Ah, vous revoilà !
Il était temps parce que je commençais sérieusement à me dessécher à force de vous attendre. Vous croyez quoi, que je me dore tranquillement la pilule pendant que vous lisez les autres chapitres ?! Bon sang, vous avez déjà oublié dans quel état Dolan et Pleurnicheuse m’ont laissé ? Si vous aviez un minimum de compassion pour votre héros préféré, vous pourriez au moins faire semblant d’accélérer la cadence !
Cela dit, je dois admettre que côté narration vous n’avez pas raté grand-chose. Il fait une chaleur étouffante dans les plaines de la Dévoreuse, le paysage autour de moi est morne et sans saveur. Juste de grandes étendues de sol aride que la sécheresse fissure par endroits, parsemées de buissons rachitiques et d’arbres morts. Il ne manque que des ossements et un ou deux charognards qui tournent dans le ciel pour parfaire le tableau. Au loin, des dunes de sable rouge limitent mon champ de vision. Elles se dressent comme les crocs redoutables d’une créature gigantesque qui voudrait nous broyer dans ses mâchoires et déchiqueter le ciel. Si l’enfer existe quelque-part dans ce monde, je suis à coup sûr en train d’en visiter l’antichambre. À mon grand désespoir, la caravane se traîne dans ce décor stérile comme une limace au milieu d’une course d’escargots. Sans rire, si les Sorcelames ne se décident pas à forcer l’allure, on aura attaqué le quatrième tome de la saga avant de voir Tys-Beleth se dessiner à l’horizon.
Comment ? Des chariots détruits et une tempête de roche ?
STOP !
Arrêtez-ça, malheureux ! Laissez-moi le plaisir d’écrire, vous allez gâcher mon scénario. Marche-arrière toute, oubliez ce que vous a raconté ce palefrenier de malheur qui se prend pour le narrateur. En ce qui me concerne, ça fait à peine une heure que nous avons quitté Ambreciel et que j’ai reçu mon horrible punition. Déjà qu’il vous faut des plombes pour lire mon histoire, vous n’allez pas en plus m’obliger à faire une ellipse dans mon propre roman !
« Daloooo ! »
Ah oui. C’est vrai qu’il est toujours là, lui. Le Souterreux me regarde claudiquer de ses yeux vides, il penche la tête de côté à chaque fois que je trébuche. C’est assez étrange de le voir avec un paquetage sur le dos, on dirait qu’un idiot a accroché un sac en toile sur une énorme grenouille. Malgré tout, je crois que je commence à apprécier la compagnie de Dalo. Bon d’accord, il est un peu bizarre, il pue le poisson faisandé et je déteste sa façon de me fixer avec insistance. Mais quand on s’habitue à l’entendre brailler toutes les cinq minutes, il n’est pas si désagréable que ça à supporter. Pour tout vous dire, j’ai même l’impression que les Souterreux m’observent avec de la reconnaissance depuis que je leur ai distribué cette fichue gourde d’eau. Formidable, n’est-ce pas ? Je suis à moitié mort en plein désert et au lieu d’essayer de sauver ma peau, je me préoccupe d’une bande de clochards atrophiés du cerveau.
« Allez, avance l’ivrogne ! Tu conteras fleurette à ta nouvelle fiancée plus tard ! »
Une fois de plus, Pleurnicheuse démontre toute sa délicatesse en m’expédiant un coup de lanière dans le dos. Je hurle à plein poumons, ça fait un mal de chien. Depuis qu’elle a trouvé une sangle à cavalin sur un chariot, cette petite garce s’amuse à me torturer à chaque fois que je fais un pas de travers. Un peu plus loin, Syndra se retourne et me jette un regard alarmé. Je me hâte de la rassurer d’un sourire fébrile, la dernière chose dont j’ai besoin c’est qu’elle utilise à nouveau son pouvoir au milieu d’une centaine de témoins.
Quelques secondes plus tard, je trébuche sur une pierre et je m’étale dans la poussière.
« Debout, espèce de feignasse ! Si tu veux arriver vivant à Tys-Beleth, commence par tenir sur tes jambes ! »
Je sens que des mains m’agrippent et me relèvent, de longs doigts fins et décharnés m’attrapent au niveau du coude. Dalo passe sa tête sous mon bras et m’invite silencieusement à m’appuyer sur son épaule. Tant pis pour l’odeur, je ne vais pas faire le difficile : je m’écroule sur cette béquille inespérée et nous repartons d’une démarche chaloupée côte-à-côte. Derrière nous, j’entends Pleurnicheuse qui se marre.
« Ne sont-ils pas mignons les tourtereaux, accrochés l’un à l’autre comme un furoncle sur le cul d’un mendiant des Fosses ? »
Je décide de l’ignorer pour me concentrer sur le long chemin sinueux qui s’étire devant moi. Ce n’est pas la première fois que je suis amené à traverser les étendues mortelles de la Dévoreuse, mais jamais encore je n’ai effectué le trajet dans un tel état.
Autrefois j’ai travaillé dans les caravanes pour un marchand bedonnant qui ne quittait jamais son comptoir. Je n’étais qu’un gosse à l’époque, un peu plus jeune que Syndra et son ami palefrenier. Je venais juste de rejoindre la belle Ambreciel et de découvrir les merveilles qu’abrite le quartier des Fosses. Une rivière d’immondices, des rats dans tous les coins et des impasses sordides dans lesquelles on ne peut pas fermer l’œil sans se faire détrousser par des malandrins, c’est le paradis pour un orphelin ! Autant vous dire que je n’avais qu’une idée en tête : quitter le plus tôt possible ce cloaque puant pour retrouver ma liberté. En sillonnant les rues et la place du marché, j’ai découvert qu’un Vertueux du nom d’Helirio Silas contrôlait un important commerce de denrées alimentaires. Encore aujourd’hui, ses caravanes ramènent chaque saison dans la Cité-Monde un trésor d’épices, d’agrumes et de légumes qui ne poussent pas sur nos terres arides et qu’il échange contre des gemmes d’éclat avec le reste du monde. Pour un pauvre gamin des rues comme moi, toutes ces merveilles exotiques dégageaient un parfum d’aventures et de richesse auquel il était impossible de résister. Alors dès que l’occasion s’est présentée, je me suis rué au comptoir Silas pour me faire embaucher parmi les kéfirs, jeunes serviteurs des maîtres caravaniers.
Oh, je sais ce que vous allez dire et vous avez parfaitement raison. J’étais jeune, je ne connaissais pas les dangers de la Dévoreuse, c’était vraiment une idée à la con.
