Chapitre 64 - Flâneries londoniennes

Pour la troisième fois en un mois, je survolais la Manche en direction de l’Angleterre. Rien n’était clair dans ma tête à propos d’Inkeri et ma joie de revoir Éric se doublait d’une certaine fébrilité. La finlandaise avait occupé mon esprit par intermittences, un jour omniprésente, puis disparaissant totalement le lendemain pour mieux revenir ensuite dans certains rêves éminemment érotiques. J’étais à la merci de mon inconscient.

 

Nous étions le 23 août 2012, et j’avais vingt-trois ans.

 

La semaine écoulée avait été chargée.

Chloé et moi avions effectivement réalisé trois séances d’entrainement. Notre inscription pour les cinq kilomètres prévus le 2 septembre était validée et Chloé se projetait déjà sur un dix kilomètres, fin septembre, pour lequel il serait temps, selon elle, de passer aux choses sérieuses en rajoutant quelques exercices de fractionné à ma préparation. Rien que le terme m’épuisait.

 

J’avais passé des heures entières à la bibliothèque afin de faire le tour, dans de nombreux ouvrages, de ce qui relevait de mon sujet de mémoire, et de ce qui s’en écartait démesurément. J’avais élagué, et enfin réussi à poser un cadre. Il me restait trois semaines pour proposer un plan, sinon du mémoire, du moins un plan d’attaque valable pour les mois à venir, ainsi qu’une bibliographie raisonnable.

 

Samedi soir, les quelques copains d’amphi qui n’étaient pas disséminés en vacances prévirent une sortie et m’emmenèrent avec eux. J’échappai cette fois-ci à une nuit en boîte, et je nous dirigeai plutôt vers le quartier des bars que j’affectionnais davantage, et où j’avais entre autres rencontré Éric six mois auparavant. Nous vécûmes une belle soirée entre étudiants, à parler de tout sauf de nos études, à descendre quelques cocktails multicolores et à danser. Je fus rentrée chez moi un peu après cinq heures du matin et passai un dimanche comateux à essayer de comprendre les allers et retours scénaristiques de la cinquième saison de Lost à l’aide d’un cerveau déficient, tout en mâchouillant des sushis achetés la veille, réhydratés directement dans mon gosier à grands renforts de tasses de thé au jasmin.

 

Mon départ pour Londres en ce jeudi, jour traditionnel de massages, m’avait obligée à modifier mon planning en rappelant deux clients qui s’était déjà positionnés pour le 23 août, afin de les décaler au lundi précédent, pourtant bien rempli. C’est ainsi que, trois jours plus tôt, j’avais enchaîné sept massages, dont deux d’une heure, entre 10 heures du matin et 17h30. J’étais sortie du local épuisée, me promettant de ne plus jamais recommencer.

 

L’un des sept avait été Flavien, le sommelier, qui était devenu un habitué prenant en moyenne un rendez-vous par mois. Comme à chacune de ses visites, il m’offrit un cadeau en rapport avec le vin. Cette fois-ci, j’eus droit à un tire-bouchon design très élégant, incorporant une petite roue acérée qui permettait de cisailler la capsule de la bouteille avant d’en extraire le liège. Je me demandai au bout de combien d’éjaculations il finirait par me ramener un Petrus ou une Romanée Conti, mais renonçai à calculer combien de séances d’une heure seins nus le prix d’une telle bouteille pouvait bien représenter.

 

La veille de mon départ, Chloé m’avait invitée au restaurant pour mon anniversaire, et m’avait offert une très jolie paire de boucles d’oreilles. Nous avions passé une excellente soirée, sans évoquer mes hésitations et mes pensées qui oscillaient depuis dix jours entre deux sexualités. Nous avions fait le tour de la question, et elle avait compris que la meilleure chose était désormais de « laisser infuser » ces questionnements en moi.

 

Dans la matinée du 23, avant de me rendre à l’aéroport pour midi, je reçus un appel de Charlotte.

 

-Salut la vieille !

-Salut pucelle… ah non merde, ça ne marche plus, cette réplique !

-Haha, pas plus que « salut la lycéenne ».

-Merde alors… mais du coup t’es vieille aussi !

-Bon anniversaire, ma grande sœur !

-Merci ma puce, ça me fait plaisir de t’entendre.

-Tu fêtes ça avec qui ?

-J’étais avec une copine hier soir, celle avec qui je cours, tu sais ?

-Chloé, c’est ça ?

-Voilà. Mélanie est en Sicile, et là j’ai finalement décidé de partir à Londres tout à l’heure pour être avec Éric ce soir.

