La brume matinale de Bibracte se dissolvait sous le soleil ascendant, révélant les vestiges du Marché des Teacs. Ce dernier venait de se conclure, les artisans rangeaient désormais leurs étales dans une effervescence nettement plus raisonnée que lors des semaines qui avaient précédé. Kurtis ne se lassait pas de les voir à l’œuvre, de ce fait il ne s’ennuyait pas trop dans la queue, contrairement aux autres hommes présents. Tous les dix-sept jours, une distribution de potion stérilisante était donnée par les Arsalaïs aux hommes en âge de procréer, hormis pour ceux qui avaient reçu l’autorisation d’enfanter. De cette manière, ils prévenaient une surpopulation potentiellement fatale dans l’espace restreint de leurs forêts sacrées.
— Hé, Kurtis !
Dâlan salua le jeune garçon et le rejoignit dans la queue.
— Ne vous en faites pas, j’ai déjà pris ma part, lança-t-il à ceux qui le fixaient d’un mauvais œil, derrière. Alors, comment ça va Kurtis ?
— Ça va merci, autant que c’est possible en tout cas, et toi ?
— Bah, tu sais, on est un peu tous dans le même char. Moi je suis débordé avec mes mouflets mais bon je vais pas me plaindre ! Je vais te tenir compagnie, tiens, ça fait longtemps qu’on a pas parlé.
Ils discutèrent ainsi durant l’heure que dura l’attente de Kurtis. Lorsqu’ils arrivèrent au bout de la queue, le jeune Arsalaï vit que c’était Oanell qui était chargée de la corvée. Le museau de son totem, le raton-laveur, superposé à son nez, était retroussé de mécontentement. Elle servait les hommes d’un geste morne, avachie contre la marmite de potion.
— Salut, lança Kurtis en tendant son écuelle.
Son aînée fronça les sourcils en le voyant.
— Qu’est-ce que tu fous là, toi ?
— Bah je viens me servir… maintenant que j’ai mon totem…
— Mais t’es un Arsalaï, crétin !
Kurtis rentra la tête dans les épaules.
— Oui mais… je suis quand même un homme…
— Mmmmh…
Oanell se gratta le menton.
— J’ai pas envie d’offenser les Esprits, va demander à Padraig si tu dois prendre de la potion ou pas et reviens plus tard.
La jeune garçon se crispa. Il jeta un coup d’œil aux dizaines de personnes qui patientaient derrière lui.
— Allez, du vent, grinça Oanell.
Dâlan posa une main compatissante sur l’épaule de son jeune ami.
— Il ne devrait plus y avoir grand monde quand tu reviendras. Si tu veux, je peux te tenir compagnie, ça ne me dérange pas.
— Mais c’est que…
Kurtis se passa une main dans les cheveux.
— Oanell, tu me gardes une portion, d’accord ? Je reviens juste après la distribution.
— Mouais, qu’est-ce que tu me donnes en échange ?
— Heu… je fais toutes tes corvées de la semaine ?
La frimousse de raton-laveur se fendit d’un immense sourire.
— Vendu, à toute à l’heure.
Il soupira et laissa là sa condisciple.
— Tu veux que je t’accompagne ? s’enquit Dâlan.
— Ça va aller, ne t’inquiète pas. Merci en tout cas, ça fait plaisir de parler un peu de la pluie et du beau temps.
— Haha, je ne te le fais pas dire ! Cela dit je suis pas très pressé de retrouver les affreux, moi, je crois que je vais aller proposer mon aide aux Teacs. À bientôt !
— À bientôt !
Kurtis pressa le pas jusqu’au cadran solaire qui occupait la place centrale de Bibracte. Il poussa un soupir de soulagement en constatant qu’il avait encore le temps. Il se dirigea alors en périphérie du village, aux abords de la forêt. Là, un immense frêne était couché sur le sol, accueillant sur son écorce rugueuse que silhouette patiente.
— Tu es déjà là ! s’exclama Kurtis.
Gwenladys se tourna vers l’arrivant et lui sourit.
— Je sais que tu es très occupé, alors j’ai prévu large. Moi, tu sais, on ne me donne plus rien à faire.
— C’est vrai…
Le jeune garçon s’assit aux côtés de son amie sur la souche.
— Tu voulais me parler de quelque chose ? s’enquit la guerrière.
— Oui… enfin, pas de ça en particulier, mais j’avoue que ça me travaille…
— Eh bien, qui y a-t-il ?
Kurtis se gratta les cheveux.