Le premier voyage s’est déroulé sans encombres. Nous avons quitté la Cité-Monde à la fin de l’été pour rejoindre un port de marchandises sur la mer Bravaciel. Au retour, nos chariots débordaient d’agilives gorgées de jus sucré et de poissons conservés dans de la saumure. Satisfait, maître Helirio nous accorda trois jours de repos avant de reprendre la route vers la lointaine cité de Voriagh où il possédait un comptoir. Hélas, la Dévoreuse est fourbe. Pendant ce deuxième trajet, nous avons essuyé deux tempêtes de roche successives. Ça, je vous promets que je m’en souviendrai toute ma vie. J’ignore par quel miracle j’ai survécu au souffle ardent du désert à deux reprises, mais le reste de la caravane n’a pas eu la même chance que moi. De toute l’escorte qui accompagnait les marchands, seuls un Sorcelame et deux autres kéfirs s’en étaient sortis vivants. Pendant des jours nous avons erré sur les dunes rouges pour rejoindre la Cité-Monde. Je n’ose même pas vous raconter toutes les créatures effrayantes que notre protecteur a mises en déroute, sinon vous allez faire des cauchemars. Quand le soleil brille, la Dévoreuse est une prédatrice insatiable qui déchaîne sa colère sur les voyageurs sans la moindre pitié. Mais quand vient le crépuscule, lorsque des entrailles de ses crevasses surgissent les Ombres Rugissantes, elle se transforme en un piège plus dangereux encore.
De retour à Ambreciel, je me suis juré de ne plus jamais remettre les pieds dans ce maudit désert. Et quinze ans plus tard, me revoilà prisonnier de cet enfer.
Nom d’un boursoufleux, la chaleur me fait complètement divaguer ! Je n’étais pas censé vous raconter tout ça, je dois protéger mon identité ! Faites-moi plaisir, oubliez le nom d’Helirio Silas et cette confession ridicule. Moins vous en saurez sur mon passé, mieux ça vaudra pour vous. J’ai une fâcheuse tendance à expédier des cadavres dans la Fangeuse et je m’en voudrais de devoir vous y balancer. D’abord parce que ce serait long et compliqué de vous trouver, mais surtout par intérêt financier. Non mais c’est vrai, soyez un peu logiques ! Comment vais-je rentabiliser mes droits d’auteur si j’assassine tous mes lecteurs ?
« Syndra ! Venez ici, jeune fille. »
Une voix impérieuse retentit, coupant court à mes élucubrations. Je relève la tête, immédiatement intrigué. Le capitaine Dolan a quitté l’avant-garde de la caravane. Il se tient à côté de Syndra, perché sur une cavaline immense aux écailles d’un vert envoûtant. D’une poigne énergique, il hisse l’adolescente sur Vipérine et talonne sa propre monture. Tous deux s’éloignent du convoi d’un pas rapide. Quelques instants plus tard, le jeune palefrenier décide de les suivre discrètement. La curiosité me démange, je meurs d’envie de leur emboîter le pas pour épier leur conversation. Hélas, je suis bien trop faible pour rivaliser avec les foulées rapides des deux cavalines.
En revanche, l’absence du Sorcelame m’offre une occasion unique de m’enfuir.
Je jette un coup d’œil discret autour de moi pour évaluer la situation. Je me trouve avec les Souterreux à l’arrière de la caravane, à environ trois-cent mètres des autres travailleurs. On nous a sûrement placés là à cause de leur odeur de vase répugnante. Devant nous circulent les chariots d’intendance, puis les montures de rechange surveillées par quelques traîne-misère qui font office de palefreniers. Il y a seulement deux gardes à proximité : il est inconcevable pour les hommes du Guet que des Fangeux cherchent à s’échapper. Les autres soldats sont occupés à patrouiller autour de la caravane pour nous protéger d’une éventuelle attaque de pillards. Parfait.
Reste à neutraliser Pleurnicheuse, car elle n’a pas l’intention de me quitter des yeux.
Première étape sur le chemin de la liberté : créer une diversion. Hors de question d’affronter Pleurnicheuse et deux sentinelles dans mon état actuel, ma meilleure arme sera l’effet de surprise. Si je peux tordre le cou à cette sale petite peste sans que personne ne s’en aperçoive, ce sera toujours ça de gagné. Réfléchis, Jaken. Qu’est-ce qui serait susceptible de créer un mouvement de panique pour t’aider à t’éclipser ?
Mon regard tombe sur le chariot qui roule à côté de nous, sur les grandes jarres d’huile posées à l’intérieur et les palefrois massifs qui le tractent lourdement. Bingo ! Vous allez me prendre pour un pyromane mais je crois que je vais encore déclencher un incendie. Le problème, c’est que je suis bien trop affaibli pour compter sur le pouvoir de ma main noire. Pour enflammer ces jarres, je vais avoir besoin d’un moment en tête-à-tête avec mon nouvel ami.
Je souris imperceptiblement tandis que les pièces de mon stratagème s’assemblent dans mon esprit. Si cet imbécile de Dolan pense m’avoir brisé, il va apprendre que Jaken Main-Noire ne renonce pas si facilement.
« Eh ! Pourquoi tu t’arrêtes, le soiffard ? Est-ce qu’on a dit que c’était l’heure de la pause ? »
Pleurnicheuse s’énerve, elle fait claquer sa lanière d'un air menaçant. Je serre les dents pour résister à mon envie de l'étrangler sur-le-champ et je pivote dans sa direction. Alors, avec mon plus bel accent rustre des bas-quartiers, je la regarde droit dans les yeux et je grogne :
« Faut que j’aille pisser.
La milicienne se fige, elle m’observe avec un rictus mauvais aux lèvres.
- Hors de question. Tu te soulageras quand on sera à Tys-Beleth.
- J’ai picolé toute la nuit, maugrée-je. La bière, ça fait pisser.
- Tu n’as qu’à te faire dessus si ça te chante. On continue d’avancer. »
Je vous jure que celle-là, elle me brise les noyaux en compote ! Sans attendre, je lui adresse mon plus beau sourire irrévérencieux et je défais les aiguillettes qui retiennent mon pantalon. Mes braies tombent au niveau de mes chevilles et je m’attaque d’un air déterminé aux lacets de mes chausses.
« Non mais je rêve, tu ne vas quand même pas uriner en plein milieu du convoi ?!
Je hausse les épaules et je me retourne, je fais semblant de me mettre en position. Pleurnicheuse soupire, lève les yeux au ciel et lâche d’un ton résigné :
- Bon, ça va ! Je t’accorde une minute, tu n’as qu’à aller de l’autre côté du chariot bâché. »
Je remonte mes braies d’une main maladroite et je m’éloigne d’un pas pressé. Dalo m’accompagne pour éviter que je tombe, il n’a pas l’air de comprendre ce qui vient de se passer. À peine arrivé derrière le véhicule, je l’attrape par les épaules et je lui demande avec gravité :
« Dalo s’il-te-plaît, j’ai besoin que tu me prêtes ta lanterne, d’accord ?
Le Souterreux me dévisage avec des yeux de poisson mort, totalement inexpressif. Dans le genre long à la détente, il pourrait tenir la dragée haute à un crache-sable qui fait la sieste. Désabusé, je retente ma chance avec un vocabulaire que j’espère à sa portée.
- La lampe ? Lumière, feu, bougie, truc qui brûle ?
Rien à faire, Dalo me regarde comme un navet dans un champ de betteraves et se gratte lentement la tête. Apparemment, mon nouvel ami possède l’intelligence redoutable d’un merlan frit.
