Chapitre 6 - Les retrouvailles

Savez-vous où sont produits les placards ? Si vous le savez, vous êtes chanceux. Ici personne ne sait où est produit ce qu'il a entre les mains. Bien souvent les ouvriers eux-mêmes ignorent ce qu'ils font. Soyons clairs, ils connaissent leur tâche, mais pas ce à quoi elle aboutit, c'est tout.

Au nord de la ville est présente une bâtisse aux dimensions raisonnables. Elle doit faire la taille de trois ou quatre gymnases environ. Depuis l'extérieur n'importe qui peut entendre le ronronnement des machines. Elles dégagent une chaleur « douce en hiver et cruelle en été ». C'est ce que rapportent les ouvriers de l'usine à leur famille lorsqu'ils rentrent le soir. Chacun d'entre eux pointe le matin et se tient à son poste. Telles des sentinelles, ils veillent à leur ouvrage et se conforment aux attentes productivistes. Ils offrent telle une offrande leur force de travail en espérant la clémence et la mansuétude de leur patron. Un patron qui contrairement aux apparences décide de peu de choses. C'est un manager, son boulot est d’officier. Tel un prêtre qui chercherait à interpréter la volonté de son dieu, lui doit comprendre les fluctuations du marché. Derrière les petites mains de l'usine, il y en a une qui leur dicte ce qu'elles doivent produire, et cette main c'est celle du marché.

Les ouvriers sont à la fois le premier rouage et la première victime dans cette société. Sans eux il n'y a pas d'outils, pas de consommation, pas de production de services ou quoi que ce soit d’autre. Tout prend racine dans l'industrie.

Les petites mains s'agitent et confectionnent des planches. Les bras aguerris de travailleurs de tous âges les portent d'une chaîne à l'autre. Les échanges entre collègues sont discrets ; les pauses sont rares et peuvent leur coûter leur place. Chaque jour dix-huit minutes sont consacrées à la récupération. Sur ce temps le déjeuner doit être pris et ceux qui le souhaitent peuvent s'en griller une.

Parmi ces travailleurs il en est un avec qui il n'est pas bon de déjeuner, c'est le « délégué ». On a rarement fait un nom aussi ringard. Tout le monde veut être délégué à un moment de sa vie. À l'école on pense que ça peut être sympa, utile, voire même valorisant ; plus tard ce poste n'est que plus important, mais devient aussi boudé de tous. Lorsque l'on doit défendre ses collègues face aux intérêts de son patron, il n'est pas surprenant de ne pas être dans ses grâces. En tout cas jusqu'à maintenant il ne fallait pas espérer grand-chose en tant que délégué, pas de promotions ni de considération. Il ne faut pas oublier non plus que les temps changent, les délégués d'aujourd'hui sont pour la plupart moins virulents qu'hier. Beaucoup ont pris une place plus symbolique qu'autre chose. Ils sont devenus discrets, parfois au point que leurs collègues oublient qu'ils les représentent.

Le délégué de l'usine prend sur sa maigre pause-déjeuner le temps nécessaire pour étudier rapidement les licenciements envisagés, puis tente de sauver ce qui peut l'être. Il griffonne des arguments et entre deux coups de crayon, il happe une cuillère de riz au jambon. Son quotidien peut sembler cyclique et monotone, mais il n'est rien comparé à celui de ses collègues résignés. Ils courent comme dans une roue de hamster avec pragmatisme. Une part d'eux espère que le prochain tour différera du précédent. Cette pensée devient le denier bouclier contre le fatalisme.

Alors que la barquette servant d'assiette n'est qu'à peine entamée, le repas est perturbé par la déambulation de deux individus au milieu des chaînes. Personne ne leur prête attention, ils peuvent très bien être des contrôleurs, des investisseurs, ou bien d'autres choses. Personne ne veut se risquer à leur parler et chacun garde donc son esprit fixé sur le travail. Le délégué du personnel quant à lui ne s'y trompe pas. Le regard hagard et la tenue décontractée des jeunes gens excluent les soupçons de ses collègues. Il leur fait un geste de la main afin de les saluer et les inviter à sa table.

