Chapitre 62 - Torpeurs

Une semaine s’était écoulée.

Nous étions dimanche, et je traversais la Manche dans le sens inverse, laissant Éric et Inkeri poursuivre leurs stages respectifs tandis que je retournais à ma vie, à mes vacances, et à mes massages.

 

Éric et moi nous étions remis de l’épreuve traversée. Non pas pour éluder la difficulté : nous en avions reparlé, en essayant de ne pas tomber dans l’excès de culpabilité ni de surenchérir dans le pathos inutile. Inkeri s’était faite discrète, ce qui ne nous avait pas empêché de dîner tous les trois dans Londres en milieu de semaine. La soirée s’était avérée amicale, et m’avait confirmé les impressions déjà ressenties. Cette jeune fille était impossible à détester ! Elle était simple, gentille, spontanée, attachante, jolie comme un cœur, et affichait la gaucherie attendrissante qui transforme le charme le plus élémentaire en pouvoir de séduction. Elle cherchait une autre location, mais il était déjà compliqué de trouver un logement en s’y prenant plusieurs semaines à l’avance, alors sur place, c’était mission impossible. Je ne fis aucun commentaire, aucune demande impérieuse et n’émis aucune mise en garde. Soit l’épisode était digéré et nous passions à autre chose, soit pas.

 

Et nous étions passés à autre chose.

 

Mélanie était en Sicile tout le mois d’Août, chez ses grands-parents. Charlotte parcourait le GR20 avec Loïck et découvrait les joies de la Corse et du sexe à la belle étoile. De mon côté, pour la première fois depuis mes seize ans, je n’avais pas cherché de job d’été. J’avais renoncé à cuisiner des hamburgers, tenir une caisse dans un supermarché, ou trier des papiers dans une administration, activités qui m’eussent rapporté moins d’argent que mes séances bihebdomadaires de massages, même amputées de deux d’entre elles pour cause de séjour britannique. Seule Chloé était présente, avec un plan d’attaque censé me permettre de participer à mes premières courses officielles à la rentrée. J’aimais courir avec elle, et m’amusais de cette idée fixe qui semblait lui tenir à cœur.

 

Dans le ciel immaculé, le ronronnement de l’avion et de l’air conditionné me berça et je fus rapidement somnolente, capturée dans cet entre-deux où le corps et le cerveau font relâche, et que des pensées, pas encore devenues rêves, tracent un sillon à mi-chemin entre l’inconscient et notre censure. Je me vis dans les bras d’Éric, avant de remarquer que les bras en question étaient démesurément longs, et qu’ils m’enlaçaient de loin, alors que collées à son corps, les fesses d’Inkeri ondulaient sur sa verge en érection, et que la jolie finlandaise me regardait, masquant Éric, laissant son indolence faire le travail dans son dos tandis que ses yeux bleus brillaient dans ma direction d’un désir dont rien ne permettait de savoir à qui il était destiné. Puis je m’aperçus qu’en lieu et place de mains masculines, celles qui caressaient mes bras, mes hanches, mes fesses, et que j’avais cru appartenir à mon petit-ami, étaient vernies de ce discret rose qui s’accordait si bien à la douceur du teint de la belle finlandaise. Les mains d’Éric étaient en fait posées sur les seins d’Inkeri, et l’idée reptilienne fit son chemin jusque dans mon cerveau : ses bras à lui étaient trop courts pour m’atteindre, et je les avais confondus avec ceux de Miss Finlande qui, eux, semblaient extensibles à l’infini. Tandis que le regard hyalin continuait de me fixer, je me sentis captivée par les deux belles mains d’Éric, qui épousaient parfaitement la forme de chacun des deux seins qu’ils dissimulaient. Je ne parvenais pas à savoir si elles les caressaient, faisant gonfler les tétons dans les paumes chaleureuses, ou si elles les cachaient seulement à ma vue.

 

Pourquoi Éric me cacherait-il les seins d’Inkeri ?

 

-Mademoiselle !

-Mmmh ?

-Mademoiselle, nous allons entamer la descente, il faut attacher votre ceinture.