- Daloooo !
- Oui, c’est ça ! Dalo c’est toi ! Et moi je veux ta lanterne, face de pioche !
- Djiiiinn ?
Décidément ça va de mieux en mieux ! Mais qu’est-ce qu’il raconte ce bougre ? Voilà qu’il me parle des djinns maintenant ! Ça fait des années que Ravinel a tué tous les Anormaux capables de faire apparaître un esprit gardien ! Ma parole, il est complètement ravagé du ciboulot !
- Dalo aider Djinn. »
Il pointe son long doigt saumâtre vers moi et soudain la lumière se fait dans mon esprit. Jinn, bon sang ! Devant Pleurnicheuse tout à l’heure, je lui ai dit que je m’appelais Jinn ! Mais quelle idée j’ai eu d’inventer un prénom pareil !
- Eh, le soiffard ! T’as bientôt fini ? Ce n’est pas possible d’être aussi lent, t’as picolé la moitié de la Fangeuse ou quoi ? »
Je passe la tête au coin du chariot et j’adresse à Pleurnicheuse un geste d’affection bien senti pour lui expliquer que non, je n’ai pas encore terminé. Puis je me retourne vers Dalo pour le découvrir en train de sortir sa lampe-tempête de son baluchon. Malgré toutes les horreurs que j’ai pu dire à son sujet, je dois au moins lui reconnaître cette qualité : il n’a pas la lumière à tous les étages mais il est plein de bonne volonté.
« Pour Djinn », coasse-t-il en me l’offrant avec précaution comme si c’était un cadeau inestimable.
Je m’empare de sa loupiote et je la fracasse par terre avec les maigres forces qu’il me reste. Dalo ouvre de grands yeux médusés mais je n’ai pas le temps de lui expliquer. Dans quelques secondes, Pleurnicheuse va venir voir ce que je fabrique. Je serre les dents et, malgré la douleur sourde qui me transperce le dos, je me plie en deux pour ramasser un tesson de verre et le fragment de gemme d’éclat qui était contenu dans la lanterne. Aussitôt, je sens une chaleur familière se répandre dans mon bras gauche et le morceau de roche terne se met à fumer. Je m’en débarrasse à toute vitesse en le jetant à l’intérieur du chariot bâché.
« Mais qu’est-ce que vous foutez, vous deux ?! crie la voix de Pleurnicheuse qui approche à grands pas furieux.
Puis, découvrant le spectacle de la lampe-tempête brisée :
- C’est quoi ce bordel, t’as besoin de lumière pour pisser en plein soleil ? »
Elle se plante devant moi et lève bien haut sa lanière avec la ferme intention de me refaire le portrait. Au même moment, la toile sèche qui tapisse le fond du chariot s’embrase, la gemme d’éclat infusée par mon pouvoir détonne et les cavalins attelés à l’avant s’emballent sous l’effet de la panique. Les voilà partis à toute allure, fonçant devant eux sans réfléchir à grands renforts de sifflements, écailles vibrantes, piétinant les pauvres Fangeux et les deux soldats du Guet qui ont le malheur de se trouver sur leur chemin. Pleurnicheuse se fige, elle ouvre de grands yeux médusés avant de se tourner vers moi, chargée d’une colère noire.
« Par les couilles de Morgulath, mais d’où tu sors toi ? T’es vraiment un puits sans fond à emmerdes !
Je la toise en lui adressant mon sourire le plus cruel. Il est grand temps d’oublier Jinn la victime pour faire rentrer la célèbre Main-Noire en scène.
- C’est normal, dis-je. Emmerder les femmes et les hommes du Guet, c’est mon passe-temps favori depuis une dizaine d’années. Après l’incendie des bas-quartiers, je n’étais plus à un chariot près pour vous pourrir la vie. »
Elle me dévisage sans comprendre pendant une longue seconde. Trop longue. Lorsqu’enfin la lumière s’allume dans la purée de rave qui lui sert de cerveau, il est déjà trop tard.
- Jaken Main-Noire ! s’exclame-t-elle avec un mouvement de recul.
- Lui-même. »
D’un geste rapide, je plante le tesson de verre dans sa carotide. Pleurnicheuse tressaille, écarquille des yeux horrifiés, s’effondre sans un bruit. Au même instant, la carriole enflammée percute un autre chariot dans un fracas du tonnerre. Les jarres d’huile se brisent, leur contenu s’embrase, un concert d’exclamations paniquées s’élève. Personne ne semble m’avoir remarqué, je m’autorise un soupir de soulagement. Il ne reste plus qu’à me débarrasser discrètement du corps pendant que le reste de la caravane essaye d’éteindre l’incendie. Ensuite, je fauche un cavalin quand le convoi repart et je disparais. C’est parfait.
Trop parfait.
Cette histoire pue l’embrouille à des kilomètres. D’ordinaire quand j’élabore un plan il vire toujours à la catastrophe. Je ferais mieux de mettre les voiles au plus vite avant que ma poisse légendaire ne s’en mêle.
« Dalo, tu veux bien me filer un coup de main ? »
J’attrape le cadavre de Pleurnicheuse par les bras et je regarde le Souterreux en espérant qu’il comprenne. Le pauvre hère pose ses yeux globuleux sur la milicienne, penche la tête de travers, me dévisage avec un mélange d’horreur et de fascination. Pour la première fois de la journée, ce cher Dalo se montre un peu plus expressif qu’un concombre de mer. Il coasse :
« Djinn tuer ?
- Désolé, mon vieux. Elle ne m’a pas vraiment laissé le choix.
- Jaken ? »
Mince. Le voilà, mon premier grain de sable dans l’engrenage. Forcément, puisque Pleurnicheuse a crié mon nom juste avant de mourir, Dalo sait qui je suis. Je me fige brusquement, détaillant le Souterreux de la tête aux pieds, sur le qui-vive. Même un abruti comme lui connaît forcément le nom de Jaken Main-Noire. S’en suit la question à mille tonneaux d’eau potable : va-t-il me dénoncer au Guet ?
La prudence me hurle de détrancher cet idiot, d’abandonner les corps dans la poussière et de disparaître à toute vitesse pendant qu’il en est encore temps. Mais une autre voix plus pragmatique me souffle que sans l’aide de Dalo, je n’ai aucune chance de quitter la caravane en vie. Si je pars en laissant deux cadavres derrière moi en évidence, les Sorcelames se lanceront à ma poursuite et n’auront aucun mal à me rattraper. Leurs cavalines sont plus rapides et plus endurantes que les palefrois massifs qui tractent les chariots.
Je vais sans doute le regretter plus tard, mais je choisis de faire confiance à Dalo.
« Oui, Jaken c’est mon vrai nom. Jaken Main-Noire, tu as déjà entendu parler de moi ? »
Il acquiesce. Lentement, mais il a compris. Finalement ce bougre n’est peut-être pas aussi stupide qu’il n’y paraît. Je commence sérieusement à le soupçonner de jouer les imbéciles pour éviter les corvées pénibles et exaspérer les soldats du Guet.