— En fait, je sais pas si j’ai le droit de te le dire mais… Hênora m’a convoqué l’autre jour dans sa demeure.
Gwenladys écarquilla les yeux.
— L’Élue ? Mais qu’est-ce qu’elle te voulait ?
— Que je l’aide…
— L’aider ?
— De ce que j’ai compris, elle veut que je l’aide à percer les mystères de l’Embryon.
— Mmmh, mais pourquoi toi spécifiquement ?
— J’en sais rien, elle m’a fait réciter les attributs de mon totem et elle a dit que c’était ce qu’il lui fallait.
La guerrière sursauta.
— Parmi ces attributs, il y a la clairvoyance, non ?
— Heu oui, comment tu as deviné ?
— Elle a demandé la même chose à mon demi-frère, il y a longtemps. Lui aussi a la clairvoyance en attribut.
— Alors, peut-être qu’il pourrait m’aider et me dire ce qu’elle veut je fasse exactement ?
Gwenladys se figea, avant de baisser les yeux.
— Ça ne va pas être possible. Mon frère n’est plus là.
— Plus là… ?
Elle eut un soupir sec et se releva, le visage sombre.
— Moi aussi, je dois te parler, Kurtis.
Sa voix était dure, il sentit l’inquiétude percer en lui.
— Mon frère, c’était comme dirait ma mère « un drôle d’énergumène ». C’est peut-être pour ça qu’il s’est entiché d’une humaine. C’était il y a dix ans.
Les iris verts de la jeune femme parcoururent le paysage.
— Il est tombé amoureux d’une bucheronne qui travaillait aux abords de notre territoire. Je l’ai découvert assez vite, et il m’a fait juré de ne rien dire. Je désapprouvais, mais je ne voulais pas le trahir, alors j’ai tenu ma langue pendant plusieurs années. Personne ne se doutait de rien, chez nous. Tout semblait aller pour le mieux.
Ses épaules s’affaissèrent.
— Et puis un jour, il a disparu. Le matin, il est parti faire sa patrouille, comme d’habitude. Mais il n’est jamais revenu. La bucheronne aussi a disparu. J’ai compris qu’il avait filé avec elle. La tribu a remué ciel et terre pour le retrouver, en vain. Tu as dû entendre son nom, lors de la Cérémonie des Noms, il a été déclaré mort. Mais tout le monde sait qu’il est encore en vie, le Lien est toujours là. Il est faible, mais il ne permet aucun doute. Mon demi-frère est encore quelque part dans ce monde.
La guerrière se tendit, son regard se fit acéré.
— Je lui en ai toujours voulu, de m’avoir abandonnée. D’avoir préféré cette humaine à notre famille. Mais maintenant… maintenant je comprends.
Elle se tourna résolument vers son ami.
— Kurtis, ma tribu quitte le Sabbah dans trois jours.
— Qu… mais c’est très tôt ! Vous n’avez pourtant presque pas de chemin à faire pour rentrer chez vous !
— Ma moïa en a assez de ce Sabbah, notamment à cause de moi. Elle nous a demandés de nous préparer pour le lendemain de la dernière fête.
— Alors tu rentres chez toi… murmura-t-il en baissant les yeux.
— Non.
Il releva la tête, surpris.
— Je vais quitter ma tribu, comme mon frère. Je sais qu’ils ont effacé la mémoire de Gerios, mais je m’en fiche. Je le retrouverai, je lui rendrai ses souvenirs, et je m’enfuirai avec lui.
Elle serra les poings.
— Ils m’ont torturée, humiliée, rejetée, privée du droit d’avoir un enfant. Je ne peux pas laisser passer ça.
Elle soupira.
— J’ai compris beaucoup de choses ces dernières temps… notamment que je ne serai plus une Sylvienne. Ma place n’est plus ici, alors je dois m’en trouver une autre. C’est pour ça que… je pense qu’on ne se reverra pas.
Kurtis sentit les larmes affluer sur ses joues.
— Je comprends… renifla-t-il. Mais je trouve ça tellement… injuste…
Gwenladys lui offrit un sourire désolé.
— On ne peut pas changer le passé… mais le futur reste encore à construire.
Elle s’abaissa à la hauteur du jeune garçon et planta ses prunelles décidées dans celles, pleine de lames, de son interlocuteur.
— Je suis heureuse de t’avoir rencontré, Kurtis. Tu m’as aidé à surmonter cette période difficile. Je vous dois tant, à toi et à Maig. Je ne pourrai jamais assez vous remercier.