 

Une hôtesse de l’air, que Jacques Dutronc eut adorée dans sa petite jupe droite, me secouait le bras en tentant de me ramener à la vie, certes aérienne, mais davantage terre-à-terre que les rêveries nébuleuses dont elle me tirait.

En passant la sangle devant mon débardeur, quelques sonorités résiduelles balayèrent l’ambiguïté située entre mes oreilles et mon imaginaire d’où je venais d’être arrachée.

 

Ses yeux m’achèvent à petit feu

Je me couche devant tant de bleu

Et je me noie avec délice

Au plus profond de leurs abysses

J’entends j’écoute ce qu’elle me dit,

J’écoute quand elle se tait aussi

Sa voix est comme un thé chinois

Corsé et doux à la fois…

 

Une demi-heure plus tard, la climatisation de l’aéroport céda la place à la chaleur immobile de la ville. Je pris un taxi qui me ramena à mon studio pour que mon quotidien reprenne son cours.

Je rangeai mes affaires et, fatiguée des nuits courtes et des journées passées à arpenter Londres, je me déshabillai et fis une sieste.

 

A mon réveil, le jour avait commencé à décliner. J’ouvris les fenêtres pour faire entrer de l’air chaud, mais qui au moins ne sentait pas le renfermé. La pellicule de transpiration sur ma peau sécha au contact de la brise et une agréable chair de poule hérissa mon corps. Mes seins étaient gonflés, et me faisaient un peu mal, comme s’ils avaient été longtemps sous pression. Je me rendis compte que mon bas-ventre pulsait en moi, appelant des plaisirs qu’il n’avait pas encore obtenus. A quoi avais-je bien pu rêver ?

 

C’est indécent de volupté,

C’est troublant d’être ainsi troublée

Je n’sais à quel sein l’avouer

Les deux me semblent si parfaits

 

Je m’assis sur le bord de mon lit et me fis jouir.

 

Dès le lendemain, quatre clients se succédèrent dans le salon de massage. Les rendez-vous avaient été fixés avant mon départ pour Londres. Nicolas devait être le dernier, prévu à 17 heures. Il me raconterait sûrement ses vacances dont il devait tout juste être revenu. Depuis que j’avais couché avec lui au début du mois d’avril, je l’avais revu trois fois. Une petite routine mensuelle s’était mise en place entre nous, et j’appréciais chacune de ces échéances.

Auparavant, deux hommes que j’avais déjà massés défilèrent pour deux fois une heure en lingerie. Mais avant Nicolas, il me fallait découvrir une nouvelle tête. Un certain Jonathan m’avait contactée juste avant mon départ pour l’Angleterre. Pour une fois, il ne s’agissait pas d’un client d’Alessia, mais d’un jeune homme qui annonçait une petite trentaine d’années et qui avait découvert nos annonces par hasard, en fouinant sur un moteur de recherche. Notre site commençait à être connu et, donc, référencé. Il sonna au portail à 15h45, comme convenu.

 

Je chaussai mes talons pour aller ouvrir.

J’avais abandonné, pour l’été, la tenue de travail composée d’un short en jean et d’un chemisier blanc. Il faisait chaud et le chemisier avait été remplacé par un débardeur bleu très échancré que je portais sans soutien-gorge. Le short en jean avait quant à lui cédé sa place à une minijupe estivale toute simple, blanche, flottante, que je portais avec les mêmes escarpins noirs qui m’avaient accompagnée tout au long de l’hiver et du printemps.

Je ne pris pas la peine de suivre le trajet du nouvel arrivant à travers la cour par la fenêtre du local, et ouvris la porte quand il y frappa.

 

-Oh… Léa… c’est toi ?

 

Il ne s’appelait pas Jonathan. Il s’appelait Cédric, et, hélas, je le connaissais.

En deux ans et demi de pratique, Mélanie n’était jamais tombée nez à nez avec une personne de son entourage. Le spectre de cette mauvaise surprise ne pouvait être totalement éludé, mais dans une grande ville, les probabilités restaient minces. Cependant le risque existait et, s’il m’était arrivé de le craindre au début, j’avais moi aussi progressivement pensé à autre chose, tout en me disant que la voix au téléphone serait déjà un bon indicateur.

Il s’avéra que celui-ci n’était pas suffisant, et l’expérience tant redoutée fut donc pour moi.