Ils se présentent en tant que révolutionnaires et affichent leur volonté d'émancipation de la classe laborieuse. Ces propos suscitent un fluet rire jaune de la part du délégué. Comme chacun sait, les révolutions sont tombées en disgrâce. Il faudrait être fou pour croire qu'assembler deux dinosaures permettrait de construire l'avenir. La sollicitation des révolutionnaires en herbe n’obtient donc point de réponse positive, mais ils persistent. Ils font appel aux souvenirs des luttes passées, des mobilisations qui ont été rendues possibles de par leurs actions conjointes, et des gains pour le peuple qui en découlèrent. Il n'en faut pas plus pour changer la patience du délégué en une colère non voilée qu'il ne manque pas d'exprimer : « Comment osez-vous ? Vous nous avez abandonnés ! Vous nous avez trahis ! La place que vous avez laissée a été remplie par la détresse et la bêtise. Vous avez contribué à cette situation après nous avoir fait rêver. Vous avez porté au pouvoir des ennemis du peuple alors que vous étiez en position de force. Comment pouvez ne serait-ce que vous présenter à nous ? ».

Face à ces vociférations, c'est avec peine que le plus fringant des deux jeunes hommes tente d'apaiser la situation. Il reconnaît les torts de l'histoire, il reconnaît qu'au mieux les leaders ont été bernés et qu'au pire ils avaient travesti leurs valeurs par intérêt personnel. Néanmoins ces torts ne pourraient être excusés, au mieux on peut chercher à les expliquer afin d'éviter de les reproduire. Nos étudiants en histoire connaissent bien cette leçon historique. Pour autant il ne faut pas oublier les avancées faites ensemble et qu’eux aussi ont été victimes de ces décisions.

La cloche de la fin de la pause sonne et la gamelle du délégué n'est pas plus entamée qu'à l'arrivée du duo. Il se lève, se tourne vers la chaîne de production. Son poste l'attend. Avant de quitter du regard ses visiteurs inattendus, il clame : « Vos alleux ont été jusqu'à saboter pour défendre les libertés communes. C'est que ce je ferai moi et ceux que j'arriverai à convaincre si vous vous engagez à être digne de la confiance qui sera mise en vous. On part là-dessus ? »

C'est avec humilité qu'ils réaffirment leur engagement dans la lutte. Une fois qu'ils ont quitté l'usine, ils rejoignent une petite voiture bien modeste. Sa carrosserie verte est émaillée par les traces des frottements contre les obstacles de la vie, et ses enjoliveurs sont absents comme toute notion d’apparat pour son propriétaire. Raphaël s'amuse à appeler cette voiture le tacot à Pueblo. La rime ne manque jamais de faire sourire son ami.

Plus tard à l'ombre d'un lampadaire se rassemble l'équipe. Dans son halo blafard s'échangent des bribes d'histoire au sujet des virées tumultueuses des derniers jours. Théo propose rapidement de rentrer chez lui, ce qu'ils font. Au même moment le voisin qui habite la petite maison de terre-plein de l'autre côté de la route salue tout le monde avec joie. La discrétion est un atout sur lequel ils ne peuvent plus compter visiblement. Il faut l'avouer, les échos de soutiens se font de plus en plus intenses. Il est devenu quotidien qu'ils soient abordés afin de connaître l'approche du « Grand Soir ». « L'élan suscité au cours des dernières semaines est incontestable, mais on n’a pas fini de faire des émules, souligne Raphaël. ». En réponse, Abdel insiste sur la nécessité de ne pas perdre de temps, laisser davantage souffrir les gens ou risquer l’essoufflement de la dynamique serait inadmissible. Au coin du salon, une balle va et vient de haut en bas. Elle frôle le plafond sans jamais le toucher puis rejoint dans un souple coup de poignet la main de Pueblo. Allongé sur son pouf il regarde au loin, comme s'il désirait percer ce qui l’empêche de dévisager le ciel. Il prend la conversation à la volée et rappelle que la suffisance et l'excès de zèle seraient les pires choses qui pourraient leur arriver.