L’Arsalaï s’essuyant les yeux, tentant de retenir ses sanglots.
— Je te promets… hoqueta-t-il, un jour, on ne punira plus d’avoir aimé… Je… je ne laisserai pas ce genre de choses se reproduire…
Gwenladys eut un sourire doux.
— Alors, je te fais confiance.
*
En sentant la douceur de la Frontière sur son âme, Keira eut presque les larmes aux yeux. La saveur de ce territoire n’égalerait jamais celle de sa terre natale, mais au moins se sentait-elle en sécurité. Voilà deux semaines qu’ils avaient quitté les environs de Beagal et traversé le col d’Ada pour rejoindre le versant ouest des montagnes. Cette forêt sacrée, Dehal, abritait la tribu des Adanates dont faisait partie Idris. Il n’y avait pas de territoire sylvien plus au sud, après cette étape ils devraient donc avancer en terrain découvert.
— Nous allons nous arrêter là, annonça Andraz. Nous rejoindrons le village demain.
— Aaaah, c’est pas trop tôt ! lança Cadfael. J’ai mal aux fesses, moi !
Le meneur ne réagit pas et descendit de selle sans un regard pour le jeune effronté.
— Keira, Gala, vous allez chercher du bois, Rhun, Haul vous vous occupez de l’eau. Cadfael, Calybrid et Oèn, allez chasser. Idris, tu reste avec moi pour préparer la route.
Les guerriers s’exécutèrent immédiatement, c’était devenu automatique, à force. Ils avaient quitté le Sabbah depuis maintenant deux lunes. Keira sourit à sa camarade, Gala. La flamboyance de ses cheveux, ainsi que sa corpulence généreuse lui rappelait Artis, aussi lui inspirai-telle beaucoup de sympathie. Hormis ces traits physiques cependant, elle n’avait pas grand chose en commun avec son ami disparue. Gala du Tétras-Lyre était aussi discrète qu’Artis avait été tapageuse, aussi douce que l’Ourse avait été fruste.
— J’ai trouvé du bois mort, annonça la jeune femme après quelques minutes de recherche.
Elles s’arrêtèrent face à une souche asséchée par la saison chaude. Elles se servirent sur les branches pâles, faisant fuir quelques petits insectes qui se régalaient de l’écorce.
— Je peux te demander quelque chose ? s’enquit timidement Gala.
— Oui ?
L’Unelle hésita quelques secondes.
— Oèn… je trouve qu’il te regarde bizarrement, je me demande quelle est votre relation…
Keira brisa une branche.
— C’est un peu compliqué… Disons qu’il a failli devenir mon céil.
— Ton céil ? Mais tu n’as pas que dix-sept ans ? Enfin, je veux dire, c’est peut-être un peu jeune…
— J’étais… un peu pressée.
Gala baissa les yeux.
— Je suis désolée, je t’embarrasse avec mes questions.
— Ne t’inquiète pas ! C’est normal après tout.
Sa camarade se mordit les lèvres.
— Il y a quelque chose que je ne comprends pas…
— Quoi donc ?
— Pourquoi a-t-il tenu à venir alors que tu l’as… rejeté, si c’est bien ce qu’il s’est passé ?
Keira soupira.
— Je suppose que c’est parce qu’il m’aime, et qu’il ne veut pas que je sois loin de lui.
— Je comprends… mais et toi, est-ce que tu l’aimes ?
La jeune fille laissa filer un instant, muette.
— Bien sûr ! finit-elle par lâcher.
Gala parut soulagée.
— Tu aimerais te réconcilier avec lui ?
— Je… je ne sais pas si « réconcilier » est vraiment le bon terme… Mais c’est vrai qu’il me manque…
Keira releva vivement la tête vers sa compagne.
— Tu as raison, déclara-t-elle, je devrais me réconcilier avec lui au lieu de me morfondre.
L’élue du Tétras-Lyre lui offrit un sourire franc.
— Dans ce cas j’espère que tu y parviendras !
Elles finirent de charger les morceaux de bois et retournèrent au campement. Ealys et Idris les y attendaient devant le foyer encore vide.
— Où est Andraz ? demanda Keira.
— Il a dit qu’il voulait se laver à la rivière, là-bas, répondit Idris. Il va vite revenir.
— Nous on est rentrés ! lança Rhun en revenant chargé de calebasses.
Haul comme à son habitude n’émit pas un son. Il se délesta de son chargement et alla entretenir une de ses lames, adossé contre un chêne.