« Jinn s’appelle Jaken, grommelle-t-il. Dalo s’appelle Timet. »
Bingo. Qu’est-ce que je vous disais ? Le voilà capable de s’exprimer presque normalement ! Moralité, les apparences à Ambreciel sont souvent trompeuses. Je ne peux m’empêcher de sourire malgré moi. Finalement, on dirait que les Souterreux dont on m’a confié la garde sont plus malins que les autres habitants des Fosses.
« Ravi de faire ta connaissance, Timet. Maintenant que les présentations sont faites, tu veux bien m’aider ? »
Il a un léger mouvement de recul, la vue du cadavre de Pleurnicheuse le dégoûte. Je peux le comprendre, c’est une sensation normale lorsqu’on n’est pas habitué à reluquer des macchabées. Moi à force, j’ai complètement oublié ce que ça fait.
Un coup d’œil vers la caravane m’apprend que le capitaine Dolan est de retour. Il est en train d’utiliser les pouvoirs de sa Lame d’Arcane pour éteindre le chariot incendié. Aucune trace de Syndra ni de son ami palefrenier, mais je n’ai pas vraiment le temps de m’en inquiéter. J’ai repéré une fissure assez large pour y balancer le corps de Pleurnicheuse tout à l’heure. Je dois absolument me débarrasser d’elle avant de me faire repérer.
« Allez, Timet ! Accélère le mouvement s’il-te-plaît ! »
Dalo refuse obstinément d’approcher. Il prend sa tête entre ses mains, se laisse tomber à la renverse et se met à pleurer. C’est bien ma vaine ! Non seulement il est long à la détente mais en plus c’est un trouillard émotif. Le combo parfait de l’acolyte inutile. Par les couilles de Morgulath, j’ai vraiment l’art de les collectionner !
Soudain, pendant que je commence à désespérer, des cris stridents venus du ciel ajoutent un vent de panique à la confusion qui règne déjà dans le convoi.
« Les hurle-au-vent ! s’égosille un soldat terrorisé. Une tempête approche !
- Il faut trouver une borne de Façonneur, capitaine !
- En selle, messieurs ! Faîtes avancer ces traîne-misère sinon je vous abandonne au milieu du désert ! »
Dolan talonne sa cavaline et s’éloigne à bride abattue vers la tête du cortège. Gros-Balourd prend le relai de son capitaine et braille d’une voix de stentor :
- Allez, les bouseux ! Vous avez entendu le Sorcelame, le spectacle est terminé ! Remettez-vous en rang et plus vite que ça !
- Que fait-on des chariots endommagés, sergent Boc ?
- Laissez-les. On reviendra chercher le matériel quand la tempête sera passée. »
Ni une ni deux, la fourmilière s’active pour se mettre en sécurité. Si les Fangeux traînaient des pieds depuis le départ d’Ambreciel, la perspective de finir broyés sous un déluge de roche leur a donné des ailes. Gros-Balourd hurle comme un sombre-échine enragé, il passe au milieu des groupes pour cogner les retardataires avec sa hallebarde. Mon cœur s’emballe en le voyant approcher, le voilà déjà à hauteur des montures de rechange et des palefreniers. Dans moins d’une minute, il posera les yeux sur moi et sur le cadavre de Pleurnicheuse à mes pieds.
« Écartez-vous, Jaken ! s’exclame une voix à proximité. Nous allons vous aider. »
Je me retourne et me retrouve nez-à-nez avec une dizaine de Souterreux métamorphosés. La bande des catacombes n’a plus rien à voir avec les limaces placides que j’ai rencontrées plus tôt dans la matinée. Comme je le soupçonnais, j’ai face à moi des hommes faibles mais parfaitement sains d’esprit et déterminés. Ils cachaient bien leur jeu, ces fumiers ! Celui qui vient de me parler semble être leur chef, c’est un individu de petite taille que j’ai confondu avec un enfant avant le départ d’Ambreciel. À bien y regarder maintenant, son visage ridé et ses yeux pleins de sagesse trahissent son âge avancé.
« Poussez-vous, m’ordonne-t-il d’un ton pressant. Le sergent Boc arrive. »
Je m’écarte, à la fois surpris et trop faible pour contester son autorité. Pour une fois dans ma vie je suis soulagé que quelqu’un me donne des ordres. Avec une efficacité redoutable, deux Souterreux soulèvent le cadavre de Pleurnicheuse et l’étendent au pied d’un arbre mort. Je ne comprends pas bien ce qu’ils fabriquent jusqu’au moment où je remarque des anneaux concentriques qui se dessinent à cet endroit dans la poussière. Un rictus mauvais étire le coin de mes lèvres.
Alors là franchement, ils ont eu une idée de génie.
Les autres Souterreux ramassent des morceaux de pierre poreuse un peu plus loin. Lorsqu’ils les arrachent du sol, des centaines de gros scarabées noirs s’enfuient dans toutes les directions. Un nid de perce-roches ! C’est exactement ce qu’il fallait. À toute vitesse, ils empilent près du cadavre une dizaine de pierres et reculent. Le sol se met à trembler imperceptiblement et un léger grondement retentit. L’instant d’après, la terre se déchire et un bruit de succion écœurant parvient à mes oreilles. Le crache-sable qui sommeillait en-dessous aspire goulûment les rochers, les insectes et le corps de la milicienne qui disparaît dans son énorme gueule. J’en connais un qui va avoir une sacrée surprise au moment de sa digestion !
En un éclair le festin macabre se termine, ne laissant derrière lui qu’une fissure d’un mètre de large. Il était temps ! Quelques secondes plus tard, Gros-Balourd déboule sur un cavalin large d’épaules et pose sur nous un regard furieux. Les Souterreux ont déjà repris leur faciès de crapauds comateux. Le sergent stoppe sa monture dans un nuage de poussière.
« Allez les affreux ! On se remet en route, une tempête se lève !
Puis, constatant que quelque-chose cloche, il lance à mon intention :
- Il se passe quoi au juste avec la pleurnicheuse ? »
Mon cœur manque un battement, j’ai l’impression qu’une boule énorme se coince en travers de ma gorge. Puis je suis des yeux la main tendue du sergent et je comprends avec soulagement qu’il parle de Dalo, toujours prostré au sol en train de pleurer.
« Il a peur du souffle de la Dévoreuse, je crois.
- Il a bien raison, grogne Boc en reniflant. À ta place l’ivrogne, je ferais avancer ces abrutis au pas de course. Le capitaine n’attend pas les retardataires.
Il observe les Fangeux d’un regard dégoûté, fronce les sourcils et demande encore :
- Eh, une minute ! Où est passée Renia ?
C’est la question que je redoutais, mais cette fois je m’y suis préparé. Je hausse les épaules avec l’air indifférent du type qui s’en moque comme de sa première chemise. D’un geste, je désigne une direction au hasard.
