Chapitre 61

Notes de l’auteur : MAJ : 15 juillet

Tour de l'aile ouest, Palais de la mer éternelle - Citée d'Ys


Les pas de Donnon résonnaient dans les escaliers de la tour alors qu'il accélérait pour en atteindre le haut. Léa déjà sur place fouillait distraitement dans sa sacoche pour en vérifier le contenu. Elle leva les yeux, lui souriant quand il arriva en trombe.

— Hey ! On attendait plus que toi, les caisses sont chargées. Même Lia est arrivée avec le groupe de ce matin.

— Il y avait un souci en bas, mais c'est réglé. Est-ce que tu es sûre de vouloir venir ? Tu pourrais rester avec Hafgan.

— J'ai besoin de prendre l'air, les humains sont en parfaite santé. Puis quand Alice a dit qu'elle regrettait de ne pas pouvoir voir Brocéliande vue du ciel, je n'ai pas résisté.

— Ça m'embête de te laisser avec les Sylvestres après ce qu’il s’est passé, dit-il en fronçant les sourcils.

— Fais-moi confiance, j’ai mon arme secrète au pire, répondit-elle avec le sourire.

Il s'adoucis et avança avec Léa jusqu'au toit de la tour.

— J’ai confiance en toi, mon… amie.

Léa lui sourit puis se détourna voyant Lia foncer vers elle pour se nicher sur son épaule.

— Tu étais trooop longue, les vieux arbres sont ennuyeux à écouter... s'apitoya la fée blonde

— Tu n'as aucune patience. Puis notre embarcation n'est pas encore là.

Elle fut un interrompu par un grand coup de vent et un vieil homme à la stature noble atterris sur la tour, comme s'il avait sauté en parachute. Les Sylvestres, les fées, ainsi qu'un troll se regroupèrent autour de lui.

Ils le saluaient avec révérence en l'appelant : « Conseiller Beirgantos » .

Elle s'approcha perplexe avec Donnon et vit qu'une grande nacelle, de la taille d'un minibus, était installée sur le rebord de la plateforme.

— Comment est-ce que nous allons nous déplacer ? Je ne vois pas de système pour voler...

Le conseiller qui venait d'arriver la toisa et soupira en secouant la tête comme si sa remarque l'offensait.

Lia lui susurra à l'oreille.

— C'est un ancien Dragwydd, c'est lui qui va nous porter, ça ne doit pas trop lui plaire, ils sont très fiers...

Léa acquiesça en silence alors que tout le monde prenait place dans la nacelle. C'était elle qui ne connaissait pas ce monde, elle ne pouvait pas se plaindre d'être prise pour une inculte. Elle voulait poser des questions mais fit profil bas en s'installant.

La Terre lui manquait, ses repères, ce qu'elle connaissait et elle soupira en repensant à la discussion qu'elle avait eu avec ses amies concernant leur retour.

La Reine lui avait finalement proposée de la renvoyer sur Terre après sa discussion avec Elara Drindod, mais Alice ou Noémie n'était pas inclues dans le calcul. Alice avait éludé la conversation en lui faisant miroiter le plaisir de découvrir un nouveau monde pendant leurs vacances et Noémie, comme à son habitude, restait secrète, en retrait, comme pour voir dans quel sens le vent allait souffler, enrobant le tout dans des paroles rassurantes et bienveillante, calmant sa colère qui pointait. Elle savait qu'elle serait bloquée jusqu'à ce qu'Alice se décide qu'elle avait assez profitée de ces vacances ici, mais elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une pointe d'angoisse en la voyant avec Garen.

Elle rangea ses pensées dans un coin de sa tête alors que Lia lui parlait et qu'elle n'avait absolument pas écoutée.

Le Dragwydd ouvrit les bras et son corps se métamorphosa en un instant en une créature massive d'un brun sombre qui fit frissonner Léa.

« On dirait un... »

— Un dragon !! C'est ça les Dragwydd ? Des dragons !!!

Donnon qui était face à elle lui pris la main alors qu'elle tremblait de peur et d'excitation.

— Oui, c'est le nom que les humains leur donnent... Mais appelle les Dragwydd, c'est préférable.

Il avait une mine sombre et elle se douta que ce choix de nom devait avoir une signification profonde.

— D'accord. 

Elle n'osa plus rien dire alors que leur nacelle était soulevée par la créature puissante. Léa n'arrivait pas à regarder dehors ni imaginer la taille que le Dragwydd faisait pour arriver à les déplacer, la seule chose qu'elle voyait à ce stade étaient deux énormes griffes de la longueur de ses bras qui dépassaient d'une ouverture au plafond.

