Après être revenue dans ma chambre, je n’ai pas réussi à m’endormir. Trop d’informations tournaient dans ma tête. De plus, le fait qu’Hans est allé directement chez Elena après qu’il m’eut raccompagné n’a fait qu’augmenter mon angoisse déjà très élevée à la suite de ma rencontre avec Liam. Celui-ci m’a raconté en quoi consistait le travail d’Elena et honnêtement je ne sais plus quoi penser. Je dirais que les deux sentiments qui se bousculent en moi sont la haine et la honte. Haine pour ce que ma supérieure a accompli et honte pour mon aveuglement. Toutefois quand le capitaine m’a relaté tout ça, ma première réaction a été de ne pas le croire comme lorsqu’il m’a avoué être un rebelle. J’ai beau affirmer le contraire, je ne suis pas encore prête à lui faire confiance, mais j’ignore pourquoi. Je me retourne sur mon matelas. Que dois-je faire ? Je soupire. De toute façon, j’ai promis à Liam de le suivre, car il m’offre enfin l’opportunité d’agir. Je ne veux plus perdre quelqu’un de la même manière que Jan. J’entends toujours sa voix hurler juste avant l’exécution dans mon crâne. Pour moi, il sonnait comme un reproche. J’avais juré de le soutenir, mais la peur des représailles m’a paralysé. J’ai honte de l’avouer, mais au fond de moi j’étais contente qu’Elena m’ait choisie et non Jan. Alors c’est ça survivre, c’est être égoïste ? Quelle chose écœurante quand on y réfléchit !
Il est passé 8 h quand ma supérieure frappe à ma porte. Je m’accorde un moment de réflexion avant de lui ouvrir. Que dois-je faire si Elena sait ? Elle voudra sans doute connaitre la raison de ma visite chez le capitaine. Je n’ai qu’une seule solution, mentir. Je finis par ouvrir à ma cheffe. Si je tarde trop, elle serait capable d’entrer de force. Quoiqu’au fond, je ne la connais pas. La femme qui se tient devant moi semble la même que la veille. Le même regard, la même posture et la même voix lorsqu’elle me dit :
- Comment vas-tu ?
Un sentiment de haine remonte en moi. J’ignore pourquoi c’est si violent. Pourquoi me demande-t-elle cela ? Non, je ne vais pas bien ai-je envie de hurler. Je me retiens de me montrer agressif. Cela ne résoudra rien au contraire, elle risque de m’enfermer dans cette pièce qui me sert de chambre jusqu’à nouvel ordre. La haine qui bout en moi ne s’est pas apaisée. J’en veux à Elena. Enfin, c’est ce que je crois. Depuis que j’ai vu Liam, je suis de plus en plus incertaine.
- Mieux, mentis-je. Désolé pour hier mes mots ont dépassé ma pensée.
Le visage de ma supérieure s’illumine pour redevenir grave l’instant d’après.
- Tu n’as pas à t’excuser. Tu n’as fait que dire la vérité.
Le fait qu’elle le reconnaisse me prend de court toutefois, je me ressaisis pour lui répondre :
- Tu n’étais pas la seule en cause.
Un mince sourire se dessine sur ses lèvres.
- Peut-être.
Elle ne rajoute plus rien et c’est sur son ton enjoué habituel qu’elle me propose d’aller manger.
- Allons-y, me forcé-je à répliquer sur la même intonation.
Nous cheminons en silence. J’en profite pour l’observer discrètement. Ces quelques mots échangés avec elle confirment mon ressenti. Elle ne semble rien regretter. Elle a déjà oublié Jan. À quoi m’attendais-je venant d’elle ? Qu’elle s’excuse ? Me demande pardon ? Je repense au propos de Liam. C’est vrai, Jan ne doit représenter qu’un cadavre en plus pour elle. Cela paraissait tellement facile pour elle d’ôter la vie. Ce soi-disant travail qu’elle accomplit pourrait expliquer bien des choses, ses blessures ou encore son niveau à l’épée. Pourtant je ne peux pas l’accepter ou plutôt je ne veux pas, mais j’ignore pourquoi. Quoi qu’il en soit, je suis désormais sous les ordres de Liam alors quand celui-ci m’a dit d’observer, j’obéis. Je ne peux plus me permettre d’avoir des états d’âme.
Le petit déjeuner s’est rapidement fini et nous sommes déjà dans son bureau. Toujours aucun changement notable, Elena continue à garder ses habitudes, c’est-à-dire ranger ses dossiers et cela m’insupporte. Malgré cela, je continue à sourire et à la servir quand elle a besoin de moi.
- Isis, pourrais-tu me faire un thé ? S’il te plait, me demande-t-elle.
