— Allô, Berry ?
— Fiston ! Je voulais prendre de tes nouvelles, mais avant ça, dis-moi quand Zéphire sera arrivé.
Thalion acquiesça comme si son tuteur pouvait le voir. Pour ne pas qu’il passe son dernier jour de vacances seul, Berry l’avait autorisé à dormir chez Nohan. Le maudit avait dû s’occuper de sa valise en vitesse pour que le conseiller puisse la donner au rokh le lendemain. Se posait aussi la question du chemin jusqu’au bois charmant. La distance qui les séparait de la maison des Melvine n’était pas longue, à condition d’y aller en balai. Il avait été décidé que Zéphire serait téléporté le moment venu. Cally s’était organisée de la même façon avec sa mère. Elle aussi se tenait un peu plus loin, un téléphone à la main, en attendant l’arrivée de son compagnon. Thalion soupçonnait Berry d’avoir voulu le faire partir d’un autre point de départ que le manoir et pas seul au cas où un problème surviendrait. Eris ou l’Enfant Sanglant pourraient en profiter pour agir, et lui comme ses amis ne tenaient pas tellement à être escortés jusqu’à l’académie. Ça expliquerait pourquoi son tuteur avait organisé cette nuit chez Nohan la veille de la rentrée, en dernière minutes.
Patientant tranquillement dans le jardin, Thalion en profita pour contempler les différentes plantes qui composaient le lieu. Il ne se lassait pas d’admirer ces fleurs aux couleurs éclatantes ou de sentir leurs odeurs enivrantes. Berry se débrouillait bien pour maintenir le jardin du manoir, mais celui de Sohalia était d’un tout autre niveau. En s’y baladant, Thalion y découvrit une faune et une flore magique bien présente. Du coin de l’œil, il repéra quelques fées se cacher dans les arbres et un jeune gnome glisser dans un terrier. Parmi les plantes communes se cachaient des caméléarbres, des arbustes qui prenaient l’apparence de la végétation environnante pour se protéger – les fées et les gnomes raffolaient de leur sève – ou encore des kylys, des fleurs chantantes. Lorsque Thalion s’abaissa pour cueillir une myrtia rose, une sorte de myrtille dont le goût variait selon sa couleur, Zéphir surgit du porte-à-porte au cœur du jardin. Immédiatement, il vint gaiement tournoyer autour de Thalion.
— Ah, il vient d’arriver ! confirma-t-il au téléphone. Il est en pleine forme.
— Il est content de te revoir. Il s’est fait beaucoup de souci pour toi.
Thalion sourit tendrement à Zéphire.
— Toi aussi, j’imagine, répliqua Thalion.
— Justement, apaise mes craintes. Tout s’est bien passé ?
L’adolescent lui fournit un résumé de sa soirée, sans omettre l’arrivée des Regan.
— Mais sinon, j’ai passé un bon moment, conclut-il.
— Hm… Je vois, tant mieux. Toutefois, qu’un représentant de la police magique agisse ainsi est inacceptable. En tant que conseiller chargé de la protection des magérien, je vais…
— Berry, ne fais rien, s’il te plait.
Son tuteur rétorqua que la gestion de la police magique relevait de sa responsabilité, mais Thalion réitéra son refus. On lui reprocherait d’abuser de son pouvoir pour défendre un corbeau. Bien qu’il fut désagréable, M. Regan ne l’avait pas agressé, donc rien ne pouvait vraiment lui être reproché. Il était hors de question que Berry s’attire des problèmes à cause de lui. Et pourtant, ne se mettait-il pas déjà dans une position délicate en gardant le secret sur sa possession ?
— Berry… Tu ne vas rien dire au Conseil à propos de… Tu sais… ?
Thalion laissa sa phrase en suspens. Ils n’avaient pas encore eu le temps d’aborder ce sujet, et malgré sa confiance, le maudit ne pouvait pas s’empêcher de redouter la réponse.
