Darion fit une entrée dans le cénacle plus notoire qu’à son habitude. Non qu’il n’arriva pas, une fois encore, lorsque les autres mangeaient déjà leurs entremets, mais ce jour-là, il tonnait. Ses pas résonnaient. Il se laissa choir dans son siège et attrapa sa cuillère d’un coup de main brutal. Autour de la table, les autres s’étaient subitement tus. Tous laissaient au ministre l’honneur de briser ce silence de plomb qu’il avait emmené dans son sillage. Seul osa s’aventurer le valet de table qui lui servit quelques tranches de torsan rôti. Le prince contempla son assiette, ses yeux noisette nageaient dans le vague.
« Je n’ai même pas faim » finit-il par lâcher en reposant sa cuillère.
— Vous avez besoin de repos, observa sa femme.
— Je n’ai pas le temps pour ça, vous le savez. Les rebelles, ça ne se repose pas.
— Les rebelles, les grands mots ! s’esclaffa Cilia. Ce ne sont pas quelques chuchoteurs sur le marché et un brûleur de marionnette qui font les rébellions, quand même.
— Et ces hommes, la nuit dernière, qui ont recouvert de peinture rouge la statue du Roi, sur la place Ferinan, ce ne sont pas des rebelles, d’après vous ?
— Ils ont profané la statue de Papa ? » s’offusqua Nirien.
Maeve ne connaissait pas ce visage à son beau-cousin. Il paraissait profondément offensé, ce qu’elle n’avait pas cru possible pour un homme si fier.
« Qui a fait ça ? demanda Odrien d’une voix fluette.
— Les recherches sont en cours, que croyez-vous, elles n’arrêtent pas…
— On ne peut vraisemblablement pas faire une telle chose en toute impunité, là, devant les portes du palais sans se faire voir ? s’entêtait Cilia.
— Des pistes sérieuses ? pressa Nirien.
— Nous avons promis une récompense à quiconque possède des informations susceptibles de nous mener aux auteurs de ce crime.
— Ces gens-là doivent être bien protégés, ils ont dû prévoir leur coup minutieusement, commenta Lyss de son ton fataliste.
— Une coquette somme peut toujours faire changer d’avis un homme.
— Si ça marchait vraiment, pourquoi n’avez-vous toujours rien trouvé au sujet de la disparition de Samaon ? » le défia sa femme.
Darion attrapa un pain pour accompagner sa bouchée de rôti. Il prit le temps de boire une gorgée avant de répondre, d’un ton cassant :
« La huitaine dernière encore, nous avons procédé à des arrestations dans le quartier des embrumes.
— Et ? s’enquit le cousin.
— Pour l’instant, aucun d’eux n’a avoué.
— Et ? continua Cilia. Racontez-nous ! Qui sont-ils ? Comment les avez-vous trouvés ? Il faut toujours vous tirer les vers du nez, à vous ! »
Cilia était aux anges. Si son père était malheureux, cette affaire avait suscité en elle une vive curiosité, et elle ne manquait rien des avancées de cette enquête. Il fallait dire qu’elle tenait là entre ses mains la primeur de grandes nouvelles qu’elle n’attendait que de souffler aux oreilles des gens du monde. Elle serait la source. Aussi Maeve ne pouvait-elle s’empêcher de voir derrière ses questions un intérêt plus hideux que celui de la vertueuse curiosité.
« Il s’agit d’un réseau de Linésiens, près du port. Commerce illicite, trafics en tous genres, et j’en passe. Vous imaginez le reste.
— Des Linésiens, en somme, toussa Cilia. Saviez-vous qu’ils ont tout volé, chez les Aranie, à Tésée, lors du dernier pillage ? Ils ont même pris des vêtements, et des dessous ! Rendez-vous compte… Et vous dites qu’ils ont un lien avec la disparition de Samaon ?
— Le clan Ttiruste trempe dans le commerce d’espèces, aussi. Vivantes comme mortes. Vous seriez surpris par ce que l’on peut trouver, chez ces gens.
— Etonnez-moi, lança Nirien.
— Tout se monnaye. Absolument tout. Tenez, par exemple, l’ara Vitöktel. Leurs yeux se vendent jusqu’à quarante brillants.
— Quarante brillants pour des yeux de perroquet ? reprit Cilia d’une voix scandalisée.
— Et ce n’est pas tout, poursuivit son frère. Car rien ne doit se perdre. Mais l’ara ne semble pas aussi intéressant que d’autres espèces à être vendu démembré, seuls les yeux sembleraient avoir de la valeur, allez savoir pourquoi.
— Pour leur couleur » ajouta Odrien.
La belle-sœur avait débité cela telle une évidence, et continué à manger sa pêche.
« Comment cela, leur couleur ? » reprit son mari.
Elle prit le temps de s’essuyer les lèvres et se tourna en sa direction pour plonger son regard dans le sien. Maeve avait rarement pu constater entre eux deux pareil rapprochement.
« C’est en broyant les yeux d’aras que les teinturiers obtiennent du pourpre.
— C’est pour cela que la couleur est si rare ! » rebondit Cilia.
Assurément, teinturerie et tissu conduisaient à l’une de ses préoccupations favorites. Maeve, elle, n’avait jamais réellement pensé à la question, auparavant. Elle ne s’était pas même demandé d’où cela venait, les couleurs, sur ses vêtements. Après tout, avant d’arriver ici, elle abordait le sujet sous un angle fonctionnel.
« Vous pouvez aussi en faire à partir de pierres de rhonitre, mais c’est plus rare encore.
— La rhonitre ? répéta Odrien. N’est-ce pas la pierre que l’on ne trouve que sur les volcans ?
— Mais le tigre ? reprit Lyss. Quel est le lien entre cette histoire de perroquets et les voleurs de Samaon ?
— D’après mes informateurs, le clan Ttiruste a déjà vendu des organes de tigres. Après, qui les fournit, qui leur achète, c’est une autre histoire. Mes hommes ont déjà trouvé de la marchandise de contrebande lors de descentes dans le comptoir des Argons, près du port. Les clans, ils ne font que faire transiter la marchandise.
— C’est tout ? rajouta Lyss.
— Si Samaon est passé entre les mains des trafiquants dans cette ville, les Ttiruste devraient le savoir.
— Mais ils ne le savent pas, n’est-ce pas ? dit Nirien d’un ton calme. Une huitaine, dites-vous ? Et toujours rien ? Ce n’est pas une piste, mon cher cousin, c’est une fausse route. Samaon n’a peut-être pas été enlevé par des trafiquants, tout simplement. »
Cilia acquiesçait de la tête, comme si elle en savait quoi que ce soit, puis elle se resservit du sirop de rocroles.
« S’il y avait un corps à faire disparaître, ces gens auraient pu le voir passer, insista le ministre. Aucune piste n’est à écarter, dans une enquête »
Maeve ne pouvait s’empêcher de penser à Orman. Le malheureux avait été si affecté depuis la disparition de son tigre qu’il ne venait même plus faire ses apparitions épisodiques dans la salle des mets. Il se disait qu’il se faisait servir ses repas dans son Petit Salon, et qu’il ne le quittait que pour se rendre à ses audiences. Elle se souvenait de son grand-père, qui ne s’était plus montré pendant plusieurs jours, quand il avait appris que Mayha était décédée. Etait-ce cela, être fort ? S’enfermer pour mieux pleurer ? A tant annihiler toute expression de sa face, elle avait aussi appris à éclipser ses réactions. Cette dernière année lui avait prouvé que les sentiments n’étaient pas chose que l’on enterrait à jamais. Quand ils sortaient, ils étaient débordants, terrifiants.
« J’espère que vous investirez davantage d’efforts dans l’affaire de l’affront que vient de subir votre roi » conclut Nirien.
« Une énième robe, encore ?
— Pour la Fête du Roi, Madame. Il vous faut une robe appropriée. C’est l’évènement le plus important de l’année, quand même.
— Alors si c’est encore pour un évènement le plus important de l’année... »
La journée commençait avec son lot de mauvais augures. Dame Violaine arriva à l’avance. Maeve n’avait jamais encore eu affaire à cette couturière au nez strict et aux petites lèvres enfoncées. Comme à leur habitude, les représentants venaient lui rendre visite après être passés chez Cilia. Et en cela, la jeune fille était bien heureuse de ne pas avoir à se préoccuper des détails. Pour chaque occasion, sa belle-sœur choisissait différentes maisons grâce à sa connaissance aiguë des commerçants les plus réputés du quartier des tisserands.
