Chapitre 6 : Freijat - Retour

Son village apparut à l’horizon et Freijat se sentit apaisée, sereine, tranquille. Elle crevait d’envie de serrer ses enfants dans ses bras, d’enlacer Ajar, de coucher avec Kre-mi.

Sahale stoppa le traîneau à l’entrée du village mais maintint Freijat contre lui tandis que quelques habitants s’approchaient, curieux.

- Je ne te lâche pas d’une semelle, murmura Sahale à son oreille. Gare à tes paroles.

- Je ne dirai rien. Je vous le promets, supérieur.

Il la lâcha. Freijat venait à peine de faire deux pas qu’une forme lui sauta dessus.

- Ajar ! s’exclama Freijat tout sourire.

- Freijat ! Tu es là ! Comment peux-tu être là ? N’as-tu pas été désignée nourriture ?

- Si, confirma Freijat.

- Jamais nourriture ne revient au village, lança Ajar.

- Il va falloir songer à changer cette phrase, rit Freijat.

- Tu restes longtemps ? demanda Ajar en jetant un œil à Sahale qui demandait à des hommes de nourrir les chiens.

- Le temps de leur donner trois sources supplémentaires, annonça Freijat.

Ajar fronça les sourcils. Cela n’avait clairement pas de sens pour elle.

- Ah bon. C’était bien là-bas ?

- Je n’ai pas le droit d’en parler, Ajar, indiqua simplement Freijat.

- D’accord, répondit Ajar en haussant les épaules avant de lui prendre la main et de l’emmener vers le reste du village.

Freijat retrouva ses enfants avec bonheur, les découvrant grands, beaucoup plus qu’elle ne l’aurait imaginé. Elle avait tant raté. Ils n’avaient plus besoin d’elle. Ils ne se souvenaient même pas d’elle. Ils acceptèrent ses câlins mais retournèrent vite à leurs jeux. Freijat les laissa s’éloigner, consciente que les moments perdus ne se rattraperaient jamais. En partant nourriture, elle avait perdu ses enfants à jamais.

Sahale passa tout ce temps légèrement en retrait mais jamais très loin de Freijat. Il était là, présent mais invisible, proche et discret à la fois.

- Vous allez vraiment rester près de moi tout le temps ? demanda Freijat alors que tout le monde dansait autour d’un grand feu, activité à laquelle Freijat ne se sentait pas capable de participer.

- Oui, répondit Sahale.

- Vous allez vous ennuyer.

- Ça ne me dérange pas, précisa-t-il. Tu ne danses pas ?

- Je suis épuisée, indiqua Freijat. La journée a été longue.

Il lui prit la main.

- Il te faut dormir. On y va.

Elle le suivit sans rechigner. Elle retrouva sa natte et, sous la surveillance du guérisseur, s’endormit.

Le soleil était levé lorsqu’elle ouvrit les yeux. Quel bonheur de pouvoir faire une nuit complète, la première en trois hivers ! Elle se sentait merveilleusement bien. Physiquement, bien sûr, mais psychologiquement aussi. Ne plus craindre à tout instant la morsure suivante lui retirait un sacré poids des épaules.

Sahale était là, assis, les yeux dans le vague. Il souriait un peu. Freijat l’admira, ses muscles, ses cheveux, la courbure de son nez, sa peau, ses pectoraux, ses bras nus, ses mains, ses pieds.

- Quand tu auras fini de mater, tu pourras peut-être aller manger.

Elle rougit en gloussant. Il lui envoya un regard complice puis se leva et elle fit de même. Après manger, son trieur vint la trouver pour lui annoncer le nom de son partenaire.

- Excellent choix, lança Sahale.

- Je te remercie, répondit le trieur.

Freijat lança un regard interrogateur vers Sahale.

- Il ne te plaira pas. Le but est que tu te reproduises, pas que tu passes du bon temps. Une fois tes trois enfants nés, tu redeviendras nourriture. Inutile de te blesser davantage en t’offrant de te trouver en compagnie d’hommes dont tu pourrais regretter la présence ensuite.

Freijat détourna le regard. Trop tard, pensa-t-elle. Le regret était déjà là, bien présent, complet, intense. Toute son âme s’envolait vers Kre-mi. Elle souffrait mille morts à chaque instant loin de lui. Le temps n’avait rien effacé, bien au contraire.