Ses jambes tremblaient, broyant la main de Garen qui ne bougeait pas d'un pouce.

Un des Sylvestres dans la nacelle lui jeta un coup d'œil qu'elle n'arrivait pas à identifier, ses traits étant intégrés dans l'écorce lui servant de peau, il était impossible de lire son expression.

— Vous devez être surprise, jeune humaine. C'est un évènement rare de voir un Dragwydd aussi ancien sous sa forme naturelle.

Elle acquiesça alors que Lia lui chuchotait à l'oreille.

— Ça m'est arrivée une fois d'en voir voler au-dessus de la forêt, mais il était beaucoup plus petit.

— Est-ce qu'il y a beaucoup de Dragwydd en Brocéliande ?

Sa question mis un froid dans la nacelle et l'homme arbre répondit.

— Ils sont très peu à notre époque. Ce sont des êtres anciens, qui vivaient bien avant la naissance du royaume, quand le territoire était une forêt primordiale s'étendant à perte de vue. 

— Vous voulez dire qu'ils sont en train de s'éteindre ? Chuchota presque Léa.

Garen lui sera légèrement la main en lui faisant « non» de la tête, lui disant d'arrêter.

L'homme arbre lui répondis tout de même.

— C'est un sujet délicat, car oui, leur population ne fait que décliner. Mais ils ne sont pas plus en danger que les Bugul Noz qui vu leur courte existence dans notre histoire font déjà face à une baisse de natalité. Je vais vous annoncer une nouvelle dont nous avons eu vent et qui nous réjouis tous, la fille du conseiller va avoir un enfant. Son œuf est près d'éclore et cela sera certainement l'évènement le plus attendu de cette année.

Le visage de Léa s'illumina ainsi que ceux des personnes autour d'elle. Elle ne savait pas pourquoi cette nouvelle la réjouissait, mais imaginer que des créatures aussi majestueuses puisse s'éteindre ne la rendait pas impassible.

— C'est une bonne nouvelle ! Et est-ce qu'il y a d'autres Dragwydd qui ont aussi des œufs ?

Donnon pris la parole.

— Les Dragwydd sont des êtres secrets, s'il y a d'autres œufs, ils les protégeront en gardant je secret. Cela fait deux siècles qu'il n'y a pas eu de naissance de Dragwydd.

— Je comprends...

Léa souri faiblement alors que Donnon lui repris la main, comme pour lui remonter le moral.

Arrivés au-dessus du domaine familial Drindod, elle ne put s'empêcher de regarder par la fenêtre attirée par des cri d'oiseaux.

Ils s'approchèrent d'un haut plateau qui se terminait en falaise vertigineuse.

En contrebas, une forêt verdoyante s'étendait à perte de vue et des myriades d'oiseaux multicolores évoluaient au-dessus de la végétation ainsi que sur le plateau où une demeure et de grands arbres majestueux prenaient place.

De plus en plus près, elle aperçue un jardin paysager orné de fontaines, des vergers couverts de fruits et des fées virevoltant parmi les arbres, c'était époustouflant de beauté.

Ils se posèrent avec fracas et le Conseiller Beirgantos repris forme humaine, se déplaçant d’un pas franc et altier, comme le font les anciens soldats.

Elle sortit avec Donnon de la navette s'imprégnant de l'ambiance magique qui les enveloppaient et furent accueilli par un très bel homme aux cheveux tricolores comme le compagnon d’Elara, mais dont les yeux étaient plissés par le temps.

— Bienvenue au domaine Drindod, je suis Carufenn, le chef de la famille. Mes enfants vous aideront dans votre tâche. Les habitants du domaine sont au courant de votre arrivée et certains ont déjà proposés leur aide. J'aurai besoin de parler avec ceux d'entre vous qui doivent recruter fée et des nymphes spécialisées en façonnage.

Le jeune homme escorta une partie du groupe et Léa vit au loin d'autres navettes êtres chargées de blocs de pierre façonnés.

Des trolls s'afféraient avec enthousiasme alors qu'elle et le Sylvestre qui lui avait parlé pendant le voyage restaient auprès du patriarche.

Donnon qui était dans un groupe différent lui fit un signe de tête pour signaler son départ et se métamorphosa pour déplacer de grandes arches avec un autre géant qui avait pris sa taille d'origine.

Carufenn Drindod de taille modeste dépassait à peine Léa alors que sa fille plus petite qu'elle la toisa, sérieuse.

— Dans votre missive, vous demandiez sept fées spécialistes en illusions et des dryades, nous en avons une partie, mais nos dryades ont demandé à vous rencontrer et les fées se sont alignées sur cette demande avant une quelconque mobilisation. (Il fixa Léa) elles ont su qu'une humaine serait présente et souhaitent vous rencontrer. 

