Ce matin-là, Laura ouvrit les yeux avec difficulté. Une forte lumière s’infiltrait à travers les rideaux de la chambre et elle n’y était pas habituée. Lorsqu’elle parvint enfin à les ouvrir sans être éblouie, elle regarda l’horloge qui affichait huit heures vingt-cinq. Il faisait déjà très chaud, trop chaud pour Laura. Mais elle devait se préparer pour son arrivée sur Étéia. Elle parvint à se lever tant bien que mal, mais, une fois debout, sa tête se mit à tourner et elle eut la nausée. Elle se rallongea et comprit que la cause de son malaise était la chaleur.
Au bout de quelques minutes, Laura se précipita dans la salle de bain et vomit dans les toilettes. Par chance, Alexandre venait vérifier si elle était prête. Roxy vint à sa rencontre en poussant des cris affolés et il la suivit. Il trouva la jeune femme aussi blanche qu’une feuille de papier allongée et recroquevillée sur elle-même dans la salle de bain. À l’aide du téléphone du salon, il appela le médecin du vaisseau et, en l’attendant, il prit une petite serviette qu’il humidifia d’eau froide et la passa sur le front de Laura, tout en la rassurant.
Le médecin arriva et emmena Laura avec lui. Elle vomissait régulièrement et était très faible. Le médecin lui donna des médicaments pour qu’elle arrête de régurgiter, puis, il la fit s’allonger dans un des lits de l’infirmerie. Elle finit par se rendormir tandis que le docteur et Alexandre parlaient entre eux :
« Elle a eu un gros coup de chaud, lui expliqua le médecin d’un air professionnel. De quelle planète vient-elle, même si je pense déjà le savoir ?
—Elle vivait sur Hiveria. Elle n’avait jamais quitté sa Saison auparavant.
—Oui, c’est bien ce que je me disais. J’ai souvent des problèmes comme ceux-là. Et vous, quelles planètes avez-vous visité ?
—Je suis déjà allé sur Hiveria, Automnia et Étéia qui est ma Saison natale.
—Personnellement, je préfère Printomnia. C'est fou comme cette planète peut être magique et merveilleuse ! C’est d'ailleurs là-bas que j’ai rencontré ma femme, se souvint-il d’un air rêveur en regardant une infirmière, son épouse, qui s’occupait d’un patient dans le même état que Laura. »
Ils discutèrent encore pendant un certain temps, puis le médecin repartit s’occuper de ses patients. Alexandre resta un long moment au chevet de sa fiancée. Il finit par regarder l’horloge et constata qu’il était déjà onze heures trente et Laura n’était toujours pas réveillée. Il partit demander à une femme du personnel d’aller chercher les valises de Laura, puis, il retourna dans ses appartements afin d’enfiler un costume bleu royal. Lorsqu’il revint, la jeune femme était assise sur le lit. Elle était pâle et semblait fatiguée. Plusieurs membres du personnel qui travaillaient pour les Quatre Saisons arrivèrent avec une robe et des accessoires pour que Laura puisse paraître convenable devant le roi.
Lorsqu’elle ressortit de derrière le paravent où elle s’était changée, elle était vêtue d’une merveilleuse robe de bal bleu ciel. Son décolleté en V avait une forme arrondie et passait près de sa poitrine pour la mettre en valeur. Les manches de dentelle commençaient à mi-épaule et se terminaient au milieu de ses avant-bras. Elles s’évasaient un peu à partir du coude. De jolies fleurs bleues étaient cousues sur la dentelle ainsi que sur le voile qui partait de ses hanches, laissait apparaître le devant de la robe et recouvrait les côtés et l’arrière. La jupe de la robe était faite de plusieurs épaisseurs de tissus légers du même magnifique bleu ciel que le reste de sa tenue. De nombreux symboles décoraient le corsage de la robe.
Laura fit un petit pas maladroit, laissant apparaitre une paire de Salomé bleues aux talons plutôt épais. Mais cela ne changeait en rien la démarche de la jeune femme n’ayant jamais appris à porter des talons. Ses longs cheveux châtains passaient le long de son épaule gauche. Les premières mèches étaient nouées ensemble et ses cheveux formaient de jolies boucles naturelles. Des fleurs bleues et blanches décoraient sa coiffure.