— Fiston, je ne ferai jamais rien qui puisse te nuire. Or, tout révéler serait dangereux, aussi bien pour toi que pour le monde des magériens. Nous, les conseillers, sommes guettés de près ou de loin par l’ambition et la soif de pouvoir. Si on apprenait qu’il existait un moyen de manipuler la magie divine, le monde se déchirerait pour cette source de puissance. Et toi…
Il soupira. Thalion ne l’obligea pas à aller au bout de sa pensée. On pouvait supposer qu’il servirait de sujet d’expérimentation, étudier par tous les scientomages du pays pour sa possession, ou tuer du fait de la menace double qu’il représentait. Thalion ressentit une infinie gratitude pour son tuteur.
— Merci. Je sais que cacher des informations pour un conseiller est considéré comme de la trahison…
— Allons, ne t’en fais pas pour ça. Par contre, même si je suis prêt à mentir au Conseil, j’aimerais que quelqu’un à l’académie soit au courant de ta… situation. Un dieu est scellé en toi et le sort qui le contient s’abime. On ne sait pas quelles pourraient être les conséquences. Il faut qu’une personne sur place puisse prendre les décisions qui conviennent en fonction de ces paramètres, et idéalement, te protège.
Thalion glissa nerveusement sa main sur sa nuque. Il comprenait la position de Berry, mais l’adolescent se voyait mal partager un secret aussi lourd à n’importe qui. La personne au courant obtiendrait un avantage considérable sur lui.
— Très bien, mais à qui ? Mme Luciphella ? Mme Delacroix ? Elle a suffisamment de soucis avec sa maladie et…
— Je pensais plutôt au proviseur, M. Cowen…
— Tu me demandes de faire confiance à un inconnu ? s’agaça Thalion. Tu proposes quelqu’un que tu détestes, en plus ?
— Je ne le déteste pas, on a simplement eu… un accrochage il y a longtemps. Mais je te promets que tu peux te confier à lui. Il était le meilleur ami de ton père.
Cette information déstabilisa Thalion. Le meilleur ami de son père était à la tête de l’académie ? Et il n’avait jamais levé le petit doigt pour l’aider, ni daigné se montrer devant lui ? Ce ne devait certainement pas être une personne de confiance.
Berry insista pour qu’il y réfléchisse, et Thalion accepta. Quand l’appel prit fin, cette révélation tournait en boucle dans sa tête. M. Cowen avait beau ne pas donner bonne impression, il avait été l’une des personnes les plus proches de son père. Il pourrait être un allié redoutable, mais surtout un lien avec son paternel non négligeable.
Pour l’instant, il décida de mettre de côté cette émotion qui le tenaillait et, accompagné par Zéphire, il rejoignit Cally qui attendait aux côtés de Via, son balai. Il était à l’opposé de Zéphire avec son manche argenté et sa paille blanche. Leurs deux compagnons se mirent à jouer ensemble, se poursuivant à tour de rôle sous leurs regards amusés. Leur énergie annonçait un trajet rapide et riche en acrobatie…
— À ce propos, ne fais pas trop de folies dans l’air, mortel.
Thalion roula des yeux. Apocryphos avait eu la bonté de se faire discret depuis son arrivée chez Nohan pour le laisser profiter. Mais les vacances étaient terminées.
— J’ai l’habitude de voler, je ne vais pas tomber. Tu n’as aucune raison d’avoir peur.
Apocryphos avait dû partager sa parole à Cally car elle ne fut pas étonnée de l’entendre répondre à haute voix.
— « Aucune raison » ? Nos vies sont liées, mortel ! Tant que le sort demeure, si tu crèves, je crève aussi !
Cally tomba des nues en apprenant que partager le même corps n’impliquait pas seulement les pensées, les perceptions et les émotions de Thalion, mais aussi sa mortalité. Apocryphos poursuivit, à cran :
— En tant que dieu de la mort, je sais à quel point les humains sont fragiles ! Entre ceux qui meurent en avalant leur bouchée de travers ou en glissant dans leur baignoire, j’ai de quoi m’inquiéter !
Si Cally fut embarrassée par la vulnérabilité de l’humanité, Thalion ricana devant l’ironie de la situation. Un dieu de la mort qui craignait la mort, quel comble.
— Ça te fait une bonne expérience client, répliqua Thalion.
Il ignora les récriminations de la divinité et feignit l’innocence devant l’air réprobateur de Cally.
— À qui tu parles, Corvus ?