Dame Violaine n’était venue qu’avec deux assistantes, qui croulaient sous une ribambelle de tissus de plus de nuances de vert qu’elle n’avait pu imaginer qu’il en existait.
« Alors, sur quoi partons-nous, Madame ? Avez-vous une idée en tête ?
— Que du vert ?
— C’est que c’est de la Fête du Roi dont il s’agit, Madame ! Ainsi le veut la tradition. Vous porterez les couleurs du quartier des tisserands. Mais tant que vous restez dans le vert, absolument tout est permis. »
Cette fameuse fête accaparait le palais depuis quelques jours déjà. Les haies des allées avaient été savamment retaillées, les domestiques se pressaient. Tout le monde en parlait. Ainsi donc ici l’anniversaire d’un Roi lointain vaudrait tant de peine. Il lui parut absurde que le Norlande célèbre telle tradition. Si le Norlande n’avait jamais rompu avec les de Bodhur, leur roi les laissait vivre en toute autonomie. L’appellation même de « Nouvelle Bodhurie » avait fini par disparaître des usages, si bien que s’entendre appeler Bodhurienne était une insulte à la fierté de sa nation.
« Une étoffe soyeuse ? Ou en nicorne, peut-être ? C’est un tissu si précieux, il vous siérait à merveille.
— Je ne sais pas, je… se mua-t-elle, dépassée.
— Et les velours, qu’en pensez-vous ? continua la couturière en faisant défiler à toute vitesse son éventail d’échantillons. Tenez, touchez. Vous voyez comme le tissu est agréable ? Après, tout dépend bien sûr du type de robe que vous projetez bien sûr, mais un coup de cœur pour une étoffe peut toujours aiguiller un choix de tenue.
— Ecoutez, je ne pense pas être la personne la plus appropriée pour… parler. De ça. Je n’y connais rien, aux robes, moi. Naouri ? »
La domestique parcourut compulsivement les tissus de l’éventail d’un geste rapide et assuré. Elle s’attarda sur certains carrés, mais ne es’arrêta que lorsqu’elle en trouva un qui, au premier coup d’œil, emporta son approbation.
« Celui-ci sera parfait. Faites un vêtement long, affirmé, élégant. Mais simple. Ne surchargez pas de pierreries. De la broderie fine, tout au plus, fera l’affaire. Si vous acceptez d’attendre un instant, j’ai pris note pour vous des mesures de la princesse. »
La couturière observa, bouche bée, l’esclave qui revint en lui tendant un papier. Elle paraissait si déroutée qu’elle n’y répondit mot.
« Il semblerait, Madame, que cette affaire de robe soit réglée, reprit Maeve d’un ton réjoui. Si vous voulez bien m’excuser… »
Et elle quitta la pièce, le menton en l’air, triomphante. Comment ses congénères pouvaient-elles passer autant de temps sur ces futilités ? Cette ixième fête n’avait pas encore commencé qu’il lui tardait déjà qu’elle soit terminée.
Le temps, notait-elle, avait un déroulement curieux. Ses séances d’entraînement improvisées, ses visites à Primo paraissaient filer en un bref instant. Mais la seconde entrevue avec Dame Violaine, tout comme la première, lui sembla interminable. La couturière avait tenu à venir livrer en personne son ouvrage pour lequel elle semblait éprouver une particulière fierté.
« Regardez-moi ces épaulettes, et derrière, ce tombé. C’est tout vous. Cette robe, c’est vous Madame ! »
Dame Violaine ne l’avait visiblement pas bien cernée. Maeve avait néanmoins appris à faire fi de ses toilettes, et portait un détachement tout particulier aux commentateurs assidus de ses tenues. Condamnée à porter ces costumes fantasques, il ne suffisait pas qu’elle leur consacre du temps. Elle devait aussi souffrir d’en entendre parler davantage.
« Elle est vraiment magnifique. Je vous en remercie.
— C’était un honneur de travailler pour vous, Madame. Vous dégagez quelque chose de si singulier qu’on n’a qu’une envie, c’est de le saisir à travers l’aiguille ! Je vous suis toute disposée pour les évènements à venir. J’ai pensé à quelques modèles que je pourrais vous présenter, vous adorerez. »
Maeve eut un sourire gêné en la remerciant à nouveau. Si cette tenue représentait tout ce qu’elle inspirait à Dame Violaine, alors la jeune fille était certaine de ne pas vouloir connaître davantage de ses créations.
Le jour de la Fête du Roi, Maeve retrouva Odrien sur le parvis devant le Pavillon Royal. Autour de son époux, elle aperçut des têtes vaguement familières. Elle connaissait surtout Lazare, si encore l’on pouvait appeler connaître le fait de s’être fait peint le portrait. Toutes ces séances à poser dans un silence religieux avaient bien heureusement pris fin, et la toile qui en avait résulté était à l’image de son couple : terne.
Comme elle, le groupe amassé autour du prince était vêtu d’un vert impérial. Plus loin, d’autres rassemblements dans la cour arboraient leur propre couleur. La suite de Cilia, rouge jusqu’aux pieds, était de loin la plus nombreuse. Elle bavardait avec intérêt avec son cousin, tout de jaune endimanché, tandis que çà et là des dames gloussaient. Le monde stationnait devant ce parterre de calèches. Ils paraissaient tous décontractés, euphoriques. Les courtisans bavardaient assidûment devant les carrosses, et quelques voix taquines firent allusion à une retardataire récidiviste que tous attendaient pour prendre la route des hostilités. Les Dennois aimaient à célébrer chaque occasion qui se présentait avec l’art et la manière.
« La voilà qui arrive ! » s’en exclama un.
Elle se tourna pour découvrir l’objet de tant d’attentes, et la reconnut avec effroi. La femme des Jardins d’Ailleurs. Comment avait-il osé l’inviter en sa présence ? Quel affront. Jamais de sa vie elle n’avait été traitée avec tant d’irrespect.
« En route pour le quartier des tisserands ! »
La voix euphorique d’Odrien rajouta à sa stupeur. Déconcertée, Maeve accepta l’invitation d’un valet de pied qui la conduisit jusqu’à leur carrosse. Elle avait envie de choses abominables. Elle voulait rester calme, mais elle n’arrivait pas à chasser le visage de cette femme de ses esprits. De tout le trajet, elle ne parvint pas à mentionner le sujet de cette autre femme. Elle ne savait même pas par où commencer. Quel mot employer pour parler d’une chose si délicate ?
Fidèle à son mutisme naturel en sa présence, Odrien lui posa de rares questions de circonstance auxquelles elle répondait sèchement. Les rues en liesse et les visages radieux des passants contrastaient cruellement avec la fureur que Maeve contenait envers son mari.
Dans le quartier des panœuvres, avec ses grands édifices aux murs pastel et aux colonnes travaillées, était en liesse. Ses habitants, fièrement vêtus de jaune, acclamaient le convoi et jetaient des pétales jaunes. Le quartier de Nirien.
Puis les premiers verts firent leur apparition dans le décor, et bientôt, c’était toute la foule du quartier des tisserands qui acclamait leur arrivée. Odrien salua gaiement le peuple, qui jetait des fleurs et des graines en leur honneur sur leur passage. Maeve l’imita d’un signe de main machinal et soudain, la chaleur des sourires et la clameur de la foule la délivrèrent quelques instants de ses tracas incessants.
Les bâtisses en bois arboraient des poutres peintes de couleurs vives. La ruelle aboutit enfin sur une grande place où le carrosse marqua l’arrêt. De toutes parts, des comptoirs étaient installés et des gens regroupés autour de tonneaux couverts de chopes plus ou moins vides.
La suite attendait, attroupée, que son prince donne le ton. Maeve observait d’un œil curieux ces courtisans occuper les alentours. Si elle était déjà sortie du palais auparavant, c’était bien la première fois qu’elle voyait la cour en sortir autrement que pour aller s’enfermer dans un autre vase clos.
« Ici, ce sera très bien pour commencer » commenta Odrien devant une buvette à l’angle de la place.