« Il ne faut pas oublier que nous avons échoué à rallier à notre cause les étudiants, complète-t-il.

 – Il ne faut pas se formaliser pour trois ahuris ignorants. Ils sont bien plus préoccupés par leurs partiels que leur avenir, c'est un comble ! répond Raphaël offusqué.

 – Il ne faut pas non plus porter notre faute sur eux. Ils sont l'avenir et nous avons échoué. C'est pas non plus notre bande de potes qui pourrait changer le monde seul, sinon on l'aurait déjà fait. »

Chloé ne laisse pas le temps à ce qu'elle juge être une chamaillerie de se poursuivre. « Tergiverser est peut-être une activité agréable, mais l'heure est à la mobilisation, tranche-t-elle simplement. » Théo la rejoint, il aimerait aussi que l'on ne s’égare pas. On n'y prête peut-être pas attention, mais les chaussures de nos amis se sont effritées sous les kilomètres parcourus. S'il avait fallu être marathonien pour mobiliser, il aurait été bon de le mentionner dans la littérature révolutionnaire. D'autant que Raphaël a parlé d'une manifestation qui précéderait le grand soir, et ça consisterait à marcher des kilomètres. S'il le faut, il le faut, même si le lien entre marcher pour dire que l'on est en désaccord pour ensuite arriver à la révolution ne semble pas très clair. Si le gouvernement n'est pas au courant de notre désaccord, pourquoi ne pas lui envoyer une lettre ou une pétition et éviter à tout le monde de se fatiguer inutilement ?

Le salon familial est une fois de plus le témoin d'échanges passionnés, de réflexions ; toutes empreintes d'une certaine naïveté. Une fois les esprits et les corps gagnés par la fatigue, les bras de Morphée apportent un repos mérité.

Six œufs, c'est ce avec quoi repart un homme au manteau long et fripé. Avant de se saisir de son achat qu'il payera une somme symbolique, il compte les œufs. Il les compte, car chaque centime compte. Les poules qui ont produit ce qu'il s’apprête à acheter vivent comme lui en batterie. Leurs quotidiens ont en commun un manque manifeste d'espace. Les cinq mètres carrés qui lui ont été loués par un vendeur de sommeil l'étouffent. La poule alimentée de grain génétiquement modifié pour qu'elle soit la moins chère possible n'a rien à envier à l'alimentation discount du compteur d’œuf. Pour dormir il n'a pas besoin de veilleuse ou qu'on lui conte d'histoire, les phares des voitures et le ronron des moteurs qui défilent à sa fenêtre se chargent de le bercer. Les nuits sont courtes et conduisent toujours à la même boucle. Un réveil dans le stress et la contrainte, puis une journée alimentée par la peur.

Les six œufs y sont ; le compte y est. Il s'en est saisi et part pensif. « Une omelette, ou des œufs au plat ? Des œufs durs dans une salade apporteraient un semblant de diététique. » Se nourrir est une préoccupation simple, mais noble. Contrôler son assiette est un des premiers pouvoirs que l'on peut avoir sur sa vie ; tout comme la capacité à mettre du chauffage quand la morsure du froid se fait sentir. Au détour d'un rayon, on peut entendre le pamphlet bruyant d'une personne trapue. Elle attire l'attention comme elle le peut. Il s'agirait d'un mécanicien au chômage si l'on se fie à son récit. Il annonce à qui veut l'entendre qu'il sera bientôt riche. Il brandit des noms, des symboles qu'incarne une poignée de personnes qui seraient devenues riches en partant de pas grand-chose. Il veut que son chant s'apparente à celui des baleines alors qu'il a toutes les chances de rester un inconscient plancton. Il dénigre l'état d'esprit des personnes qui l'entourent, et les pointe du doigt. Il les traite de perdants, et affirme qu'il n'a rien à voir avec eux. « Un jour je serai on the top ! In et vous vous serez out ! » assène-t-il aux personnes présentes.