- Elle est partie pisser derrière la dune, là-bas. »
Gros-Balourd lève un sourcil étonné. De toute évidence, il est partagé entre l’envie d’aller vérifier et la crainte de la tempête qui arrive. Il ne me croit pas, ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Son regard suspicieux balaie les environs, se pose sur la fissure où le crache-sable commence sa digestion. On peut clairement entendre le souffle rauque de l’animal, il soulève un nuage de poussière rouge à chacune de ses expirations. Je croise les doigts et je prie Ran le Tout-Puissant pour qu’il ne recrache pas un morceau d’armure au mauvais moment.
- Dépêche-toi de la prévenir, ordonne Gros-Balourd d’un ton acerbe. Si elle se retrouve piégée dans la tempête, je m’occuperai personnellement de ton cas. »
Puis il fait volter son cavalin d’un mouvement brusque et lui laboure les flancs avec ses éperons. La bête se cabre, le soldat reste en selle, ils s’éloignent à toute vitesse en remontant la caravane. Je pousse un soupir de soulagement et m’oblige à respirer lentement pour calmer mon stress. Il n’y a pas une minute à perdre, on entend déjà le tonnerre gronder à l’horizon. Je trouverai comment justifier l’absence de Renia-Pleurnicheuse plus tard.
Comme par enchantement, une fois le sergent Boc parti les Souterreux retrouvent leur sérieux et leur intelligence. Je m’approche de celui qui semble être leur chef. Les remerciements ça n’a jamais été mon fort mais je lui dois une fière chandelle.
« Merci du coup de main, dis-je en inclinant la tête.
Il penche la sienne sur le côté comme le faisait Dalo un peu plus tôt. On dirait que c’est une manie chez eux de regarder les gens de travers. Au sens littéral du terme.
- Jaken a donné de l’eau, coasse-t-il d’une voix rocailleuse. Jaken n’est pas mauvais.
Puis il pose un doigt sur sa poitrine.
- Moi Joba. Je suis le chef des catacombes. Timet est mon fils.
J’observe Dalo et le dénommé Joba avec attention, cherchant vainement à déceler chez eux un trait de ressemblance. Le premier est grand et émacié, le second petit et rachitique. Leur maigreur semble être leur seul point commun.
- Elle Gwidis, continue le Souterreux en désignant une Fangeuse à sa gauche. Et lui Bajdar, frère de Joba. »
Je leur adresse un sourire hésitant avant de le couper sèchement. Ce type a l’air parti pour me présenter toute sa famille et vu son enthousiasme, il risque d’inclure ses ancêtres sur quinze générations. Non seulement je m’en fous complètement, mais en plus il a vraiment mal choisi son moment.
« Joba, la tempête arrive ! On ne doit pas rester là !
- Jaken est malin, acquiesce-t-il avec un sourire.
Puis il lance un appel guttural qui me fait vaguement penser au cri d’agonie d’un boursoufleux qu’on égorge. Les quelques Fangeux restés près du crache-sable nous rejoignent en courant.
- Le vent du démon approche ! hurle Joba à leur intention. Il faut trouver refuge ! »
Aussi vite que nos faibles jambes peuvent nous porter, nous nous remettons en marche. Il n’est plus question de s’échapper du convoi désormais : la priorité absolue est de réussir à s’abriter. Si nous ne parvenons pas à atteindre une borne de Façonneur, nous sommes tous morts. Je déteste cette idée mais notre salut repose entre les mains du capitaine Dolan. Il faut à tout prix que nous rejoignions le reste de la caravane avant qu’il n’active la barrière de protection.
À cet instant un prodigieux coup de tonnerre déchire le silence du désert. Je me retourne pour estimer le temps dont nous disposons. La peur me tord les entrailles avec une force que je n’ai jamais connue. Sous mes yeux un gigantesque mur de sable s’élève, un rideau de noirceur et de colère qui progresse à toute vitesse en détruisant tout sur son passage. La puissance du cyclone est telle qu’il déracine des arbres et semble éventrer la roche. C’est une bête monstrueuse, furieuse et insaisissable qui rugit, gronde et fracasse. Une vision cauchemardesque qui déferle sur nous dans une ambiance de fin du monde.
Le souffle de la Dévoreuse.
« COUREZ ! »
Je m’efforce d’accélérer mais mes jambes n’y parviennent plus. Je trébuche et je m’écrase dans la poussière en criant. Devant moi, Dalo et Joba font demi-tour pour venir me chercher. Ils abandonnent leurs paquetages, m’attrapent chacun par un bras et se mettent à courir.
Essaient de courir.
Malgré tout leur courage et leurs efforts, on avance à un rythme d’escargot. Un nouveau coup de tonnerre déchire le ciel et un grand projectile nous frôle. C’est une roue de chariot brisée que la tempête propulse avec une force phénoménale. Avec horreur, je la vois heurter un Souterreux à l’arrière du crâne : le Fangeux s’écroule face contre terre et cesse subitement de bouger.
« Bajdar ! »
Joba me lâche, s’élance pour porter secours à son frère. Je le retiens in-extremis par la manche de sa tunique crasseuse.
« Laisse-le ! parviens-je à crier. Il est déjà mort, tu ne peux rien pour lui ! »
Mais le chef des Souterreux se dégage brutalement et se précipite. Le vent s’engouffre dans sa tunique en rugissant, il peine à garder l’équilibre. Déjà ce n’est plus qu’une silhouette vacillante dans le mur de sable qui nous entoure. Quelques secondes plus tard, la tempête le fauche comme un fétu de paille.
« Non ! »
Dalo fait mine de le rejoindre mais cette fois je parviens à l’en empêcher. Il me dévisage de ses yeux globuleux remplis de larmes, s’accroche à moi avec l’énergie du désespoir et recommence à marcher. Perdus dans l’obscurité, nous avançons péniblement sans point de repère. Le souffle de la Dévoreuse a englouti le monde, tout n’est plus que chaos à perte de vue. Du sable fouette ma peau, irrite mes yeux et rentre dans mes poumons à chaque inspiration. Je tousse et je m’étrangle, j’ai l’impression que mon cœur va exploser dans ma poitrine. À côté de moi, Dalo s’écroule à son tour.
« Timet ! »
Je l’attrape par les épaules et le secoue de toutes mes forces. Le rugissement du vent est tel que je ne m’entends plus crier. Dalo ouvre un œil, croasse quelques mots inaudibles, sombre de nouveau. Résigné, je l’attrape par les poignets pour le traîner derrière moi et me remets en marche. Par les couilles de Morgulath, où peut bien être cette caravane ? J’ai beau chercher dans toutes les directions, je n’aperçois nulle part le scintillement du bouclier des Façonneurs. À ma droite, un rocher de la taille d’un bœuf s’écrase comme si un géant ou une catapulte l’avait projeté à travers le cyclone. Le sol tremble, je tombe douloureusement à genoux et une pierre charriée par le vent me frappe à l’épaule. Avec horreur, je vois une fissure s’ouvrir à moins d’un mètre de nous et s’étendre à toute vitesse. La terre s’abîme dans ce gouffre sinistre comme un torrent dévalerait des montagnes. Pétrifié, j’imagine la gueule béante d’un monstre titanesque qui se jette sur moi et je sens que je bascule vers les ténèbres.