 

-Cédric ?

-Euh… oui… je… je ne m’attendais pas…

-Et moi donc !

-J’ai pas du tout reconnu ta voix au téléphone.

-Moi non plus.

-Putain, c’est hyper gênant …

-Pourquoi as-tu dit que tu avais trente ans alors que tu en as … vingt-cinq, c’est ça ?

-Vingt-six. Il m’est arrivé de me faire rembarrer par une masseuse qui ne prend personne en-dessous de la trentaine.

-Donc t’es un habitué des massages érotiques ?

-Non, pas un habitué… ça m’est arrivé, oui… Mais toi, enfin Léa… c’est incroyable… comment as-tu atterri là-dedans ?

-Bah entre, déjà, ne reste pas sur le pas de la porte.

 

Cédric entra. Il valait mieux discuter plutôt que laisser chacun sur son impression d’avoir été découvert en flagrant délit. Cédric était le petit-ami d’une très ancienne copine de collège puis de lycée. Le contact régulier entre elle et moi avait fini par se distendre au fil des années, mais nous continuions à nous voir lors d’anniversaires ou de fêtes entre « anciens » de telle ou telle classe. Je le connaissais depuis une petite décennie. Il avait quatre ans de plus que moi, et trois ans de plus que sa compagne, avec qui il vivait. Il avait été pour elle son premier copain, son premier baiser, sa première fois, et vraisemblablement son seul amant.

 

-Ça ne marche plus trop, avec Stéphanie ?

-Si, si…

-Ok. Désolée, ça ne me regarde pas.

-Mais toi, alors ? Que fais-tu ici ?

-Des massages, comme tu vois.

-Pour payer tes études ?

-Oui.

-Y’avait pas d’autres possibilités ?

-Bien sûr que si, mais t’es mal placé pour me faire une leçon de morale, tu ne crois pas ?

-Oui, c’est sûr, mais je suis surpris, t’es vraiment la dernière personne que je m’attendais à trouver dans un tel endroit.

-Surprise partagée.

-J’imagine, oui…

-Je saurai être discrète si je croise Stéphanie.

-J’espère oui, je te fais confiance.

-T’as pas trop le choix en même temps.

-Bien entendu, compte sur moi pour ne pas ébruiter ton activité.

 

Le besoin partagé de discrétion créait un équilibre qui obligeait chacun à un silence non désintéressé. Mais au-delà de cette forme de négociation, Cédric n’était pas un mauvais garçon. Il trompait certes mon ancienne meilleure amie dans des salons de massages, mais il n’était pas du genre à faire sciemment du mal à quelqu’un, par pure méchanceté ou bêtise. Quitte à croiser une de mes connaissances, j’aurais pu tomber plus mal.

 

-Bon, on fait quoi ?

-Je vais te payer, pour le dérangement, et puis je vais te laisser.

-Tu ne veux pas le massage ?

-T’es sérieuse ?

-T’es venu pour ça, non ?

-Oui.

-Je ne suis pas à ton goût ?

-Il faudrait être difficile …

-Ça peut être marrant, non ?

-C’est super étrange… on s’est connus on était tout juste ados.

-Comme tu veux.

 

La tentation de la curiosité fut évidemment la plus forte. Cédric était habitué à céder à ses pulsions, d’où sa présence ici. Je n’y voyais aucune faiblesse, mais le fait qu’il accepte de rester ne me surprit pas. Pourtant, mon propre flegme m’étonna. Quand j’avais démarré cette activité périlleuse, l’angoisse d’être reconnue était prégnante. Si cette mésaventure m’était arrivée à la fin de l’hiver, je l’aurais vécue comme un drame risquant de mettre à terre toute ma vie, imaginant des malversations, du chantage, de la malveillance, des bruits qui se répandent sans que je ne puisse y opposer une quelconque résistance…

J’avais dû prendre du recul depuis. Ou alors, avoir fait « pire » que des massages avaient remis ces derniers à une place plus conforme dans l’échelle des tabous.

Ou bien encore, autre chose occupait mon esprit, au point d’en anesthésier la capacité à être choqué.

