Rassuré par la discussion, Gus pu reprendre son travail plus sereinement. Il prépara son téléphone et son vieux dictaphone pour enregistrer les écarts de langage de Frénégonde-Modestie. Quand Marie rougit une nouvelle fois en baissant les yeux suite à une remarque graveleuse et en public de Frénégonde-Modestie à son encontre, il ne put que réagir.
- Ce genre de blague idiote, ce n’est drôle que si tout le monde est consentant. Là, manifestement, ce n’est pas le cas de Marie. Il faudrait que tu apprennes à t’arrêter quand tu vois que ça ne fait pas rire ta proie.
La réponse ne tarda pas, cinglante :
- Oh ! Ça va ! Faut savoir se détendre. Ce sont des plaisanteries niveau maternelle.
- Sauf que Marie a pas l’air de partager ton humour pseudo-maternelle pour adulte. Tu la mets mal à l’aise. Et je n’aime pas ça.
Quelques applaudissements fusèrent. Manifestement le comportement grossier de la « responsable » de boutique gênait quelques personnes. Convaincue que ce début d’ovation était pour elle, elle surenchérit :
- Oh ! Marie ! Je crois que tu as un ticket avec Gus ! Vous savez que vous serez obligez de vous marier ?
Frénégonde-Modestie ne se retenait plus, persuadée de sa toute-puissance.
- Nan, mais tu t’entends ? Et devant les clients en plus ! Je cautionne pas ta manière de parler.
- Tu oses me dire ça à moi ? Ta responsable ! s’offusqua Frénégonde-Modestie.
- Oui !!
- Tu sais où est la porte, si tu n’es pas content. Je m’occuperais de te faire une belle pub. Tu viens de te griller devant tout le monde alors que moi je viens de prouver que je sais tout gérer une nouvelle fois.
Ne voulant pas gâcher sa chance de se sortir de ses galères, Gus retint avec difficulté sa réponse, le cœur battant. Elle savait qu’il avait peur et s’en nourrissait. En son fort intérieur, il espérait avoir réussi son premier enregistrement. Ce n’était pas une réelle preuve juridique, mais un début. C’était sa meilleure chance de cumuler les témoignages. Il pourrait ainsi convaincre Marie de se dresser contre cette couleuvre.
Dès qu’il eut un instant pour s’isoler dans une réserve, il en profita pour contrôler son enregistrement. Ouf ! Son dictaphone avait fonctionné. Confiant, il se permit de respirer et d’écouter sa preuve en même temps qu’il lançait le transfert vers son téléphone. Sa malchance frappa à nouveau. Frénégonde-Modestie l’avait suivi et entendu l’enregistrement. Avant qu’il ne puisse réagir, elle lui arracha le dictaphone des mains, le jeta par terre et l’écrasa. Avec sa coupe de cheveux en carton, ses yeux outrageusement entourés de noirs, ses lèvres serrées, son jean troué, ses grosses chaussures cloutées et son corps osseux, elle avait l’air d’une sorcière de conte mal raconté.
- Et tu crois que tu vas pouvoir me nuire avec ça ? Pauvre idiot !
- Tu harcèles Marie depuis le début ! Je vous ai entendue toi et Cunégonde. Ça doit s’arrêter !
- N’importe quoi ! Le harcèlement c’est envoyer nettoyer les WC et faire vider les poubelles.
- Mais tu as un sérieux problème pour oser dire ça ! Sache que les humiliations que tu imposes à Marie sont du harcèlement moral. C’est puni par la loi de 3000€ d’amende et un certain temps en prison.
- N’importe quoi ! Et de toute façon, tu ne peux rien prouver avec ton enregistrement. Tu ne me fais pas peur. Je vous briserai tous les deux. Vous ne pourrez rien prouver. Jamais personne n’a pu. Je suis intouchable.
- Si tu es aussi invulnérable que cela, pourquoi as-tu brisé mon dictaphone ?
Gus ne craignait plus rien. Il lui faisait face et la regardait froidement. Le grand garçon, maladroit malgré lui, semblait avoir disparu. Le silence était pesant. Elle s’efforçait de soutenir son regard pour le faire fléchir sans succès. Comme à son habitude, elle fuyait la réalité. Brusquement, un torrent de notification déchira tout. C’était le téléphone de Gus. Il le prit pour le couper immédiatement. Ce qu’il vit, après avoir paniqué quelques secondes, le fit éclater de rire. Cela mit les nerfs à vif de Frénégonde-Modestie qui s’impatienta, :
- J’exige de savoir ce qui te fait rire, espèce de boulet !
- Tu as raison, je suis un boulet et c’est contagieux. Désolée pour toi ! Mais, je viens de te contaminer.
- N’importe quoi ! Tu délires !
- Alors regarde !
Gus lui montra son téléphone. Non seulement, il avait réussi à temps le transfert, mais il l’avait partagé sans le vouloir sur les réseaux sociaux avec la diffusion de leur altercation via l’option de commande vocale mal paramétrée qui avait déclenché l'option de l'application "vidéo en direct". Les commentaires allaient bon train. Certains internautes avaient même réussi à trouver le magasin pour le tagguer ainsi que des personnes influentes dans le monde du travail. Les voix, les noms, les mots avaient été de précieux indices. Le jeune homme enfonça le clou en ajoutant :
- Tu as conscience que les réseaux sociaux amplifient tout ? Et que les tribunaux ne sont pas tolérants avec ces comportements ? Surtout quand ils retentissent aussi fort dans la sphère publique ?
Livide, Frénégonde-Modestie tourna les talons et s’enfuit, laissant Gus en plan. Ce dernier resta les bras ballants sans trop savoir quelle attitude adopter.
Oh mon dieu, elle a su qu'il l'enregistrait, mais comment ??
Et hop c'est sur les réseaux ! Quelle belle vengeance, n'empêche.
Très bien joué sur la poisse pour coincer notre responsable préférée! Après pour la vidéo ça nécessite qu'une caméra soit visible non? A priori les dictaphones n'en ont pas, et s'il avait également le téléphone dans sa poche sans être enfoncé là ça peut marcher.
Mon expression préférée: "elle avait l’air d’une sorcière de conte mal raconté"
Techniquement, seules les vidéos/images sont partageables sur la plupart des RS. Donc c'est bien le mode vidéo du téléphone qui s'enclenche (la sensibilité des écrans tactiles non verrouillés) et transmet en direct le son, peu importe l'image au final. Les voix, l'echangeet certains mots clés. Puis au moment où il sort le tel de sa poche il y a l'image. Il faudra que je précise plus ce point.
Pour l'instant, avec la présentation de Gus, c'est mon chapitre favori.