Au fil des lunes, ses quartiers étaient devenus son refuge. Ici, au moins, elle n’avait plus à prétendre, ni à endurer les discussions interminables de la cour. Elle aimait aussi se rendre à l’atelier et retrouver Primo. Le vieux maître l’intriguait un peu plus à chaque visite, et lui enseignait avec passion les caractéristiques des pousses de son jardin, et de comment leur substrat influait sur le pouvoir d’une potion.
Maeve savait qu’elle avait des lacunes. Au camp, on leur remettait les potions dont ils avaient besoin pour l’entraînement. Il n’avait jamais été question de les choisir. Même une fois au sein de l’armée, cette tâche n’était échue qu’à de rares personnes. Sa tante Mayha, en sa qualité de commandante de la division de magerie, en avait jadis fait partie. Primo pensait au contraire que la connaissance des potions était essentielle aux mages. Avec lui, elle apprenait peu à peu à discerner certaines caractéristiques. Feûlées, telluriennes, végitiennes, aérennes, de consolidation comme de projection. Toutes avaient un parfum qui leur était propre, et dont elle apprenait peu à peu à distinguer les saveurs. Et si elle ne pouvait se soustraire à consacrer chaque jour du temps à des mondanités pour lesquelles elle n’avait que peu de patience, ses visites à l’atelier et son entraînement artisanal égayaient son quotidien.
Elle ne se sentait pourtant jamais libre. Même dans ces moments, les gardes lui collaient toujours au flanc. Elle aurait aimé pouvoir s’éclipser, passer une journée sans être suivie en tout instant, mais la vie au palais lui avait vite montré qu’un tel luxe lui était impossible. Une princesse était trop importante pour être laissée seule, et même quand il ne s’agissait pas de sécurité, c’étaient ses suivantes qui ne la lâchaient pas. Même pendant ses cours de Dennois classique, Dame Gina tenait à assister à ses moments de torture. Si la princesse s’était d’abord étonnée de cette requête, elle fut plus surprise encore lorsque la femme lui soutint qu’elle avait apprécié le spectacle et qu’elle reviendrait y assister « avec joie ». Décidément, ces gens n’étaient pas faits du même bois. Car Maeve croyait résolument à la sincérité de cette femme. Lors de toutes ces sorties, ces repas mondains, ces bals, elle sentait bien que les courtisans nourrissaient à l’idée de sa compagnie un enthousiasme qu’elle ne partageait pas.
« Si seulement je pouvais être invisible… dit-elle à Naouri une fois rentrée de son cours.
— C’est un drôle de vœu, pour une princesse. Mais au moins, votre vœu à vous, il peut se réaliser, continua la domestique.
— Il n’existe pas de potion, pour ça.
— Pas besoin de magie pour disparaître. »
La jeune fille fixa Naouri, incrédule.
« Les esclaves sont invisibles aux yeux de tous. Prenez mes affaires, vous verrez bien.
— On me reconnaîtra !
— On ne vous verra pas. »
Si cela était vrai, alors Maeve avait conscience de découvrir à cet instant la clé de moments plus doux. Elle tint à tester sur le champ cette parade qui lui semblait trop facile. Vêtue d’une tunique blanc cassé prêtée par Naouri, elle s’apprêtait à sortir quand sa domestique laissa échapper un cri de stupeur.
« Il ne faut pas sortir par là Madame !
— Et pourquoi pas ?
— Les domestiques n’ont pas le droit de fouler le sol de la Cité, Madame. Nous ne pouvons rester que dans les pavillons.
— Je pensais que cette robe me rendait invisible…
— Pas ici en tout cas. Je vais vous montrer par où passer. »
Naouri la conduisit dans une remise, où des escaliers s’engouffraient dans le sol. Si elles n’empruntèrent qu’un long couloir souterrain, Maeve entrevit les prémices d’un labyrinthe grouillant de passage. Jamais auparavant elle n’avait imaginé que sous ses pieds, le palais regorgeait d’un tel dédale. La domestique lui indiqua une sortie, prenant soin de s’assurer que la princesse avait bien retenu le chemin pour se retrouver à son retour. Naouri avait beau camoufler sa voix affolée, Maeve comprenait bien que son escapade la mettait dans une situation délicate.
Elles remontèrent pour arriver dans une verrière située au milieu des jardins. Malgré les reflets du soleil, le pavillon des rosiers offrait à tous les badauds des jardins une vue directe sur les invités conviés à goûter par un membre de la famille. Puisque Cilia aimait particulièrement recevoir en ce lieu, la jeune fille évitait autant que possible de traîner dans les alentours en journée et réservait cette excursion pour ses promenades nocturnes.
Maeve s’empressa de quitter le bâtiment, et s’éloigna de ses vitres aussi discrètement possible. Personne n’avait fait attention à elle. Et même si des regards croisaient parfois son chemin, ils ne s’arrêtaient pas sur elle. Naouri avait raison.
Un courant d’air caressa sa peau, et porta à ses narines l’odeur douce de parfums harmonieux. Devant elle, un long tunnel fleuri. Les Jardins d’Ailleurs.
Elle s’étonna de la longueur du tunnel, tout en admirant la prouesse des hortimages qui entretenaient un tableau si coloré de touches impressionnistes. La lumière lointaine lui promettait une arrivée prochaine.
A la sortie du tunnel, ses yeux s’étaient tant accoutumés à l’obscurité rafraîchissante des plantes qu’il lui parut un instant que le soleil l’avait rendue aveugle. Lorsqu’elle ouvrit enfin les paupières, le reflet vif des rayons sur les pétales aux teintes éclatantes faisait étinceler les Jardins d’Ailleurs de mille couleurs. Mais ce furent les deux silhouettes qui occupaient les lieux qui retinrent toute son attention. Cette nuque relevée robée de cheveux argentés, et cette femme qui se tenait si près de son époux. Maeve avait beau détailler la brune aux longs cheveux, elle était certaine de ne jamais l’avoir vue.