-Génial ! Il te manque pas trop, tu gères ?

-Je gère oui, comme tu dis. Bon en un mois, c’est la troisième fois que j’y vais, c’est pas non plus comme si je ne l’avais pas vu pendant des mois…

 

Je n’avais évoqué à Charlotte ni l’infidélité de mon petit copain, ni ma réaction et les atermoiements qui étaient les miens depuis. Il y avait des discussions que la distance et la rapidité des coups de fil depuis la Corse rendaient impossibles.

 

-Et donc avec les parents c’est à mon retour c’est ça ?

-Avec les parents et toi ! C’est quand même ça, le but ! Tu reviens quand, alors ?

-Ben écoute, là je t’appelle depuis un hôtel à Conca.

-Vous avez terminé ?

-Oui, hier en fin d’après-midi.

-T’es dans quel état ?

-Franchement, je ne sais pas. J’ai mal absolument partout ! Des blessures qui cicatrisent vaguement, des hématomes, les chevilles qui ne tiennent plus que grâce aux anti-inflammatoires… Je me suis vue dans la glace de l’hôtel ce matin, j’ai eu peur.

-Peur ?

-Je crois que j’ai maigri, je me trouvais les joues creusées et puis là comme on n’est plus en randonnée, j’ai pu mettre des fringues normales, et j’ai enfilé une robe, je flotte dedans alors qu’elle est censée être moulante…

-Combien vous avez marché ?

-Deux cents bornes en un peu moins de trois semaines.

-Et tu t’étonnes. Ça valait le coup ?

-T’imagines même pas comme c’était beau.

-Mais ça grimpe, non ?

-Ben oui, c’est davantage ça qui était dur, on a dû cumuler douze kilomètres de dénivelé positif, dont certains jours plus d’un kilomètre en une seule étape !

-Tu dois avoir des cuisses en béton !

-Le pire c’était les trois premiers jours, quand tu es pétrie de crampes et qu’il faut quand même remettre ça le lendemain. Après le corps s’habitue, et ça va mieux. Mais c’est aussi ces montées qui font que tu as des panoramas sensationnels.

-Je veux bien te croire. Et les refuges, pour dormir, c’est pas trop chiant ?

-Ça dépend du degré de confort incompressible qu’il te faut. Mais tu sais, dans l’état où tu arrives, le seul fait de voir un pommeau de douche et un matelas suffit à ton bonheur. Peu importe si à côté de ton pommeau il y en a dix autres, et si t’es entourée de matelas dans les trois dimensions possibles. Et puis on avait une tente, Loïck et moi, pour les nuits sans refuge. 

-Je t’admire ! Vraiment ! Du coup, côté galipettes à la belle étoile… ?

-Je te mets au défi de t’envoyer en l’air après une étape de dix bornes alternant montées et descentes.

-Je vois.

-Quoiqu’avec une chaudasse comme toi, tout est possible…

-Merci !

-Haha je te taquine ma Léa. Par contre on était content d’avoir une chambre d’hôtel pour nous tous seuls hier soir, si tu vois ce que je veux dire.

-Très bien, mon apprentie chaudasse. Et sinon t’as réussi à voir tous les animaux que tu espérais rencontrer ?

-C’est même nous qui étions chez eux ! Les vaches, les chèvres, les cochons sauvages, les sangliers, les ânes, les mouflons, ils ne se barrent même pas quand tu arrives. Après on a eu de la chance, on a aussi vu un dahu, des salamandres, et en arrivant à Conca hier, on a croisé une tortue de Hermann.

-T’as l’air heureuse.

-Carrément ! Et toi alors, tu bosses ?

-Oui, sur mon mémoire.

-Pas trop dur ?

-Un peu stressant, mais ça va. Alors, tu seras de retour quand, dis-moi ?

-Le ferry nous ramène lundi et après on prend le train pour rentrer.

-On se fait une soirée chez les parents jeudi, ça t’irait ?

-Pour moi ça ira, oui. Après, la rentrée scolaire va arriver vite.

-Je les appellerai pour planifier ça avec eux.

-Super ! Je vais te laisser, grande sœur ! Encore un très bon anniversaire, et embrasse Éric pour moi.

-Promis. Merci d’avoir appelé, Charlotte. Gros bisous.

-Bisous.