Tout le monde l'ignore et tente de circuler. Il faut l'avouer la richesse ne vient jamais de nulle part. Pour arriver au sommet, il faut souvent passer par un panier de crabes et s'abaisser à exploiter et dépouiller autrui afin de construire sa propre richesse. Mais à quoi bon être un requin lorsque l'on est humain ?

Dans le coin de l'allée, une boule de tissus camoufle une femme qui cherche à s'abriter de la lumière des néons. Le bruyant personnage cité un peu plus tôt tient à ce que tout le monde ait entendu son message et n'hésite pas à tapoter du pied la miséreuse. « Et toi, ça ne te dirait pas de prendre un verre avec une future fortune ? Je pourrais te sortir de la merde. Réponds, fais pas ta pute.

 – Eh, toi tu vas te calmer tout de suite ! »

Après cette interjection, un bras puissant se saisit de l'épaule de ce rustre personnage.

« Tu vas te calmer tout de suite, et t'excuser.

 – Eh mon gars, c'est toi qui va te calmer tu sais pas à qui tu parles ! Rentre dans ton pays avant d'emmerder les autres dans le leur. »

Sur le visage d'Abdel passe une profonde colère, le visage crispé et le poing serré la trahisse. Après quelques instants, il fait usage de son autre main et d'un geste vif et vigoureux il assoit par terre l'homme au bout de son bras.

« Si tu es un homme avec une once d'honneur, lève-toi et pars. Depuis que je t'entends, tu ne fais qu'étaler ta faiblesse que tu tentes de travestir en orgueil. »

Dérouté, et effrayé par ce qui vient de se passer, la seule réponse qu'il a en retour est la fuite du grossier personnage. À quatre pattes le couard détale jusqu'à la porte qu'il emprunte avec fracas.

Tous les regards sont tournés vers Abdel et ses quatre amis qui ont assistés médusés à la scène. Après quelques instants de silence et sentant qu'Abdel gêné par toute cette attention, Raphaël s'éclaircit la voix :

« Bonjour à tous. Vous venez d'assister à une scène de violence, mais peut-être pas à celle que vous croyez. Je ne vais pas vous parler de l'intervention de mon ami, pas plus que du comportement que j'estime plus que discutable de la personne qu'il a interpellée. J'aimerais juste prendre un moment pour qu'on se penche sur la violence qui fait que nous sommes tous présents ici. Celle qui vous a amené à quémander de la nourriture et des produits de première nécessité que vous ne pouvez pas acheter normalement. Je veux pointer du doigt des règles qui nous broient, qui gavent les puissants et qui ne laissent derrière elles que des miettes en attendant de vous que vous reniiez votre dignité pour les avoir !

 – Tu nous parles de quoi ? Tu veux faire la promotion d'un nouveau jeu à gratter ou une autre solution miracle ? interroge une femme à la caisse.

 – Non justement c'est tout le contraire. Ce n'est pas un énième opium dont je parle. Ce n'est pas un impôt sur la misère comme le sont les jeux d'argent. Je vous propose de vous réapproprier vos vies pour qu'elles ne soient plus le jouet de personnes qui font ce qu'elles peuvent pour vous tenir loin de leur regard et pensée.

 – Il y a du vrai dans ce qu'il dit, à titre personnel j'ai été viré alors que ma société faisait des gains. On m'a dit que c'était lié à des objectifs non remplis pour les actionnaires, alors que d'autres années ils avaient été surpassés et on n'avait pas pour autant été récompensés. Dans tous les cas, je suis perdant, j'ai donné vingt années de ma vie pour eux et ça, ça ne compte pas ; rien ne compte, ajoute une voix.