L’instant lui parut éternel. Maeve recula dans l’embouchure du tunnel et continua d’épier, abasourdie, les suspects déambuler. Odrien dut dire quelque chose d’amusant, car la femme se mit soudain à rire à en rougir. Elle devait certainement avoir la chance d’être gratifiée d’un visage que son épouse ne pouvait voir. Un visage qu’elle imaginait plus sympathique que la face détachée qu’il lui consentait lorsqu’ils devaient souffrir d’être ensemble. Son cœur battait si fort que ses oreilles l’entendaient gesticuler. Son souffle haletait. Elle n’arrivait plus à décrocher son regard. Ce sentiment étrange lui était impalpable. Ce ne pouvait être de la jalousie, se persuadait-elle. Comment pourrait-il en être ainsi d’une chose qu’elle ne désirait pas ?
Odrien se baissa, et se saisit d’une fleur qu’il tendit à l’inconnue. Elle l’ajusta dans sa coiffure, et tourna sur elle-même, faisant valser le bas de sa robe dans des tours grotesques. L’homme prit du recul et désigna son idole d’un cadre qu’il forma avec ses doigts.
Son modèle virevoltait. Elle s’essayait à plusieurs poses, le rire aux éclats, s’arrêtant parfois en adressant à son peintre imaginaire des regards insistants. Elle était sa muse. Et Maeve se sentit plus insignifiante encore. Elle repensa aux rares rencontres avec son époux où sa gêne bienveillante lui paraissait réconfortante. Elle se trouvait ridicule. Lui qui semblait si capable d’en aimer d’autres… N’était-ce donc pas suffisant qu’on lui impose une telle vie ? Fallait-il aussi que son supposé mari la considère embarrassante au point de n’entretenir avec elle des discussions au goût si édulcoré ? Elle suffoquait.
La fausse domestique se recula dans l’obscurité du tunnel. A l’abri des fleurs qui n’illuminaient plus son cœur fané, Maeve essayait de chasser la scène de ses pensées. Marcher. Être digne. Mais elle n’y arrivait pas. L’image de la douloureuse adultère la hantait inlassablement.
Il fallait qu’elle se reprenne, avant la lumière. La jeune femme inspira profondément, et sortit d’un pas si peu naturel qu’elle ne se leurra point sur la qualité de sa performance. Sa bouche oscillait entre sourire forcé et commissures atterrées. Elle n’arrivait plus à prétendre.
Autour d’elle, les allées du palais vivaient, à leur habitude, bien étrangères aux déambulations d’un jardin voisin. Un coup dans l’épaule lui fit perdre l’équilibre, et le bras vif d’un porteur de gibier la rattrapa tout aussitôt.
« ‘scusez, ‘tite dam » lui adressa-t-il d’une voix rauque avant de la dépasser.
Personne ne me connaît, se rappela-t-elle. Et tout à coup, elle n’essaya plus de sourire. Elle rentra machinalement, sans un mot. Elle n’avait pas le cœur à cela. Seulement à foncer dans sa chambre, et s’y enfermer. Odrien voyait une autre femme… Pourquoi s’en offusquait-elle ? Elle ne connaissait rien de lui, après tout. Ils ne partageaient rien, et lui ne lui offrait même pas son temps. Elle aurait bien dû s’en douter, après tout. Sa naïveté l’agaça.
Le soleil réchauffait sa peau tandis qu’elle tentait tant bien que mal de se calmer. Il faisait beau. Et si elle aussi, elle commençait à vivre, un peu ? Elle ne se donna pas le temps de la raison, et partit discrètement avec une seule idée en tête. Rendre visite à la seule personne pour qui une telle attention de sa part put être sincère.
Ses pas brisaient le sol tandis qu’elle quittait le palais. Devant la Grande Porte, personne ne fit attention à elle, et elle put enfin apprécier le doux plaisir de sortir seule, pour la première fois. Ce costume resservirait, à coup sûr. Elle longea la muraille pour regagner le petit ponton, où deux barques attendaient, sagement amarrées à leur pieu.
« Je souhaiterais me rendre à Katu, s’il vous plaît, adressa-t-elle aux deux hommes assis.
— Ce n’est pas ici, ma p’tite dame ! » lâcha le premier au sourire édenté.
Maeve resta interdite. C’était pourtant bien de ce côté, que le carrosse se dirigeait, en sortant du palais.
« Allez au port, vous trouv’rez bien !
— Comment puis-je y aller ?
— Oh c’est une p’tite trotte mais p’t-être bien qu’si vous êtes rapide vous arriv’rez à Katu pour le déj’ner ! »
L’anonymat avait donc un prix. L’homme flécha le long de la rive en sifflant des lèvres.
« Vous p’vez pas l’louper. »
La jeune fille marchait d’un pas précipité sur le sentier qui bordait les premières maisons. Ici aussi, elles se ressemblaient toutes entre elles. Les toits n’étaient pas ornés, les murs n’étaient pas peints. Elles étaient petites, si proches les unes des autres… Ces premiers baraquements marquaient entre le peuple et le monde clos du palais une frontière bien plus tangible que celle qu’elle avait traversée à Khars. Résider depuis si longtemps ici et ne jamais avoir vu Mirane lui parut incongru. Elle décida de chercher une route équivalente, à travers les quartiers.
Les premiers baraquements, aux murs pastel, avaient des entrées travaillées. Devant certains, un attelage était apprêté et attendait patiemment son voyageur. Puis les façades tirèrent vers le gris et se firent plus simples, plus modestes. Les rues, elles, devenaient de plus en plus bruyantes et encombrées. A un croisement, ses yeux se posèrent sur cette femme, son enfant au sein, qui portait sur son épaule un large bâton au bout duquel pendaient des plateaux remplis de carunes. Elle faisait signe à un passant de se servir tandis qu’il lui déposait un sou dans le creux de sa main. Puis l’avenue se pava d’étals de mille couleurs. Fruits, épices et poisson s’y côtoyaient, tandis que des voix hurlaient à qui voulait l’entendre le prix extraordinaire de sa marchandise unique et sans égale à Mirane. Certains marchands faisaient davantage l’unanimité, et la jeune princesse remarqua même une file d’attente qui s’étendait sur plusieurs pieds.
« Du frais, du bon, pêché de ce matin ! Vous voulez des anguilles rouges ? » lui adressa soudain une grosse dame aux yeux globuleux.
Sur un tonneau, un homme aux épaules carrées scandait de grandes phrases et captivait l’assemblée qui s’était attroupée autour de lui.