Thalion se tourna vers Camille qui s’avançait vers eux, succédé par son balai aux couleurs rougeoyantes. Il avait été prévu que les Regan rentrent chez eux après l’apéro, mais pour apaiser les tensions, les Melvine avaient sortis leurs meilleures bouteilles d’alcool. L’apéro était devenu un repas, et les parents étant complètement ivres, tout le monde était resté dormir sur place. La chambre d’ami avait été utilisée par M. et Mme Regan. Cally avait dormi dans la chambre d’Hazel avec Elyne, et les garçons, dans la chambre de Nohan. Si l’ambiance avait été étrange au début, elle s’était détendue quand Nohan et Camille avait remarqué le sourire de Thalion, satisfait de vivre un semblant d’adolescence normale avec cette soirée pyjama improvisée. Leurs moqueries avaient débouché sur une bataille de polochon. Thalion était en train d’étouffer Camille avec son oreiller quand Cally avait surgi dans la chambre, affirmant que leur boucan empêchait les filles de dormir. La pénombre avait dissimulé l’expression de son visage, mais Thalion savait d’expérience qu’énerver les personnes calmes n’était pas conseiller. De ce fait, ils s’étaient docilement couchés.
— À… Crys, ma voix intérieure, prétexta Thalion.
Camille était dans le même dortoir que lui. S’il le surprenait à parler seul, autant qu’il pense que ce soit à lui-même. Camille le regarda de travers, mais ne renchérit pas.
Postés devant la maison, les trois magériens attendirent Nohan qui finit par passer le pas de la porte, suivi par Azrel.
— Désolé pour le retard, vous êtes prêts ?
M. Melvine apparut derrière lui, encore en pyjama, et les cheveux en pétard. La gueule de bois tirait les traits de son visage mécontent.
— Nohan ! Tu as oublié de prendre ta veilleuse magique et le collier qui éloigne les mauvais esprits. Heureusement que je suis là !
Il força Nohan à porter l’effrayante amulette autour de son cou et fourra la veilleuse dans ses bras. Thalion sourit en se rappelant le soir de Yule, l’hiver dernier, durant lequel son ami avait obtenu ces cadeaux. Nohan rougit, gêné de montrer une telle scène devant eux, et conjura son père de rentrer, ce qu’Hélio fit après une accolade paternelle.
— N’oublie pas de nous écrire, ponctua-t-il les aurevoirs.
Thalion accepta de prendre la veilleuse dans son sac à dos, puis ils enfourchèrent leurs balais. À travers la fenêtre, Sohalia leur adressa un signe de la main, à l’image d’Hazel. Les parents de Camille étaient rentrés, la honte de leur comportement les poussant à ne pas s’attarder plus longtemps, mais Elyne était restée et saluait son frère. Sous leurs regards encourageants, les magériens s’envolèrent dans le ciel.
Étant le seul à connaître la direction du Bois Charmant depuis la maison, Nohan se trouvait à la tête du groupe. Les premières minutes de vol se passèrent dans un silence paisible. Thalion savourait le vent chaud qui faisait frémir ses boucles noires et la vue des champs qui défilaient sous ses pieds. Les plantations de blé scintillaient à la lumière du soleil, donnant l’impression de survoler une mer d’or.
Pour passer le temps, Cally entreprit de raconter sa soirée :
— Hazel est trop mignonne, affirma-t-elle, mais c’est une pile électrique, et quelle entêtée ! Elyne est plus douce, un vrai petit ange.
— Elle fait semblant devant vous. En réalité, elle a tout d’un démon. Parfois, elle fait exprès d’attraper des papillons pour les mettre dans ma chambre, révéla Camille, leur arrachant un rire.
— D’ailleurs, vous saviez que vos sœurs se connaissaient ? les interrogea Thalion.
Les deux frères secouèrent négativement la tête.
— Je savais seulement qu’elle s’était faite une amie du nom d’Hazel, expliqua Camille.
— Pareil pour moi, ajouta Nohan. Je crois que ma sœur s’est retrouvée dans le groupe d’étude d’Elyne quand son institutrice est tombée malade.