A peine eurent-ils ralenti le pas que la tenancière s’empressa de lui demander ce qu’il désirait boire.
« Je prendrais un olambic, je vous prie. Et vous, Maeve, que voulez-vous ?
— Je prendrais la même chose. »
La gaillarde contourna son comptoir pour les servir en personne.
« Mes honneurs, Votre Altesse. »
Le prince leva sa chope en l’air.
« A la santé du Roi !
— A la santé du Roi ! » reprirent les courtisans.
Les plus téméraires avaient déjà un verre des buvettes voisines à la main. Derrière son comptoir, la femme alignait une rangée de pintes et les remplissait avec une rigueur digne de l’armée. Les litres coulaient à flots, la cour rayonnait d’une gaieté infantile. Mais au milieu de toute cette assemblée, Maeve ne voyait qu’une seule personne. Elle. Elle riait par-ci, saluait par-là. Tous semblaient prendre un plaisir exquis en sa compagnie, et trouver de l’esprit à ce petit minois à l’air si pétillant. La princesse voyait rouge. Elle ne pouvait s’empêcher de l’épier. Son visage, ses mimiques, tout l’irritait. Qu’avait-elle de si spécial ? Et qui était-elle, d’ailleurs ? Maeve s’exaspérait. Pourquoi fallait-il qu’elle ne pense qu’à ça ? Elle s’en fichait, après tout, de cet homme. Alors pourquoi se mettait-elle encore dans de tels états ?
Cette fois, ce fut en direction d’Odrien que la femme fit une entrée grandiloquente. Le prince, qui parlait avec Lazare et un autre ami, l’accueillit à bras ouverts avec un plaisir affiché. Maeve rumina de plus belle.
« Vous sentez-vous bien ? »
Elle était restée si concentrée sur cette femme qu’elle n’avait pas vu Lazare s’approcher d’elle. Il avait sans doute voulu laisser à Odrien plus d’intimité. Ainsi donc, il savait lui aussi. Tout le monde devait savoir. Elle sentait la honte écraser ses épaules et la clouer au sol.
« Oui. Tout va bien. L’olambic est… chercha-t-elle en buvant une gorgée. Saisissant.
— A votre santé, Princesse » prononça-t-il en lui offrant de trinquer.
Maeve but un peu, lui quelques gorgées de plus, puis il reposa sa chope sur un tonneau et en saisit une au vol sur le plateau couvert de pintes que portait un serveur.
« Les avez-vous peints, eux aussi, Monsieur Tissau ?
— Qui donc ?
— Ne me prenez pas pour plus sotte que je ne le suis. Eux » signifia-t-elle d’un mouvement de tête.
Lazare considéra le couple d’un air pensif avant de revenir à la jeune fille.
« Je ne réalise que les portraits officiels de la famille royale, pesa-t-il ses mots. Ainsi que les commandes spéciales pour les grands évènements.
— Je vois. »
Elle saisit à son tour une autre olambic, et but d’une traite, guettant sa rivale du coin de l’œil. Sa délivrance fut proche. Sur les encouragements de quelques festoyeurs bientôt relayés de toutes parts, Odrien déclara l’heure venue, et tous s’engouffrèrent gaiement dans la première rue déjà bien animée par la foule en délire.
Tous s’écartèrent sur leur passage et les acclamèrent. Les courtisans saluaient, parlaient, se mélangeaient dans un naturel surprenant. Une dame ronde aux mèches nattées sauta sur Maeve pour la couvrir d’un sautoir de coquillages peints d’un vert olive atroce. Avant qu’elle n’ait le temps de la remercier, une autre lui accrocha une fleur à la poitrine, tandis qu’un petit homme se grandissait sur la pointe des pieds pour pendre à son cou une étoffe. Elle ne savait plus où donner de la tête. Autour d’elle, un cercle de curieux attendait son tour pour lui serrer la main et lui souhaiter chaleureusement une belle Fête du Roi.
« Maeve ? »
Elle apercevait le crâne d’Odrien qui dépassait par intermittence les têtes des badauds. Elle salua une dernière fois la foule avant de le rejoindre.
« Nous avons pris de l’avance, dit-il en lui offrant son bras. M’obligerez-vous ? »
Son regard si sincère dans ce bleu océan était troublant. Elle préféra repousser une nouvelle fois l’échéance de leur discussion, et laissa de côté son tracas du matin pour accepter l’une des rares démonstrations de proximité de son époux.
Les membres de leur escorte princière, répartis entre plusieurs buvettes, ne paraissaient nullement prêts à en partir.
« Chaque année c’est pareil, vous verrez. La meilleure fête de l’année.
— Ah ! » acquiesça-t-elle d’un sourire tiré.
Odrien saisit deux chopes d’olambic sur leur passage et lui en tendit une.
« Vous devriez peut-être le faire plus souvent, dans ce cas.
— Les plaisirs les plus rares sont les meilleurs, après tout. Ne pensez-vous pas ? »
Elle était toujours aussi sidérée par l’occurrence de cette émotion dans l’esprit des Dennois : le plaisir. A croire qu’il était la justification de tous les quotidiens. Maeve concevait chaque jour davantage ce que cette expression signifiait. Ce n’était pas chose courante, au Norlande. Ce n’était pas une finalité, ni même une vertu, et passait plutôt pour de la paresse, parfois même de l’immaturité.
« La tradition de cette Fête remonte au début de l’ère méritonienne, avec les premiers rois de la dynastie des Paretti. Et depuis, les villes de tous les Pays de Dennes célèbrent l’unité de ses quartiers.
— Chez nous, le Gouverneur ne vivrait jamais bien longtemps coupé du peuple.
— Parce qu’en Nouvelle-Bodhurie, le Gouverneur vient du peuple.
— Mon grand-père dirige son Etat tout autant que votre père ! Et dois-je aussi rappeler que notre territoire représente quatre fois le vôtre, et qu’il serait temps que vous cessiez de l’appeler Nouvelle-Bodhurie ?
— Je pense, Maeve, que l’olambic vous monte à la tête. »
Elle enrageait, mais son époux ne lui laissa pas le temps de reprendre le dessus.
« Si vous voulez bien m’excuser » dit-il en la saluant poliment.
Sous les yeux abasourdis de son épouse, Odrien prit la chope des mains de Maeve pour la reposer sur un tonneau voisin, avant de s’éloigner. Elle s’autorisait une fois à lui tenir tête, et il accusait les effluves de l’alcool ? Elle se précipita pour reprendre sa pinte, et chercha dans les alentours la promesse d’une compagnie rapide. Ses yeux parcouraient plusieurs groupes qui parlaient incessamment sans lui prêter la moindre attention. Elle glanait des phrases au passage, attendait de s’introduire à point venu dans une conversation, mais rien n’y faisait. Elle était seule. Elle ne connaissait personne, et personne ne cherchait à la connaître. Eviter la vie de cour avait un prix : celui de mourir d’ennui dans les moments obligés.
Soudain, elle croisa le regard d’un courtisan. Il lui sourit d’une fraîcheur sincère, et la salua d’un mouvement de tête. La princesse lui rendit sa politesse timidement et attendit. Mais il poursuivait sa conversation, lui jetant parfois des regards discrets. Elle détournait alors les yeux et faisait comme si elle ne l’avait point regardé. Puis elle se résigna à aller lui parler. Il fallait bien s’occuper, se conforta-t-elle.
« Votre Altesse » salua le second.
A peine eut-il fini d’adresser un sourire encadré de sa fière moustache qu’il continua à l’intention du jeune homme :
« Enfin, rien de plus que d’habitude me direz-vous. Ce ne sont que les variables qui changent. Les tendances, elles, restent les mêmes. Aujourd’hui les pépites de rocas, mais demain ? Qui sait ce que ce sera, demain ? »
Si elle avait un seul instant cru trouver ici une conversation distrayante, ce ne serait pas pour cette fois. Maeve porta aux lèvres sa chope dont il ne restait que de maigres gorgées. Avait-elle bu si vite ? Elle attendit qu’un serveur soit passé pour s’éloigner jusqu’au comptoir. Les coudes sur les planches, elle regarda d’un air absent les garçons aller et venir, le plateau rempli avec prouesse de verres tantôt vides, tantôt prêts à déborder.