— Ah, de la lumière ! s’exclama Rhun quand Idris fit jaillir des flammes du foyer.
Le soleil était désormais loin derrière l’horizon et les premières étoiles commençaient à naître dans le ciel.
Rhun s’assit à côté de Keira en souriant. Elle lui rendit son expression avec moins de spontanéité qu’elle l’aurait voulu. Alors même que la majorité de son peuple se fichait de la fidélité, elle avait toujours l’impression de devoir choisir entre son ami d’enfance et le Rauraque. Ce dernier, d’ailleurs, lui fit une drôle de grimace, interrompant net le cours de sa pensée.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— Je crois que je me suis encore fait piquer par une bestiole, dit-il en se tortillant pour atteindre son dos. C’est pas possible, y a trop d’insectes dans ce pays !
— Ce pays, c’est ma terre natale, dit sèchement Idris, alors je te conseille de ne pas la critiquer.
Rhun grommela dans sa barbe.
— Mais pourquoi ils ne me piquent que moi ? se plaignit-il.
La guerrière haussa les épaules.
— Tu sens très fort, ça doit être ça.
Le Rauraque ne sut pas comment réagir, se demandant si c’était-là un trait d’humour.
— Bah quoi ? dit-elle en les dévisageant. C’est quoi ce regard ?
— Non, rien, pouffa Rhun.
— Tenez, j’ai des fruits séchés pour nous faire patienter jusqu’au retour de la patrouille de chasse, fit Gala en leur tendant une écuelle.
— Merci, mon ventre crie famine ! lança le rouquin.
Keira n’eut pas le temps de se servir, une voix résonna au-dessus d’elle.
— C’était sans compter sur nos extraordinaires dons de chasseurs ! clama fièrement Cadfael.
La jeune fille bascula la tête en arrière pour le voir exhiber fièrement un faisan fraichement tué.
— On a eu de la chance, on est tombé sur lui presque immédiatement, tempéra Calybrid qui portait un lièvre.
Oèn n’amenait aucune prise. Comme depuis le début du voyage, il était silencieux et alla vite s’asseoir à l’écart. Keira s’apprêtait à s’approcher de lui, mais Cadfael se plaça entre eux.
— Alors, il est beau hein ? Il va être délicieux, c’est moi qui te le dis !
— Oui, oui.
Elle tenta de capter le regard de son ami d’enfance sans y parvenir. Calybrid s’assit alors aux côtés du guerrier esseulé, l’air de rien, avant de se tourner vers l’assistance.
— Bon, on met tout ça à cuire ou on attend de mourir de faim ?
— Je salive déjà, commenta Rhun en s’emparant du faisan pour le déplumer.
Gala s’occupa de vider le lièvre après lui avoir retiré sa peau. Il était de coutume que les chasseurs ne s’occupent pas de la cuisine.
— Au fait, lança Calybrid à Idris, tu as parlé de quoi avec Andraz ? Comment va-t-on poursuivre notre voyage ?
— Hênora a réussi à communiquer avec ma moïa, elle a demandé aux Galates de nous aider. Ils nous réceptionneront à notre arrivée à Heddish et nous mèneront jusqu’au Pilier.
— Mais, et la traversée du détroit ?
— On va prendre un bateau humain. C’est la manière qu’on utilise habituellement pour échanger des marchandises avec les Galates. Le navire en question est manœuvré par des hors-la-loi, des « pirates », ils tiennent donc à leur clandestinité autant que nous.
— Ça m’inspire pas trop, tout ça, remarqua Cadfael. Ça sent la mauvaise idée…
Idris lui jeta une œillade agacée.
— On a pas le luxe de faire la fine bouche, idiot.
Le champion des Ardyens prit la mouche et se redressa.
— C’est pas parce que tu as eu un meilleur classement aux Jeux que tu dois te croire tout permis ! Je te préviens, la prochaine fois je te défis en duel !
Keira vit une veine palpiter sur le front de la guerrière qui s’abstint cependant de réagir.
— Dis, Idris, ils sont comment, les Galates ? enchaîna prestement Calybrid.
Son interlocutrice répondit avec plaisir, ignorant les poings serrés de Cadfael qui finit par se rasseoir.
— Mmmmh, le mot qui leur convient le mieux, je pense, c’est « bizarre ».
— C’est-à-dire ?
— Ils sont vraiment étranges. Leur accent, leurs habits, leurs danses. C’est d’autant plus déroutant qu’ils nous ressemblent. Ce sont bien nos cousins… mais des cousins qu’on a jamais vu.