Un rayon de soleil passa par la fenêtre et fit scintiller un magnifique collier en diamants pendant à son cou ainsi que des boucles d’oreilles faites de pierres précieuses. Son visage était maquillé très légèrement pour que Laura ait l’air naturel. Le résultat était vraiment magnifique et la jeune femme ressemblait à une princesse de conte de fée.
Alexandre ouvrit de grands yeux surpris et émerveillés par tant de beauté. La jeune femme semblait s’être métamorphosée en une envoutante créature de rêve. Sans le corps d’oiseau, elle aurait parfaitement pu jouer le rôle d’une sirène de la mythologie grecque. La finesse de ses traites, la magnificence de sa robe et l’élégance de la jeune femme la rendait majestueuse. Une beauté sans nom.
« Laura, t… tu es splendide, murmura-t-il encore sous le coup de la surprise, il ne s’imaginait pas qu’elle pouvait être aussi magnifique. Cette robe te va à ravir. Je n’ai pas les mots pour dire ce que je ressens…
—M… Merci, balbutia Laura visiblement mal à l'aise. »
La jeune femme se dirigea vers un miroir et se détailla des pieds à la tête. Elle-même ne s’attendait pas à un tel résultat. Elle n’avait jamais pris soin de bien se vêtir. Se mettre en valeur et se rendre la plus jolie possible ne l’intéressait pas. Pourtant, elle dut admettre que de se voir ainsi parée lui fit un petit effet. Elle s’autorisa à se trouver jolie, même plus. Elle ne put cacher le petit sourire d’émerveillement qui se dessina sur ses lèvres. Se sentir aussi ravissante était agréable, elle ne le niait pas.
Alexandre la rejoignit et lui demanda en lui adressant un grand sourire :
« Cela est fou, non ?
—Oui. Je ne sais pas quoi dire… Je suis époustouflée… Mais ça n’est pas moi dans cette tenue… »
D’une main délicate, le jeune prince lui attrapa le visage et le lui orienta face au miroir.
« Vois-tu ce reflet ? Ce visage, ces cheveux, ces yeux ? Ce sont les tiens et la robe aussi. C’est bien toi. Je sais que c’est un grand changement pour toi, mais tu es bel et bien la jeune femme que tout le monde regardera, émerveillé par tant de splendeur. »
Laura ne répondit pas. Elle se contempla encore quelques instants avant de prendre un peu de recul et de dévisager Alexandre, d’un air moqueur.
« Tu n’es pas mal non plus. Je ne pensais pas que tu portais des costumes comme celui-là. »
Quelques minutes plus tard, le vaisseau touchait le sol. Laura et Alexandre descendirent des Quatre Saisons, escortés par des gardes royaux venus depuis le château pour les accompagner en toute protection. Le prince donna son bras à Laura qui l’attrapa, peu habituée. Beaucoup d’Étéiens les attendaient pour voir le visage de leur future souveraine. Alexandre et Laura les saluèrent le sourire aux lèvres. Les personnes, venues pour voir la princesse, applaudissaient et jetaient des bouquets de fleurs. Tous étaient heureux de la voir. Ils arrivèrent devant un immense carrosse doté de motifs en or et tiré par deux majestueux chevaux blancs. Les deux fiancés montèrent dans le cortège qui s’ébranla et commença à avancer, suivit par la foule qui finit par s’arrêter.
Durant tout le trajet, Laura vit de magnifiques plages dorées au soleil et complétées par une mer turquoise et transparente. Ses yeux brillaient comme ceux d’un enfant et Alexandre riait en la laissant s’émerveiller devant ce qu’il voyait chaque jour et qui lui paraissait banal. Laura et Alexandre avaient grandi dans des mondes tellement éloignés et différents.
Le voyage dura environ une heure. Laura, imitée par son petit écureuil, Roxy, sortit la tête par la fenêtre du carrosse et découvrit un immense château. Ses murs de pierres étaient entourés d’immenses remparts et, aux quatre angles de ceux-ci, s’élançaient très haut dans le ciel de grandes tours, chacune représentant un point cardinal. La porte par laquelle on pénétrait dans la cour était en or massif et une dizaine de gardes la protégeaient et veillaient à ce qu’aucune intrusion n’arrive.