Ils continuèrent de converser sur les galères de grands frères, écoutés par Cally et Thalion. En tant qu’enfant unique, il se demandait à quoi ça ressemblait, de ne pas grandir seul.
Ils n’étaient plus loin du Bois Charmant quand trois points noirs se dessinèrent à l’horizon. Malgré la distance qui se réduisait à mesure qu’ils approchaient, il était difficile de discerner autre chose que la silhouette humanoïde des trois points.
— Sûrement des élèves, supposa Nohan en les apercevant. Ça arrive d’en croiser sur le chemin.
Sa réponse rationnelle ne suffit pas à apaiser le mauvais pressentiment qui sonnait l’alarme mentale de Thalion. Il plissa les yeux pour préciser sa vue.
— Je ne distingue pas de balai… s’inquiéta-t-il.
Leur appréhension monta d’un cran. La boule dans le ventre de Thalion se resserra. Les maisons de magériens possédaient toutes des sorts de protection, rendant notamment la localisation des occupants impossible. Personne ne pouvait être au courant que le maudit s’était téléporté chez Nohan et partait de chez lui pour atteindre le bois. À la demande de Berry, Sohalia avait même appliqué sur eux un sort temporaire les empêchant d’être suivis. Eris n’aurait pas pris le risque de quitter la protection de l’Enfant Sanglant et d’être localisée par la police magique, alors qu’est-ce qui approchait ?
Les silhouettes devinrent suffisamment proches pour être détaillées. L’effroi les cloua sur place en reconnaissant les créatures qui se dirigeaient sur eux. Thalion sentit sont estomac se retourner en apercevant ces ailes de chauve-souris, ces doigts griffus et cette peau de cadavre.
Des vampires.
Dans sa tête, Apocryphos hurla comme Thalion ne l’avait jamais entendu faire :
— Par mes pairs, courrez ! Non, volez ! VITE !
Heureusement pour eux, leurs balais furent plus réactifs et réagirent à leur place. Le groupe se dispersa dans un tumulte de cris à l’instant où les créatures fondirent sur eux. La peur qui les paralysait fut dissipée par l’adrénaline qui courrait dans leurs veines. Le sang battait contre les tympans de Thalion et étouffait les hurlements de ses amis. Il serra le manche pour ne pas partir en arrière alors que Zéphire fendait l’air à pleine vitesse. Un fois remis du choc, Thalion brandit sa baguette. Il jeta un coup d’œil derrière lui. Le vampire qui le poursuivait était dangereusement proche. Ses mains aux griffes acérées étaient tendues vers lui, et ses canines pointues luisaient, prêtes à se planter dans son cou dès que l’occasion se présenterait. Et ses yeux…
Thalion n’eut pas le temps de s’y attarder car un grognement gronda dans la gorge du vampire. Ses ailes battirent vivement l’air pour accélérer. Thalion esquiva en effectuant un virage serré et attaqua par-dessus son épaule :
— Epithès !
Grâce à la proximité du vampire, le jet de magie blanche ne manqua pas sa cible et frappa en plein visage. Cela aurait dû suffire à l’assommer, au lieu de quoi, son nez se cassa et la peau touchée brûla. Le vampire n’émit pas le moindre signe de douleur ou de ralentissement. Thalion cru avoir affaire à un robot.
— Les vampires ne sentent pas la douleur et sont résistants à la magie ! l’avertit Apocryphos. Pour s’en débarrasser, il faut les blesser avec de l’argent ou mortellement !
Thalion jura. Ces créatures donnaient du fil à retordre au Conseil, et des apprentis magériens réussiraient à les vaincre ? Les sorts qui lui traversaient l’esprit étaient ceux appris en première année. Autrement, leur niveau n’était pas suffisant pour être efficace.
Autour de lui, ses amis rencontraient le même problème. Nohan fuyait un vampire au visage ensanglanté à force de recevoir « Epithès » tandis que Cally venait de lancer Metapierra censé métamorphoser la cible en granite. Seul le bras du vampire subit l’attaque.
Attaquer était vain, la seule option était de s’abriter. Malgré les sorts de protection présent chez Nohan, les deux frères refuseraient de mettre en péril la sécurité de leurs sœurs. Faire demi-tour n’était pas envisageable. L’académie se trouvait encore loin, et ils devaient d’abord traverser le bois…
En y pensant, une idée germa dans son esprit. Durant cet instant de réflexion, sa garde baissa.