 

Elle me fascine, elle m’assassine

Sa chute de reins signe mes aveux

 

Cédric passa à la douche après m’avoir donné cent euros pour les trois quarts d’heure prévus en topless. Quand il revint, je l’attendais seins nus, en string bleu marine.

 

Ses réactions furent étrangement exacerbées. D’une part il attendit le dernier moment pour me toucher. Gêné, intimidé, ou empli de culpabilité, il maitrisa ses mains qui restèrent sages quarante minutes. Mais quand les milliards de terminaisons nerveuses de son gland se mirent à hurler leur plaisir au moment de la finition, il céda et passa ses cinq dernières minutes d’extase à explorer mon corps avec ses mains tout en suçotant le bout de mes seins. D’un autre côté, il banda pendant la quasi-totalité du massage, trahissant l’émoi que l’apparente exemplarité de son comportement dissimulait. J’en vins même, au milieu de la première moitié de la séance, alors qu’il gisait sur le ventre, la queue raide comprimée contre la table de massage, à rajouter une petite serviette pour y positionner la verge boursouflée, bien étirée entre ses cuisses, afin que l’érection massive fût davantage confortable, et que les sécrétions pré-séminales qui déjà se répandaient, ne vinssent pas ruisseler contre le cuir de l’assise, mais pussent être absorbées par l’éponge supplémentaire.

 

Nous parlâmes peu. J’imagine qu’évoquer sa vie avec Stéphanie, ou simplement me donner des nouvelles d’elle, était assez incompatible avec les allers et retours que mes mains huilées exerçaient sur son corps nu, puis sur son pénis érigé. Toutefois, quand il se fut retourné, amusée de son trouble intérieur mis en évidence par le priapisme de trois quarts d’heures, je jouai de la situation avec une légère ironie, persuadée que, loin d’être cruelle, celle-ci l’exciterait au contraire davantage.

 

-Alors tu te souvenais bien de moi ? Quelle image avais-tu en tête ?

-La dernière fois que je t’ai vue, je crois que c’était après les résultats du bac. J’avais accompagné Stéph devant le lycée.

-Ah oui ça commence à dater.

-Cinq ans.

-Et alors, j’ai changé ?

-Un peu. T’as les cheveux courts, déjà.

-C’est récent, ça.

-J’ai pas le souvenir que tu aies eu un piercing, ni un tatouage, mais à part une ou deux fois à la piscine, j’ai pas dû te voir déshabillée souvent…

-C’est récent aussi.

-Sinon t’es toujours aussi canon. Même davantage.

-Davantage ?

-T’as perdu ton visage d’enfant.

-Visiblement tu préfères les jeunes femmes un peu plus mûres, dis-je en serrant doucement la verge tendue.

-Mmmmh.

-Ça t’était arrivé de fantasmer sur moi ?

-Oui. Mais les mecs fantasment souvent sur les copines de leur copine.

-A quelle époque ?

-Plutôt quand vous étiez au lycée. La période première – terminale.

-Ok.

-Et toi, t’avais déjà fantasmé sur moi ?

-Tu plaisantes, je sais respecter mes meilleures amies.

 

Comme pour me moquer de moi-même, je joignis le geste à la parole en décalottant le gland qui libéra une fine rigole translucide. La respiration de Cédric s’était accélérée. L’heure n’était plus aux palabres et mes mains attaquèrent l’interminable séance de torture. Quelques minutes plus tard, le petit ami de mon ex meilleure amie éjaculait abondamment en éclaboussant mon ventre, la langue figée sur mon téton droit, la main droite explorant le sillon entre mes fesses, et le bras gauche enroulé autour de ma taille.

Quand le sperme ruissela sur mes doigts, je ne m’en rendis qu’à peine compte. Bercées par les gémissements de plaisir que j’avais mécaniquement provoqués, mes pensées n’étaient à nouveau plus en phase avec une telle manifestation de masculinité.

 

J’effleure à peine sa taille toute fine

Quand son tee-shirt remonte un peu…

 

Cédric repartit aussi gêné que quand il m’avait reconnue. Nous nous quittâmes dans une certaine indifférence, l’un et l’autre certains de ne plus se revoir de sitôt, et assurément pas dans de telles circonstances.