« Tout va bien, Madame ? »
La fillette, habillée à la garçonne, semblait si jeune. Elle ôtait la mousse d’une rangée de verres avec dextérité, puis posa les pintes sur le comptoir d’un geste rapide et méthodique. Maeve était fascinée par sa cadence appliquée.
« Quel âge as-tu ? »
La petite se baissa pour attraper une cagette avec de nouveaux verres. Une fois vidée, à peine l’avait-elle posée au sol qu’un serveur récupéra le cageot qui disparut dans la horde frénétique des serveurs.
« J’ai onze ans. »
Onze ans. C’était si loin, et si proche à la fois. A onze ans, elle commençait son deuxième cycle. La vie était bien, à onze ans. Bien mieux que maintenant.
« Et ça fait longtemps que tu travailles ici ?
— Assez. »
La gamine disparut de nouveau pour revenir avec un tonnelet.
« Vous voulez un verre du coup ? »
Elle acquiesça. La petite siffla et, d’un mouvement de tête, désigna Maeve à un serveur qui s’empressa de lui servir un verre. Elle le porta à ses lèvres et observa un temps l’enchantement de la foule alentour. Elle avait beau mieux les connaître, pourquoi n’y arrivait-elle pas encore ? Serait-elle toujours si différente ? Maeve prit une nouvelle gorgée qu’elle regretta bientôt. Les vapeurs lui montaient aux pommettes. D’un pied maladroit, elle manqua de perdre l’équilibre, et préféra s’adosser au comptoir pour éviter tout désagrément. Elle se jura alors de ne plus boire d’olambic pendant quelque temps, et reposa son verre tout aussitôt.
« L’olambic monte vite à la tête, surtout pour ceux qui n’en ont pas l’habitude, l’interpella Odrien.
— Je vais très bien.
— Certes » sourit-il.
Il avait ce regard bienveillant. Ses pupilles noyées dans l’océan de ses iris bleus lui inspiraient une sincérité dont elle ne pouvait pourtant s’empêcher de douter. Qui était-il ?
« Nous devrions nous mettre en route pour le cortège. Vous verrez, c’est l’un des hauts moments de la Fête du Roi. »
Une occasion parfaite pour s’asseoir, pensa-t-elle. Odrien lui présenta son bras sur lequel elle posa sa main. Son geste manquait toujours de naturel, dans ces moments-là. Sur leur passage, la foule se joignait au cortège et les premiers trombones résonnèrent, suivis de près par les roulements de tambours. Bientôt, c’était un concerto de toutes parts qui se joignait aux fêtards qui chantaient. On accourait aux fenêtres, on jetait du grain. Le cœur de la ville battait à l’unisson tandis qu’ils avançaient à la rencontre des autres quartiers.
Puis furent aperçus, au loin, les premiers habitants vêtus de rouge qui époumonaient leur enthousiasme à l’arrivée de leurs voisins. Les quartiers s’accueillirent à bras ouverts, s’échangeant cordialement couvre-chefs, colliers et accessoires les plus fantaisistes. Le cortège de vert et rouge se déversa dans les rues du quartier des sifrandes. Ici aussi, la fête battait son plein. Dans le port de plaisance, les bateaux aussi accueillaient les festivités. Sur certaines poupes, des enfants faisaient de grands signes des bras.
A mesure qu’ils se rapprochaient du palais, leur progression se trouva de plus en plus ralentie. Là-bas, elle pouvait entendre la foule clamer plus fort encore. Jamais de sa vie elle n’avait vu fête comme ça. La rue déboucha enfin sur la grande avenue au bout de laquelle trônaient les murs d’enceinte. L’espace lui offrit une respiration bienvenue. Trônant devant les murailles du Palais Royal, Orman et Cilia saluaient la foule. Le Régent, lui, avait hérité du pourpre pour la journée. A mesure qu’ils approchaient, les traits se dessinaient sur son visage creusé et son regard vague. Pauvre Orman, pensa-t-elle. Depuis la disparition de Samaon, il n’était plus que l’ombre de lui-même.
La calèche s’arrêta enfin à leur niveau, tandis que leur suite s’était dispersée dans l’assemblée. A l’embouchure d’un autre quartier, la foule acclama une nouvelle arrivée. Les percussions ouvraient la voie dans leur écho menaçant. Les premiers arrivants du nouveau cortège marchaient, le torse découvert. Maeve détourna le regard devant une poitrine dénudée dans une gêne rougissante.
« Les embrumes font toujours des mises en scène plus… Originales » commenta Odrien.
Les corps tout de bleu peints roulaient et tournoyaient en l’air. Le peuple les ovationna à l’unisson, tandis qu’arrivait la calèche princière du quartier. Soudain, les funambules s’immobilisèrent et, au son d’un roulement de tambours haletant, crachèrent des flammes spectaculaires. Le public était en liesse. Renfermé au fond de sa banquette, le prince aux cheveux bruns tempêtait d’un regard désabusé.
« Vous n’avez pas fait dans la dentelle, ricana Cilia tandis qu’ils descendaient du carrosse.
— Vous vous doutez bien, chère sœur, que je n’ai pas ordonné de tels arrangements.
— C’est bien pour cela que vous ne me verrez jamais aux embrumes ! Les tisserands cela dit, je pourrais. Le vert me sied à ravir, même si j’aurais donné le ton pour une nuance moins terne. Oh, mais qu’est-ce donc ? » s’arrêta-t-elle sur Maeve.
Cilia fit glisser entre ses doigts le collier de coquillages vert olive.
« Je n’aurais jamais accepté de porter ça. »
Maeve se retint de répondre, pour ne pas lâcher les furies. Vu les assemblages dont sa belle-sœur était parée, elle se doutait qu’elle n’avait pas dû faire l’échange avec beaucoup d’inconnus.
La clameur populaire annonça l’arrivée du dernier char. Un pied appuyé sur le rebord de sa calèche, Nirien lançait à la foule des fleurs qu’il sortait par poignées d’un panier tendu par son valet. Le peuple en délire s’arrachait les précieux pétales que Monsieur avait daigné toucher. Décidément, son beau-cousin avait l’apanage des entrées les plus extravagantes. Cilia ne tarda point pour partager son commentaire d’usage.
« Remarquable.
— Que n’a-t-il pas, ce cher Nirien ? ironisa Darion.
— Votre médisance.
— Quel dommage ! » s’exclama Odrien.
Maeve ne put réprimer un rire, mais se ressaisit à la vue du regard accusateur de son beau-frère. Le dernier cortège finit enfin par arriver, et lorsque Nirien posa le pied à terre, le Régent s’avança vers chacun d’eux pour leur offrir l’un de ses objets. La jeune fille lui tendit l’une de ses étoffes dont il s’entoura aussitôt. Tel un paon paré de son éventail de couleurs, il s’avança au-devant du peuple les bras ouverts.
« Chères Dennoises, chers Dennois. Chers hommes, femmes et enfants, du quartier de l’ermitage, des panœuvres, des sifranes, des tisserands ou encore des embrumes, gens du palais. Je voudrais porter un verre, ce soir, à la trois mille deux cent treizième fête de l’unité des peuples de Dennes.
» Ici, plus que dans tout autre Pays de Dennes, l’unité est le socle de notre nation. Que vous soyez nés dans le Rochore, en Vinilée, Dennes Franche, ou toute autre de nos magnifiques contrées, que vous soyez nés ici, même, pour les plus jeunes d’entre vous, vous êtes un. Vous êtes la Dennes Occidentale. Vous avez fondé la Dennes Occidentale. C’est ce lien que nous célébrons aujourd’hui. Et ce lien, c’est une personne en particulier qui l’incarne. Une personne qui nous unit tous à travers son Royaume. Il se trouve qu’aujourd’hui est le jour de son anniversaire, alors je vous souhaite, Dennoises, Dennois, de passer une belle Fête du Roi, dont je suis heureux de vous annoncer l’ouverture du banquet ! »
L’allégresse gagna la foule. La musique reprit de plus belle, et de toutes parts des inconnus trinquaient ensemble et troquaient leurs objets. Certains courtisans aussi continuaient de se prendre au jeu, et Maeve ne fut pas étonnée de repérer le jeune homme de tout à l’heure occupé à parler avec des gens des quartiers. Elle ne fut pas surprise non plus de constater que Cilia, elle, restait entourée de ses fidèles amies qui ne l’avaient pas quittée de toute la journée.