Dans l'instant qui suit Pueblo pose un pied sur la caisse et y grimpe. C'est avec un cœur battant à tout rompre qu'il s'exclame :

 – Les Tyrans n'ont plus leur place ! C'est à nous de pétrir l'avenir. Nous ne sommes pas des gueux en haillons qui devraient se battre entre eux pour peut-être espérer remplacer nos maîtres. Nous ne sommes pas un lumpenprolétariat. Le peuple uni ne sera jamais vaincu ! »

Suite à cette déclaration, des applaudissements se font entendre. Ils portent l'espoir d'un changement, mais pas n'importe lequel ; un changement pour le meilleur. On peut lire sur les visages un soulagement et une détermination certaine. Théo est là, adossé à un rayon et il est ému. Dans l'air il y a quelque chose de fou, quelque chose est en train de se produire. Bientôt le monde ne sera plus le même, et ça, il en est persuadé. »

Les personnes présentes sont en liesse, comme portées par un élan indéfectible. Un cri tonne et prend tout le monde de court ! Il est destiné à Abdel, et vient du gredin qui a pris la fuite un peu plus tôt, mais il est différent. Son visage est froissé par la haine, sa respiration saccadée, il a les babines retroussées tel un loup prêt à déchiqueter une proie. Plus bas on distingue un reflet au niveau de sa main. Il est revenu pour en découdre. Il se lance dans une course pour rejoindre Abdel avant que la stupeur ne retombe. À quelques mètres de lui, une lame devient clairement visible. Abdel ne sait pas quoi faire, il tente de se préparer à l'attaque en sachant qu'il sera probablement blessé, mais il est hors de question de reculer. L'individu est fou ; c'est un enragé qui se rue sur Abdel.

Le temps semble tout d'un coup avoir ralenti. La peur est omniprésente. Théo dévasté par ce qui risque de se produire se sent comme paralysé. Sa gorge serrée et ses pieds cloués au sol le désespèrent. Son corps ne répond plus, la seule chose qu'il aurait peut-être acceptée aurait peut-être été de se laisser tomber et de prendre une position fœtale. Mais ce visage... Cette démonstration de violence irraisonnée qui n'apporterait que souffrances, cette haine gratuite qui visiblement se suffit à elle-même est insupportable à Théo. Puis le temps reprend.

Les événements reprennent doucement leur course vers l'inéluctable jusqu'à ce qu'un cri jaillisse :

« Non ne fais pas ça ! »

L'injonction perce les bruits de panique et percute l'agresseur. Comme foudroyé il s'arrête net. Il est saisi de spasmes, il tente de rester debout, puis s'effondre à terre. Un spectacle terrible se livre sous leurs yeux. Le gredin semble démuni. On peut sentir sa volonté de frapper au travers de son regard, mais il est comme bloqué. Le couteau lui est retiré des mains afin d'éviter qu'il ne se blesse dans son état.

Trente minutes plus tard, son état n'a pas changé. L'activité a repris et l'homme a été entreposé dans un angle du commerce à proximité de quelques sans-abris qui passent la journée ici. La situation se débloque d'elle-même lorsqu'une fois épuisé il s'endort. C'est ainsi que les spasmes cessèrent et que les craintes s'estompèrent.

Théo est soulagé mais il craint d'avoir d'une façon ou d'une autre blessé gravement l'agresseur. Tout danger étant désormais écarté, Pueblo raccompagne tout le monde. Théo et Chloé s'échangent des regards sur la banquette arrière. Chloé semble inquiétée par la mine affreuse de Théo. Ils sont brimbalés au rythme des coups de pétards qui se font entendre sous le capot. Théo, dépassé, épuisé, n'est plus en capacité de chercher à comprendre ce qui lui arrive, ce qu'il a fait. Les questions qui ont germé il y a maintenant plusieurs semaines se font de plus en plus persistantes :

« Comment ceci a-t-il pu se produire ? Pourquoi ça ne se passe qu'avec moi ? Jusqu'où va ce pouvoir ? Est-ce que quelqu'un m'écoute réellement du coup ? »

La dernière question le pétrifie. Si tout ce qu'il dit persuade instantanément son interlocuteur, ceci veut dire que d'une certaine manière il détruit la volonté et la personnalité de la personne.

 

Même si ce qui vient de se passer a peut-être permis de sauver une vie, il n'est plus possible de se permettre de prendre le risque d'embrigader des personnes dans une cause qu'ils n’auraient pas choisie délibérément. Théo se promet de ne plus parler à quiconque jusqu'à nouvel ordre. Désormais il ne fera qu'agir pour s'assurer que tous restent libres.

 

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