 

Je m’affalai dans le canapé qui commençait à être défraichi, et réfléchis enfin à ce qui m’arrivait. Il se passait quelque chose en moi. Quelque chose qui tout à coup me faisait regarder les femmes différemment. Ou, tout au moins, qui me faisait regarder Inkeri différemment.

Était-ce lié à elle, à qui j’avais failli faire l’amour, sous le joug de Lola ? J’avais ressenti un désir très fort pour Inkeri, juste avant de reculer et de renoncer. Mais ce désir avait-il été pour elle, ou avait-il traduit mon état d’esprit revanchard du moment ? Et pourquoi persistait-il ? Avais-je ouvert une porte vers l’inconnu et franchi le seuil un tout petit peu trop loin, juste assez pour aiguiser une curiosité qui, non assouvie, me relançait ? Ou bien était-ce plus simple que ça, plus animal ?

 

Nicolas interrompit mes réflexions pour son body-body mensuel. Il était en congés et venait de chez lui où il avait déjà pris une douche, de sorte qu’il s’installa directement sur la table après s’être dévêtu. Il était tout bronzé et la petite bouée autour de sa taille s’était amplifiée depuis sa dernière visite.

 

-Toi, tu reviens de vacances ! Soleil et bonnes bouffes ?

-Je ne peux rien te cacher.

-Dans cette tenue, non.

-Et toi, tu n’es pas encore partie ?

-Si. J’ai passé une semaine à Londres.

-Ah oui, pas de soleil, donc.

-Si, il a fait très beau. 

-Ah désolé, je disais ça parce que tu n’as pas trop l’air d’avoir bronzé.

-Mais si, regarde bien, je suis passée de livide à blafarde.

-Ah mais oui, et cet hiver tu étais crayeuse, en effet.

-Voilà ! Dans mon cas, il faut savoir se satisfaire des nuances.

 

Le massage avec lui était parfaitement rôdé. S’il demeurait une part d’improvisation, elle résidait davantage dans le dialogue et les petits aménagements que dans le scénario qui se déroulait sans surprise mais pour le plus grand plaisir de Nicolas, dont le besoin de tendresse ne variait jamais d’une séance à l’autre. Le choix du body-body, cumulé à ma totale nudité, lui permettait d’atteindre le maximum du contact possible avec mon corps, qu’il pouvait à loisir serrer amoureusement entre ses bras pendant que son sexe rendait l’âme caresse après caresse.

 

-Je voulais te demander, Lola…

-Oui, Nico ?

-Tu n’as plus du tout l’intention de proposer un petit extra, comme en avril ?

-Non, Nico.

-Même de façon très exceptionnelle ?

-Non, Nico.

-Ok… tu ne m’en veux pas d’avoir posé la question ?

-Non, Nico.

-Et un petit bisou tendre… ?

 

J’étais accroupie sur lui quand il me posa la question. Je sentais le pénis dressé derrière moi, heurter mes fesses à chaque pulsion. J’avais répondu mes trois « Non, Nico » en les accompagnant d’un sourire, rajoutant un petit clin d’œil au moment du troisième. J’étais en train de me passer de l’huile sur la poitrine afin de débuter la deuxième salve de massages, celle où, ventre à ventre, le client sait que le sublime approche.

Je fis basculer mon buste vers l’avant. Mes fesses quittèrent le sexe qui ne perdait rien pour attendre, et mes deux petits mamelons s’écrasèrent sur le torse imberbe. Je stoppai ma chute voluptueusement quand je sentis deux bras m’encercler, et répondis à sa quatrième question.

 

-Sage, alors…

 

Ma bouche se posa sur la sienne, sans s’ouvrir, et n’y resta que quelques secondes. Puis mes seins commencèrent à presser contre lui et Nicolas resta au paradis où je venais de le hisser.

 

Quand je redescendis de la table de massage, afin de libérer enfin ce pénis infléchi de son trop plein de semence, j’inclinai le dossier de la table, comme je le faisais désormais machinalement dès que Nicolas s’apprêtait à jouir.

Mes mains et mes doigts commencèrent leur ballet.

 

-Lola… hmmm… sache que si un jour… mmmmmh….

-Je sais, Nico.