Je me lève à contrecœur. C’est fou comme quoi un fait peut tout chambouler. Dire qu’avant j’aurais tout fait pour elle, maintenant le moindre son de sa voix me donne des envies de meurtres. Je n’aurais jamais imaginé qu’un jour je puisse penser ce genre de chose. Pourquoi a-t-il fallu que les évènements tournent aussi mal ? Je pourrais l’empoisonner. Elle a suffisamment de substances toxiques dans son bureau. Je renonce à mon idée directement après qu’il est émergé. Ce serait une mort trop douce après ce qu’elle a commis. Je suspends mon geste. Qu’est-ce qui me prend de pensée comme ça ? Vouloir à ce point nuire aux autres ne me ressemble pas. Et pourtant, c’est cette base qui m’oblige à réfléchir comme ça. Je termine vite fait ma tâche et lui apporte sa tasse. Lorsque je dépose la boisson sur son bureau. Elena laisse tomber ce à quoi elle était occupée pour avaler une gorgée de thé. Son regard se porte sur moi et c’est avec un grand sourire qu’elle me remercie. Cela pourrait sembler une réaction exagérée, mais venant d’elle cela paraît si sincère. Ma colère fond en un instant, car j’ai compris pourquoi je ne suis pas prête à suivre aveuglement Liam, je crois encore en Elena. Depuis que je suis ici, j’ai appris à la connaitre et je ne veux pas croire que tout ça n’était que mensonge. Pourquoi est-ce que je me force à la déculpabiliser ? Elle a tué Jan, cela devrait être un motif valable pour la haïr. Toutefois, je sais aussi que je ne le pourrais jamais pour la simple et bonne raison qu’Elena connait la douleur. Les humains dépourvus de sentiments sont les plus dangereux. En vivant dans cet endroit, on se rend rapidement compte que la menace est partout, enfin moi il m’a fallu beaucoup de temps pour le comprendre. Faites un pas de travers et on vous le fera regretter bien assez vite. Alors dois-je en vouloir à Elena ? Honnêtement, je ne sais plus. Tout se bouscule dans mon esprit. D’un côté, Liam pourrait très bien m’avoir menti au sujet de ma supérieure en la rendant la plus inhumaine possible. Et pourtant, j’ai la preuve de son implication dans le projet 66. Comme pour donner un éclaircissement à mon questionnement, on frappe à la porte. L’homme de main du maréchal apparait. Sans plus de formalité, il tend un papier à ma cheffe. Celle-ci le laisse planer un silence avant de répondre :
- Dites au maréchal ou au major général Tellin que je n’y irais pas.
Sur ce, Elena replonge son nez dans ses feuilles.
- Et pourquoi ? s’étonne son interlocuteur.
- Ils le savent très bien, se contente de déclarer Elena sans lui accorder le moindre de regard.
L’homme plus dérouté que jamais, lui dépose tout de même la missive sur son bureau puis se dirige vers la sortie.
- Lieutenant, appelle ma cheffe.
Lorsqu’il se retourne, il peut voir Elena qui a empoigné la lettre et qui la déchire en deux.
- Faites-leur savoir que nous devons reparler des conditions de la mission.
Sans rien rajouter, l’homme quitte la pièce. Je fixe ma supérieure stupéfaite. C’est bien la première fois que je la vois discuter à un ordre. Elena se redresse en soupirant puis se retourne vers moi.
- Je te dépose chez Nikolaï, Isis. Je préfère que tu ne sois pas là lorsque j’aurai cette conversation avec eux.
Je me ressaisis et me place à ses côtés. Durant tout le trajet, aucune de nous deux parlons. Elena est particulièrement tendue. Nikolaï est dans son bureau. Il semble heureux d’avoir de la compagnie. Elena nous quitte. Nikolaï se lève pour me faire de la place sur une chaise encombrée de classeurs.
- Comment vas-tu, Isis ?
Qu’est-ce qu’ils ont tous à me poser cette question ? Bien que je n’en ai pas envie, je souris.
- Très bien, et toi ?
Au milieu des pensees d'Isis et des questions qu'elle se pose sur Elena, on s'attend a ce qu'elle mentionne qu'Elena l'a toujours defendue et protegee, allant au-dela de ce que les autres hauts grades font d'habitude pour leurs aides de camp, ca fait certainement partie de la difficulte qu'elle a a la hair.
le fait qu’Hans est allé > SOIT alle
J’entends toujours sa voix hurler > j'entends sa voix ou j'entends son hurlement?
J’avais juré de le soutenir, mais la peur des représailles m’a paralyséE. > que pouvait-elle faire de toutes facons dans ce contexte? Elle n'est pas armee. Ce n'est pas la peur des represailles qui l'a paralysee mais la simple impuissance a faire quoi que ce soit, me semble-t-il?
" Lieutenant, appelle ma cheffe." > la, j'avoue, je ne sais pas qui parle et a qui.
"Faites-leur savoir que nous devons reparler des conditions de la mission." Est-ce Elena qui parle?
La chute du chapitre est parfaite, montrant les pensees d'Isis, "pourquoi tout le monde me demande comment je vais" et ce qu'elle dit "tres bien, merci".