Voyant le visage ébahi de Laura, Alexandre éclata de rire. Celle-ci le dévisagea avec étonnement, elle ne comprenait pas ce qui le faisait tant rire, mais ne put s’empêcher de sourire, légèrement amusée par la situation.
« Pourquoi ris-tu ainsi Alexandre ? finit-elle par demander.
—Si tu avais pu voir ton visage lorsque tu admirais le château de mon père ! Ah ah ah ! Cela était hilarant !
—Ce n’est pas drôle ! Cela est même humiliant ! se vexa Laura tout en croisant les bras et se détournant de lui, importunée. »
La main du prince vint se poser sur l’épaule de la jeune femme qui se retourna vivement, surprise par cette contigüité soudaine. Alexandre lui souriait. Laura le dévisagea quelques instants avant de se dérider et de se mettre, aussi à rire. Même si elle souffrait de la forte chaleur, sa nausée était presque passée. Mais elle n’en disait rien. Elle ne voulait pas gâcher ce moment d’hilarité. Leurs rires étaient devenus sonore et communicatifs. Ils en avaient mal au ventre, mais ne pouvaient plus s’arrêter. Depuis, sa place de conducteur, même le cocher souriait discrètement.
« Lorsque nous serons arrivés, je te ferais visiter les jardins, lui proposa Alexandre après avoir retrouvé son calme. Tu verras comme ils sont magnifiques !
—Ah oui ? Alors je suis impatiente ! »
Le carrosse passa la porte d’entrée et pénétra dans le château. Il finit par s’arrêter et un homme vêtu d’un costume à queue-de-pie, d’un pantalon et de chaussures noirs ainsi que d’une chemise blanche parfaitement repassée vint ouvrir la porte du véhicule du côté de Laura. Il se tenait droit comme un piquet et ne regardait pas la jeune femme. « Ce doit être un majordome, pensa Laura. Je ne me sens pas très à l’aise. Je ne veux pas être au-dessus ou en-dessous de quiconque. Mais bon, j’imagine que je n’ai pas le choix et que je dois faire bonne figure. » Avec toute la grâce dont elle disposait, Laura descendit du carrosse en se retenant de remercier le majordome. D’autres domestiques guidèrent Laura et Alexandre à l’intérieur du palais, suivis par la petite Roxy qui se sauva pour découvrir ce nouveau territoire.
Ils pénétrèrent dans une magnifique salle de bal circulaire. Les murs étaient beiges. Au plafond, de la même couleur, pendait un immense lustre de diamants d’une beauté indescriptible. Chaque pas fait sur le sol résonnait contre les murs décorés richement. Malgré son imposante robe qui prenait beaucoup d’espace à elle seule, Laura se sentait toute petite. Elle se demandait si elle réussirait à s’adapter à la vie de princesse.
Lorsqu’elle baissa les yeux du plafond et qu’elle les dirigea devant elle, son regard se posa un grand trône tout en or sculpté. Des soleils avaient été gravés dans le métal l’homme assis dessus devait se prendre comme le nouveau roi Soleil. Tout autour de cet imposant siège, des courtisanes aux robes et aux décolletés tous plus impressionnants les uns que les autres dévoraient d’un regard admiratif et soumis un homme qui avait pris place sur ce siège royal. L’homme en question la dévisageait d’un air hautain et méprisant. Contrairement à son fils, Alexandre, le roi Louis avait un regard glacial et tranchant comme des lames. Laura n’avait plus chaud, au contraire, des frissons lui parcoururent l’échine. Cet homme ne la rassurait pas, il lui faisait peur et l’intimidait.
Le roi Louis n’était ni beau, ni laid. Son regard et son maigre visage le rendaient effrayant. Alexandre ne ressemblait en aucun point à son père, c’était à se demander s’il était véritablement son fils. Le roi avait de courts cheveux blonds, des yeux bleus, presque blancs, ainsi que des joues creuses. Le seul point qu'ils avaient en commun était leur taille moyenne. Même leur façon de se vêtir était différente, à croire qu’ils faisaient tout pour se ressembler le moins possible.