« Et ils n’auront jamais fini. De là-bas, ils nous regardent avec mépris mais enfin, ils ne veulent pas se passer de nous. Réfléchissez bien : quand était la dernière fois que le Roi a fait quelque chose en votre faveur ? »
Maeve ralentit pour écouter davantage. Les murmures s’élevaient, et l’orateur tendait l’oreille, approuvant parfois de quelque signe de tête. Son regard parcourut la foule pour s’arrêter sur la jeune fille, qui s’en tenait à quelques pas et qui, le remarquant, se dépêcha de se remettre en route.
Plus elle s’enfonçait dans la ville, et plus les rues devenaient étroites. Les odeurs de sueur et d’urine irradiées par la chaleur étouffante lui montaient aux narines et lui nouaient le ventre. Elle reconnaissait la tenue des domestiques du palais sur certains passants. D’autres, coiffés de hauts paniers, clamaient à qui voulait l’entendre le prix des tarones et autres fruits qu’ils portaient sur leur tête. Ses yeux s’arrêtaient parfois sur les visages marqués de personnes, assises devant la porte d’un baraquement de fortune. Au milieu de la foule, une bande d’enfants courait et écartait quiconque se trouvait sur son passage. Maeve se rangea sur le côté le temps qu’ils finissent de s’agiter, découvrant ainsi un monde nouveau : celui des entre-maisons, lieux à promiscuité extrême qui semblait pourtant être utilisé par tous. Certains faisaient office de passage, tandis que dans d’autres, elle apercevait des silhouettes stationnées. Qu’est-ce que ces gens pouvaient bien fabriquer ici ?
Puis, les habitations furent plus grandes à nouveau, et les entre-maisons, désertés. Devant certains, elle trouva même des Gardes Royaux postés quand tout à coup, elle remarqua des inscriptions sur les murs. Des mots obscènes, pour la plupart. Parfois, des dessins étaient également posés à la hâte sur la pierre. Si elle les trouvait vulgaires, elle ne parvenait toutefois à cesser de les déchiffrer. Jusqu’à celui-ci, de larges lettres bâtons écrit, qui attira son attention :
« Mort au Royaume.
Vive le Peuple Libre. »
Maeve ne put s’empêcher de tressaillir. Ses yeux paralysaient son corps. En dessous, un énième gribouillis grossier avait été ajouté. Elle nota l’occurrence de cette tête qu’elle avait déjà tant vue. Était-ce l’un d’eux, qui était représenté ? Quoi qu’il en soit, les traits étaient bien trop simples pour lui en donner une quelconque idée. Elle continua de déambuler quand ses yeux se posèrent sur une figure gribouillée, aux longs cheveux orangés. Elle levait les bras, et se tenait debout sur le corps gisant d’un garçon qui portait une couronne. L’identité des protagonistes ne laissait aucune place au doute. Et soudain, sa poitrine se réchauffa. Le souvenir de sa victoire contre Nirien resterait longtemps gravé dans sa mémoire, mais la jeune fille avait été loin de s’imaginer que d’autres aient pu s’approprier les évènements de cette façon. Une couronne écrasée par terre… La rage du peuple était bien plus grande que ce que les membres de sa belle-famille ne l’avaient laissé entrevoir.
Le port de Mirane grouillait de têtes qui croulaient sous les chargements et passaient, pressés, de toutes parts. Les pontons se succédaient à mesure que les barques faisaient place aux vaisseaux. Les cageots de victuailles à l’odeur si propre aux choses de la mer transitaient de toutes parts. Tant de vie à Mirane était spectacle admirable.
Maeve se dirigea vers les premières barques. Quelques marins dormaient paisiblement dans leur pirogue. A sa droite, un homme l’aborda.
« Pour aller où ?
— Je souhaiterais me rendre à Katu, s’il vous plaît.
— Cinq galliots. »
L’argent… Elle se maudit de ne pas y avoir pensé, avant de quitter le palais. Quant aux galliots, elle ne connaissait que les brillants.
« Je reviendrai vous payer.
— Pas d’argent, pas de bateau.
— Je vous le promets ! »
Mais l’homme s’était déjà tourné pour repartir à son somme.
« Et ça ?
Elle présenta son doigt, encerclé d’une bague d’ornantille pur sertie d’une pierre de jacquemain. Le marin suivait d’un œil brillant le précieux arriver dans le creux de sa main. L’instant suivant, il l’invitait tout sourire à monter.
Elle toqua mais une fois encore, personne ne répondit. Dans le désespoir de sa fuite, elle n’avait pas envisagé que Primo puisse ne pas être à son atelier. Tandis que Maeve contourna la masure, elle entendit des bruits provenir du jardin. Primo était assis sur le ponton, les genoux dans l’eau, tout affairé à effeuiller ses plantes. A ses côtés, ses deux fidèles apprentis imitaient ses mouvements.
« Quelle agréable surprise ! » s’exclama-t-il en reposant sa cisaille pour mieux se relever.
Le maître considéra un instant sa tenue puis s’arrêta sur son visage, qui peinait à se défaire de l’agitation de la journée.
« Je vais vous préparer une décoction.
— Ne vous embêtez pas. Continuez, je vous prie, je ne tiens pas à vous déranger dans vos activités.
— Vous ne nous dérangerez jamais, Maeve. »
Elle se déchaussa et s’assit à ses côtés. L’eau était agréablement douce, et tièdement fraîche. Les garçons écartaient des branchies mousseuses pour cueillir des baies d’un blanc écru qu’ils amassaient dans leur panier.
« Des gyrones. J’essaie de les cultiver ici, à ma juste mesure. Elles sont arrivées plus tôt que je ne l’avais espéré, mais elles ne sont pas aussi pulpeuses que là-bas. »
Il en saisit une du panier de Ritius et la lui tendit. Elle testa la consistance de son doigt, comme si elle avait une quelconque expertise en ce fruit qu’elle n’avait jamais vu jusqu’alors, avant de le mettre dans sa bouche. Il avait un goût plus léger qu’elle ne s’y était attendu, avec une pointe d’amertume.
« Une petite victoire personnelle. Mes graines du Continent n’ont pas toutes pris, mais je ne perds pas espoir de réussir à en faire pousser certaines encore. C’est pour les plantes sèches que je manque cruellement de place.
— Comment peuvent-elles être si grandes alors que vous n’êtes ici que depuis peu ?
