Chapitre 62

Notes de l’auteur : MAJ : quelques modifications minimes pour ce chapitre. le 15 juillet

Au large de la citée d'Ys – Brocéliande


Noémie faisait une pause sur le pont du bateau où leur groupe avait embarqué. Un soleil chaleureux faisait miroiter la surface plane tout autour de leur embarcation et elle entendait le chant des mouettes au loin. Calys allait bientôt revenir, elle le sentait approcher, les flots créant des vaguelettes ondulantes à la surface.

Cela ne faisait que deux jours qu'ils étaient arrivés avec le groupe d'ondins pour la « chasse aux aberrations » pourtant elle s'habituait à cette routine que ça lui procurait, rendant les choses plus stables dans son esprit, lui permettant de réfléchir au calme sur son avenir, le choix qu’elle devait faire.

Alors qu'elle sentait la mélancolie pointer, Calys apparut, d'un soubresaut dans la mer et lui sourit, émergeant de l'eau comme un rêve éveillé.

Elle se demandait encore pourquoi un tel être pouvait l'adorer à ce point, mais quand il la serrait contre lui, l'embrassant comme si elle était son oxygène, ces questions devenaient futiles et elle se laissait bercer par le courant, accrochée à ses lèvres sensuelles.

Le reste du groupe monta sur le pont peu de temps après interrompant ce moment et le cours du temps repris.

Seul Calys semblait en parfait état, impeccables, alors que d'autres revenaient blessés, certains vêtements en lambeaux et elle réalisait la dangerosité de leur mission, aussi rassurant Calys soit-il dans ses paroles.

— Tu repart juste après avoir mangé ? Le questionna-t-elle.

Il lui caressa l'intérieur du poignet négligemment alors qu'ils étaient à table avec le groupe.

— Oui, nous auront besoin de toute l'après-midi pour nettoyer la zone au nord et atteindre la faille. Ça aurait été plus rapide avec le Ceffyl Dwr.

— Un messager Pennel nous a raconté pourquoi il était parti en urgence juste avant notre départ… Sa femme aurait été attaquée par une des émissaires.

La main de Calys se referma sur son poignet, qu'il leva jusqu'à son visage pour y poser ses lèvres.

— Si tu avais été à sa place, j'aurai tué la responsable.

Noémie trembla, ne sachant pas si elle devait être flattée qu'il tienne tant à elle ou effrayée de sa réaction extrême. Son cœur tambourinait et elle se blottis contre lui pour qu'il cesse de froncer les sourcils, le regard préoccupé. Il sembla se calmer et finirent leur repas avant qu'il ne la laisse jusqu'au soir.

Après plusieurs heures de calme où elle en profitait pour repréparer des remèdes pour l’équipage, suivant les consignes de Léa, ils revinrent, fourbus, fatigués, dans un piètre état. Pendant que les six ondins reprenaient des forces, profitant des Dihandriks à bord pour se soigner ou de remèdes de druides, Calys coiffait les cheveux de Noémie avec douceur.

— Tu es sûr que c’est sans risque de nager par ici ?

— La zone a été vidée. C’est toi qui voulais me voir sous ma forme naturelle, tu as changé d’avis ? demanda-t-il avec un sourire imperceptible.

— Arrête de te moquer, je sais que je suis une trouillarde.

— Tu ne craints rien avec moi et la mer est parfaitement calme, dit-il pour la rassurer tout en continuant de faire glisser le peigne entre ses mèches soyeuses.

— Tu sais qu'ils seront emmêlés dès que je serai dans l'eau ?

— Oui, répondit-il absorbé par sa tâche 

Elle haussa les épaules et le laissa terminer avant qu'elle se mette en maillot de bain. 

Ils rentreraient demain, dès que la faille serait sécurisée, il ne lui restait que cette occasion pour observer les fonds marins d'aussi loin et surtout de voir Calys sous la forme qu'il aimait emprunter quand il était dans l'eau.

Alors qu'elle attachait ses cheveux avec une cordelette métallique qui traînait, elle se coupa le doigt.

Noémie se tourna instinctivement vers Calys, lui tendant son pouce blessé. Depuis leur discussion concernant son sang, elle avait voulu confirmer ce qu'il disait et aussi s'assurer par la même occasion qu'il ne soit pas tenté de retourner à son ancien régime alimentaire. Il la fixa un instant, surpris, puis il saisit délicatement son doigt entre ses lèvres avant de lécher le sang perlant de la coupure.

Cette gestuelle lui fit monter le rouge aux joues, mais il s'interrompit avec un soupir et lui permis de retrouver sa composition.

— Allons-y ma Noémie.

Elle hocha la tête et le suivi jusque dans l'eau qui était fraiche, mais transparente.

Un ondin sur le pont interpella Noémie et souffla quelques mots, créant une bulle qui flotta sur l'eau comme un ballon. Calys lui tendis le sac d'air.

— C'est pour respirer sous l'eau ?

Il acquiesça et roula des épaules avant de se laisser couler à pic.