En plus de courtisanes, le roi était entouré d’aristocrates qui, eux aussi, dévisageaient Laura avec autant de mépris que leur souverain. Elle avait le sentiment d’être analysée et jugée de la tête au pieds par une dizaine de personnages tous plus prétentieux et hautains les uns que les autres et cette sensation lui était terriblement désagréable.
« Votre fils, le prince Alexandre Solaire ainsi que sa fiancée, mademoiselle Laura Stalactite, les nomma-t-on. »
Tout le monde s’inclina devant le monarque et Laura les imita. Après une attente interminable comblée par un silence pesant, le roi Louis finit par prononcer sa première phrase.
« Très bien, vous pouvez disposer. Des domestiques vont vous conduire dans vos nouveaux appartements. »
À peine avait-il déclaré cela que son attention s’était déjà détournée des nouveaux arrivants. Et cela, Laura ne put le supporter : « C… Comment ?! se scandalisa-t-elle sous le coup de la surprise. Juste cela ? Ce n’est pas normal ! Il aurait au moins pu me souhaiter la bienvenue ! C’est tout de même lui qui m’a obligée à quitter ma famille pour me marier avec son fils à l’autre bout des mondes ! Je ne lui demandais pas de m’organiser une fête ou un bal pour mon arrivée, mais quand même ! Non, c’est trop compliqué pour monsieur le roi de dire bonjour ! »
Laura fulminait tellement que son visage devint cramoisi, elle risquait d’exploser de rage à tout moment. Lorsqu’Alexandre s’en aperçut, il prit la situation en mains :
« Merci père. Je vais accompagner ma fiancée dans ses appartements. »
Il attrapa le bras de Laura et la tira pour qu’elle le suive. Mais elle ne bougea pas d’un pouce. Elle fusillait du regard le roi sans se soucier de ce qui pouvait bien se produire. Les yeux tranchants de cet homme ne l’inquiétaient plus. Laura avait passé beaucoup de temps à apprendre à se comporter comme une vraie dame de la cour, mais, lui, ne faisait pas le moindre effort pour l’accueillir convenablement. Cela était inadmissible !
Alors, lentement, les yeux du roi se déplacèrent vers Laura et rencontrèrent les siens. Il semblait dérangé par sa présence. Son regard se fit encore plus tranchant et pendant un bref instant, la jeune femme éprouva une vive douleur à la tête, mais Alexandre serra si fort le bras de sa fiancée que Laura dû interrompre son échange visuel entre elle et le souverain d’Étéia pour dévisager le prince qui lui faisait mal. Sa douleur à la tête cessa instantanément et elle comprit que le roi Louis était sur le point d’utiliser son pouvoir sur elle et que cela n’était que de la prévention. Elle regretta immédiatement de s’être emportée en repensant à ce qu’Alexandre lui avait raconté à propos de son père. Elle ne voulait pas qu’il se venge sur lui pour le tort qu’elle avait causé. Laura baissa les yeux, honteuse, puis se mit à marcher derrière Alexandre, des domestiques les guidant à travers les nombreux couloirs du palais. Ils arrivèrent devant une porte de bois pourvue d’une poignée en or. La nouvelle chambre de Laura était plus grande que celle qu’elle possédait à Hiveria. En fait, jamais elle n’en avait vu d’aussi immenses dans sa vie. Les murs et le plafond étaient blancs, le sol en bois. Un grand tapis rond bleu royal se trouvait au milieu de la chambre et un immense lit à baldaquin blanc trônait dans la pièce. Deux fauteuils de cuir noir et une grande table basse en verre se trouvaient au milieu de la pièce, sur le tapis. Face à une immense fenêtre menant sur un vaste balcon, un bureau était disposé de façon à être éclairé par la lumière du soleil. Alexandre se tourna vers les domestiques :
« Pouvez-vous nous laisser, je vous prie ? Merci. »
Ils se retrouvèrent seuls. Laura se sentait mal à l’aise. Alexandre, lui, la dévisageait avec colère et reproches dans le regard.
« Mais enfin, que t’est-il passé par ta tête pour régir ainsi ? finit-il par lâcher d’un ton agressif. Es-tu folle ? N’as-tu pas compris que mon père est un monstre ?