— Ce lac fait des merveilles… »
Maeve ne se lassait pas de s’ébahir devant la minutie avec laquelle ils s’adonnaient à leur tâche. Regarder leurs gestes rapides, précis mais délicats la relaxait. Primo lui détaillait d’une exactitude de maître les caractéristiques des pieds sur lesquels ils travaillaient, et le soin qu’il devait y apporter pour les entretenir, et elle buvait ses paroles dont elle ne retiendrait que peu.
« C’est la raison pour laquelle je leur apprends tout ça. Ils ne pourront jamais exceller dans l’art des potions s’ils ne connaissent pas la matière qui est derrière. Tout comme un mage ne peut maîtriser la magerie sans rien connaître des potions.
— On ne nous apprenait pas cela, au camp de formation.
— Pas plus qu’on ne vous l’apprendra ici, malheureusement. Mais si je puis vous donner ce conseil, vous ne serez jamais maître en votre art si vous dépendez des autres pour choisir vos potions. »
Maeve passait ses mains dans les branchies et soulevait les feuilles pour découvrir les baies quand soudain, les pierres autour de son poignet palpitèrent. Elle se figea. La dernière fois que son bracelet avait vibré, elle s’était réveillée le lendemain, impuissante, sans souvenir de ce qu’il s’était passé dans les jardins. Elle n’avait jamais pu expliquer ce qui lui était arrivé, et les tourments de la cour avaient fini par éclipser ce mystère de ses esprits. Cette fois, les vibrations étaient plus faibles, mais elles ne cessaient pas.
Ritius poussa un cri de terreur. Au-dessus du lac, une nuée de chauves-souris se dispersait, et les bêtes voleraient avec frénésie dans un désordre chaotique.
Comme la dernière fois…
« Ce n’est pas l’heure » chuchota Kasper.
Primo ne les lâchait pas des yeux, absorbé par ses pensées. Ritius avait prétexté vider le panier pour rentrer. Mais à peine était-il parti qu’un hurlement retentit de nouveau.
« Kipoutt ! »
Dans l’atelier, le tarsier sautait de meuble en étagère avec frénésie. Il laissait échapper ce couinement lancinant… Les bras en l’air, Ritius s’agitait de part et d’autre de la pièce pour essayer de l’attraper, mais la bête était incontrôlable. Le couinement était de plus en plus fort. Kipoutt lâcha prise et tomba au sol dans un bruit renversant. Son cri perçait les oreilles. Sans attendre, les garçons se précipitèrent autour de lui pour lui apporter leur vaine assistance.
« C’est mon tarsier ! s’écria Ritius. C’est moi qui m’en occupe ! »
Kasper recula et observa, impuissant, son camarade bercer le tarsier qui hurlait de plus belle.
« Maeve, se tourna Primo, vous avez bien été formée pour la guarda ?
— Je ne suis pas soigneuse !
— Je vous en prie, Maeve » sanglotait Ritius.
Même Kasper semblait l’implorer de ses yeux perçants. Les cris de l’animal rendaient les supplications plus dramatiques encore. Ils attendaient tous, mais elle doutait tant. Et si elle n’y parvenait pas ? Elle n’avait jamais pratiqué que sur des humains, et même pas sur d’autres qu’elle. Les larmes bruyantes du petit, entrecoupées de « Kipoutt » désespérés, ramenèrent la jeune fille à ses esprits. Elle s’approcha du garçon qui lui tendit le corps plein d’espoir, elle l’accueillit entre ses bras avec fatalité. Il fallait sauver ce tarsier.
Et tandis qu’elle commençait à nimber, un bruit éclata dans sa tête. Un bruit grisonnant, diffus et strident. Un bruit insupportable. Elle sentait son crâne compressé, écrasé. Le son, lui, hurlait.
« Maeve ! » criait Primo en secouant ses épaules.
Elle relâcha son Nimbe, et le bruit s’évanouit. Tous les regards étaient fixés sur elle. Kipoutt se débattait à présent dans les bras de Kasper. Elle ne s’était même pas aperçue qu’elle ne le tenait plus.
« Comment vous sentez-vous ? » demanda le vieux maître qui la détaillait d’un regard inquiet.
Elle ne savait pas elle-même. Il ne lui suffisait que de repenser à ce bruit pour que ses muscles se contractent à nouveau.
« Si Kipoutt entend ce que je viens d’entendre…
— Que s’est-il passé ?
— Je n’en sais rien. »
Elle ne saurait même pas comment décrire ce qu’elle avait entendu, tant elle ne connaissait aucun son auquel l’associer. Il était déchirant, terrible et grinçant.
« Mais je suppose qu’il y a un lien avec ceci, reprit-elle en présentant son poignet.
— Elles réagissent ? s’enquit Primo en se rapprochant au plus près.
Lorsque Maeve hocha la tête, elle crut voir les yeux du vieux maître s’illuminer. Il se dirigea vers une petite table et souleva à toute vitesse les feuilles par tas jusqu’à trouver son bonheur. Soulagé, il soupira quand il mit enfin la main sur un petit carnet qu’il s’empressa de griffonner aussitôt. La jeune fille le suivit d’un regard attentif revenir quelques pages en arrière, froncer les sourcils, ajouter des annotations et revenir à sa page initiale. Il l’interrogea plus en détail sur ce qu’elle avait entendu, et si elle avait peiné à trouver des qualificatifs, il avait conclu qu’il s’agissait d’un bruit constant, aigu, monotone et complexe. Pour elle, ce bruit était surtout inhumain.
« Savez-vous ce qui s’est passé ? finit-elle par lui demander quand elle le vit s’arrêter enfin un instant.
— Je l’ignore encore… »
Le tarsier s’arrêta enfin de crier, et son bracelet se calma. Primo s’empressa de prendre note de cette coïncidence.
« Kipoutt ! s’exclama Ritius en le prenant dans ses bras.
— Tu devrais le laisser, il a besoin de repos. »
Le garçon lança un regard assassin au vieux maître.
« Viens Kipoutt. Tu vas dormir dans ma chambre » continua-t-il en s’en allant.
Kasper le suivit d’un pas traînard. Le vieux maître attendit qu’il ait quitté la pièce pour demander d’une voix pleine de retenue :
« Accepteriez-vous de nimber, une dernière fois ? »
La jeune fille se concentra. Autour d’elle, la lumière l’enveloppait de son nimbe nébuleux.
« Alors ? L’entendez-vous encore ?
— Il n’y a rien. »
Primo referma son carnet qu’il reposa sur un tas de feuilles.
