 10/08/2025
Merci pour tes commentaires !
Je me permets de ne répondre qu'à celui-ci, mais sache que je les ai tous lu et ça me fait super plaisir :)

Pour les fautes, j'en suis désolée, je travaille actuellement à la relecture, j'en profite pour modifier des détails de trames, si certaines fautes te marquent plus que d'autres, n'hésite pas à les pointer du doigt x)

Pour ce qui est de Tom... honnêtement je n'y avais pas vraiment réfléchi, mais je pense de plus en plus à écrire un chapitre bonus sur lui et son parcours. Il y aurait du coup l'explication du pourquoi Nick est plus laxiste avec lui.
Même si, à la réflexion, je me demande si tu n'auras pas un petit début de réponse plus loin ;)

En tout cas, encore merci pour tes retours ^^ ça me fait chaud au cœur

À bientôt ! :)
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