Le Sylvestre pris la parole.

— Vous êtes le protecteur du domaine, n'avez-vous pas pu les convaincre de participer à l'effort de construction ? 

Carufenn fronça les sourcils.

— Nous avons ici des dryades et fées anciennes qui ont connues l'aire d'avant fermeture. C'est justifié de vouloir rencontrer une humaine de notre époque.

Léa lui sourit et s'avança.

— Si ça ne perturbe pas l'organisation, ça ne me pose aucun problème de les rencontrer. Je ne sais pas si je suis la plus représentative de l'espèce humaine, Elara votre belle fille aurait été plus appropriée, mais je répondrai à leurs questions autant que possible.

Le chef les remercia et sa fille changée en oiseau Hoper devant ses yeux, les guida jusqu'à une zone forestière à l'arrière de la demeure. La clairière grouillait de vie.

Des fées curieuses vinrent se coller à elle alors que Lia les chassaient de ses gesticulations et Léa riait sous le regard impassible de la jeune femme hoper qui attendait sous sa forme d'oiseau sur un rocher.

Deux très belles dryades étaient présentes, l'une aux cheveux de feu, des papillons voltigeant autour d'elle, l'autre à la peau d'un brun profond et aux cheveux comme des lianes, son corps se fondant avec le sol comme si elle y était ancrée.

Cette dernière pris la parole, sa voix résonnante intimant le silence aux êtres présents.

— Bonjour Jeune humaine, approchez.

Léa se plaça face à elle, intimidée par le charisme de la nymphe et alors qu'elle la saluait à son tour, une gangue d'écorce émergea tout autour d'elle à une vitesse phénoménale l'enfermant dans le noir total. Elle poussa un cri de surprise, le cœur tambourinant dans sa poitrine avant que sa vision s'habitue peu à peu à l'obscurité. Elle entendit des cris étouffés à l'extérieur et commença à voir une faible lumière se diffuser faisant émerger un visage dans l'écorce.

Elle cligna des yeux et le visage s'anima.

— Je vais vous soumettre à un test, ça ne durera pas longtemps.

Léa s'inquiétait mais n'arriva pas à émettre la moindre protestation alors qu'elle sentait une douce chaleur l'engourdir. Des lumières dansaient devant ses yeux comme un caléidoscope coloré. Tombant en transe, elle eut l'impression que son cerveau s'engourdissait.

Elle repensa à cette nuit, quand elle s’était endormie sur le dos du magnifique cerf blanc… et soudain, il apparut devant ses yeux.

Elle eut envie de pleurer, sachant bien qu’il était mort, massacré, comme une partie des habitants de la clairière aux fées, puis il prononça les mêmes mots :

« Es-tu une amie de Brocéliande ? »

— Vous savez bien que oui... répondit-elle avec un faible sourire.

« Un danger guette la forêt, il… »

— Il va vous tuer ! COURREZ ! hurla Léa en fondant en larmes.

La même odeur fétide qu’elle avait sentie ce soir-là s’échappa du sol, remontant vers elle comme des volutes de fumée. Les arbres s’agitaient, lui annonçant le drame inévitable.

— Je vous en prie, pas encore… gémit-elle en entendant le grondement glaçant du corrompu qui les avait attaqués.

Pendant quelques secondes qui s'étiraient comme des heures, son esprit semblait détaché de son corps alors qu'elle passait par toutes les émotions à vive allure. Puis tout s'arrêta brusquement et elle put respirer. Son corps fut pris de tremblements. Pourquoi la dryade lui avait-elle remué le cerveau ? Un sanglot s’échappa de sa gorge. Cette dernière apparu, le visage grave.

— Vous êtes une amie de Brocéliande, nous ferons en sorte que ça n’arrive plus.

— Est-ce que c’était vraiment nécessaire de me faire revivre ça ? demanda Léa, le visage fermé, baigné de larmes.

— Seuls ceux qui partagent notre peine peuvent prétendre être nos amis. Ce drame n’aurait jamais dû arriver et notre peuple va ramener l’équilibre.

La prison dans laquelle Léa était retenue s'ouvrit comme une fleur, et elle retrouva la lumière éblouissante et le bruit de la clairière. Encore sous le choc, elle regarda autour d'elle, percevant tous les sons de manière tamisée, comme si sa tête n'était pas en capacité de les entendre normalement.

Lia se plaça devant son visage, le saisissant de ses petites mains, essuyant ses larmes.

— Léa ! Est-ce que ça va ? (Se tournant vers les autres) Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— Elle a passé le test, nous acceptons de travailler si c'est elle qui reste avec nous. Elle aime vraiment Brocéliande et ses habitants, c'est ce que nous voulions savoir, répondit la dryade à la peau brune.

