Chapitre 63 : D'arbre en arbre

Par Kieren

À force de courir après les moutons, remonter la colline avec les seaux d'eau, et enfin manger des plats consistants, le Gamin reprit peu à peu du poids et du muscle. Il était toujours maigre c'est sûr, mais ce n'était plus un squelette maintenant. Il jouait de plus en plus avec ma chienne et sa sœur l'encourageait lors de ses travaux du quotidien.

Et puis, ce qu'ils aimaient bien faire, ces deux là, c'était grimper aux arbres. Le pêcher n'était pas très haut, alors lorsqu'ils n'y étaient pas, ils étaient dans la forêt. Ils escaladaient, ils sautaient de branche en branche en se retenant par le tronc. Et ils allaient haut ces deux couillons, ils ont failli tomber plusieurs fois avec les branches qui cédaient sous leur poids, mais ils s'en sortaient toujours avec uniquement des égratignures. Je n'ai pas essayé de les en empêcher, s'il se casse un truc c'est leur problème. Par contre j'ai fait remarquer à la Gamine que si son frère tombait de trop haut, vu son âge et sa morphologie, il en mourrait.

Depuis ils montent toujours aux arbres, mais un peu moins haut.

Et puis un jour, le Gamin m'invita à grimper avec eux, ce qui m'étonna mais me fit plaisir aussi. La Gamine me jugea pendant tout l'exercice, et comme je me débrouillais pas trop mal, elle décida de faire la course avec moi. Le Gamin servirait de juge.

Chacun choisit son arbre, et à la fin du décompte, on s'élança. J'avais l'avantage de la puissance, mais la Gamine était petite et légère. Moi je me servais de ma taille pour attraper mes branches, tandis qu'elle sautait pour attraper les siennes. Finalement nous arrivâmes ensemble à la ligne d'arrivée, en même temps. La Gamine était déçue, alors nous décidâmes d'échanger d'arbre.

En redescendant, la fillette aperçut Sifil dans les bois et l'appela. La mante religieuse nous rejoignit calmement. Elle fit la connaissance du Gamin, qui semblait moins impressionné qu'avec Riton, Billy ou Théo. Bizarrement elle ne le testa pas. Elle doit avoir un faible pour les gamins. Nous lui expliquâmes ce que nous étions entrain de faire, et elle nous fit comprendre qu'elle voulait participer elle aussi. La Gamine, aimant les défis, accepta, et une goutte de sueur froide coula le long de ma tempe.

Sachant comment ça allait finir je ne perdis pas un seul instant et j’accélérai la cadence dès le début, ce qui énerva la Gamine qui se dépêcha elle aussi. Sifil, elle, laissa quelques secondes d'avance, et lorsque nous arrivâmes à la moitié de notre chemin, elle partit comme une flèche. Je jetai un coup d’œil pour voir où elle en était et elle me dépassa avec une vitesse prodigieuse. Elle gagna la course haut la main. La Gamine était dégoûtée, jusqu'à ce qu'elle vit son frère sur le dos de notre championne. Il avait gagné la course avec Sifil et il était aux anges.

Là encore, je m'attendais à ce que la fillette rentre dans une colère noire, après tout personne ne touche à son frère, mais là elle sourit et applaudit sincèrement. Je le lui fis remarquer plus tard, et elle me répondit :

« Ça n'a rien à voir ; je n'ai pas confiance dans les humains. Sifil n'est pas humaine. Et elle est sympa, elle m'a offerte à manger la première fois que je l'ai vu. »

« Théo aussi t'a offert à manger la première fois. »

« Oui, mais c'est un humain. Ça n'a rien à voir. » Et la conversation s'était arrêtée là.

Finalement, le Gamin et Sifil furent nommés ''Grand Champion et Championne du grimpage d'arbre''.

J'invitai Sifil à boire un verre à la cabane, ce qu'elle accepta. Je lui préparai une tisane à la menthe avec du miel, c'est ce qu'elle préfère. J'en servis une grande lampée pour les gosses, qu'ils apprécièrent également. Ma chienne vînt me rendre visite et je lui lançai un cube de sucre, elle lécha le Gamin et attendit que je la rejoigne pour retourner surveiller les moutons. Avant de partir, j'entendis la Gamine parler à Sifil d'une cabane en bois.

J'appris plus tard que ces trois là avait commencé la construction de leur cabane dans la forêt. Sifil coupait des branches fraîches dans les arbres, et la Gamine vint me demander des clous et un marteau, ce que je lui donnai. Régulièrement le matin, en allant à la rivière je me rends à leur chantier pour voir les nouveautés. Ils l'ont construite à trois mètres du sol, sans échelle ni corde pour grimper, et ils ont fait quelques chose de spacieux : vu les dispositions, on peut y rentrer à 10 si on se serre un peu.

Aux dernières avancées, ils ont fini le sol et ils commencent les murs, et Sifil est très contente de les aider, mais elle imposa une condition. Elle apporta un grand filet de pêcheur qu'elle installa en dessous de la cabane au cas où.

Des fois, je vois les deux filles manger des bestioles crues, comme à leur habitude. Le Gamin en mange de moins en moins, il préfère la nourriture cuite, alors je lui donne du fromage ou du saucisson avec du pain. J'attendrai qu'il ait grandi avant de lui apprendre à faire du feu avec une pierre à feu. La Gamine par contre... Bah... Au pire elle fout le feu au village. J'attendrai aussi pour elle.

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