Elle sentit une forme la chatouiller sous l'eau et poussa un cri alors qu'elle était soulevée hors de l'eau par un animal marin.

Calys avait pris la forme d'une sorte de mammifère comme un béluga. Mais la ressemblance s’arrêtait là, ses nageoires latérales étaient très longues en demi-lunes et quand il se tourna vers elle, la laissant glisser dans l'eau, il ouvrit une gueule remplie de dents acérés. Le sourire ébahis qui étirait ses lèvres se flétris légèrement. Même sous forme animale il était clairement carnivore et elle se souvenait encore son visage quand il avait tenté d’attaquer Alice.

Elle essaya de ne pas laisser transparaitre sa peur et leva sa main pour le toucher, elle savait qu'il ne la blesserait pas, même si ses dents étaient aussi tranchantes que des rasoirs.

Une sorte de soupir qui n'avait rien d'animal expira de lui. Il poussa sur sa main pour l'encourager à le toucher d'avantage, puis plongea sous elle pour la soulever.

— Accroche toi et mets la bulle sur ta bouche, dit-il.

Elle s'exécuta, surprise que sa voix soit la même malgré sa forme massive. Il descendit graduellement pour laisser les oreilles de Noémie s'habituer à la pression de l'eau et se précipita vers un banc de poissons pour le disperser ce qui fit rire la jolie brune.

La vue était époustouflante, le soleil filtrait à travers la mer étonnamment transparente, sans pollution ni algues pour l'obscurcir.

Les poissons nageaient librement et elle repéra même des petites fées aquatiques qui jouaient dans des cavités rocheuses couvertes de coraux qui n'existaient qu'ici. Le sable scintillait comme si une poudre de nacre le couvrait. Une fée curieuse glissa jusqu'à elle pour toucher ses cheveux et déguerpis aussi vite dès que Calys fit mine de la chasser. Noémie fronça les sourcils mais ne put rester fâchée quand il se métamorphosa de nouveau en humain pour l'enlacer.

Elle avait fait un stage de plongée en méditerranée quand elle avait quinze ans, mais tout lui paraissait plus beau, grandiose, une lumière splendide éclairant cette zone marine et la quantité de créatures s'y trouvant, rendant l'expérience encore plus magique.

Pas de combinaison, de palmes ou de détendeur, juste une sensation de glisser librement dans l'eau.

Tout à coup, Calys s'interrompit, se raidissant, alerte.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Mima-t-elle de ses mains et bougeant ses lèvres en playback.

— Quelque-chose d’imprévu approche, répondit-il sa voix vibrant dans l'eau.

« Il avait pourtant dit que c’était sans risque » se dit-elle en se crispant.

Elle sentit alors un gros bruit, comme un grognement résonnant dans l'eau et un frisson la parcourue.

Une forme sombre et sinueuse arrivait de très loin et se dirigeait vers le bateau.

Calys emmena Noémie près d'un enrochement pour qu'elle s'y abrite et son corps se métamorphosa de nouveau, mais cette fois ci en un être beaucoup plus menaçant. Ce n'était plus un mammifère marin doux et gracieux, mais un prédateur exultant la force qui fonça vers la créature qui attaquait leur bateau.

Les ondins se jetaient à l'eau, se changeant à leur tour mais cette fois en hommes-poissons et l'aberration changea de cible, enveloppée d'une brume semblant flotter dans l'eau.

Noémie poussa un cri étouffé en voyant des nuages de sang dans l'eau et un membre flotter à quelques mètres et fixa immédiatement son regard sur Calys qui commençait à s'attaquer à l'aberration colossale. Il se jeta sur la créature, arrachant des morceaux de chair à chaque passage, rendant la scène de plus en plus sombre, le sang obscurcissant la mer.

Elle avait peur pour lui, peur pour les autres qui étaient dépassés, peur pour elle qui était cachée et impuissante.

Puis dans un nuage de cadavres et de chair sanguinolente, Calys réapparu, fonçant vers elle comme un cauchemar et elle fut terrifiée par cette vision. Il exultait la terreur et pour la première fois, elle avait peur de lui.

Ne prenant pas la peine de se métamorphoser, il l'embarqua en tirant sur son maillot et elle n'eût d'autre choix que s'accrocher à lui pour qu’il ne l’arrache pas. Elle tourna la tête et vit la créature tomber, disloquée dans le fond marin et des ondins remonter vers le bateau dans un état qui n'était pas bien mieux.

Le bateau était loin, ainsi que l'équipage quand Calys s'arrêta de nager et il se changea en homme avant de la hisser hors de l'eau sur un enrochement à l'apparence d'une petite île. Sa terreur avait reflué, mais Calys gardait le visage sombre et elle n'osa pas lui dire qu'elle voulait y retourner, voir comment allait l'équipage et aider ceux qui étaient blessés.

Non, elle resta muette alors qu'il la portait jusqu'à une zone sableuse pour qu’elle ne se blesse pas les pieds sur les roches coupantes.