 

Mélanie était toujours en zone non couverte par un réseau digne de ce nom. « Le jour où mes grands-parents feront une chute dans l’escalier ou une attaque, pour que les secours arrivent il faudra attendre que le pigeon voyageur ait fait le trajet jusque chez les pompiers, que les gentils vigile del fuoco sortent de leur sieste, et ensuite qu’ils arrivent en suivant le pigeon pour trouver le bon chemin » m’avait-elle dit pour me prévenir des difficultés qu’elle aurait à rester en contact avec moi. Néanmoins, en vidant ma boite aux lettres juste avant de grimper dans le taxi qui devait m’emmener à l’aéroport, je trouvai une carte d’anniversaire postée … onze jours auparavant. On pouvait dire ce qu’on voulait : Mélanie visait juste !

 

Je n’avais pas rêvé toute ma vie d’avoir les fesses en l’air. C’était pourtant ma cinquième traversée de la Manche en trente-cinq jours, et je commençais à m’y habituer. A côté du hublot, j’ouvris la carte de Mélanie, qui débutait évidemment par « Ma poulette… », puis me souhaitait de passer un anniversaire « le plus jouissif possible ». Entre deux phrases à la fois intensément gentilles et délibérément coquines, elle me donnait quelques nouvelles de son séjour. Elle avait « rencontré une alternative à Amine et Vincent », ce qui était loin de m’étonner de sa part, et m’annonçait qu’elle devait rentrer lundi prochain, le 27, tard dans la soirée, soit le lendemain de mon retour de Londres. J’avais désormais une affection illimitée pour cette jeune femme dont le caractère, l’humour, le franc parler et l’indéfectible gentillesse m’émouvaient jour après jour. Je me surpris à laisser parler mes émotions devant sa carte qui me fit rire autant qu’elle m’arracha quelques larmes.

 

Après une rapide collation, qui me tiendrait lieu de déjeuner, mon vol se posa sur le sol anglais. Je savais qu’Éric ne pourrait pas se libérer et venir me chercher. Il avait négocié un départ dès 16 heures contre une journée continue sans pause entre midi et deux. J’étais contente de savoir que nous aurions un peu de temps avant de nous rendre dans le restaurant qu’il avait réservé pour y fêter mon anniversaire.

Je pris la navette qui m’emmena dans le centre de Londres, et déposai ma valise dans le triplex de Soho, où les propriétaires retraités m’attendaient. Tout comme Éric, Inkeri était à son travail, dans la banque où elle réalisait son propre stage. J’appréhendais de la revoir. Depuis onze jours et mon séjour précédent, j’avais l’impression de l’avoir vue quotidiennement, tant elle avait occupé mes pensées et troublé mon quotidien. Me retrouver face à elle serait un bon test, pour savoir à quel point j’avais fantasmé une image idéalisée de la jolie finlandaise, ou si au contraire la réalité serait à la hauteur de cette image. Et surtout pour savoir quel effet elle aurait sur moi.

 

Je sortis me balader dans Londres, cherchant davantage le calme que le tumulte des quartiers branchés, et me dirigeai vers Hyde Park, qu’Éric m’avait fait découvrir, et que je parcourus, perdue dans mes pensées, croisant le coin réservé au « speaker’s corner » mais hélas, nous n’étions pas dimanche, puis me posai une petite heure au soleil sur une chaise longue, louée au milieu d’une immense pelouse constellée de transats bleus et blancs. Le temps était agréable, et les degrés finirent par frôler les 25, me faisant regretter de ne pas avoir changé mon jean en jupe avant de quitter Soho.

Je terminai la traversée du parc londonien du côté de Notting Hill, qui se préparait pour son carnaval caribéen annuel, prévu le week-end suivant. Le contraste était saisissant, entre la quiétude de ce quartier populaire, aux façades colorées immortalisées par Hugh Grant, dont je croisai la librairie dans laquelle travaillait son personnage, et où il rencontrait Julia Roberts, et les alignements surréalistes de semi-remorques garnis d’enceintes gigantesques, dont de nombreux techniciens testaient les branchements et les réglages dans des cacophonies auxquelles assistaient malgré eux les autochtones à leurs fenêtres. Des groupes de danseurs répétaient leurs mouvements, mais sans les déguisements qui, dans deux jours, les mettraient en lumière. Ils donnaient l’impression de jouer dans un film de danse New-Yorkais qui aurait vanté les mérites du hip-hop sur des rythmes antillais. Mon amour pour la danse réveilla des pulsions en moi, et je passai quelques minutes à accompagner un groupe, me déhanchant sur la soca, puis, invitée par l’un des danseurs, visiblement ravi de cette nouvelle conception de la politique festive participative, je partageai une samba sous les applaudissements de ses collègues, qui goûtèrent quelques minutes de repos en observant cette scène inattendue, dans laquelle une blondinette sortie de nulle part, aussi intensément blanche que son cavalier était au paroxysme de l’ébène, soutenait les pas et la vitesse qu’il lui imposait, tout en le dépassant d’une bonne tête malgré ses ballerines plates.