— Et le Míorbhail ?
Toutes les têtes se tournèrent vers Haul. Keira en étant convaincue, désormais, c’était bel et bien la première fois qu’elle entendait le son de sa voix. Elle n’aurait pas oublié un timbre si particulier, à la fois rêche et caressant.
— Est-ce qu’ils pratiquent le Míorbhail ? répéta l’Orobien, impassible devant le silence médusé de ses camarades.
— Heu… je ne les ai jamais vus faire…
— C’est quoi le Míorbhail ? fit Rhun.
— Comment peux-tu ignorer ça ? Vous êtes incultes ou quoi, dans le nord ? siffla Ealys.
— Heu non, c’est pas le nord, c’est juste moi…
— Mais tes parents ont voyagé à Heddish, quand même !
— J’ai une relation compliquée avec ma mémoire, écoute…
— C’est un rituel légendaire, expliqua Calybrid. Il permettrait de tracer des runes simultanément à une danse, ce qui multiplierait l’impact sur le Silh.
— Je n’arrive pas à imaginer comment ils font ça, souffla Keira, approuvée par ses compagnons.
Haul parut déçu de l’échange et retourna à ses lames sans un mot de plus.
— Est-ce que la légende est vraie ? reprit Gala. Est-ce que les Galates se croisent avec les humais de Heddish ?
— Berk, grimaça Ealys.
— Je ne sais pas à vrai dire… mais c’est vrai que parmi ceux que j’ai vu, certains avaient une peau sombre. Pas bronzée, plus foncée encore, ou juste d’une couleur… bizarre. Il parait que les humains du sud sont comme ça aussi.
— Mais c’est affreux ! s’écria Ealys. Comment peuvent-ils faire une chose pareille ? Les Esprits vont se déchaîner sur eux !
— Ça fait pourtant des siècles, apparemment, remarqua Calybrid.
— On ne peut pas se reposer sur des gens qui ont des pratiques aussi… barbares ! s’indigna l’Arsalaï.
— Il suffit.
La voix calme fit taire les jeunes guerriers qui pivotèrent d’un même mouvement en direction de la haute silhouette d’Andraz. Le chef des Rauraques s’assit posément près du foyer, néanmoins une flamme de mauvaise augure brûlait dans ses prunelles.
— Je n’accepte pas que l’on critique ceux qui s’apprêtent à nous aider. Les Galates sont nos plus proches cousins, et nos seuls alliés dans ce monde depuis la trahison des Iberniens. Je ne tolérerai plus aucune parole aussi ingrate.
Ealys se tendit. En tant qu’Arsalaï, elle n’était pas censée recevoir d’ordre d’un Hekaour, fut-il chef. Keira crut qu’elle allait protester face à cet irrespect, mais elle n’en fit rien et se contenter de détourner furieusement les yeux.
— On dirait que c’est prêt ! annonça Rhun.
Il se jeta sur la cuisse de faisan qui lui faisait de l’œil, vite imité par le reste de la troupe.
*
Adhara se disséquait du regard dans son tout nouveau miroir. Il faisait presque sa taille et était fièrement orné des symboles de la rébellion, notamment ceux de la Faction Étoilé. Elle en profitait d’autant plus qu’elle ne comptait pas s’encombrer d’un tel objet dans son voyage pour Befestburg. C’était bien dommage, d’ailleurs, il lui allait bien.
— Ça vous convient comme ça, Madame ? s’enquit la camériste.
— Je me serais bien dispensée des boucles, dit elle en tortillant ses mèches martyrisées.
— C’est… c’est la mode au Réor alors…
— Je sais. Tout le monde n’a pas autant de goût qu’ici, c’est certain.
La porte s’ouvrit brusquement derrière les deux jeunes femmes pour laisser le passage à un Bénen bougon.
— Tu pourrais frapper, siffla sa fille, et si j’avais été nue ?
— Ça fait trois heures que tu es ici, si tu avais été nue tu serais morte de froid, grinça-t-il.
— Mmmh.
Elle vêtit son sourire taquin et se tournant vers lui en faisant valser ses jupons pourpres.
— Alors, comment suis-je en baronne réoroise ?
Bénen renifla.
— Mouais, c’est pas plus moche que tes fanfreluches habituelles.
— Rhooo, tu pourrais faire un effort quand même !
Adhara se tourna vers sa camériste.
— Laisse-nous, va te préparer.
— O… oui Madame !
La jeune femme se glissa derrière Bénen après une brève révérence.