Elle sentait la nausée monter ; aux yeux de Calys, elle était la seule qui compte, le reste du monde pouvait bien s'effondrer, ses camarades pouvaient bien mourir sous ses yeux, qu'il la prioriserait allant jusqu'à les laisser derrière.

C'était inimaginable pour elle, trop cruel et savoir qu'elle était quelque part complice de ça la rendait malade. Elle avait pourtant eu des alertes ; son obsession à la garder près de lui, son agressivité face à ceux qui l’approchait et même l’attaque sur ses amies qu’elle avait tentée de justifier.

Elara avait raison, il ne pensait pas comme un homme, ne réfléchissait pas sous le même plan et il avait fallu qu’elle voit un massacre pour qu’elle le réalise.

Elle se mis à pleurer alors qu'il coiffait ses cheveux en arrière, dégageant son visage pour lui caresser la joue et essuyer le torrent qui coulait. Il l'installa contre lui pour la réchauffer alors qu'elle voulait lui hurler d'arrêter et d'aller voir les autres.

Elle pensa à son frère à sa vie sur Terre et réalisa qu'il ne la laisserait jamais repartir même si elle avait le courage de lui demander.

Pleurant de plus belle, il chercha du regard si elle était blessée, mais ne trouvant rien il la serra plus fort, caressant son dos pour la rassurer. Elle ne sentit même pas qu'elle s'était endormie en pleurant et se décida enfin à le regarder.

— Je veux rentrer. Dit-elle d'une voix éraillée

— Oui rentrons. Répondit-il de sa bouche magnifique.

Son cœur se déchira en le voyant, elle était tombée amoureuse de lui, de cet homme torturé qui était clairement fou d'elle d'une façon extrême, totalement dérangée.

Il fallait qu'elle trouve la force de le laisser avant qu'elle se déteste. Elle ne pouvait plus bafouer ses convictions.

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Bleumer
Posté le 02/05/2024
Tout de suite, ce qui me fait bizarre, c'est Calys parlant de l'incident avec Morgane, on dirait qu'il y a assisté à sa façon d'en parler, mais ils n'étaient pas déjà en mer quand ça s'est passé?
Et... On est en mer pour traquer des aberrations marines et Noémie va... faire de la plongée?
Encore une fois, c'est le dernier chapitre de ce personnage avant sa conclusion, d'un coup, elle se souvient de sa famille et de son frère handicapé qui était toute sa vie et semble décider à rentrer après avoir été effrayée par la férocité de Calys.
Papayebong
Posté le 15/07/2024
J'ai modifié le passage sur l'incident de Morgane. Effectivement, Bryn devait repartir avec Calys pour la mission d'éradication marine, mais Morgane ne serait pas allée jusqu'à la mer dans son état. Concernant la plongée, la zone est censée être sans danger puisqu'elle a été nettoyée par l'équipage. J'ai remis un passage en ce sens.

Elle se souvient bien de son frère et de sa famille, mais j'ai légèrement modifié pour qu'elle se décide à faire un choix pour elle, plutôt que de simplement dire "je me sens trop coupable de laisser mon frère".
Même si ce n'est pas très joyeux, on a affaire à une fille qui conditionne son bonheur à celui des autres. Ces situations abusives ou violentes deviennent presque acceptables à ses yeux parce qu'il a des excuses et qu'il l'aime. C'est tordu, mais c'est l'idée.
Bleumer
Posté le 16/07/2024
Je rajoute juste un message pour t'assurer que je continue à lire régulièrement tes réponses de commentaires. En effet, je me rends que certaines de mes remarques étaient redondantes.
Je précise aussi que je n'ai pas encore lu les chapitres remaniés, je le ferai quand tu auras fini ou presque.
Et ça ne me choque pas que l'une des filles ait une conception aussi tordue de l'amour (comme tu le dis toi-même), il y a des vraies personnes comme ça, ça change qu'il y ait un personnage qui n'ait pas une relation idyllique avec son partenaire et je na trouve pas cela mauvais que le lecteur s'indigne: "mais, bordel, pourquoi elle reste avec ce connard!!?"^^
En tout cas, je continue de suivre ta progression et, à bientôt! (En ce qui me concerne, ça avance aussi, mais il faut que je passe par le relecture et la publication ;) )
Papayebong
Posté le 18/07/2024
Bonjour Bleumer,

J'ai terminé la réécriture cette nuit !

C'est normal de faire des remarques redondantes quand on commente au fur et à mesure de la lecture. Déjà que ça prend du temps d'écrire des commentaires sur chaque chapitre, en plus, si on doit vérifier que les messages soient tous différents, on ne s'en sort pas.

En tout cas, si tu as le temps, n'hésite pas à me donner ton avis sur la V2 et de mon côté, j'attends la suite des aventures de Cerise.
Bleumer
Posté le 19/07/2024
Maintenant que tu as fini, compte sur moi pour m'y remettre dès que je pourrai!^^
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