— Attention ! cria Camille.
Lorsque Thalion reprit conscience du moment présent, ce fut pour apercevoir un visage blafard à deux centimètres du sien et des canines prêtes se planter dans sa chair. Apocryphos poussa un hurlement qui aurait été similaire à celui du maudit s’il avait eu le temps de réagir. Il crut que son heure avait sonné quand il sentit les griffes de la créature s’enfoncer dans sa peau, jusqu’à ce que le bruit d’une pierre fracassée en deux retentisse. Camille venait de foncer dans le vampire, le manche de son balai percutant violemment son crâne. Le monstre fut propulsé quelques mètres plus loin, sonné. Thalion dévisagea Camille. Le magérien était le seul à ne pas être poursuivi, et s’employait à les aider en attaquant les vampires. Une éclaboussure de sang tâchait l’embout de son balai.
— Corvus, on n’a pas le temps de rêvasser ! le gronda-t-il.
— Suis-moi, j’ai une idée !
Sans attendre de réponse, Thalion fila vers ses amis qui commençaient à fatiguer.
— Cally ! Viens ! Nohan, emmène-nous jusqu’au bois !
— Tu veux qu’on les sème là-bas ? devina Camille. Voler dans une forêt, c’est…
— Faites-moi confiance !
Faute de mieux, les magériens obéirent. De toute façon, les trois vampires qui se ruaient vers eux les précipitaient dans leur prise de décision.
Rapidement, ils atteignirent le Bois Charmant. Son feuillage éclatant était toujours aussi saisissant, mais ils n’avaient pas le temps de l’admirer. Ils s’engouffrèrent dans la forêt, avec Nohan en tête. Le sentier était étroit et sinueux, ce qui les obligeait à ralentir pour ne pas se prendre un arbre. Un cri de Cally les alerta sur la dangereuse proximité des créatures. Camille lança plusieurs sorts pour tenter de les repousser.
— Alors, ta super idée ? rugit-il.
Le rythme cardiaque de Thalion s’affola et ses mains moites glissaient contre le manche du balai. En réalité, il ne savait pas quoi faire pour que ça marche. La seule fois où il l’avait vu réagir était par pure hasard. Il espérait qu’elle agisse d’elle-même en percevant leur détresse.
— Fais une prière ! lui conseilla Apocryphos en lisant dans ses pensées son plan. Les entités magiques aiment être flattées !
Thalion ne perdit pas de temps pour suivre son conseil. Il inspira profondément avant de crier d’une voix forte :
— Ô Bois Charmant, forêt estimée par tous les magériens, écoute la détresse des humains que tu accueilles en ton sein. Toi qui tires ta puissance de la déesse Naphalia, sauve-nous de ce mal qui menace le bois !
Thalion avait prononcé ces mots d’une traite avec le plus de sincérité possible. Il jeta un coup d’œil derrière lui. Un vampire tirait les cheveux de Cally et lui saisit l’épaule tandis qu’un autre s’accrochait à Vulko, le balai de Camille. La peur d’avoir échoué lui comprima la poitrine. Puis, des craquellements résonnèrent, comme si l’écorce des arbres grognait comme des chiens sur le point d’attaquer. Les feuilles s’assombrirent. Les troncs veinés de magie cristallisées scintillèrent. Le vent soudainement devenu frais gronda. Les racines enterrées sous terre s’agitèrent avant de percer de concert le sol. Comme des tentacules prenant vie, elles foncèrent sur le vampire à la traîne, celui dont le bras avait été transformé en pierre par Cally. La nature en colère était impitoyable. Les racines transpercèrent le corps de toutes parts, et au bout d’une d’elle palpitait le cœur du vampire. Empalé, il retomba mollement comme une poupée de chiffon. Les racines s’attaquèrent ensuite à celui qui poursuivait Cally en le démembrant. Le troisième, un groupe de fées lança sur lui des booms, des baies explosives. Mais le plus étonnant fut l’étrange chant envoûtant qui perça le grondement du vent. Thalion n’avait jamais entendu des mélodies pareilles. Elles ressemblaient à la fois au son d’une goutte d’eau qui tombe, au bruissement des feuilles et à l’écoulement d’une rivière.