Dans un vacarme épouvantable, l’effondrement m’entraîne dans les profondeurs.
C'était un plaisir à lire !
Je comprends que le début de chapitre ait pu te déstabiliser un peu, d'autant que tu reprends la lecture de Jaken après une pause assez longue. Tu verras qu'il se livre assez régulièrement à ce genre de commentaires au début de ses chapitres, c'est une manière amusante de faire un petit rappel au lecteur des évènements précédents.
Pour le reste, je suis content que le chapitre t'ait plu et soit agréable à lire :)
Le coup des Souterreux, j'avoue que j'en suis assez fier car on ne le voit pas forcément venir et ça rajoute encore une touche d'humour, le lecteur se sent idiot lui aussi de s'être fait berner.
Tu verras que le rythme ne faiblit pas dans les prochains chapitres, et que notre pauvre Jaken n'est pas au bout de ses emme*des... il a vraiment une poisse légendaire x)
Au plaisir, et bonne lecture ;)
Ori
Le personnage de Jaken est décidément celui que je préfère - probablement parce qu'il a vraiment une singularité particulière (là où les autres sont peut-être plus classiques dans leur approche à mon goût, ce qui n'est pas un mal en soi non plus^^).
Rien à dire de particulier. Quand c'est bien, c'est bien ^^
Content que ce chapitre te plaise, ça ne m'étonne pas du tout que Jaken soit ton personnage point de vue préféré. Il est décalé, cynique et original par rapport aux autres et je m'éclate beaucoup à écrire ses chapitres ^^
Merci de ton commentaire et à bientôt pour la suite
Ori
J’ai trouvé ce chapitre moins rythmé et moins prenant que les autres. Sauf que je ne sais pas pourquoi et que je ne parviens pas à argumenter. Donc, ça te fait une belle jambe. J’en suis navrée…
Propositions de correction :
Je me trouve avec les Souterreux à l’arrière de la caravane, à environ trois-cent mètres des autres travailleurs
→ trois cents (pas de tiret et un « s » à cent)
Pas de soucis, inutile de t'excuser on a tous le droit d'avoir notre ressenti et c'est normal. Le début du chapitre effectivement est assez lent, mais c'est une volonté pour coller avec le ressenti de Jaken qui marche dans le désert avec cette caravane sous un soleil brûlant.
J'espère que la suite te séduira davantage :)
Bah voilà, un très bon chapitre celui-là !
Rien à dire, j’aime bien la personnalité de Jaken, la façon amusante dont il s’adresse à nous. Les péripéties s’enchaînent bien. Petit bémol sur sa mission d’enflammage du chariot, elle devrait avoir plus d’effets car là elle ne sert pas à grand-chose au final. La fin est bien, la tempête est bien décrite et tu as un effet page turner avec le dernier paragraphe qui est réussi.
Alerte incohérence : si Jaken s'est fait fouetté, ne devrait-il pas être dans un état lamentable ici ? Ou du moins brisé ? Je m'attendais à le retrouver en mode tout pourri. Mais j'avoue que je le préfère comme ça !
Je me suis dit un truc qui ferait plus « adulte » : pourquoi Jaken et Syndra ne seraient-ils pas un vieux couple qui a rompu mais qui se tourne encore autour ? Tu me dis que tu souhaitais faire de Syndra un personnage fort, ce serait donc mieux si elle était plus aguerrie et plus âgée ? De l’âge de Jaken par là ? (ce n’est qu’une idée, mais tu sais, c’est parce que j’aime pas les histoires d’ado et puis les chapitres avec Jaken sont vraiment bien !).
Mes notes :
« Je souris imperceptiblement tandis que les pièces de mon stratagème s’assemblent dans mon esprit. Si cet imbécile de Dolan pense m’avoir brisé définitivement, il va apprendre que Jaken Main-Noire ne renonce pas si facilement.”
> Attention aux trois adverbes
« elle m’assaisonne le dos d’un généreux coup de fouet »
> Encore ?
« t’as besoin de lumière pour pisser en plein soleil ? »
> Que fait le garde avec une lanterne ?
> Et pourquoi il s’empare pas direct de sa lanterne de force, surtout si c’est pour la jeter par terre ?
« Alors là franchement, ils ont eu une idée de génie. »
> Ce serait pas mieux si c’était lui qui avait cette idée ?
« qu’il parle de Dalo, toujours prostré au sol en train de pleurer. »
> Ça m’a fait rire
« - Elle est partie pisser derrière la dune, là-bas. »
> Pourquoi il dirait pas un truc du genre « elle a essayé d’arrêter le convoi en flamme. Elle doit être par là-bas. » Ce serait plus crédible non, que juste partir pisser ?
« À côté de moi, Dalo s’écroule subitement à son tour. »
> Je virerais « subitement »
Si tous les chapitres étaient comme ceux de Jaken, moi j'aimerais beaucoup ce livre :-)
Au plaisir de lire la suite,
Merci pour tes compliments sur ce chapitre, ça fait chaud au cœur ! De manière générale, les gens semblent effectivement adorer les chapitres ayant Jaken pour narrateur. Ça ne me surprend pas vraiment, car c'est lui qui tient le côté comique/décalé du roman à bout de bras, et je m'éclate à écrire ces chapitres donc ça se ressent sûrement à la lecture.
"Alerte incohérence : si Jaken s'est fait fouetté, ne devrait-il pas être dans un état lamentable ici ? Ou du moins brisé ?"
--> On ne peut pas dire qu'il soit au mieux de sa forme quand même, hein ! Après, une info que tu as sûrement loupée car tu as sauté cette partie du chapitre 3 : quand il a reçu le fouet, Syndra a non seulement encaissé une grande partie de la punition à sa place à l'aide de sa magie, mais en plus les blessures de Jaken se sont partiellement refermées. Ce qui explique qu'il soit faible, mal en point mais pas totalement brisé comme on peut s'y attendre. Ce qui lui permet, d'ailleurs, de surprendre Renia car elle ne s'attendait pas à ce qu'il lui saute dessus pour la poignarder.
« t’as besoin de lumière pour pisser en plein soleil ? »
> Que fait le garde avec une lanterne ?
> Et pourquoi il s’empare pas direct de sa lanterne de force, surtout si c’est pour la jeter par terre ?
--> Si tu relis ce passage, tu constateras que ce n'est pas Pleurnicheuse qui a une lanterne. Jaken prend celle de Dalo.
« Alors là franchement, ils ont eu une idée de génie. »
> Ce serait pas mieux si c’était lui qui avait cette idée ?
--> L'idée était de montrer que finalement, contrairement à ce qui paraissait, les Souterreux sont rusés. À la base, Jaken n'est pas non plus complètement paumé, il sait ce qu'il veut faire du cadavre : le balancer dans une crevasse. Sauf que les Souterreux arrivent pour l'aider et ont une meilleure idée que lui.