« Que savez-vous de ce qui vient de se passer ?
Primo restait muet, il se mordillait les lèvres.
« Vous savez, Maeve, il est des choses dont il ne vaut mieux pas parler.
— Je voudrais savoir quand même. »
Primo soupira.
« Les pierres avaient déjà fait ça, lors de ma première nuit à Mirane. Les vibrations m’ont conduite aux jardins, elles devenaient de plus en plus forte. Mais quand je me suis approchée… »
Primo avait reposé sa main sur son carnet, pendu à ses lèvres. Elle lui raconta comment, par deux fois, elle avait tenté en vain de s’approcher mais que, sans rien y vouloir, elle avait fini par rentrer se coucher sans plus même y penser jusqu’au lendemain. Le vieux maître consigna quelques notes avant de se lever.
« Je vais nous servir une tasse de rénisane, il m’en reste un peu » dit-il avant de s’éclipser dans une autre pièce.
Elle rôdait autour du carnet. L’envie de s’en saisir et de l’ouvrir lui caressa les idées, mais elle ne voulait pas commettre cette impolitesse. Primo revint chargé d’un plateau, et poussa quelques livres pour le poser sur la table. Il attendit d’être enfoncé dans son large fauteuil châtaigne débraillé et d’avoir pris une gorgée pour reprendre enfin :
« Vous êtes venue seule ?
— Comment ?
— Vos gardes, vous ont-ils suivie ? Peuvent-ils nous entendre ?
— Primo, enfin… »
Il délire. Mais lui avait un air plus grave encore qu’avant. La jeune fille comprit qu’il ne serait tranquille qu’une fois qu’elle aurait vérifié qu’aucun garde ne rôdait aux environs.
« Par les cieux, pourquoi vous mettez-vous dans de tels états ?
— Comprenez bien, Maeve, que connaître de certaines choses peut vous exposer à un grave danger. »
La jeune fille était de plus en plus perplexe. Elle ne lui avait jamais connu un ton aussi grave, ni un air aussi méfiant. Elle prit quelques gorgées de rénisane trop infusées et retint une grimace.
« Avez-vous déjà entendu parler de la magie oubliée ? » murmura-t-il en rapprochant son visage.
La magie oubliée ? Elle n’avait jamais entendu que parler de magerie. Et jusqu’à son arrivée à Mirane, la magie n’était pour elle que faite de nimbe, qui permettait de matérialiser les potions.
« Il s’agit d’un vaste ensemble de savoirs dont l’usage a été perdu à travers le temps. Le temps a cessé d’en transmettre la connaissance, et pour la plupart, nous en avons même oublié jusqu’à l’existence. C’est pourquoi certains l’appellent aussi la magie perdue. »
Maeve écarquilla les yeux. Y avait-il tant d’autres formes de magie que la magerie ? Pourquoi leur savoir avait-il été perdu ? Sa tête se remplissait d’une myriade de questions, et elle n’arrivait à en articuler aucune.
« J’ai du mal à m’imaginer ce que c’est la magie, quand ce n’est pas de la magerie, pensa-t-elle à haute voix.
— Le nimbe n’est qu’une façon d’appréhender le monde sensible. La magerie est une forme de magie, mais celle-ci en revêt bien d’autres. La plupart sont des savoirs à part entière, mais certaines interdictions qui touchent à la magerie sont aussi considérées comme de magie oubliée. Vous connaissez peut-être l’interdiction organique ? »
Elle fronça les sourcils. Sans doute ceux qui créaient les potions y étaient plus confrontés que ceux qui les utilisaient.
« Toute potion dont la préparation inclut l’addition de matière organique humaine ou animale est interdite. Sa fabrication comme sa commercialisation vous valent un bannissement à vie de l’ordre des maîtres de potions, et un aller simple pour les cachots. S’intéresser à la magie oubliée est une chose dangereuse, ne l’oubliez jamais. »
Maeve eut un frisson. Si cette magie était si secrète, son grand-père était-il au courant de son existence ? Elle ne pouvait imaginer qu’il ne souhaite pas exploiter chaque puissance possible pour maintenir la paix sur ses terres. Pourtant, Mayha possédait ce bracelet qui l’avait mise sur la voie de cette magie étrange. Qu’avait-elle découvert à son sujet ? Elle aurait voulu l’avoir encore à ses côtés, et lui demander tout ce qu’elle savait. Lui montrer la voie à suivre et le courage avec lequel il fallait affronter une découverte si bouleversante. Au Norlande, la magerie était la tradition de l’armée. Dans son nouveau pays, elle était le vecteur d’une discrimination aussi injuste que peu stratégique, et les mages la dévoyaient pour le divertissement général. A présent, tout ceci n’était qu’un grain de sable dans un océan abyssal.
Le vieux maître se promit de s’atteler la nuit même à des recherches dans sa bibliothèque personnelle au sujet des magies vibratoires. Cette forme de magie admettait-elle elle-même tant de variations ?
« Le monde sensible est bien plus vaste que ce que le nimbe vous permet de toucher. Le spectre magique est large, je n’en ai que bien peu de références dans mes ouvrages. La magie est comme son nom l’indique. Son savoir a été perdu à travers les âges. Les recherches sont compliquées, et il faut dire que ce n’est pas sur le continent que l’on trouve les ouvrages les plus poussiéreux. J’ai toutefois pu récupérer les travaux de mon maître, Ernino Pourse, après sa mort. Il a beaucoup voyagé à l’étranger, dans le Vieux Monde. Il a consacré ses dernières années à compiler toutes ses recherches dans des mémoires. Je les relis régulièrement.
— Si cette magie est interdite, alors elle restera toujours perdue.
— Quant à ça… acquiesça Primo d’un air ironique. C’est là tout le problème. »
Le vieux maître prétexta devoir préparer le dîner pour mettre un terme à la conversation, et la convia à rester. Maeve n’avait pas envie de rentrer. Ces murs branlants lui devenaient plus familiers à chaque visite, et même si Primo ne souhaitait plus parler de magie oubliée, elle voulait demeurer à ses côtés et s’abreuver de ses moindres paroles. Ils allaient passer à table quand des coups martelèrent la porte.
Maeve sursauta, et vit Primo la fixer d’un regard effaré.
« Garde Royale, ouvrez !