-Au moins, tu ne comptes pas… mmhhhaaa… arrêter les maaaaaaaaaahhhh… massages… j’espère ?

-Pas dans l’immédiat.

-Tu n’as pas de regrets d’avoir été plus loin une fois ?

-Trois fois.

-Ah bonooooooohn ?

-Oui, tu n’as pas été le seul à en profiter. Vous avez été trois.

-Lola, attends, pitié… laisse-moi tenir encore quelques secondes.

 

Je retirai les mains du gland qui frétillait entre mes doigts polissons. Nico retrouva une respiration plus apaisée.

 

-Monsieur a envie que ça dure un peu plus ?

-C’est tellement agréable, les derniers instants…

-Je vois ça.

-Donc… tu ne regrettes pas d’avoir été au bout quelques fois ?

-Non. J’assume ce que j’ai fait. Mais je suis contente d’avoir arrêté assez vite.

-Je comprends. Et les deux autres c’étaient qui ?

-Des super beaux mecs, qui m’avaient donné envie de me jeter à l’eau. Et puis après t’as été le troisième et ça m’a donné envie d’arrêter.

 

J’avais accompagné la saillie d’un grand sourire toutes dents dehors et d’un nouveau clin d’œil. Cela m’aurait contrariée de vexer un homme à un geste de l’éjaculation.

 

-Mademoiselle est taquine. Ça m’apprendra à poser des questions indiscrètes.

-Es-tu prêt pour le grand final ?

-Allez ! Je te laisse faire.

-Bah si tu préfères t’en charger tout seul, je te regarde, hein…

 

Je repris la finition. Nico se tordit immédiatement sur la table et serra mon corps contre le sien. Quelques glissements de la paume de ma main en cercles concentriques autour du méat eurent raison de lui et il se mit à souffler bruyamment. Ma main se referma au moment de l’explosion, et ressembla vite à un cône glacé à la vanille laissé trop longtemps dans le poing fermé un jour de canicule…

 

Quand Nico fut parti, je me douchai et passai la robe que j’avais enfilée le matin. Je sortis du local à 18h30. Il faisait chaud et nuageux. Le soleil avait du mal à se montrer en cette deuxième partie d’été, et la chaleur écrasante se mêlait de gris, colorant la ville d’un voile crasseux que les mirages au-dessus du bitume faisaient onduler entre les pots d’échappements et les herbes jaunies, qui tentaient de survivre aux étés citadins à travers les grilles qui entouraient les arbres alignés sur les trottoirs.

Le tram serpenta entre les passants, qui semblaient marcher au ralenti, puis il me déposa à deux pas de mon immeuble. Je me hissai jusqu’à mon studio, fatiguée de la longue après-midi érotique, ainsi que de la torpeur suffocante.

Je m’allongeai sur mon lit, en culotte, et passai en revue les photos prises durant mon séjour britannique avec mon smartphone afin de les trier. Après quelques clichés de ma nuit à travers Londres, et notamment de mon danseur de reggae, et entre les prises de vues attestant de la spectaculaire beauté de la capitale anglaise surplombant la Tamise, j’en trouvai plusieurs d’Éric, entrecoupées de quelques-unes sur lesquelles Inkeri venait insérer son beau visage nordique.  

 

Qu’est-ce qui m’arrivait ?

 

Mes yeux cherchèrent les courbes de son corps svelte et gracieux, la ligne d’un sein. Sa candeur était comme effervescente sur les quatre pouces lumineux de mon écran.

 

Oh c’est elle que j’emporterais sur une île déserte

Avec un oreiller pour pouvoir le glisser sous sa tête

Je l’imagine alanguie buvant le lait de coco

Je sors de mon rêve, je la vois et replonge aussitôt.

 

Je m’assoupis et me réveillai en sursaut au bout d’une heure. Mon smartphone, resté dans ma main gauche, vibrait et sonnait. C’était Chloé.

 

-Salut.

-Ça va Léa ? T’es rentrée de Londres ?

-Ch’crois ouais.

-T’as l’air dans le pâté.

-Je somnolais.

-Ça te dit d’aller courir à la tombée du jour ?

-Mais je t’ai fait du mal dans une ancienne vie, et là tu es revenue te venger, c’est ça ?