« - Elle est partie pisser derrière la dune, là-bas. »
> Pourquoi il dirait pas un truc du genre « elle a essayé d’arrêter le convoi en flamme. Elle doit être par là-bas. » Ce serait plus crédible non, que juste partir pisser ?
--> Je note l'idée, elle n'est pas mauvaise. J'avais évoqué "partie pisser" car dans ce moment de pression, à la place de Jaken, on balancerait la première excuse qui nous passe par la tête. Et comme il a prétendu devant Pleurnicheuse qu'il allait pisser pour pouvoir la tuer, ça me semblait logique que ce soit ça, le premier truc qui lui revient à l'esprit.
Merci pour les adverbes, je sais que j'ai tendance à en utiliser trop, ça me facilitera le travail pour les virer lors des corrections ;)
"Je me suis dit un truc qui ferait plus « adulte » : pourquoi Jaken et Syndra ne seraient-ils pas un vieux couple qui a rompu mais qui se tourne encore autour ? Tu me dis que tu souhaitais faire de Syndra un personnage fort, ce serait donc mieux si elle était plus aguerrie et plus âgée ? De l’âge de Jaken par là ?"
--> Je n'ai pas du tout prévu que Jaken et Syndra se mettent en couple ou qu'il y ait une histoire d'amour entre eux. Ce que Syndra éprouve est à sens unique. Toutefois, l'idée d'une Syndra adulte peut être intéressante pour sortir de l'effet "YA" que tu ne cesses de dénoncer depuis le début du roman. Cela imposerait une réécriture intégrale du roman et du personnage de Salim, donc je ne vais pas m'y risquer pour le moment. Mais je garde cette idée dans un coin de ma tête, on verra si je me risque à effectuer cette correction ou non.
À bientôt pour la suite !
Ori'
Très sympa ce chapitre. J'adore la narration de Jaken, son humour est toujours aussi efficace. J'attendais de le retrouver en narrateur avec impatience et je n'ai pas été déçu. Les moments où il parle directement au lecteur ou évoque le scénario sont savoureux.
Très sympa de travailler le passé du personnage, avec ce Helirio Sirias (ou quelque chose du genre^^) qui reviendra probablement à un moment vu la façon dont tu le présentes.
L'ambiance du désert est intéressante. Ca me rappelle un peu l'univers de Dune, surtout le passage où la grosse bébête avale le corps^^
Très intéressant la bande de Souterreux, le fait qu'ils fassent semblant d'être stupides. Je suis un peu partagé au sujet de la mort. Ca fait un peu : on n'a plus besoin de vous pour le scénario. Et en même temps, ça montre la fragilité de la vie dans ton univers et ça peut être intéressant pour développer Dalo qui est le seul à avoir survécu. Tout dépend de la suite!
Mes remarques :
"Faites-moi plaisir, oubliez le nom d’Helirio Silas et cette confession ridicule. Moins vous en saurez sur mon passé, mieux ça vaudra pour vous." très bonne idée d'écrire ça, c'est le meilleur moyen de nous faire retenir xD (psychologie inversée^^)
"Dalo me regarde comme un navet dans un champ de betteraves" xD
"Par les couilles de Morgulath, j’ai vraiment l’art de les collectionner !" peut-être une autre expression, tu l'as déjà utilisée un peu avant donc elle a moins d'effet. à moins que ce soit volontaire ?
"Faîtes avancer ces traîne-misère" -> faites
"Comme par enchantement, une fois le sergent Boc parti les Souterreux retrouvent leur sérieux et leur intelligence." -> Une fois le sergent Bloc parti, les Souterreux retrouvent leur sérieux et leur intelligence comme par enchantement ?
"Ce type a l’air parti pour me présenter toute sa famille et vu son enthousiasme, il risque d’inclure ses ancêtres sur quinze générations. Non seulement je m’en fous complètement, mais en plus il a vraiment mal choisi son moment." ahah ^^
"Puis il lance un appel guttural qui me fait vaguement penser au cri d’agonie d’un boursoufleux qu’on égorge." xD
"À cet instant un prodigieux coup de tonnerre déchire le silence du désert." virgule après instant ?
Un plaisir,
A bientôt !
Je me doutais bien que ce chapitre allait te plaire ! Le récit commence à devenir plus sombre mais Jaken est toujours là pour casser les codes et mettre l'ambiance ^^
La mort de Bajdar et Joba est rapide, mais ce ne sont pas des personnages auxquels le lecteur s'attache particulièrement. Et comme tu le dis si bien, elle est nécessaire pour développer davantage le personnage de Timet (ou Dalo, puisque Jaken continue de l'appeler comme ça).
L'ambiance du désert est (attention, mauvais jeu de mot dans 3, 2, 1...) mortelle (j'avais prévenu), mais je suis content qu'elle te plaise. J'ai lu les romans du cycle de Dune il y a longtemps, je n'ai en revanche jamais vu l'adaptation au cinéma donc je n'ai pas vraiment de visuel en tête pour comparer. Ce que je voulais, c'était un contraste saisissant entre une lande dévastée et stérile mais calme en apparence, l'ennui de Jaken qui regarde défiler le paysage morne et le chaos qui s'abat d'un seul coup, presque sans prévenir, quand la tempête surgit.
Je pense qu'il y a encore moyen de faire mieux sur ce jeu de contrastes, mais je verrai ça au moment de la réécriture.
Pour l'heure, j'ai pris une pause sur mon rythme de publication pour des raisons personnelles, mais le prochain chapitre de Jaken ne devrait pas tarder ;)
Merci pour tes remarques et ton commentaire, à tout bientôt !
Ori
Oui, c'est sûr qu'il y a beaucoup de choses à faire en terme d'ambiance (=
Bon courage pour l'écriture de la suite alors (=
J'ai trois chapitres d'avance qui sont déjà terminés, mais ils doivent absolument passer par la case relecture avant que je les publie ici, et c'est pour cette étape-là que le temps m'a manqué ces dernières semaines ^^
J'ai juste une remarque à propos des digressions de Jake au début du chapitre. J'ai eu du mal à comprendre si c'était du pur second degré ou si tu nous lâchais des pièces du puzzle de sa vie. Dans le second cas, je trouve ça un peu bizarre que Jaken "écrive contre son gré" des épisodes de sa vie qu'il préfère garder secrets, sachant qu'il pourrait... juste déchirer la page et la réécrire ? ^^
Content que la trame autour des Souterreux t'ait plu, ce n'est qu'un petit twist pour faire sourire le lecteur et avancer un peu l'histoire mais ça fait toujours plaisir 🙂
Concernant les digressions, il s'agit effectivement de morceaux de la vie de Jaken. Après, ce côté "je suis un criminel mystérieux et je protège mon identité" fait partie du personnage qu'il construit autour de lui pour se protéger et se donner un genre, c'est sa carapace.