—Si, répondit Laura en baissant la tête comme un enfant se faisant punir. Mais…
—Mais quoi ? l’interrompit Alexandre. Tu voulais avoir les mêmes cicatrices que moi ? Ou peut-être mourir sous les coups de fouets de mon père ?
—Excuse-moi. J’ai réagi bêtement et je le reconnais. Je ne le ferai plus. Il ne faut pas se mettre dans de tels états…
—Mais tu ne comprends donc pas ! On dirait que tu le fais exprès. Comment dois-je te le dire pour que ça rentre dans ta tête ?
—Tu n’as rien à me dire ! s’impatienta Laura agacée par tous ces reproches. Ce que je veux, c'est que tu me comprennes ! Mais non, c’est trop dur pour toi ! Crois-tu qu’il n'y ait que toi qui souffre dans cette histoire ? Je te signale que je n’ai rien demandé moi ! Si tu n’étais pas né, je n’aurais jamais été dérangée. Je rêverai d’être encore avec ma famille !
—Pour faire quoi ? Ta vie semblait bien morne avant mon arrivée. Tu as vu tant de nouveauté grâce à moi !
—Comment oses-tu ?! »
Le courroux de Laura prit le contrôle de ses membres et elle s’avança vers Alexandre, fulminante de rage…
CLAC !
Elle le gifla de toute ses forces. Le visage du prince se tourna violemment sur le côté. Il recula en massant sa joue qui rougissait à vue d’œil, stupéfait et sonné. Il partit sans rien dire en claquant la porte de la nouvelle chambre de Laura.
La jeune femme resta immobile pendant quelques secondes. Puis, elle s’effondra en s’agenouillant sur le sol. Des larmes coulèrent le long de ses joues. Mais elle n'était ni triste, ni en colère… Elle était heureuse. « Je lui ai montré de quel bois je me chauffais ! se félicita-t-elle victorieuse. À présent, il va cesser de me prendre pour une enfant. » Elle venait de faire ce qu’elle aurait aimé faire depuis le début. Alexandre lui en voudrait, c’était certain, pourtant cela ne la dérangeait pas. Le prince était en colère, surpris et peut-être malheureux, mais, ça n’était pas une raison pour lui parler de cette manière et elle le lui avait bien fait comprendre par cette gifle.
Soudain, quelqu’un frappa à la porte. Laura se leva et alla ouvrir. Roxy qui revenait de sa découverte du palais se faufila par l’ouverture de la porte et sauta sur le lit. Laura regarda la personne à qui elle avait affaire et crut se trouver face à Alexandre, mais, très vite, elle se rendit compte qu’elle avait une femme devant elle. Ses yeux bruns pétillants pouvaient charmer n’importe quelle personne. Elle avait de longs cheveux bruns qui lui arrivaient à la taille. Cette femme était très fine et plutôt petite. Elle avait un sourire envoûtant et des dents très blanches. Elle aussi portait sur le torse quelques cicatrices causées par le pouvoir de Louis. Elle était le portrait parfait du prince. Ou plutôt, le prince son image. Le regard de la femme se posa sur Laura.
« Bonjour, Laura. Je me nomme Cynthia et je suis la mère d’Alexandre ainsi que la reine d’Étéia.
—B… Bonjour votre majesté, s’inclina Laura intimidée.
—J’ai tout entendu de votre querelle avec mon fils.
—V… Veuillez me pardonner, je ne voulais pas, mais…
—Ne dites rien, Laura, la coupa Cynthia. Cette histoire ne mêle que votre fiancé et vous. Je ne m’immiscerai pas dans vos affaires. Je suis venue pour vous poser une question… »
Cynthia prit la main de Laura et plongea son regard dans le sien. Laura y vit une souffrance que la reine s’efforçait de cacher avec un sourire faussement épanoui. Cette douleur devait être en rapport avec le roi Louis qui semblait être violent avec toute sa famille. D’ici peu, la jeune femme en ferait partie et cela ne la rassurait pas du tout…
« Laura… Êtes-vous sûre de vouloir épouser mon fils Alexandre ? finit-elle par demander. Je sais que vous vous sentez forcée et que vous auriez préféré rester sur Hiveria, mais, Alexandre est une personne de confiance. Il ne vous trahira jamais et vous protègera coûte que coûte. C’est un homme bon vous savez.