Des tables se dressaient le long des avenues, tandis que des hommes arrivaient avec des gibiers embrochés et rôtis à point. Maeve avait assez connu la chasse pour reconnaître à cette peau craquelée d’un brun graissé que la viande avait été travaillée avec la plus grande attention pendant de longues heures. Ses narines humaient la viande grillée, et son estomac lui rappela qu’elle aussi aurait bien aimé manger. Les broches affluaient sans s’arrêter. Combien en faudrait-il encore pour nourrir Mirane ? Elle aurait tout donné pour avoir l’un des morceaux que l’étalier était en train de détailler de ses coups sèchement tranchants.
« Elle est ici, regardez ! s’écria une voix familière. Maeve ! »
Ritius se faufilait entre les groupes, le bras tendu vers elle. Dans son sillon, le vieux maître se frayait un chemin timide à travers la foule. Avec leur tenue et leurs broches de fleurs jaunes, elle devinait qu’ils avaient passé la journée aux panœuvres, dans le fief de Nirien.
« Je commençais à douter que j’arriverais à vous croiser, lança-t-il en arrivant enfin. C’était sans compter sur la détermination inconditionnelle d’un enfant…
— Je suis grand maintenant !
— Certes, mais tu vas grandir encore. »
Le garçon gardait ses poumons gonflés d’air à en rougir et s’élevait sur ses pieds.
« C'est un magnifique collier que vous avez là » reprit Primo.
Et ils le fixèrent dans un rire complice. Maeve l'enleva de son cou pour mieux le regarder.
« Vous le voulez ? » lui offrit-elle en ricassant.
Il se redressa d’un air sérieux que son sourire aux lèvres trahissait.
« J’en serais honoré » adressa-t-il dans une révérence théâtrale.
Primo décrocha à son tour la broche à la fleur jaune aux reflets orangés qui trônait sur sa poitrine et la tendit à la jeune fille.
« Je regrettais presque d’avoir manqué celles du défilé, ironisa-t-elle.
— Moi aussi, Maeve, vous voudriez bien m’échanger quelque chose ? » Ritius en sautillant entre eux.
— Bien sûr ! Voyons… » chercha-t-elle en séparant maladroitement les parures dont on l’avait recouverte.
Elle noua au cou du garçon un volant de soie claire si long qu’il lui arrivait aux cuisses. Ritius en était néanmoins ravi, et lui tendit en échange son bracelet aux larges perles de bois grossièrement jaunies.
« Kasper est resté à l’atelier ?
— Il préfère mourir que venir à cette fête, débita le garçon.
— Ritius !
— Pardonnez-moi, Maître. Je n’en parlerai plus, je ferai attention…
— Ne pas parler de quoi ? »
Darion avait surgi de nulle part. Un verre dans une main, une pique remplie d’olives dans l’autre, il observait leur réaction avec la plus grande attention.
« C’est une manie, chez vous, de toujours vouloir mettre le nez dans mes affaires ? lui adressa Maeve d’un ton impatient.
— Ce n’est pas une manie, c’est mon travail. Deux choses tout à fait distinctes, vous en conviendrez. »
Darion toisa le vieux maître, qu’il salua brièvement. Maeve, elle, ne décolérait pas, et pulvérisait le ministre du regard.
« Je ne tiens cependant pas à vous être inconvenant. Alors si ma présence vous est si fâcheuse…
— Je vous en remercie. »
Elle marqua une courte révérence, pour mieux lui signifier qu’il était temps pour lui de les laisser, mais le ministre ne se décidait pas à partir. Ses noisettes la transperçaient d’une intensité telle qu’elle préféra les éviter.
« Les festivités vont bientôt commencer, vous ne devriez pas tarder à regagner le palais » lança-t-il tandis qu’il partait enfin.
Sur le parvis de la place Ferinan, quelques retardataires continuaient leur conversation effrénée. Autour d’eux, la foule s’était dispersée pour mieux se rassembler autour de grands étals, installés pour l’occasion le long des murailles. Tandis que l’on coupait des tranches de viande qui tombaient dans des assiettes que d’autres faisaient valser en-dessous des couteaux, l’odeur de la chair braisée creusa son estomac.
« M’accompagnerez-vous au palais ?
— Avec grand plaisir. »
Ritius ne cacha pas son enthousiasme. Il n’avait vu ses murailles que de l’extérieur mais ne cessa de leur rappeler que sa mère, elle, s’y était déjà rendue. Sous ses airs de garçon turbulent qui vivait dans la cabane délabrée, Maeve oubliait souvent que l’apprenti venait lui aussi d’une famille noble.
Les jardins du Palais Royal étaient somptueux. Les lumières qui scintillaient entre les branches offraient aux convives une myriade de recoins intimistes pour la soirée. Certains, étendus sur des divans, refaisaient le monde en piochant des bouchées dans des plateaux à l’opulence gargantuesque. D’autres déambulaient dans les allées en se confiant menus secrets. La musique était plus reposante, le tout contrastait radicalement avec l’effervescence de la journée.
Tandis qu’ils arpentaient les jardins à la recherche de divans libres, Primo admirait les jardins.
« Et encore, vous n’en voyez là qu’une partie. J’ai beau ne pas être enthousiaste à l’idée de ce palais, je dois bien leur reconnaître que les Dennois peuvent avoir du goût.
— Vous êtes vraiment une princesse surprenante » dit-il en riant.
Elle ne savait pas ce qu’il voulait dire par là, mais une petite voix au fond d’elle était fière de l’entendre. Ils trouvèrent enfin une poignée de divans libres nichés dans un petit jardin peu éclairé sinon par les étoiles, qui scintillaient de leur lueur ardente. Ritius avait amoncelé une montagne de friandises sur une assiette qu’il proposa, grand seigneur, de partager avec eux.
« Pourquoi ne fréquentez-vous pas la cour ?
— Tous les nobles ne sont pas à la cour, il faut y être invité.
— Alors j’aimerais que vous soyez invité plus souvent.
— Votre belle-famille ne verra peut-être pas la question du même œil…
— Darion se méfie de tout le monde, mais il ne pourra pas vous tenir loin de la cour sans raison. J’irai parler au Régent. Je n’ai jamais rien demandé, depuis que je suis arrivée ici. Alors peut-être… »
Il la considéra d’une mine réjouie. Ses yeux bleus scintillaient d’une émotion sincère.
« Quoi que l’on vous réponde, vous serez toujours la bienvenue à mon atelier. »
Un valet leur offrit un nouveau plateau dans lequel Ritius piocha plusieurs bouchées sans attendre, quand le bracelet autour de son poignet vibra de nouveau.
« Primo… » chuchota-t-elle en lui désignant les pierres du menton.
Les pupilles du vieux maître parlaient, mais ses lèvres restaient immobiles.
« Je reviens » dit-elle en se levant.
Ils ne pouvaient pas se permettre d’en parler ici, et elle devait faire vite. Les pierres vibraient plus fort à mesure qu’elle remontait les jardins jusqu’à l’entrée. Si elle faisait de son mieux pour passer inaperçue, elle aurait voulu s’élancer sur la trace des vibrations à toutes jambes, et se contentait d’une marche rapide qui n’avait rien de naturel.
Dans l’obscurité du ciel, elle discernait des ailes qui battaient avec frénésie. Les chauves-souris voletaient à tue-tête dans leur trajectoire chaotique. Maeve n’avait pas besoin de nimber pour savoir quel bruit insoutenable accompagnerait son trépas. Mais tandis qu’elle regagnait la Grande Allée, les vibrations s’évanouirent.
Elle ne savait pas même quoi chercher. Sans son bracelet, elle n’avait pas plus de piste qu’avant. Un sombre pressentiment l’habitait. Que venait faire de la magie oubliée dans cette Fête du Roi ? Elle regardait les courtisans, affairés à leurs conversations volubiles dans les recoins des jardins, un verre à la main, trop calmes pour la situation. La jeune mage parcourut les allées à la recherche d’une tête plus suspecte, quand le titillement délicat d’une clochette appela les convives à se rassembler devant la fontaine qui trônait au centre des jardins.
Debout sur le rebord, Nirien dominait l’assemblée. Son air triomphant et ses pommettes rouges irritaient déjà Maeve alors même qu’il n’avait pas prononcé le moindre mot.