 

J’avais aimé Londres dès mon premier jour ici.

 

London calling to the faraway towns

Now war is declared – and battle come down

London calling to the underworld

Come out to the cupboard, you boys and girls

 

Mon après-midi se termina dans la plus revigorante insouciance, et je repris le métro afin d’être au triplex peu de temps après qu’Éric y serait arrivé. Nous échangeâmes des sms afin de synchroniser nos trajets, et histoire de le titiller un peu, je lui envoyai même une photo de moi dans les bras de mon séduisant partenaire black, qu’un ami à lui avait prise à ma demande pendant que nous dansions.

J’étais d’humeur légère, et j’avais une irrésistible envie de lui. J’espérais ne pas devoir attendre la fin de la soirée au restaurant, tout en reconnaissant le charme qu’il peut y avoir à ce que les ébats tant attendus aient été précédés de ces phases de séduction, où le corps en émoi réclame un plaisir qu’on lui diffère délicieusement pour mieux en jouir plus tard.

 

J’arrivai finalement quelques minutes après Éric, qui me serra dans ses bras et m’embrassa avec une ferveur qui en disait long sur la réciprocité du désir que je ressentais. Le triplex était vide. Inkeri travaillerait pendant encore au moins une heure. Les propriétaires étaient de sortie. Au diable les délices de l’attente ! Éric m’emmena au premier étage, sa langue ne quittant ma bouche que pour éviter que nous ne chutions dans l’escalier, et sitôt la porte fermée, ses mains impatientes vérifièrent que mon corps était bien le même que dans son souvenir. Nous enlevâmes nos jeans et n’eûmes ni l’envie ni le temps d’attaquer les parties hautes de nos tenues. Ma culotte se retrouva à terre où le boxer masculin la rejoignit et, plaquée contre un mur en subtils lambris pastels, la verge d’Éric, dure comme un silex lentement poli, entra en moi, donnant tout son sens à l’expression « à la hussarde ».

Ma meilleure amie, gonflée et chaude, n’eut aucun mal à me pénétrer. Je la sentis trouver le chemin, comblant mes chairs autant que mes désirs de toute une journée de langoureuse montée en puissance, et mon corps entier ne fut plus que frissons et palpitations. L’élégante chemise blanche d’Éric mélangea son coton avec celui de mon tee-shirt parme, mes mains cherchèrent un appui autour de sa nuque, froissant son col, pendant que mes jambes s’ouvrirent pour que le corps rigide de mon amant trouve son équilibre instable. Tout à coup des bras puissants me soulevèrent, et je me sentis happée vers l’avant. Éric bascula en position assise sur le rebord de son lit, et le pénis sortit de mon sexe. Je le vis, décalotté, frétiller comme un poisson rouge qui attend, dans l’air insupportable, son vital retour en milieu aquatique, puis je balançai mes jambes derrière les fesses de mon amant, qui me soutenait toujours. Je m’assis sur le dard qui me perça une deuxième fois, et une onde de chaleur m’envahit, coupant ma respiration. L’air alentour sembla se charger d’électricité. Mes oreilles bourdonnaient. Mon cœur s’emballait. Mes mains se crispèrent sur le dos de la chemise blanche, qui se maculait de sueur.

Je repliai mes jambes pour me mettre en position accroupie. Mes genoux purent alors faire levier, et, jouant le rôle de pistons, me permirent d’imposer un rythme à la pénétration, montant et descendant sur le pieu qui gonflait encore, comprimé dans mon inimité. Éric plaça ses mains sous mes fesses, qu’il caressa en se rapprochant au plus près des zones sensibles où le manège se déroulait, comme s’il avait voulu vérifier la présence de son propre sexe le long duquel j’allais et venais. Puis il me serra fort, et tenta de soulever mon bassin pour reprendre les rênes, et nous glissâmes sur le sol où il se retrouva adossé au bord du lit, ce qui renforça encore la proximité entre nos corps tout en fournissant un appui pour accélérer le va et viens. Éric souleva mon tee-shirt et l’enleva. Il caressa mon ventre, embrassa le dessus de mes seins, surélevés de façon éhontée par le push-up rose, et nos lèvres se scellèrent jusqu’à ce qu’un fulgurant orgasme transforme le baiser en morsure. Ses bras me cisaillèrent quand il déversa en moi ses fluides reconnaissants.