— Des parisettes, expliqua Apocryphos. Je ne pensais pas qu’elles se montreraient, la forêt doit être bien courroucée.
Lorsque les nymphes des forêts terminèrent leur chant, des champignons à l’odeur de putréfaction purulèrent sur le dernier vampire. Leurs allures difformes et rebutantes soulignaient leur vénénosité. La créature cracha du sang en lâchant Vulko.
— On arrive au bout ! s’exclama Nohan.
Leur soulagement fut intense en apercevant la lumière au bout du chemin. Le corps de Thalion se détendit lorsqu’ils atteignirent la falaise. Plusieurs élèves s’étaient donnés rendez-vous et attendaient l’arrivée de leurs amis. Leurs visages se décomposèrent en apercevant le maudit et certains reculèrent, apeurés, mais Thalion n’en avait cure. Il devait être d’autant plus étrange avec son souffle court et ses cheveux décoiffé.
Un râlement derrière lui attira son attention. De la lisière de la forêt jaillit un vampire mal en point. Son visage était défiguré par les champignons et son corps était embringué dans un processus de décomposition, mais ses ailes et son cœur fonctionnaient, ne l’empêchant pas de continuer sa poursuite.
Les élèvent autour d’eux hurlèrent, sautant sur leurs balais pour s’enfuir, se rentrèrent dedans dans la panique ou trébuchèrent sous le choc, mais la créature se fichaient d’eux. Elle fondit sur Camille et Cally qui l’esquivèrent, puis attaqua Thalion qui se trouvait sur sa trajectoire.
— La barrière ! cria Nohan.
Comprenant l’objectif, Thalion se rua au-delà de la falaise. Le vent était toujours aussi impétueux, le malmenant avec force, mais s’apaisa une fois qu’il fut reconnu comme un élève et autorisé à poursuivre sa route. Des cris retentirent, provenant des multiples spectateurs. Le vampire, perçut comme une menace par le champ venteux en guise de barrière protectrice, n’eut pas autant de chance que le magérien. Des multiples lamelles de vents le lacérèrent de tous les côtés. Des gouttes de sangs giclèrent, colorant ces lames féroces et invisibles. Peut-être était-ce le poison qui circulait dans son corps, ou cette dernière riposte qui eut raison de lui, mais le vampire ne tint plus. Il tomba, s’enfonçant dans la mer comme une pierre, avec pour tombeau les abysses.
Thalion rejoignit ses amis, tremblant.
— Vous… vous avez vu ? balbutia-t-il.
— La façon dont le vent l’a labouré ? Difficile de passer à côté, remarqua Camille.
— Non, pas ça. Les yeux des vampires…
Le front de Nohan se plissa.
— Oui. Leurs yeux n’étaient pas blancs comme d’ordinaire…
— … mais rouges, termina Cally, la mine sombre.
Tes vampires changent un peu de ce qu'on a l'habitude de voir, c'est original. Mais qu'est-ce que ça veut dire, cette histoire d'yeux rouges ? 😯 J'ose espérer qu'on est pas encore censé comprendre, sinon c'est que j'ai oublié un truc.
Si je devais parier, je dirais que c'est le père de Camille qui a envoyé ces vampires ! Bon, je suis pas sûre de moi, mais t'as bien insisté sur le fait que personne pouvait savoir qu'ils partaient de chez Nohan, à part, bien sûr, les familles des enfants. 🤔 Et le père Regan là, il m'a eu l'air sacrément hostile envers Thalion, et il doit avoir des relations. Et un moment, il me semble que tu dis que les vampires passent à côté de Camille sans l'attaquer... Bref ! C'est louche !
Hâte d'avoir le fin mot de l'histoire !
Oui, j'aime varier un peu certains mythe, surprendre le lecteur. Vous n'êtes pas encore censé comprendre, rassure-toi !
C'est vrai que le père de Camille n'est pas commode... tes remarques sont pertinentes, en tout cas le chapitre suivant pousse un peu la réflexion sur cette attaque !
Merci pour tes retours réguliers, ça fait très plaisir !