« Je tenais d’abord à vous remercier tous, Mes Dames et Mes Sires, pour rendre à mon père un si bel hommage le jour de son anniversaire. Aujourd’hui est le jour des beaux discours. Mon oncle a ouvert le bal, et je suis heureux de prendre sa suite… A mon père, au Roi, je souhaite un bel anniversaire. »
Maeve ne le regardait même pas. Elle préférait détailler la fontaine, qu’elle n’avait jamais pris le temps de contempler de si près. Au milieu, une statue levait une épée au ciel. De son autre main, elle tendait une corne dont les fruits débordaient. La carrure était celle d’un homme, mais les traits du visage étaient si fins qu’elle crut d’abord à une femme. Pour supporter sa stèle, des petits guerres de pierre tendaient les bras au ciel. L’ouvrage l’intriguait davantage que son beau-cousin, qui avait attendu d’avoir assez d’applaudissements pour poursuivre.
« Moi qui ai l’habitude des Fêtes au palais, et par palais j’entends Virenne, je suis heureux de passer ce jour si important avec vous, pour la première fois. Un an que Mirane m’a accueilli, et que je l’ai adoptée. Je me réjouis donc de vous annoncer que les liens entre le comté et la Couronne vont se renforcer encore. Amis, gens de la cour, peuple des Pays de Dennes : votre prince va se marier. »
Il fit une pause, la tête relevée, les yeux à l’affut pour mieux jauger les réactions. Si certains applaudissaient plus vigoureusement que d’autres, la surprise se lisait sur tous les visages. Lui, se marier ? Qui voudrait épouser un homme pareil ? Assurément, il ne fallait pas être sain d’esprit pour souhaiter un tel malheur.
« Très chère… »
Le prince perché sur la fontaine tendit un bras vers l’assemblée qu’une main gantée saisie. Une robe rouge se détacha. D’un geste assuré, des bouclettes dorées volèrent derrière une épaule à moitié découverte par la mousseline. Cilia lova sa main sur le poignet de son cousin, et monta à ses côtés. Lorsqu’elle se tourna enfin, ce fut une mine radieuse que Maeve découvrit sur le visage de sa belle-sœur. Une mine qu’elle ne lui avait encore jamais vue.
La scène lui parut surréaliste. Nirien et Cilia, se marier ? Après tout, les deux étaient si insupportables de vanité qu’ils faisaient bien la paire. Ainsi donc, le fait qu’ils soient cousins ne serait pas un problème ici ?
Le Régent les invita à se rendre devant l’esplanade du Pavillon Royal, où une scène avait été montée pour l’occasion. La foule se mit en branle sur son passage, et Maeve repéra le vieux maître au milieu de cette masse informe, ravie de la perspective de suivre le spectacle aux côtés d’un ami plutôt que de sa belle-sœur qui se pavanerait au sujet de l’annonce de ses fiançailles.
L’orchestre élevait progressivement la voix, ponctué par les cithares. Une troupe de femmes montées aux hautes coiffes marquaient le rythme de leurs mains. Leurs pieds exécutaient des pas resserrés mais délicats. Elles se déplaçaient avec grâce, se croisaient dans un enchevêtrement mûrement répété et tournoyaient d’élégance. Elles étaient magnifiques. Orman suivait la danse d’un œil vif. Pour la première fois depuis la disparition de Samaon, son sourire était sincère.
Sur sa gauche, elle entendit tousser. Les musiciens entonnaient des airs plus enjoués, auxquels les danseuses répondaient de gestes plus mouvementés. Les notes couvrirent la voix, qui s’enraya plus fort encore, tandis que les danseuses défilaient dans une série de pas dans la symétrie absolue de leurs corps voluptueux.
Quand elle entendit la voix racler sa gorge à plein poumons, Maeve ne put se retenir de regarder. Autour d’elle, tous étaient fascinés par la danse, mais un nouveau toussotement attira son attention sur une poignée de spectateurs qui commençaient aussi à jeter des regards inquiets en direction d’Orman et d’Odrien.
Le Régent cracha du sang. Il avait pris soin, dans une précaution ultime, de porter son gant à sa bouche. Orman se figea, avant d’adresser à son fils un regard tétanisé.
« Il y a un problème, souffla Maeve à l’oreille du maître.
— J’ai amené quelques potions mais je ne sais pas si…
— Nous devons faire vite ! »
Elle s’avança vers Orman, mais le maître de potions la retint par la manche et lui glissa une fiole entre les mains.
« Vedere Mana. Les effets sont rapides. Quelques gouttes devraient suffire, si c’est la bonne.
— Maeve ! s’étouffa le Régent.
— Ne parlez surtout pas » lui commanda-t-elle.
D’une prise ferme, elle le força à s’accroupir pour mieux l’allonger au sol, sur le côté. Agir vite. Maeve passa le creux de la paume sur la poitrine du Régent. Sous l’effet de ses mains, la lumière de son Nimbe pénétrait le corps d’Orman. Elle pouvait sentir une douleur lancinante, ailleurs. Plus bas. Elle s’arrêta au-dessus de l’estomac, et fit de son mieux pour rester concentrée malgré la voix de Darion qui tonnait derrière.
« Emmenez-moi le docteur Letrouvier ! Et vous, vous êtes sûre de ce que vous faites ?
— Ne me déconcentrez pas.
— Par les Cieux ! Le docteur ! Vite ! » s’écriait dans son dos la voix de Cilia.
Maeve fit valser le bouchon d’un coup de doigt et porta la potion si rapidement à sa bouche qu’elle en oublia un instant les précautions du maître. De la langue, elle bloqua l’ouverture de la fiole qui s’apprêtait à déverser tout son contenu dans sa trachée. Dans la panique, son Nimbe s’évapora, et elle se dépêcha d’en créer un nouveau, pressant cette fois sa main sur le ventre d’Orman.
Elle sentait. Elle sentait le cœur du mal tempêter. Elle sentait son Nimbe qui tentait de résorber les plaies. Elle sentait le sang qui coulait plus que jamais.
« Je n’y arrive pas. »
Ses mains tremblaient. Orman, lui, n’arrivait plus à respirer sans gémir. Il se roulait sur le ventre, les yeux frappés par une angoisse fataliste. La jeune fille sentait le regard lourd de son fils toiser le moindre de ses mouvements.
« Essayez celle-ci » suggéra Primo.
Accroupi derrière elle, le vieux maître lui tendait une nouvelle fiole.
« Un vrai soigneur, ciel ! » appela Cilia.
Maeve replaça le Régent sur le dos pour mieux le nimber, mais l’homme refusait de tenir en place. Il tentait tant bien que mal de prendre appui sur ses coudes pour se relever, malgré les remontrances de la jeune mage.
« Vous » accusa Orman dans un râle.
Maeve suivit son bras, assailli de terribles tremblements, se lever et pointer fébrilement d’un doigt féroce dans sa direction. Elle ? Plusieurs courtisans reculèrent d’effroi. Ils accusaient du regard, mais ce n’était pas vers elle que leurs yeux convergeaient. Non. Ils fixaient tous derrière elle.
« Fallait-il aussi que vous m’assassiniez ? »
Le Régent s’effondra sur ses bras, et cracha des trachées d’un noir sang épais.
« Arrêtez-le ! »
Darion enrageait. Il suivait du regard les gardes qui entourèrent le vieux maîtres aux épaules baissées.
« Non ! » cria-t-elle.
Dans ses mains, le nimbe vibrait. Elle sentait le supplice de son beau-père tourner au calvaire. Son aura l’attirait vers le ventre protubérant. Mais l’état de la victime, lui, ne s’améliorait pas. Il s’étouffait de glaires de sang qui jaillissaient par la commissure de ses lèvres. De l’autre côté du corps, un homme à la fine moustache et les cheveux plaqués en arrière apparut, et se mit à manipuler le Régent tout aussitôt.
« Laissez-faire les professionnels, souffla Nirien à son oreille.
— J’essaie simplement de sauver cet homme » répondit-elle sèchement.
D’une main, le docteur Letrouvier palpait le pouls de la victime. De l’autre, il touchait le front d’Orman, puis il redescendit à ses poumons et son ventre.