Celle aux cheveux flamboyants rit et fit de grands gestes de ses bras, faisant vibrer l'air autour d'elle.

— Tout le monde est d'accord ! Nous pouvons vous suivre, répliqua la belle aux papillons.

Un troll accourut pour porter Léa alors que ses jambes flageolaient, suivi des deux dryades et d'une procession aussi animée que colorée. Donnon entendit avant d'apercevoir la procession et Léa dans les bras du troll, ce qui le fit réagir au quart de tour. Il se précipita auprès de son amie.

— Que s'est-il passé ? demanda Donnon en lui touchant le bras. Léa, qui sentait ses capacités revenir peu à peu, leva la main.

— Ne crie pas, je vais bien, juste un peu secouée, chuchota la jeune femme. Elles m’ont remontré la nuit à la clairière.

Une fureur froide l’envahit et il se tourna vers la dryade brune qui s’approchait en glissant sur le sol.

— Pourquoi avoir fait ça ? Vous avez si peu confiance en votre Reine pour avoir besoin de brutaliser ses invités qui viennent aider ?

— Géant, nous ne pouvons faire confiance aveuglément à la descendance de ceux qui ont brûlé et tué notre peuple. Léa mérite notre respect et nous vengerons nos amis de la clairière.

— Mais… La créature est déjà morte, répliqua Léa.

— Une telle abomination n’a rien d’un phénomène naturel, nous trouverons les responsables de son apparition et ils payeront pour le mal qui ronge Brocéliande.

La dryade semblait consumée par une colère immense et Léa lui confia ce qu’elle avait appris et vécu ici, espérant que ses propos contiennent des indices pour lui permettre de trouver les responsables.

Une sorte de vibration s’éleva de sa gorge, faisant vibrer ses feuilles, et elle ferma les yeux comme si elle entrait dans une connexion avec d’autres créatures environnantes, avant de sortir de cette transe. Un cri résonna au loin.

Un groupe s’était formé autour d’un sylvestre qui était contraint par des lianes sortant du sol. Les dryades l’entourèrent, la fureur déformant leurs traits.

— Qu’as-tu fait, misérable ! dirent-elles à l’unisson.

— Relâchez-moi, dryades, que me voulez-vous ?

Une liane vrillée s’enroula autour d’un des bras du sylvestre et fut arrachée d’un coup sec, comme une simple branche séchée, sauf qu’un sang poisseux, vert presque noir, s’écoulait de la plaie et que le malheureux poussa un gémissement de souffrance.

— Parle ! dit l’une d’elles, dont le visage avait pris une apparence épouvantable, les traits étirés en un rictus dément.

— C’est… Mon clan, c’était nécessaire pour retrouver la puissance de Brocéliande.

Un hurlement strident s’échappa des lèvres des deux dryades alors que des lianes s’enroulaient autour du corps du sylvestre, le suffoquant jusqu’à l’agonie, sous les protestations des Brocéliandins présents qui tentèrent de libérer le prisonnier en vain.

La dryade brune se tourna alors vers Donnon et Léa, son expression redevenue plus douce.

— Vous avez votre réponse… Nous honorerons la demande de la Reine et rendrons justice si d’autres coupables traversent notre forêt.

Léa regarda Donnon qui pinçait les lèvres. Elle ne pensait pas assister à une telle violence, mais elle savait maintenant que tout ce qui était arrivé n’était pas le fruit du hasard. Il fallait prévenir le Palais.

À cet instant, un des Hoper, aux cheveux plus rouges que les autres, arriva, plusieurs oiseaux rouges voletant autour de lui.

— Je suis Sikaes Drindod, laissez-moi prendre contact avec mon frère Lirion.

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Bleumer
Posté le 02/05/2024
Un chapitre bien mystérieux, je ne suis pas sûr d'avoir tout compris. Donc Léa est chargée d'organiser le retour des humains vers la Terre et a besoin du concours des fées et des nymphes? Et elle passe un test et elle n'a rien à faire de spécial...? Et c'est tout? Alors que c'est son dernier chapitre avant sa conclusion?
Quand on arrive à la fin, il faut vraiment des chapitres où il se passe quelque chose... Je reste sceptique...
Papayebong
Posté le 14/07/2024
Réécriture de ce chapitre centré sur Léa, qui a été pas mal bousculée dans cette V2 du roman. Donc, sans surprise, il y a des mises à jour sur cette scène avec les dryades. On avance sur l'intrigue et je replace mon chouchou de Sikaes à la fin pour faire le lien avec Lirion. Je pense que cette fois-ci, on a sa dose d'action.
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