Le père de son futur enfant arriva une lune plus tard car il habitait loin. Il n’eut de cesse de scruter Sahale, se demandant sûrement pourquoi un supérieur se trouvait là, sans oser poser la question directement. Le soir, dans la chambre de Freijat, Sahale lança :

- Freijat est dans le bon moment pour tomber enceinte. Faites ça maintenant.

- Devant vous, supérieur ? bafouilla l’homme dont Freijat ne souhaitait pas retenir le nom.

Sahale hocha la tête. L’homme grimaça. Freijat s’allongea sur le dos et détourna le regard. Elle espérait que cela irait vite. L’acte la répugnait déjà assez comme ça.

- Je peux te toucher ? lui demanda-t-il.

- Je préfère autant que tu évites le plus possible, répondit Freijat.

- Ça ne va pas être simple, grinça l’homme.

Freijat lui accorda que les conditions n’étaient pas optimales pour qu’il parvienne à bander. Sahale se leva, traversa la tente, souleva la peau la fermant et lança :

- Ajar ! Va chercher Oala. Maintenant !

Le temps passa dans un silence de mort. Oala finit par faire son apparition.

- Supérieur ? lança-t-elle, visiblement inquiète.

- Va chauffer Ickao. Il a besoin d’encouragements.

Oala jeta un œil à l’intérieur de la tente et sourit, trahissant une émotion véritable. Freijat fut rassurée. Oala semblait réellement heureuse de rendre ce service. Elle n’hésita pas à se dévêtir, à embrasser l’homme, à le caresser et à lui offrir son corps. Freijat resta immobile et muette. Sahale se mit en retrait et ce fut comme s’il avait disparu. Les deux partenaires dansaient en harmonie. Le spectacle valait le détour, Freijat dut le reconnaître.

Finalement, l’homme fut prêt. Il pénétra Freijat tout en caressant et embrassant Oala qui s’était mise à genoux sur elle. Cela ne prit que quelques instants. Les deux amants s’éloignèrent pour continuer plus loin. Nul doute que la nuit serait chaude pendant encore un bon moment pour eux deux.

- Reste allongée. Cela maximisera les chances de réussite, précisa Sahale.

- Merci, supérieur.

- De rien, répondit-il.

Freijat se sentit affreusement seule. Un frisson parcourut sa colonne vertébrale et ce n’était pas le froid car sa tente bien isolée proposaient une chaleur confortable. Elle se sentit vide à l’intérieur. Voir Ickao et Oala lui avait rappelé ses moments intimes avec Kre-mi. Comme il lui manquait ! Des larmes perlèrent et Freijat se mit à sangloter.

Elle sentit Sahale lui prendre la main et la caresser tendrement. Elle se permit de pleurer vraiment et il resta près d’elle sans s’agacer ni se plaindre. Exténuée, elle s’endormit en larmes.

Le lendemain soir, le couple incendiaire fut de retour, ainsi que le surlendemain. Ils semblaient tout deux ravis d’accomplir cette obligation qui répugnait tant Freijat. Elle aurait tant préféré que Kre-mi vienne faire ce même acte.

Ils continuèrent ainsi jusqu’à ce que Freijat tombe enceinte. L’homme n’ayant pas pris épouse dans son village natal, il lui fut permis de rester pour demeurer avec Oala, après que Freijat ait donné son accord d’un haussement d’épaule indifférent.

Freijat se tenait à part du groupe. Elle faisait ce qu’elle voulait, quand elle voulait. Aucun ancien ne lui donnait de tâche. Elle ne faisait plus vraiment partie du village. Sa présence n’était que temporaire. De ce fait, elle ne traitait les peaux que si elle le souhaitait, n’allait dans les champs que si le cœur lui disait. Les autres se taisaient souvent à son approche et pour cause, Sahale refroidissait un peu les ardeurs.

L’ayant compris, il s’éloigna un peu plus. Ajar osa s’approcher de nouveau pour bavarder avec Freijat et lui proposer de jouer. Sauf que Ajar adorait les enfants et en avait donc la charge, tant les siens que ceux des autres. Or Freijat ne souhaitait pas s’en approcher, leur présence lui mettant systématiquement les larmes aux yeux. Son fils et ses filles se trouvaient là mais ils l’ignoraient et cela valait mieux. À quoi bon les forcer à l’aimer alors même qu’elle allait devoir les quitter de nouveau ? Elle préférait s’éloigner pour moins souffrir.