« J’ai besoin d’espace, je ne peux pas travailler sans rien y voir » déclara-t-il.
Maeve voulut regarder Orman une dernière fois, et elle en regretta aussitôt la vision. L’horreur sur ses traits la tétanisa. Elle recula de plusieurs pas, désorientée, avant de retrouver ses esprits. Ils avaient arrêté Primo.
« Attendez ! »
Elle avait beau cavaler derrière les gardes, ils ne s’arrêtèrent pas et continuèrent de l’ignorer.
« Primo ! Ce doit être une erreur. Primo ! »
Le vieillard fuit son regard et continua d’avancer sous les à-coups de ses geôliers, laissant la jeune princesse pétrifiée qui les regardait disparaître, tandis que la foule cédait passage sur leur chemin.
Des hurlements de douleur détournèrent alors l’attention générale. Un servant se roulait par terre. Ses bras appuyaient sur son ventre d’une force inouïe, comme s’il essayait d’en ôter une douleur diabolique. De là où elle était, Maeve ne pouvait plus voir Orman dont les rugissements ne lui donnaient guère plus d’espoir.
Affolé, Ritius tomba en pleurs dans les bras de Maeve qui l’enserra, le cœur piqué à vif.
« Qu’est-ce qu’ils vont lui faire ? larmoyait-il.
— Je ne sais pas, Ritius… »
Elle le sentait grelotter contre son corps quand une main planta ses crocs dans son bras.
« Il faut que nous parlions, vous et moi » fusa un murmure agacé dans son oreille.
Darion la fusillait d’un air grave.
« Je n’ai rien à vous dire.
— Arrêtez le garçon aussi, adressa-t-il aux gardes.
— Vous ne pouvez pas !
— Oh oui, je le peux, très chère. Quant à nous deux, je vous épargne les suspicions sur la voie publique. Nous allons à mon cabinet, tout de suite. »
Les yeux vitreux, la princesse lui exprima tout le mépris que cette intonation lui inspirait. Mais elle le savait, si elle voulait avoir la moindre chance de libérer Primo au plus vite, elle devait le suivre.
« Mais votre père… »
Darion n’avait rien répondu. Il marchait quelques pas devant, et ne se retournait pas. Et tandis qu’ils remontèrent la Grande Avenue aux funestes décorations qui les menait au Pavillon Royal, la jeune fille ne cesser de repenser à son beau-père qui se roulait de douleur à terre. Elle en avait la nausée. Comment une telle chose avait-elle pu arriver ? Elle n’osait pas croire que Primo y soit pour quelque chose. Elle ne l’avait pas quitté de la journée. Et pourtant, ces mots… Maeve ne savait plus quoi penser. L’angoisse lui tiraillait la gorge.
Un silence funeste régnait dans le Pavillon Royal. A l’exception de quelques gardes, il était désert. Le Ministre des Sûretés préféra toutefois attendre l’intimité de son cabinet pour reprendre.
Plongée dans la pénombre, la pièce était aussi lugubre que son occupant. Elle avait cette odeur des lieux que l’on ouvre peu mais que l’on investit souvent. Sur le secrétaire, de rares objets se battaient en duel. Le compas à eau était utilisé comme presse-papiers d’une pile dantesque. D’une faible lueur, le chandelier éclairait le visage aux yeux noisette de l’homme qui avait pris place derrière son bureau. Les bras croisés, il la détaillait d’un regard si perçant qu’elle commençait à se demander s’il ne la suspectait pas elle aussi.
« Vous ne sortirez pas d’ici avant de m’avoir dit tout ce que vous savez sur ce Primo Darrell.
— Il n’a rien fait !
— Ne vous avais-je pas dit de vous méfier, au tournoi ? Il a fallu que vous continuiez à le voir !
— J’ai le droit d’avoir une vie. Et il en fait partie.
— J’ose espérer que vous n’êtes pas mêlée à toute cette affaire…
— Vous m’insultez. »
Darion se passa la main sur le visage. Sa respiration s’espaçait, et quand il parla de nouveau, sa voix était plus calme. Usée.
« Pourquoi mon père a dit ça ? Vous pouvez me l’expliquer, au juste ?
— J’étais avec lui toute la journée. S’il avait fait quoi que ce soit, je l’aurais vu…
— Ils se connaissaient. Alors ne me faites pas croire que vous n’avez rien à me dire. »
Maeve avait été troublée par les derniers mots d’Orman Fanese, et elle ne les expliquait pas plus que les autres. Ils devaient faire erreur sur la personne. Primo avait toujours été un homme bon, l’accuser lui paraissait absurde.
« Si c’est vrai, alors il ne m’en a jamais parlé.
— Il devait bien se montrer curieux ?
— Ce sont surtout des potions dont il est curieux.
— Et celle que vous avez utilisée, qu’y avait-il dedans ?
— Je suis mage, pas maître de potions.
— Vous devez bien y connaître quelque chose ! »
La jeune fille était à bout de nerfs. Un mélange de rage et de peine menaçait d’exploser à tout instant. Elle ravala sa salive et affronta le regard de son investigateur.
« Vous avez bien remarqué que votre père souffrait avant que je n’arrive, non ? Que son goûteur subissait le même sort, alors que je ne lui ai rien administré ? »
Darion ne disait rien. Ses noisettes fixaient le mur avec mélancolie.
« Il n’avait même pas prévu d’être au palais, ce soir. C’est moi qui l’ai invité, quand je l’ai croisé en ville. S’il n’avait pas été là le résultat aurait été le même.
— Et le fait qu’il vous ait utilisé à dessein ne vous effleure pas l’esprit ? Qu’il ait pu vous mettre en confiance pour provoquer sa chance de rentrer au palais ce soir ? Il ne lui était pas difficile de tomber sur vous s’il souhaitait vraiment vous retrouver.
— Je ne peux pas le croire.
— Réfléchissez-y.
— Primo n’a pas tué votre père.
— Comment pouvez-vous en être si sûre ?
Maeve fut prise de court un instant.
« Je ne l’imagine pas être capable de le faire.
— Ce ne veut en rien dire qu’il ne l’a pas fait.
— C’est un homme bon.
— Sur qui mon père m’a ordonné d’enquêter dès qu’il a appris que vous l’avez rencontré au tournoi ! Manquez-vous donc à ce point de discernement ? »
Maeve détourna le regard, vexée. Elle ne savait plus où se mettre, ni ce qu’il cherchait à lui faire dire. Elle n’expliquait pas ces mystères, mais elle refusait d’y croire. Primo était innocent. Et pour l’en convaincre, elle devait parler. Il comprendra, c’est pour son bien.
« Il s’est passé quelque chose d’autre, aujourd’hui… »
Darion fronça les sourcils. N’était-elle pas déjà en train de faire empirer les choses ? Mais il était trop tard pour faire marche arrière. Le ministre s’était redressé sur son siège et attendait la suite. Maintenant qu’elle avait commencé à parler, il ne la laisserait jamais sortir sans qu’elle finisse.
« Connaissez-vous la magie oubliée ?
— Je suis un homme de papiers, Maeve, pas un mage. »
Si le Ministre des Sûretés, en charge des affaires les plus occultes du pays, n’était pas même au fait de son existence, alors la magie était encore plus perdue qu’elle ne se l’imaginait déjà. Maeve entreprit alors de lui raconter comment, après avoir été témoin d’évènements étranges la veille de son mariage, elle avait découvert l’existence de la magie oubliée qui avait été à l’œuvre ce soir encore.
« Et de qui tenez-vous tous ces renseignements, si cette magie est aussi perdue que vous le prétendez ? »
Maeve ne voulait pas répondre, mais les yeux insistants du Ministre des Sûretés lui arrachèrent les mots de la bouche.
« De Primo. »
Elle n’arrivait pas le croire coupable, mais les faits la troublaient de plus en plus. Avec ses dernières révélations, elle venait de condamner l’atelier à une fouille approfondie. Plutôt que de l’aider, elle avait certainement aggravé la situation du vieux maître.
Maeve guetta du regard son accusateur. Mais celui-ci n’avait plus le regard dur. Ses yeux vitreux étaient rougis par les veines. Ses noisettes tremblaient.
« Darion, je…
— Sortez, je vous prie.