— Il n’y avait personne, je vous assure… » se confondit-elle.
Mais ses balbutiements ne suffirent pas à rassurer le vieux maître au regard pétrifié. Etaient-ils là, tout à l’heure, quand ils parlaient de magie perdue ? Primo reposa sa serviette et se leva en silence pour ouvrir la porte.
« Nous avons reçu ordre de procéder à la fouille de ces lieux. Gardes ! »
A son signal, une horde de soldats fit irruption dans la pièce, qui parut soudain plus étriquée encore. Atterrée, Maeve suivait du regard les gardes qui fourmillaient dans l’antre et semaient sur leur passage une discorde chaotique sous les yeux horrifiés de Primo. Le bois qui craquait leur informait que derrière les murs, le reste de l’atelier subissait le même carnage. Dans sa poitrine, son cœur s’étranglait.
« Arrêtez » commanda-t-elle.
Quelques rares hommes s’interrompirent pour lui jeter un regard moqueur. L’officier eut un rictus méprisant, puis se tourna vers Primo.
« Si vous avez quelque chose à nous dire, c’est le moment, lui conseilla-t-il.
— Je vous ai dit d’arrêter ! continua-t-elle en s’approchant aussi vite qu’une furie. Pourquoi fouillez-vous cette maison ?
— Ne t’approche pas trop, vilaine » intervint un soldat.
La main tendue, il s’était placé entre elle et son commandant. Que se passait-il au juste ? Primo parvint à saisir son regard. Il lui faisait de gros yeux, puis les rabaissait jusqu’à ses pieds. Ma tenue…
« Dans mon pays, un tel affront vous vaudrait l’échafaud. »
Les yeux du soldat devinrent ronds comme des billes. Son officier, lui, ne l’avait pas quittée des yeux. Les épaules réhaussées, elle avait la prestance de sa droiture militaire.
« Que dois-je faire d’elle, mon général ? »
Maeve fixa le garde d’un air farouche. Autour de son corps, la poussière de lumière scintilla. Le visage de l’officier, lui, se décomposait à mesure que son nimbe brillait.
« Nous allons vous ramener au palais, reprit le général. Je vous prie d’accepter mes excuses, pour le comportement irrespectueux du soldat Verenne. Toi, va aider les autres à finir. »
D’un poing sur le cœur, le garde se retira plus dignement qu’il n’était arrivé. Maeve, elle, avait le souffle coupé.
« Que cherchez-vous exactement ? »
L’officier la toisa en coin. Il semblait scruter sa réaction, mais ne daigna pas y répondre.
« Nous avons fini de vérifier les lieux, mon général, revint le soldat Verenne d’un air peu fier. Rien à signaler. »
Il avait pris soin d’éviter de croiser les yeux de la jeune princesse qui ne demandaient qu’à le transpercer de ses flammes.
« Soldats, nous en avons fini pour cette maison. Vous, lança-t-il en désignant une poignée d’hommes. Veillez à ce que la Princesse soit raccompagnée jusqu’au palais. »
Les pas se pressèrent. En quelques instants, la cohorte était sortie. Primo s’était laissé tomber sur son fauteuil, les genoux tremblants.
« Je suis désolée.
— Vous n’y êtes pour rien. Je ne sais pas moi-même ce qui s’est vraiment passé… »
Elle se sentait coupable de le laisser si triste.
« Vous devriez rentrer, Maeve. Votre mari doit s’inquiéter. »
Maeve avait regardé les lumières flottantes de Katu disparaître. Elle avait gardé le silence, tandis que les rames foulaient l’eau et la ramenaient au palais. Elle avait refusé de dîner, et avait regagné sa chambre pour mieux s’enfermer et penser à cette journée. La magie oubliée, et la fouille chez Primo. Odrien, qui la trompait avec une autre… Si ça n’avait tenu qu’à elle, elle n’aurait tenu à voir personne d’autre pour aujourd’hui, mais elle entendit le tintement de la cloche de l’entrée. Décidément, ce palais ne me laissera jamais tranquille.
La domestique avait installé Darion dans le boudoir. Quand elle le rejoignit, il soupira et la fustigea d’un regard sévère.
« Vous rendez-vous compte de votre insouciance ?
— Et vous comptez vraiment envoyer des gardes sur chacun de mes pas ?
— Cela n’était-il pas assez clair ?
— Je peux très bien me défendre seule.
— Vous auriez pu avoir de graves ennuis. Samaon a disparu, et vous décidez de filer en douce… Dans cette tenue en plus ! »
Elle n’avait pas rougi de porter ces haillons de toute la journée, mais il venait en quelques mots de l’atteindre bien plus que tous les regards dont elle avait été affublée jusqu’alors.
« Et vous, c’était quoi tout ce raffut, chez Primo ? Pourquoi avez-vous fait fouiller son atelier ? »
Mais son beau-frère ne répondit rien. Il levait le menton pour mieux la toiser, et elle reconnut en cet instant le masque fier des Fanese que sa sœur savait si bien arborer.
« Ne me refaites plus de telle frayeur, Maeve. »
Une question cette cérémonie de mariage tu l'avais en tête depuis le début ou tu l'as écrite au fur et à mesure ?
Le bébé a terminé de m'achever xD
D'ailleurs, cette version-ci ne m'a jamais totalement satisfaite, je la trouve encore maladroite dans l'exécution (et suis en plein retravail dessus, puisqu'on en parle ^^) mais il y a des éléments forts que je tiens à garder (comme ce cher bébé !! ahhahaha)
Je ne sais pas si je te l'avais déjà dit, mais ce passage m'a offert une première permission de m'identifier au personnage principal.
Pauvre Maeve... Elle n'est pas au bout de ses peines.
Merci pour ton retour, bien à toi ;)
Je trouve que tu as fait un excellent et énorme travail de reconstitution d'une telle cérémonie (je n'aurais pas pu). Bravo bravo. On sent que ça grouille (c'est un compliment), on sent la foule, l'étouffement. Enfin moi, j'ai eu mal pour Maeve.
Je continue avec plaisir !
Quant à Maeve... moi aussi j'ai eu mal pour elle, ici comme à d'autres moments d'ailleurs ><
Merci pour ton retour !
Cette cérémonie m'a angoissée, franchement.
On perçoit très bien ce décalage entre le désespoir intérieur de Maeve et l'allégresse générale. Surtout que Maeve a été éduquée dans un monde qui excluait semble toute, toute idée de oisiveté.