 

Nous restâmes de longues minutes dans les bras l’un de l’autre, ma tête reposant sur son épaule, vêtements en lambeaux et souffle irrégulier. Je pris une douche méritée puis me rhabillai. Éric me succéda à la salle de bain et se changea, renonçant au viril classicisme de la chemise blanche qui ne ressemblait plus qu’à une serpillière, et enfila un polo. Nous descendîmes à la cuisine où nous nous fîmes un café. Quelques minutes plus tard, la porte s’ouvrit et Inkeri entra dans le triplex. Je ne l’avais jamais vue en tenue de travail. Elle portait un très moderne tailleur, composé d’une jupe fourreau fauve qui terminait sa course droite quelques centimètres en-dessous de ses genoux, et un top noir à manches courtes très sobre mais dont la coupe près du corps mettait sa silhouette en valeur, à l’instar de la jupe qui dessinait magnifiquement ses hanches et ses cuisses, coupant le mollet au-dessus de jolies sandales à talons hauts carrés, que fermait une petit bride autour de ses chevilles.

 

-Oh Léa, tu as arrivé ?

-Salut Inkeri.

 

Elle vint me faire la bise et prit place à la table en face d’Éric et moi, après s’être fait couler un café. Nous papotâmes tous les trois quelques instants puis, constatant qu’il était déjà 19 heures, je me levai pour aller me préparer dans la chambre d’Éric. Inkeri me suivit pour monter dans ses combles. Quand nous fûmes arrivées à l’étage, elle m’interrompit juste avant que je n’entre dans la pièce.

 

-Léa, je souhaiter pour joyeux anniversaire à toi.

-Merci Inkeri, c’est gentil.

 

Elle joignit le geste à la parole et me fit un gros bisou sur la joue tout en me serrant amicalement dans ses bras.

 

-Je cadeau trouvé pour toi, mais d’abord laisse Éric et toi ensemble faire fête.

-Vraiment ? Avec plaisir, alors, quand tu voudras.

-Je donne toi demain, d’accord ?

-D’accord.

-Tu dois contente que revoir Éric.

-Oui, c’est pas facile d’être éloignés. En plus c’est encore récent, notre histoire.

-Il a dit moi, vous ensemble depuis … euh… a few months.

-On dit « quelques mois ». Oui, six mois. Et toi, ton stage se passe bien ?

-Oui, bien. Mais je pas certaine que c’est domaine bon choix.

-La banque ?

-Oui, intéressant, mais pour complète carrière, je maintenant des doutes.

-Pourquoi ?

-Pas fun.

-Indéniablement.

-What ?

-Definitely.

-Ok.

-Mais alors pourquoi avoir fait tes études dans le milieu bancaire ?

-Toute famille être banquiers.

-Je vois. Tu aimerais quoi, toi ?

-Peut-être ça me plaire quand même, peut-être pas, sinon je trouver autre chose.

-Mais tu pourrais changer de voie comme ça ? Tes parents banquiers ne s’y opposeraient pas ?

-Pas eux envoyé moi dans ces études. Je les choisis sans vraiment penser.

-Mimétisme familial.

-Please ?

-Euh, là je ne sais pas comment te le traduire. A kind of family conditioning ?

-Possible oui.

-Si tu veux en parler…

-C’est gentil. Peut-être autre jour. Là tu dois faire toi belle pour sortir.

-Oui, en effet !

-Pas trop besoin, non ?

-Besoin ?

-I mean that you are already very pretty like that.

-Merci !

-I’m sure that you will be downright attractive this evening.

-Je vais tout faire pour.

-Léa je souhaite bonne soirée à toi.

-Merci Inkeri.

-Je contente te voir … how did you say… quelques… jours.

-Quelques jours, c’est ça.

 

Je poussai la porte de la chambre d’Éric. La finlandaise en tailleur m’interpella une deuxième fois.

 

-Léa.

-Oui ?

-Tu as jolies joues roses. Ça va bien à toi.

 

Pendant qu’elle articulait cette dernière réplique, son œil gauche se referma, et sa paupière ombrée me fit un clin d’œil coquin. Il n’y avait rien à ajouter, mon teint anormalement vif trahissait effectivement les activités sensuelles auxquelles Éric et moi avions cédé juste avant qu’elle ne prenne un café avec nous, en face de mes joues que l’orgasme avait colorées de façon inhabituelle.   