—Reine Cynthia, je… Vous me prenez au dépourvu. Mais je sais que même si je ne souhaite pas l’épouser, je n’ai pas le choix. J’ai compris dès le début que ce mariage avait un but précis, je ne sais pas encore lequel, ni le rôle que je dois jouer dans cette histoire, mais la raison principale n’est pas de fonder une famille avec lui.
—À ce que je vois, vous êtes au courant de beaucoup de choses, mais vous saurez tout d’ici quelques jours, le temps que nos invités arrivent.
—Vos invités ? Je ne… »
D’un mouvement de la main, la reine data-p-id=cb1af5590a7a562f729dddacecd45cfe,D’in incita Laura à se taire et lui dit :
« Ne posez plus de questions, à présent. Vous saurez tout en temps et en heure.
—Tr… Très bien votre majesté. »
La reine lui sourit, puis sortit de sa chambre. Laura baissa le regard, pensive. Ne rien savoir la dérangeait et, même si la reine avait l’air plutôt gentille, elle se sentait très seule. Elle aurait voulu que sa mère soit là pour la réconforter. Même la voix chaleureuse d’Alexandre lui disant qu’il la protégerait et qu’il l’aiderait aurait pu lui remonter un peu le moral, mais aller le voir juste après cette humiliation dans l’espoir qu’il la rassure aurait été terriblement déplacé de sa part. Elle ne lui en voulait plus, mais lui, probablement encore. Elle l’avait tout de même giflé et atteint dans sa fierté. Il avait beau être gentil, elle se doutait tout de même qu’il n’allait pas lui pardonner en un claquement de doigts ?
Elle s’assit sur son lit. Roxy dormait en boule dessus et elle la caressa tendrement. Une domestique frappa doucement et ouvrit la porte de la chambre « Décidément, je n’ai jamais de moment de solitude, pensa Laura tout en souriant à la jeune fille ». Elle apportait ses valises. La domestique, voyant que Laura ne lui disait rien, prit la parole en baissant le regard, comme si elle était soumise :
« Mademoiselle Laura ?
—Ou… Oui, je vous écoute ? répondit l’intéressée.
—Je viens pour ranger vos affaires qui sont encore dans vos valises. Puis-je entrer dans vos appartements ?
—Bien sûr. »
La domestique entra et Laura se mit debout. Elle se dirigea vers la jeune fille et lui prit les valises des mains. La domestique parut choquée en recula de quelques pas, avant de masquer son embarra par un poli sourire un peu timide, puis, elle baissa la tête et s’excusa pour son « écart ». Laura ne compris pas l’erreur que celle-ci avait faite mais ne releva pas.
« Madame, ne vous ennuyez pas à faire cela, je vais les ranger moi-même si vous me le permettez.
—Laissez, dit Laura en lui rendant son sourire. »
La domestique parut hésiter, mais n’osa pas insister. Elle hocha la tête et répondit :
« Très bien, madame. Si vous avez besoin d’aide, appelez-moi.
—Merci. Au fait, comment vous appelez-vous ?
—… Je… me nomme Camille, madame.
—Est-ce vous qui vous occuperez de ma chambre ?
—Si madame le veux, bien sûr.
—Eh bien j’en serai ravie. »
Camille n’avait pas l’habitude qu’on lui parle avec tant de gentillesse et d’égalité. Elle ne savait comment réagir et perdit tous ses moyens. Mais elle reprit rapidement une attitude « convenable » et s’inclina respectueusement avant de sortir discrètement de la chambre.
Grâce à son pouvoir de télékinésie, elle rangea ses affaires en un rien de temps. Au moment où elle allait refermer la dernière de ses valises, Laura retrouva le dessin que son petit frère, Romain, lui avait offert la veille de son départ. Une larme coula le long de sa joue. « Ça, c’est toi avec une couronne et une robe de princesse, là, c’est Roxy sur son épaule et ici, c’est Alexandre en prince. » Tels étaient les mots qu’il avait prononcés en lui donnant son dessin. Laura serra la feuille contre son cœur en prenant soin de ne pas la froisser. Elle pleura quelques minutes, puis, se ressaisit et chercha de quoi accrocher son dessin. Après avoir trouvé ce qu'elle cherchait, elle le fixa au-dessus de son lit. Son petit frère n’était pas très bon dessinateur, mais pour Laura, aucun dessin ne valait celui-là. Elle versa quelques larmes, une dernière fois, avant de sortir de sa chambre pour visiter le château.