Darion m'intrigue, puisque Cilia l'a introduit comme un personnage important et charismatique. J'ai eu foule de suspicion sur l'évolution du personnage, à tel point que mon attention est davantage portée sur lui que sur Odrien, qui s'avère basique dans sa description.
C'est la toute fin qui l'a sauvé, et qui me laisse à penser qu'il vaut sa place de personnage masculin principal.
Je ne sais pas où tu nous emmènes. En fait, je me doutais qu'Odrien ne serait pas spécialement beau ni remarquable à première vue. La brèveté de la description m'a laissée imaginer qu'elle était si mal à l'aise qu'elle l'a à peine regarder. Cependant, je suis certaine que sa personnalité va le rendre remarquable par la suite :)
Quant aux Fanese, je me garde bien de tout commentaire comme tu peux t'en douter ;)
Me voici triomphalement de retour ! C'est après avoir pris quelques jours de recul que je t'écris ce commentaire, je pense avoir beaucoup, beaucoup de choses à dire ^^
Déjà : bravo. Mais bravo, quoi ! Quel univers splendide (du moins, il le promet ;)) ! Quelle protagoniste attachante et quel fil conducteur intéressant ! J'ai hâte de savoir où tout cela va nous mener... J'espère du lourd XD
Je ne me souviens plus trop la dernière fois que je t'ai laissé un commentaire (ça doit tout de même dater, désolée !) et les conseils que je t'avais donnée dedans... J'espère donc ne pas trop me répéter dans celui-ci !
A mon avis, tu as tout de même un sacré problème avec les descriptions, malgré cette ambiance magnifiquement érigée au cœur de ce cinquième chapitre... Je m'attendais en fait à une mise au point du physique de Odrien plus poussée : là, je suis un peu restée sur ma faim. Pourtant, il m'a l'air d'être quelqu'un de sacrément intéressant, et travaillé ! Maeve, durant la cérémonie, pourrait davantage s'attarder sur son visage, par exemple, et ainsi, tu pourrais nous le transférer à travers ses yeux. (Pour t'aider, je te renvoie au premier tome de la Passe-Miroir, lorsque Ophélie voit Thorn pour la première fois. Peut-être cette scène saura-elle t'inspirer ?)
Voilà donc de quoi tu pourrais enrichir tes chapitres : de descriptions, en t'essayant par exemple à des métaphores plus farfelues (le cheveu épais comme un lacet/la voix aussi claquante qu'un fouet/les jambes raides comme des cannes...) Eclates-toi ! ;)
Je considères aussi que l'intrigue s'érige un peu trop rapidement, jusqu'à s'ébaucher parfois. Je veux dire que tu as tellement envie de poursuivre vite ton récit (ce qui est tout à fait normal) que tu "oublies" en quelque sorte de te poser vraiment avec tes personnages, dans une scène comme dans une autre. Et en cinq chapitres seulement, de mage, Maeve devient fiancée à un inconnu, préparée à son mariage puis finalement mariée avec tout ce que cela implique... Je trouve personnellement le délai trop court, cinq chapitres. Ou alors, allonger ceux-ci ?
En tout cas, il faut voir le bon côté des choses. Avec ce rythme effréné, ta plume excelle la fluidité et s'avoue exactement entraînante ! J'ai tellement été prise par tes derniers chapitres que je me demande bien comment les HO ont pu m'empêcher de le poursuivre coûte que coûte, tellement le suspens que tu génères est pointu !
Les débuts d'un indubitable talent <3
Bref, je pense que c'est finalement tout, et je te fais sur ce plein de bisous, plein d'applaudissements, en espérant le meilleur pour Souffleurs d'Histoires <3 Je poursuis ma lecture !
Puisse ton inspiration fleurir et s'épanouir tel une rose !
Pluma.
Tu as totalement raison pour le rythme général et les descriptions. Même si j'avais déjà passé beauuucoup de temps sur cette histoire avant de commencer à écrire ce jet, les premiers chapitres restent très expérimentaux... Petit à petit j'ai mieux cerné ma voix, et plus récemment essayé de travailler sur ce souci de description et de rythme. Je vais trop vite en besogne, et en plus oui comme tu l'as dit, il est vrai qu'il me tardait tant d'avancer dans l'histoire que j'ai bien vite survolé le changement de pays / statut / avenir. Un gros axe de retravail pour le fameux moment où j'en serai à la réécriture !
Je ne pense pas que le gros souci ici soit un manque de scènes, mais je dois prendre bien plus le temps de les poser, de les montrer et de les faire vivre, plutôt que cette succession rapide que j'ai couchée sur papier (via mon clavier ^^), de décrire les lieux comme les personnages. J'ai essayé de mieux prendre le temps de cela dans les derniers chapitres écrits, et j'ai l'impression que ça laisse déjà davantage respirer. Affaire à suivre ;)
En tout cas un grand grand merci à toi <3
Plumesquement tienne,
Hylla
Finalement, il n'a pas l'air d'un mauvais bougre puisqu'il ne la force pas. Je me demande ce que tout ça va donner...
Sur ce point aussi, je ne peux que te rejoindre. J'étais mal à l'aise avec les descriptions, au début, ce qui fait que j'ai eu le malheur de laisser le lecteur avec... peu, voire pas de description du tout... Ca fait partie des gros axes d'amélioration de ce début, il faut que ce soit bien plus immersif ! Dur parfois de tout gérer en même temps... c'est si enrichissant d'apprendre, en écrivant une histoire ! Parfois c'est aussi un processus compliqué et pour le début j'ai parfois fait le choix d'avancer malgré les imperfections pour mieux y revenir plus tard, avec le regard et la plume du roman (quasi) fini.
Merci pour ta lecture :)
Ce chapitre est plus fluide que les deux précédents, et très sympa au niveau des traditions décrites, mais un peu trop rapide aussi. Ce n'est que mon avis, mais on dirait que tu cours pour arriver à la conclusion prévue, et les voilà mariés :)
Je continuerai de lire avec plaisir ton récit.