-Mais allez, c’est agréable, dans la fraîcheur du soir.

-Quelle fraîcheur ? Il fait juste une chaleur dégueulasse !

-Mais quand le soleil tombe c’est super tu verras.

-Le soleil ? Y’a que des nuages !

-T’as bouffé le Schtroumpf grognon, ou quoi ?

-Nan mais j’ai failli bouffer la Schtroumpfette.

-Hein ?

-Non, rien, je te raconterai.

-En courant ?

-Tu sais Chloé, je peux aussi te payer, s’il le faut, pour que tu arrêtes de me mettre dans des baskets pour faire des ronds de dix kilomètres… Donne-moi ton prix !

-A propos de prix, si tu veux t’inscrire pour l’épreuve de cinq kilomètres dont je t’avais parlé, faudra prévoir sept euros. 

-En fait, tu ne t’arrêtes jamais, c’est ça ?

-Voilà ! Tu me rejoins ?

-Chuis fossilisée dans mon lit.

-Mais bouge ta couenne ! Justement, ça te dynamisera.

-Ma couenne ?

-Bouge ton adorable cul et viens me le montrer, si tu préfères !

-Bah à tout prendre je préfère, oui.

 

Une heure plus tard, mon adorable cul et ma moue de Schtroumpf grognon entrèrent dans le parc où avaient lieu tous nos départs. Chloé, comme toujours survoltée, était en pleine séance d’étirements.

Elle me fit la bise. Rien qu’à la voir s’agiter, je transpirais déjà.

 

-C’était bien, Londres ?

-Super.

-T’as bien bronzé, dis donc.

-Je vais te taper, tu le sais, ça ?

-Mmmmh arrête tu me tentes.

-Bon faudra que je te raconte des trucs.

-Quel genre de trucs ?

-Une sorte de mezzee.

-D’assiette anglaise, plutôt.

-T’es pince sans rire, dans ton pantalon moche, dis donc !

-Tout le monde n’a pas tes cuisses de rêve pour se mettre en short, ma belle.

-Genre t’es mal foutue ouais, fais-moi croire ça, allez…

-Non mais j’aime bien parler de ton joli cul et de tes cuisses de rêve.

-Oui ben garde de l’énergie pour courir.

-C’est toi qui me dis ça, avec ton allure apathique ?

-Bon on y va, ou je vomis avant même de commencer ?

 

A notre retour, après une heure harassante de running, j’eus pu prétendre à l’élection de la miss la moins sexy de la ville. Mes cheveux dressés en épis ruisselaient de gouttes de sueur qui me tombaient dans les yeux, faisant couler les restes du mascara du jour, mal essuyé après le coup de téléphone qui m’avait réveillée. Mon visage avait encore blêmi, virant au quasiment transparent, alors que l’effort y avait dessiné des plaques rouges qui pouvaient faire croire à une espèce de rubéole mutante. A force de chercher mon souffle à grandes goulées d’air pollué, dans la chaleur que les nuages faisaient stagner malgré le soleil déclinant, un filet de bave avait fini par zébrer mon menton, me faisant ressembler à une figurante dans « Trainspotting ».

Je posai mes fesses dans l’herbe, et laissai tomber mon dos en position allongée. Chloé s’assit à mes côtés, amusée de l’état dans lequel je m’étais mise.

 

-Alors c’est quoi ton mezzee de trucs à raconter ?

-Je suis troublée par une nana.

-Une nana ?

-Bah oui, une nana !

-C’est arrivé à Londres ?

-Oui.

-Elle t’a fait des avances ?

-Pas vraiment.

-Il s’est passé un truc ?

-On s’est roulé une pelle.

-Carrément !

-Oui.

-Mais c’est qui ?

-La finlandaise avec qui Éric m’a trompée.

 

Chloé me regarda pour voir si mon sens de l’ironie avait fini par reprendre ses droits.

Mais elle dut bien se rendre à l’évidence.

Ce coup-ci, je ne blaguais même pas.

 

Je tombe des nues, je suis perplexe

Et me voilà dans de beaux draps

Elle me plait

Elle est divine, juste divine

Elle me plait

Elle est sexy, oh j’en rougis

Elle me plait…

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