Ce fut ainsi qu’elle se retrouva seule sous le grand arbre à la lisière du territoire de ce village, à observer l’horizon. Où se trouvait Sahale ? Difficile à dire. Sa présence en journée était devenue ténue. La nuit, il l’aidait à surmonter sa peine en lui offrant sa main et la source lui en savait immensément gré.

Freijat se souvint avoir vu Sahale échanger avec des villageois, les soigner, les conseiller. Tous appréciaient ses talents de guérisseur doublés d’une gentillesse à toute épreuve. Freijat discutait moins avec les villageois que Sahale. Elle se sentait exclue, différente, à part.

Elle observa l’horizon blanc, recouvert de neige, et prit sa décision. Un peu de marche n’allait pas la tuer. Son bébé ne risquerait rien. Cette randonnée serait facile. Elle prit la route, bien décidée à aller jusqu’au bout. Elle fut arrêtée par Sahale, apparaissant comme par magie devant elle.

- Tu vas où ?

- Voir Kre-mi, répondit Freijat, sûre d’elle.

- Je te l’interdis, répondit-il.

Elle se prit la phrase de plein fouet. Il l’aurait giflée que l’effet aurait été le même.

- Je veux juste le voir, pas lui parler, je vous le jure ! Je resterai à l’écart.

- Non, insista Sahale.

- Je t’en supplie, Sahale, chouina Freijat en devenant instinctivement amicale avec le supérieur. J’ai besoin de le voir, de m’assurer qu’il va bien.

- Il se porte à merveille, son épouse et ses enfants aussi. Ta présence ne pourra que détruire ce bonheur.

- Je ne me montrerai pas, promit-elle.

- Non, Freijat. Tu n’iras pas.

- Pitié ! supplia-t-elle en tombant à genoux.

Sahale secoua négativement la tête.

- Cela ne fera qu’augmenter ta douleur. Tu dois faire le deuil, pas raviver la plaie.

Il s’approcha d’elle, l’enlaça et murmura :

- Je te ramène au village.

- Non ! hurla-t-elle en tentant de s’extraire de sa poigne.

Peine perdue. Il la maintenait sans difficulté, avec force et fermeté, sans brutalité excessive.

- Tu es en colère, chuchota-t-il. Je comprends. Hurle. Fais sortir ta rage. Tu as exprimé ta peine et ta tristesse mais jamais ta fureur. Tu l’as gardée à l’intérieur trop longtemps. Fais-la sortir. J’accepte de la recevoir. Tu te sentiras mieux après.

De fait, le supérieur reçut, stoïque, les coups faibles et misérables de la source. Il la rattrapait à chaque fois qu’elle essayait de partir vers le village voisin, la laissant s’enfuir pour mieux la ramener, lui permettant de ressentir la limite, l’impossibilité de son acte, l’inutilité de ses tentatives.

Enfin, Freijat craqua et s’abandonna. Elle cessa de lutter pour se blottir entre les bras du guérisseur dont le torse se couvrit des larmes de la source.

- Ne t’éloigne plus de moi, s’il te plaît, murmura-t-elle.

- Soit, répondit-il. À partir de maintenant, c’est toi qui va me suivre et non l’inverse.

Elle leva sur lui un regard surpris.

- Je suis guérisseur, rappela-t-il. J’ai diminué mon activité à cause de toi. Je vais reprendre.

Freijat sourit. Cela lui convenait carrément de se promener avec lui de malade en malade. Ensemble, main dans la main, ils retournèrent au village. Sahale montra à Freijat comment atteler les chiens au traîneau.

- Tu t’occuperas d’eux, annonça-t-il.

- C’est un travail d’homme, répliqua Freijat.

Il lui lança un regard transperçant.

- Oui, supérieur, annonça Freijat en s’inclinant, tout en souriant.

Il acquiesça, preuve qu’il appréciait la réponse. Freijat fut attentive. Les chiens pouvaient avoir des réactions imprévisibles et il était hors de question qu’elle se fasse mordre. Elle était bien trop précieuse. Ils partirent pour un autre village et Freijat découvrit une vie nomade auprès de Sahale. Bouger lui fit beaucoup de bien.

Elle passa d’excellents moments en sa compagnie. Elle découvrit des plaines, des champs, des montagnes, des collines, des hauts plateaux, des arbres gigantesques, des lacs gelés. Le vent sifflait, les loups hurlaient, la neige virevoltait, les lapins détalaient. Freijat se sentit en sécurité près du supérieur qui prenait soin d’elle, lui apportant de la nourriture, lui faisant du feu, la prenant contre lui la nuit pour la réchauffer lorsqu’ils dormaient à la belle étoile.