Bref, ce n'est qu'une suggestion haha, et ne pleure pas, Maeve, tu vas retourner le système, tmtc, on est toutes derrière toi, j'te jure
Cette remarque sur Odrien fait écho à d'autres commentaires d'autres plumes. Qu'il ne soit pas proactif dans la rencontre est un choix, et je n'avais jamais pensé vraiment au point de vue de Maeve, je m'étais toujours dit qu'elle ne voulait tellement pas d'un mariage qu'elle se fichait de connaître l'homme. Que le choc de tout laisser, l'arrivée dans un pays différent prenait le pas sur la curiosité qu'elle pourrait avoir de cet homme. Pour autant, je pense que l'ensemble ne fait pas passer tout cela de façon naturelle, et que quelque chose dans la personnalité d'Odrien m'échappe encore pour que quand il soit là, son personnage ait une vraie présence et une voix identifiée.
Pour l'instant, ce sujet cogite encore dans ma tête.
Merci pour ta lecture ;)
Je suis assez d'accord avec les commentaires précédents par rapport au ressenti de Maeve. Ses réactions à la fin m'ont prise au dépourvu. Pourquoi se sent-elle offensée ? Elle comprend pourtant qu'elle a échappé à quelque chose de vraiment dur. Et ses larmes auraient eu plus de sens pour moi si j'avais senti une tension avant chez Maeve.
Je pense que tu peux travailler la façon dont tu transmets son ressenti. Tu as choisi une narration à la troisième personne, mais un point de vue interne, qui est celui de Maeve. Par conséquent, toutes tes descriptions peuvent être "colorées" de son ressenti. Partant de là, chaque mot que tu emploies doit avoir un sens par rapport à la perception de Maeve, chaque petite description est aussi l'occasion de nous montrer son point de vue. Par exemple : "Mais la jambe gauche du gai luron flancha et il se renversa son verre dessus dans un hoquet joyeux." Ben là, je lis "gai" et "joyeux", deux mots qui n'ont a priori aucun rapport avec ce que Maeve ressent - à moins qu'elle soit ironique ? Mais est-ce bien le moment de l'être ? À moins que le point de vue ne soit plus vraiment le sien ici ? Mais il faudrait le montrer, par exemple avec un "on" général qui indiquerait que le point de vue a glissé de Maeve à l'assemblée. Bref, il y a plein de façons de travailler ça, c'en est juste une à laquelle j'ai pensé.
En tout cas, par rapport à ce que je te disais pour le chapitre d'avant : là, j'ai enfin l'impression que l'histoire commence. Et je sais que mon avis sur cette question est personnel, mais quand on écrit un roman, je pense qu'il doit commencer dès la première phrase. Des transitions sont possibles au milieu par-ci par-là, mais au début, ce n'est pas une bonne idée. Mais je ne pense pas pour autant que tu doives jeter ton début et commencer directement par le mariage ; c'est surtout entre les chapitres 2, 3 et 4 qu'il y aurait des resserrages à opérer à mes yeux. Mais ça peut attendre ! Parce qu'une fois qu'on est dedans, c'est cool :D Je veux comprendre la décision d'Odrien, en apprendre plus sur Darion (qui fait rougir la nouvelle femme de son frère, hum, pas sympa ça !), sur les coutumes dennoises, sur la place qu'aura Maeve à la cour et tout ça. Je reviendrai donc pour la suite !
Comme je te disais avant, le début sera repris / redynamisé / conflictualisé / concentré (probablement en deux chapitres et non trois) afin de le rythmer davantage. J'ai tendance, quand j'écris, à aller vite en besogne et à survoler, aller vite et utiliser le moins de mots possibles ; quand j'ai écrit ce début, j'avais parfois l'impression de forcer, de chercher à provoquer des scènes parfois dépourvues d'intérêt plus pour "planter le décor et le personnage". J'avais peur que tout arrive trop vite, et d'ailleurs, rebelotte pour le chapitre 4 comme il faut planter le décor dennois qui est le théâtre du roman... Et du coup, en t'écrivant, je me dis que quitte à planter un décor, c'est le second et non le premier qui doit occuper le début ! Tout comme j'ai aussi décidé de ne plus me forcer à écrire de transitions mais des scènes. Je sens, quand j'écris la suite, que ces choses-là viennent plus naturellement. Il me tardait de finir "d'introduire" le roman car je voulais écrire ce qui se passait. J'y reviendrai en profondeur. Le mieux pour écrire un début, c'est à la fin !
Pour le reste, j'ai eu un sentiment que j'avais déjà ressentit dans tes précédents chapitres. Tu décris bien les différentes cérémonies et on imagine bien la scène. Toutefois, j'ai eu ce sentiment de rapidité en lisant. Tu nous décris les différentes étapes de la journée avec parfois quelques dialogues, mais j'avais parfois eu l'impression que c'était par bloc. Ce n'est que mon avis personnel, mais en liant mieux les différents évènements, on aurait peut-être moins ce sentiment de rapidité.
Quoi qu'il en soit, on a bien ressentit le désarroi de Maeve. Odrien semble quelqu'un qui la comprend. Je me demande comment leur relation va évoluer. :-)
Je prends due note pour les présentations. J'avais pris du temps à trouver comment les présenter sans faire trop "présentation", et je ne suis qu'à moitié étonnée que tu me dises que ça te laisse une telle impression. Je retravaillerai ça ! Pour ce qui est des dialogues, tu le sais, j'ai beau essayer avant publication, je les retravaillerai à tête reposée / jet fini quand j'aurai eu l'entraînement des dialogues suivants. Un jour, je comprendrai bien "le truc" pour les rendre plus vivants et naturels, entre temps, j'avance et je m'exerce ! Mais je me mets à ta place, l'échange avec Dario doit laisser un sentiment d'expédié un peu étrange.
Quant à cette histoire de rapidité, là encore, tu pointes du doigt quelque chose de très vrai et qui est sûrement ce qui ressort le plus en général. Cette fluidité de l'écriture, ce naturel me manque encore. J'ai tellement écrit ce début en me concentrant sur plusieurs choses pour ne pas me retrouver avec un texte à retravailler en profondeur que je manque de cette spontanéité quand j'écris par rapport à avant. Il doit aussi y avoir d'autres raisons, mais une partie de ce manque de fluidité doit venir de là. N'hésite pas d'ailleurs à me donner des conseils à ce sujet. J'ai cru comprendre que ton approche pour écrire Il a fallu d'un instant et Projet 66 était très différente donc peut-être que tu as eu toi aussi à faire face à ces "différents modes" d'écriture !