— On est prêt, on attend plus que toi et ta suite, grogna le commandant en second.
La princesse poussa un soupir exaspéré et se vautra dans un fauteuil non loin.
— Je peux savoir ce qui te met si fâcheuse humeur ?
Le vieil homme eut un instant de silence.
— Tu ne devrais pas y aller, finit-il par lâcher.
— Allons bon, maugréa-t-elle.
— C’est trop dangereux. Tu as assez de pouvoir, maintenant. Si tu en acquiers plus, tu te feras dévorer. Que ce soit par les autres ou par toi-même.
Adhara se releva brutalement.
— Quand vas-tu enfin comprendre ?! rugit-elle. Comment vas-tu enfin comprendre que je ne connaitrai pas le répit tant qu’elle ne sera pas écrasée et tant que je ne serai au sommet de la Grande Pyramide ?!
Elle avança à pas rageur jusqu’à lui, sans déclencher d’autre réaction qu’un froncement de sourcils encore plus prononcé.
— J’ai promis à ton père de veiller sur toi avant tout, Adria…
— Silence !
Elle fit volte-face, avant de se tourner de nouveau vers son père adoptif.
— Je connais la chanson, merci. Tu me rebats les oreilles avec ça depuis plus de dix ans.
Elle posa son index sur le torse de Bénen.
— Toi, tu as tes problèmes, et j’ai les miens. Je me fiche totalement de ce que mon père voulait, seul compte ce que moi je veux. Tu le sais pourtant, ne te fais pas plus stupide que tu ne l’es déjà. J’accomplirai mon but, et si pour ça je dois t’enfermer aux cachots pour que tu ne m’en empêches pas, alors soit, je le ferai !
Le soupir profond que poussa le vieil homme résonna dans toute sa cage thoracique.
— Pas la peine d’être aussi impertinente, jeune fille, je comprends très bien. Tu peux partir, c’est bon. Mais à une condition.
— Comme si j’avais besoin de ta permi…
— Que je vienne avec toi.
Adhara eut un bref silence.
— Je t’ai ordonné de t’occuper de la cité en mon absence, objecta-t-elle.
— Et des gens très compétents s’en occuperont. Mais ce ne sera pas moi.
— Je n’ai pas besoin de toi dans mes pattes.
Il ne répondit pas, se contentant de l’assommer de cet air réprobateur qu’elle ne supportait pas. Elle plissa les yeux jusqu’à les réduire à deux fentes.
— D’accord, siffla-t-elle enfin.
Elle sortit aussitôt de la pièce d’une démarche furieuse. Malgré sa rapidité, elle eut le temps d’apercevoir le début d’un sourire soulever les lèvres de Bénen.
Je suis de retour pour jouer un mauvais tour haha ! Alors, que dire que dire... Tout d'abord, j'ai bien aimé la première partie avec Kurtis et Gwendalys, c'était touchant et très bien raconté à la fois, j'ai vraiment savouré la lecture. Pour la partie avec Keira, j'ai également beaucoup apprécié découvrir l'existence de d'autres tribus ainsi que leurs différences. En revanche, son revirement à l'égard d'Oen m'a semblé plus trouble : je n'ai pas compris d'où sort sa décision de vouloir se remettre avec lui, vraiment. De ce côté, cela pourrait peut-être être développé davantage d'un point de vue psychologique ?
Enfin, la troisième partie qui m'aura (tristement) fait un peu plus grincer des dents. J'adore Adhara, vraiment, tu le sais. Mais dans cette partie, elle a vraiment chuté dans mon estime. Elle n'y apparaît plus comme la leader dure et déterminée, mais comme une gamine capricieuse et coquette, avec des répliques qui la rendent immature et puérile. C'est raide, je sais haha, mais je préfère être cash car c'est un personnage que je porte dans mon coeur et en qui je crois beaucoup !
Pour Keira elle ne veut pas se remettre avec lui mais briser la glace qui s’est installé entre eux, tu crois que je devrais préciser ?
Et pour Adhara haha c’est dommage que ça te plaise pas mais c’est totalement volontaire de l’avoir montrée comme immature. Je veux qu’elle est plusieurs facettes donc celle-ci qu’elle montre à son père
Beh du coup, j'aime plus Adhara haha, jsuis désolée, hein, mais là, ce type de personnages m'horripile :/ il faudra que je revoie mon ranking, mais la sentence est irrévocable
Mmmmh on verra avec ce qui arrive ne soit pas si péremptoire