Elle fut définitivement mise à part, où qu’elle aille. Elle appelait un supérieur par son nom et lui parlait de manière amicale. Ils avaient des gestes tendres l’un envers l’autre. Aucun villageois ne comprenait. Ils choisissaient de la traiter avec respect et courtoisie.

Sahale ramena Freijat à son village pour l’enfantement. Dès que le bébé fut sorti, Freijat annonça :

- Je ne veux pas le voir, ni le toucher.

Sahale le confia au trieur qui confirma sa nature de source avant de le donner à son père, venu assister à l’évènement. La délivrance fut rapide. Sahale préféra rester un peu sur place, trouvant Freijat très affaiblie. Ce fut par cette soirée tiède sous un pin qu’ils s’embrassèrent pour la première fois. Freijat fondit en larmes et Sahale se contenta de l’enlacer en retour.

- Je ne pourrai pas… t’offrir davantage, précisa Freijat en serrant les cuisses.

- Je ne te demande rien, la rassura Sahale. Et je ne prendrai rien de force.

Freijat se détendit et ronronna de bonheur. Il la caressa, mesurant chaque geste, choisissant les zones avec soin, guettant la moindre crispation. Freijat prit confiance en son compagnon. Il respectait sa volonté, ne la trahissait jamais.

- C’est parce que tu es supérieur que tu n’as pas les même besoins que les autres hommes ? finit par demander Freijat, de nouveau enceinte.

- Que veux-tu dire ? interrogea-t-il.

Freijat mima avec ses doigts le geste de la pénétration.

- Oh ! Je te remercie mais je baise tous les jours. Ce n’est pas parce que tu ne veux pas que d’autres ne sont pas ravies de m’ouvrir leurs cuisses.

- Nous sommes tout le temps ensemble ! répliqua Freijat. Je le verrai si tu baisais.

- Tu dors. Moi pas, répliqua Sahale en souriant.

- Tu ne dors pas ? s’étonna Freijat.

- Privilège de supérieur, indiqua Sahale.

Freijat sourit, rassurée. Cela l’aurait peinée de faire souffrir le guérisseur. Elle se sentit bien mieux. Son refus ne le blessait pas.

- Je ne comprends pas pourquoi tu te prives d’un moment aussi agréable mais c’est ton choix et je le respecte, indiqua Sahale.

Freijat sentit une bouffée de bien-être l’envahir.

- Je t’aime, dit-elle.

Il lui sourit et l’embrassa tendrement.

 

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- Merci d’être venu, guérisseur, dit une vieille femme. Nous sommes conscients que ce n’est qu’une travailleuse.

- J’étais disponible, précisa Sahale tandis que Freijat se mettait en retrait dans la tente.

Ils étaient en route vers le village où se trouvait le troisième partenaire de Freijat. Il était marié. Sahale avait jugé inutile qu’il se déplace alors même que Freijat, nomade, pouvait bien être engrossée ici ou ailleurs. Cela éviterait à cet homme de devoir se séparer de sa femme, de ses enfants, de ses frères et de ses sœurs. Freijat avait acquiescé. En chemin, Sahale avait bifurqué. Comment savait-il qu’on avait besoin de lui ici ? Freijat n’en avait aucune idée.

La femme allongée hurla, ses sœurs autour d’elle la soutenaient moralement. L’accouchement se passait mal. Le sol se couvrait de sang. Un supérieur, un trieur sans aucun doute, se tenait là. Il ne faisait rien. Le soin ne devait pas être dans ses cordes. Sahale toucha le ventre proéminent de la femme puis annonça :

- L’enfant n’est pas dans le bon sens. Je vais mettre mes doigts dans ton sexe.

La femme gémit.

- L’enfantement aurait dû se faire depuis longtemps, annonça Sahale. L’enfant est en souffrance. Il faut qu’il sorte maintenant. Pas le temps d’y aller en douceur. Kika, ça va faire mal, très mal. Je vais forcer ton bébé à se retourner et vu sa taille, tu vas souffrir. Tenez-la ! Un, deux, trois, maintenant !

Le hurlement fut atroce. Freijat vit Sahale appuyer sur le ventre de cette pauvre femme et en eut mal pour elle.