Le roi Louis devait être très narcissique, car il y avait, au moins trois portraits de lui dans chaque couloir. On voyait rarement des tableaux d’Alexandre ou de la reine Cynthia. Il y avait aussi quelques portraits de personnes que Laura ne connaissait pas. Sans doute ses ministres ou de grands aristocrates très proches de lui, pensa-t-elle.
Dès qu’elle trouvait une porte, elle frappait et entrait sans savoir qu’elle pièce elle allait découvrir. Laura avait visité de nombreuses pièces, plus somptueuses les unes que les autres. Mais, deux d'entre elles la marquèrent énormément. C’étaient les cuisines et la buanderie. Elle y avait vu les domestiques et les majordomes qui s’afféraient à préparer le futur repas avec précaution et précision et d’autres qui s’activaient à nettoyer le linge et le repasser le plus rapidement possible. Ils étaient tous mal-en-point, leurs vêtements étaient sales, certains même déchirés, et leur épuisement était visible par des cernes immenses apparaissant sous leurs yeux. Leurs visages (censés être bronzés par le soleil étéien) étaient presque aussi pâles que la peau de Laura. Ils avaient l’air malades et sur le point de s’évanouir à tout instant. Voir à quel point ils étaient maltraités horrifia Laura. Elle fut tout autant scandalisée par la buanderie qui offrait le même spectacle. De nombreuses lavandières épuisées à en sombrer dans l’inconscience, maigres et maladives. « Comment le roi peut-il être aussi cruel ? se demanda Laura. Il est sans cœur ! Rester insensible à cela est impossible ! »
Laura en ressortit les larmes aux yeux. Elle les sécha et essaya d’oublier ce qu’elle avait vu, même si cela semblait impossible. Elle ressentait le désagréable sensation de ne rien pourvoir faire pour eux. Elle ne pouvait même pas les aider dans leurs tâches ardues puisque si cela venait à se savoir, le roi serait sans doute furieux et elle ne souhaitait pas découvrir l’ampleur de sa puissance. Elle en avait peur.
Laura finit par tomber sur une immense porte en bois avec des dessins d’animaux gravés avec de fins traits en or. Elle savait qu’elle se trouvait devant la porte des appartements d’Alexandre, car celui-ci adorait les animaux. Il le lui avait dit lorsqu’il avait vu Roxy pour la première fois. Laura leva la main pour toquer, mais elle arrêta son geste. « Comment va-t-il réagi ? Je ne peux pas arriver comme si de rien n’était après ce que je lui ai fait. Mais, après tout, c’est de sa faute ! Donc, je vais quand même le faire. » Laura ferma les yeux, inspira et expira. Puis, avec la grâce d’une princesse, elle toqua. Une voix résonna de l’autre côté de la porte :
« Entrez. »
Laura attrapa la poignée en or et la tourna…
Les secondes qui suivirent lui coupèrent le souffle. La chambre d’Alexandre était magnifique. Le carrelage était beige et les murs blancs recouverts d’incroyables dessins dorés représentant les coutours d’animaux : des cerfs, des lions, des tigres, des écureuils… Mais, lorsque ses yeux se déposèrent sur le prince, assit sur un lit à baldaquin tout aussi blanc que le sien, Laura cessa immédiatement d’être émerveillée. Il la dévisageait d’un air méchant, hautain et mélancolique (ce qui n’était pas dans ses habitudes).
Au bout de quelques instants, Alexandre sourit et dit d'une voix différente de celle qu’il avait :
« Eh bien, je vois que tu t’es, enfin, décidée à venir t’excuser.
—Je n’ai aucune excuse à te faire, répondit Laura sans perdre son sang-froid.
—Ah bon ? Alors, qu'es-tu venue faire ici ?