 

Je sortis de ma valise les vêtements que j’avais prévus pour notre soirée en tête à tête amoureux pour mes vingt-trois ans. Ils n’étaient pas trop froissés. Je pris le temps de m’habiller, puis empruntai la salle de bain afin de me remaquiller, et posai mon rouge à lèvres rouge-noir des grandes occasions après m’être parfumée.

Quand je descendis l’escalier, Éric m’attendait en compagnie d’Inkeri, qui s’était changée pour une tenue plus confortable, et du couple de propriétaires qui venaient de rentrer à leur tour.

 

Éric suivit mes derniers pas d’un regard qui exprima tout ce qu’un seul coït n’avait pu soulager de désir refoulé depuis près de deux semaines.

 

Je portais la jupe blanche que j’avais achetée ici même lors de mon dernier passage. Celle-ci était censément une jupe midi mais, compte-tenu de ma taille, elle stoppait sa course juste sous mes genoux. Très structurée, elle épousait toute la partie haute de mes jambes, révélant de façon voluptueuse la courbure des hanches et des fesses. Elle était en organdi, ce qui lui donnait beaucoup de douceur, à la fois au toucher et au regard. Elle était composée de deux parties superposées. Une première jupe très courte, blanche, s’arrêtait en bas des cuisses. Par-dessus, un voile blanc tout en transparente séduction la recouvrait, continuant par-dessus les genoux pour créer la longueur réelle du vêtement.

En haut, j’avais enfilé un top bleu marine tout simple, soyeux, qui se laçait derrière mon cou pour dégager les épaules en un magnifique dos-nu, tout en descendant harmonieusement en décolleté sage mais bien présent. Afin de ne pas casser l’harmonie du dos dévêtu, je le portais sans soutien-gorge, profitant des possibilités offertes par ma menue poitrine.

Enfin, pour la première fois, j’avais aux pieds les sensationnelles sandales que j’avais achetées lors de mon après-midi glaciale, dans la foulée de ma première séance d’escorting avec Nicolas. Bleues marines, tout comme mon haut, elles arboraient un talon aiguille de onze centimètres et dégageaient le pied que seules deux sangles venaient souligner, assurant le maintien par-dessus les orteils, et au niveau de la cheville. Un ruban de couleur assortie, en satin, s’enroulait autour du bas du mollet, qu’il ornait d’un nœud délicat à l’endroit-même où la jambe se cambre avec finesse.

 

-You are impressive, entendis-je de la bouche de l’épouse, dont le mari ne rajouta aucun commentaire à celui de sa femme, qu’elle aurait pu lui reprocher ensuite.

 

Éric posa délicatement sa bouche sur la mienne, levant le cou pour atteindre son objectif que les talons avaient surélevé, plus encore qu’avec les escarpins auxquels je l’avais habitué.

 

-Où va-t-on, jeune homme ?

-Pas loin, c’est un restaurant apparemment formidable et romantique, à Soho.

-Mes pieds te seront reconnaissants de ne pas leur avoir fait traverser la ville entière. 

 

Nous sortîmes dans la cour intérieure du minuscule lotissement intégré au quartier multicolore. Inkeri nous suivit sur le pas de la porte afin de la refermer derrière nous.

 

-Bonne soirée, nous lança-telle alors que nous descendions les dernières marches du perron.

 

Je me retournai pour la remercier. Elle me fit un petit geste, pouce levé vers le haut. Sa bouche mima l’expression qu’elle avait utilisée tout à l’heure : « attractive », et elle me fit un deuxième clin d’œil.

 

Mon cœur, tapi dans le décolleté bleu marine, augmenta son rythme de façon quasi imperceptible, réagissant certainement à la main chaleureuse d’Éric, dont je sentais le trouble que ma tenue lui inspirait, et qui se communiquait à moi, dans l’appel d’une deuxième séance de sexe promise avant la fin de la nuit.

 

Ou alors, réagissant au second clin d’œil de la blonde scandinave.

 

Tout en essayant de conserver une démarche légère malgré l’inadéquation entre onze centimètres de talons aiguilles et les pavés du quartier, je retrouvai mes doutes quant aux si agréables crispations que je sentais au fond de mon ventre, et à celui, ou ceux, au(x)quel(s) elles étaient destinées.

 

The ice age is coming, the sun is zooming in

Meltdown expected, the wheat is growing thin

Engines stop running, but I have no fear

Cause London is drowning – I, I live by the river

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