— Vous devez me croire…
— J’ai dit sortez ! répéta-t-il d’une voix étranglée. J’ai besoin d’être seul. »
Quelques problèmes :
- "Elle distinguait dans quelques un", je ne comprends pas trop la phrase, mais ce serait quelques uns de toute façon.
- "les tigres aient survécu à l’instinction" -> extinction* ?
Ravie que ce chapitre t'ait plu en tout cas. J'ai pris beaucoup plus de plaisir aussi à écrire maintenant que "l'histoire se lance" et que tout commence à prendre forme pour Maeve et son univers !
Les scènes de combat sont si complexes à écrire, tu as du avoir bien du mal mais le rendu est plus que satisfaisant.
Voilà deux chapîtres que je me demande (mais je suppose que ce sera une révélation ultérieure) : pourquoi son père l'a vendu en mariage à un pays plus axé sur la superficialité et dont les combattants seraient plus médiocres que le leur ?
A ce stade de l'exposition, où on réalise que son nouveau royaume ne va pas lui convenir tel quel, ses alliés ne sont pas encore évidents. Le suspens est bien entretenu.
Oh les enfoi*** !
Mais quelle Cour horrible! après un tel chapitre, je crois que les Dennois tiennent plus de la Rome Impériale que de l'Empire Viennois! Ce pauvre homme dans l'arène... On ressent bien la détresse et l'horreur de Maeve ! Je comprends mieux pourquoi ton récit est interdit au moins de 12 ans! Tu as réussi à nous décrire un homme se faisant immoler, puis dévorer vivant sans verser dans le gore ou dans l'excès, ce qui est impressionnant. Et glaçant! On est aussi persuadé de son innocence que Maeve, et cette situation en est que plus insupportable !
Bon, je m'emporte un peu, mais je me suis laissée prendre par le récit. Je suis à la fois indignée du comportement de cette Coure, et ravie d'entendre cette "nouvelle voix" s'élever. J'ai attendu son intervention tout du long ^^ Je suppose que cette personne va donner une leçon à ce prétentieux, et j'ai hâte de la voir faire (tu nous laisses supposer que son niveau en magie est bien plus élevé, ce qui est immensément satisfaisant).
A la suite, donc XD
Emmy
Mais le plus important c est que chacun y projette les images qu il souhaite :)
Bonne lecture !
Côté action, je suis ravie de retrouver le système de magie aperçu au tout début de l'histoire, et j'ai hâte d'en apprendre plus à ce sujet!
Merci pour ton commentaire :) en effet malgré leur non coup de foudre c'est plus logique qu'elle soit un tant soit plus curieuse ou au moins, de l'appréhension ! Ce sera dûment repris en correction ;)
Tu as bien réussi à nous faire détester la famille royale avec cette scène palpitante et cruelle ! Je pensais que Maeve allait se montrer plus véhémente envers ce spectacle, mais peut-être est-ce dans le prochain chapitre ;)
" Le vacarme s'abasourdit " est étrange comme expression, je ne vois pas ce que tu veux dire par là.
Je note pour le vacarme !
Toujours aussi sympa à lire ! Tout n’est pas rose dans ce pays, finalement. Après j’ai du mal à bien comprendre le concept du nimbe. Tu n’en parles de mémoire que dans le premier chapitre et là ça aurait été l’occasion d’expliquer de quoi il s’agit. J’imagine que c’est une sorte d’aura magique, mais ça reste flou.
Merci pour ta lecture et tes retours ;)
"Elle brûlait de poser une ribambelle de questions sur le tournoi, et
Elle brûlait parfois d’envie de poser une ribambelle de questions à propos du tournoi, mais son corps refusait de prendre la parole." => Ptit souci dans cette phrase je pense
Sinon, j'ai beaucoup aimé ce chapitre je dois dire. Je le trouve cruel, dur, mais on hallucine en même temps que Maeve et on arrive mieux à entrer dans son point de vue et ses sensations. Juste peut-être le fonctionnement de la magie est-il encore un poil trouble, je ne suis pas certaine de tout bien visualiser. Mais en dehors de ça, ok, ça calme un grand coup haha. Si bien que j'ai envie de dire : fonce Maeve, et éclate-lui la gueule à ce prétention, non mais oh, zut, caca, quoi !
Je vois le truc pour la magie, j'ai essayé d'éclaircir au mieux par rapport à ce qui se passe dans ma tête, mais il sera nécessaire que je retravaille plus la scène d'ouverture du premier chapitre et le premier duel pour bien installer une vision claire d'à quoi "ressemble" la magie !
En ce qui concerne l'exécution, c''était assez glaçant. Maeve est complètement perdue et on sent une sorte de chaos dans son esprit durant toute la scène. Le fait que le condamné parle, que sa belle-famille n'en a rien à faire de lui et que Maeve s'oppose à ça, renforce le côté angoissant de l'exécution. Reste à savoir s'il était innocent. Maeve ne connait pas encore bien le pays où elle est arrivée, mais personnellement, j'aurais tendance à penser comme elle.
Quoi qu'il en soit, bon chapitre que j'ai pris plaisir à lire ! Curieuse de connaître la suite ! :-)
Et pour le Nimbe je pense que tu avais saisi le truc. Il n'y a pas besoin de potion pour contrôler le Nimbe en temps qu'aura lumineuse. La potion permet de matérialiser un élément magique sur ce Nimbe. C'est ainsi qu'un Nimbe devient par exemple la vague d'eau. N'hésite pas à me dire si cela te semble incohérent, dommage, étrange, etc. ! J'ai dans ma tête depuis très longtemps cette histoire de magie qui repose sur l'activation du pouvoir de la matière (la potion) et peut-être que je m'emporte sur certains détails alors qu'ils nécessitent une grosse réflexion !
La seule chose qui m'a rendue un peu confuse dans ces duels est notre manque de connaissances sur la magerie. De souvenir, le Nimbe ne nous a jamais vraiment été expliqué, difficile donc de comprendre de quoi il s'agit et de nous le représenter. De ce que j'ai compris, les potions peuvent servir à renforcer un Nimbe ou à lui donner une nouvelle forme (celle de l'eau, par exemple).
Comment tout cela fonctionne ? Est-ce que la magerie nous sera expliquée plus en détails dans les chapitres à venir ?
Mais pour ce qui est de la mécanique de base, je préfère te la donner ici car, avec une meilleure réécriture, ce serait le moment où elle aurait été dévoilée : pour matérialiser sa magie, un mage passe par deux étapes: il matérialise d'abord un Nimbe (comme un caneva, un brouillon du coup magique qu'il va effectuer. Il faut le voir comme un halo, une aura lumineuse qui prend des formes diverses selon ce que réalise le mage). Puis le mage consomme une potion qui lui permet de matérialiser, sur son Nimbe, l'élément magique.
La rapidité d'exécution entre ces deux étapes dépend du mage, de l'effet recherché, etc.
N'hésite pas à me dire ce que tu en penses !
On comprend mieux la réaction de Maeve, qui ne comprend pas pourquoi les duellistes affichent clairement leur stratégie. Pour une militaire comme elle, ça ne fait aucune sens. Mais ici c'est le monde du spectacle, dévoiler sa stratégie doit certainement faire partie dudit spectacle tout en permettant une sorte de jeu fair-play, puisque l'adversaire ne sera pas pris au dépourvu. Le jeu se concentre donc sur la manière de réagir et de répondre des duellistes, plutôt que sur les attaques surprises.
En tout cas, j'ai hâte de voir Maeve l'ancienne militaire affronter Nirien le Dom Juan de la piste :D
Mais du coup, en lien avec tes précédents commentaires, c'est dans ce genre de moments que je dois gagner en clarté. Je n'ai pas eu besoin de rentrer trop dans les détails dans le commentaire pour que tu comprennes tout de suite où je vais, et il faudra qu'en correction de ce chapitre, je m'applique à ce que ce principe de base de la magie soit compris.
C'est aussi pour ça que je te disais plus haut que je pensais développer tout petit à petit concernant la magerie... J'ai peur de perdre le lecteur à tout exposer d'un coup (et d'ailleurs je ne saurais même pas comment tout exposer d'un coup ?) et du coup j'essaie de me dire que chaque moment où la magerie est très présente doit nous apprendre quelque chose en plus sur tout ça.
Sacré Nirien, tu m'as fait bien rire avec ta dernière phrase !