Pour le côté "déchirer la page" en revanche ça n'est pas possible mais on découvrira pourquoi à la fin ^^
Hélirio Silas… je sais que je devrais retenir ce nom et ce bout d’histoire, j’espère juste que ma mémoire fera son travail. A mon avis, on entendra de nouveau parler de lui…
Quand j’ai lu qu’il voulait s’enfuir juste avant la tempête, j’avoue, j’ai lever les yeux au ciel : on sait direct que même s’il y arrive, du coup, ça va foirer.^^ Et c’est très drôle.
Pour une fois, il a eu de la veine, en vrai, et de l’aide, surtout. Enfin, pas longtemps, mais quand même… ^^ Il va s’en sortir, forcément, mais c’est terrible de ne pas avoir la suite ! Vraiment, ton histoire est terrible ! Si c’était un libre fini, je l’aurai dévoré d’une traite. Mais bon, pas de bol, il faut attendre ^^ à bientôt 😉
Effectivement, l'anecdote sur Helirio aura son importance plus tard. Mais c'est pas grave du tout si d'ici-là, ce nom a disparu de ta mémoire. Au contraire, c'est un peu l'effet recherché. Je distille les infos sur le passé de Jaken par petites touches, jusqu'à assembler le puzzle au moment nécessaire. Comme ça le moment venu, ça fait tilt et on se rappelle de plein de choses :p
Si tout va bien, le chapitre suivant arrive début de semaine prochaine ;)
Je vais adorer rassembler les pièces, sois en sure ! ^^
J'ai commencé ton livre cet après-midi et ... j'ai lu tous les chapitres !
Je ne dois donc pas te convaincre du fait que j'ai aimé ;)
J'aime le passage entre les personnages - je pense que s'il n'y avait que le style de narration de Jacken, cela pourrait me lasser à un moment. Alors qu'ici tu divertis tout en apportant des perspectives différentes et des personnages qui semblent, ma foi, (dis)semblables (sauf pour certains traits) mais complémentaires. A voir dans la suite!
Ton monde est vraiment bien contrôlé - on voit que tu l'as travaillé et retravaillé (me trompé-je?) Avec ses lieux, ses monstres, ses castes... Chapeau bas, vraiment. Le plus impressionnant étant qu'on ne sent pas l'effort, tout le travail derrière - tu le racontes de manière tout à fait naturelle au cours de l'histoire.
L'épisode avec l'apparition de la princesse durant la tempête m'a fait penser au Seigneur des Anneaux (quand Galadriel parle à Frodo). Mais tu as ta patte bien à toi. As-tu déjà lu les Terry Pratchett? Si non, je pense que tu pourrais aimer ce mélange de fantasy, d'humour, de critique sociale. Des tonnes de personnages, du plus naïfs aux cyniques. Mordant et hilarant (surtout son contrôle des bas de page).
J'attends de dévorer la suite!
Merci pour ce retour qui fait vraiment chaud au cœur !
Le roman repose en effet beaucoup sur les changements de narration et de point de vue, c'est un exercice que je n'avais jamais eu l'occasion de faire à la première personne jusqu'à maintenant. Dans l'ensemble ça fonctionne plutôt bien et ça plait aux gens, donc c'est une agréable surprise !
J'ai évidemment des influences sur ce récit, que ce soit LOTR, Pratchett, Jonathan Stroud et bien d'autres. J'essaye simplement de ne pas faire du réchauffé et d'écrire avant tout un texte qui me ressemble. Je ne m'inspire pas des autres, s'il y a une vibe de Pratchett dans Jaken Main-Noire, c'est évidemment flatteur mais non prémédité.
En ce qui concerne l'univers, je travaille dessus depuis plus de quinze ans. Jaken en revanche est une création récente et totalement improvisée pour le Nano de juillet dernier.
Ambreciel et son système de castes sont des ajouts pour l'occasion, ce qui explique en partie que la distinction Vertueux/Anormaux/Fangeux soit assez simple en comparaison du reste.
Du reste, si tu aimes la fantasy, je ne peux que t'encourager à jeter un œil à mon roman principal, le Sildaros, qui évolue dans le même univers avec l'humour de Jaken en moins (on est plus sur de la fantasy "classique").
En tout cas, je te remercie encore une fois pour ce commentaire et toute la motivation qui va avec.
Bonne lecture,
Ori'
Je comprends mieux que tu contrôles si bien ton univers... Je vais aller voir du côté de Sildaros!
Bonne continuation pour l'écriture du prochain chapitre :)
Exfiltration réussit ! Le voilà délivré de la caravane. Personne viendra le chercher là où il est. L’incendie, j’étais sûre que c’était lui. XD Quand t’as fini sur les caravanes qui crament, je me suis dit, ça, c’est encore un coup de Jaken la Poisse. Mais cette fois, c’était pas un accident, donc y a du progrès. Son plan était pas loin de marcher.
C’est marrant comme on nage entre deux eaux avec Jaken. Il montre de la compassion envers les Souterreux, au point de risquer sa vie pour sauver Timet, par contre il égorge la soldate sans sourciller. Bon, après tout ce qu’elle lui a fait, je comprends qu’il ait pas de remord. Malgré ça, et malgré le ton humoristique, j’ai pas pu m’empêcher de trouver l’acte glaçant. Ce qui n’est pas un reproche, hein, au contraire. Ça rappelle bien que le personnage, derrière ses airs sympathiques, peut faire des trucs assez crades. Et en même temps, il a quand même son code d’honneur à lui. Ça en fait un personnage nuancé et intéressant.
Et c’est qu’on a même eu droit à un morceau de son passé. :p Il a « rejoint » Ambreciel… donc il y est pas né ? Je me demande d’où il vient et qui sont ses parents, comment il s’est retrouvé à faire ce qu’il fait… Suspense, quand tu nous tiens.
Lui et Dalo/Timet forment un excellent duo comique ! C’est peut-être le début d’une grande amitié (laisse moi y croire). En tout cas, je tire mon chapeau aux Souterreux, jouer les imbéciles, c’est une bonne stratégie de survie. Personne les soupçonne de rien, et j’imagine qu’on leur en demande pas trop. C’était tristou de les voir mourir dans la tempête.
Merci pour la lecture, en tout cas ! J’ai passé un bon moment en compagnie de Jaken et j’ai hâte de voir comment il va survivre à cet ensevelissement.
Ton "exfiltration réussie, personne viendra le chercher là où il est" en début de commentaire m'a fait éclater de rire, je ne suis pas convaincu que Jaken en dirait autant x)
J'aime aussi le duo que forment Jaken et Timet. C'est rafraîchissant, et pour permettre à la Main-Noire d'exprimer pleinement son cynisme, il lui faut un faire-valoir.
Comme tu l'as remarqué, on nage encore une fois dans le paradoxe de Jaken dans ce chapitre : il prétend être le pire type de l'univers mais il s'attache souvent à ses compagnons d'infortune ; il est capable de se mettre en danger pour sauver ceux qui, selon lui, le méritent... mais pour les autres, il ne montre aucune pitié.
Content que l'histoire continue de te séduire, et à bientôt pour un prochain chapitre !
(peut-être Noël, qui sait... mais je ne promets rien :p)