- À la prochaine contraction, pousse, Kika, ordonna Sahale.

- Non ! hurla la femme.

Elle semblait au bout de sa vie. Elle n’en pouvait plus. Freijat s’imagina aisément l’extrême fatigue qu’elle devait ressentir.

- Maintenant, Kika, pousse ! ordonna Sahale.

- Non, non ! J’ai trop mal ! gémit la pauvre femme.

- Il doit sortir maintenant ! Pousse ! C’est bientôt terminé. Il veut sortir. Il est dans le bon sens. Aide-le. Un dernier effort, Kika !

La femme fut sensible aux encouragements et à la promesse d’une délivrance proche. Depuis combien de temps souffrait-elle ? Le matin ? La veille ? L’avant-veille ?

Freijat vit la tête du bébé sortir mais il était bleu car le cordon enserrait son cou. D’un geste assuré, Sahale dégagea les voies respiratoires du bébé et se mit à trembler intensément dès qu’il fut dans ses mains, geignant, couvert de sang.

- Sahale ? lança le trieur, visiblement inquiet. Tu vas tenir ?

Freijat n’avait jamais vu Sahale ainsi. Il se contenait visiblement mais la perte de contrôle n’était pas loin. Que lui arrivait-il ? Elle l’observa transpercer le nourrisson des yeux, le sang gouttant et elle comprit. Elle se leva, s’approcha de Sahale et lui tendit le bras pour le mettre près de sa bouche.

Il leva les yeux sur elle et leurs regards se croisèrent. D’un geste, elle l’encouragea. La morsure se produisit quelques instants plus tard. La douleur la transperça mais resta supportable. Dans le bras, la souffrance n’avait rien de commun avec la gorge. C’était immensément plus acceptable.

Sahale rentra ses dents et tendit le bébé au trieur qui entreprit de le sentir. Freijat reprit son bras où seuls deux petits boutons témoignaient de la prise de sang.

- Ça doit être la présence de Freijat qui trouble mes senseurs, lança le trieur, car j’aurais tendance à déclarer cet enfant comme une source. Or ses deux parents sont des travailleurs. Ce n’est pas impossible mais rarissime. Je vais sortir.

Il disparut dehors. Freijat s’éloigna tandis que Sahale, calmé, rassurait Kika et s’assurait que la délivrance se passait bien.

- Elle a besoin de repos, de beaucoup boire et de manger. Prenez soin d’elle, finit Sahale.

- Mille mercis, guérisseur, dit la vieille.

Sahale sortit, suivi de près par Freijat. Il se rendit à la rivière pour s’y laver. Freijat, aussi nue que lui, l’y rejoignit. Elle avait confiance. Il ne ferait rien qu’elle ne désirât.

- Il était appétissant, ce bébé, murmura Freijat.

- Carrément, répondit Sahale, l’air grave. Je vais t’amener auprès de ton partenaire puis je partirai.

- Pourquoi ? demanda Freijat.

- Je viens d’enfreindre la loi. Je n’ai pas le droit de me nourrir en dehors de la salle du trône, rappela Sahale.

Freijat allait le contrer mais le guérisseur poursuivit :

- De plus, j’ai pris un énorme risque. Tu aurais pu devenir poreuse de cette simple morsure, nous privant de la sixième source voulue par l’Ancêtre. Tu as été tellement mordue ! Cela peut se produire à n’importe quel moment.

- Il comprendra. C’était ça ou l’enfant.

- Que le trieur a confirmé comme étant une source, indiqua Sahale.

Freijat se demanda une seconde comment il pouvait le savoir avant d’évacuer cette question : les supérieurs avaient tendance à faire ce genre de choses. Mieux valait l’accepter au risque de devenir fou.

- Reviens vite, s’il te plaît ! miaula Freijat avant de l’embrasser, le sang de l’accouchement se répandant dans la rivière tandis qu’elle le frottait pour le laver, profitant de son corps parfait au passage.

- Tu m’as offert ton bras, lança Sahale, visiblement touché.

- Tu avais faim, sourit Freijat.

- Tu es merveilleuse.

Freijat rougit en retour. Elle constata son érection et l’ignora. Elle ne pouvait pas. Elle ne voulait pas. Elle allait devoir laisser un homme la pénétrer pour ce dernier bébé et après, plus personne, jamais, ne la toucherait de cette façon. Elle avait trop subi. Elle voulait qu’on la laisse tranquille.

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