—Je suis venue te dire que tu n’es qu’un idiot qui ne pense qu’à toi et qui essaie de charmer toutes les filles que tu rencontres pour les faire culpabiliser dès qu’elles font quelque chose de mal ou qu’elles te vexent ! Mais ça ne marche pas avec moi ! Je ne m’en veux pas du tout de t’avoir giflé. Au contraire, je me suis sentie libérée d’une prison dans laquelle j’étais enfermée.
—Tu sais bien que c’est faux.
—Pour les filles que tu charmes oui, admis Laura, mais pas pour la gifle. »
Alexandre était surpris. Il croyait connaître Laura et étais sûr qu’elle allait venir s’excuser. Pourtant, elle était différente. Il semblait voir que dans ses beaux yeux verts, une flamme ardente brûlait. La jeune femme et son regard l’intimidaient. Mais, elle fut déstabilisée lorsqu’Alexandre se mit à rire.
« Ah ah ah ! Tu es vraiment incompréhensible !
—Pardon ?
—Tu te contredis toi-même, mais tu ne t’en rends même pas compte !
—Bien sûr que si ! Mais j’avais simplement besoin de t’accuser de quelque chose pour te blesser.
—Tu sais bien que cette technique ne fonctionne pas vraiment sur moi. Tu l’as déjà expérimentée sur Hiveria. »
Laura rougit violement. Elle se sentait idiote.data-p-id=938c99cb36149ae0c76849533100e36b, Alors, malgré sa robe imposante, Laura marcha rapidement vers Alexandre, sa main se refermant. Son poing finit sur le bras du prince qui se protégea du mieux qu’il put.
« Aïe ! Mais, que fais-tu ?
—Je me venge. Tu viens de m’humilier ! répondit Laura en levant son poing pour le frapper une deuxième fois. »
Mais Laura ne lui donna pas de second coup puisqu’elle fut interrompue par un éclat de rire venant d’Alexandre, se cachant toujours de ses bras.
« Je ne t’ai pas humiliée ! Ou en tout cas, ça n’était pas mon intention. Si tu ne me frappe plus, je te pardonnerai pour la gifle monumentale à laquelle j’ai eu le droit. »
La jeune femme baissa son bras et lui sourit comme si rien ne s'était passé. Elle se joignit à son rire et ce fut comme si les deux fiancés semblaient ne jamais s’être querellés.
« Quand j’étais plus jeune, dans mon lycée, les élèves, qu’ils soient plus jeunes ou plus âgés que moi, me surnommaient « la terreur du lycée », raconta-t-elle.
—Pourquoi cela ?
—Parce qu’un jour, un garçon avait tenté de m’embrasser sans mon consentement. J’ai d’abord refusé par les mots, mais comme il insistait, je n’ai plus eu le choix et je l’ai frappé jusqu’au sang.
—Ah oui ? Rien que cela ?
—Eh bien, il est rentré chez lui avec un œil au beurre noir, ainsi que des ecchymoses sur les bras et le visage. Pourtant, c’était une des personnes les plus respectées du lycée. Mais comme je maîtrisais déjà mon pouvoir de télékinésie, il m’a bien aidé, ainsi que mes poings.
—Alors, je devrais m’estimer heureux que tu ne m’aies pas frappé de toutes tes forces ?
—Oui, tu as tout compris.
—Et il vaut mieux que tu sois notre alliée que notre ennemie ? »
Pour le lui prouver, Laura agita ses doigts dans l’air et un vase, posé sur une étagère de la chambre d’Alexandre, se mit à voler juste au-dessus de la tête du prince. Elle lui jeta un regard cruel et supérieur. Il eut des frissons qui lui traversèrent tout le corps.
« Oui, si on me cherche, on me trouve ! répondit-elle en retrouvant son sourire.
—Bon, je ne ferais plus jamais cela si je tiens à ma vie. Maintenant, peux-tu redéposer ce vase. »
Tous deux rirent de bon cœur, puis Laura retourna dans sa nouvelle chambre, heureuse que les tensions entre elle et la seule personne qu’elle connaissait sur cette planète se soient apaisées. Laura s’assit sur un fauteuil avec un sensation étrange. Il lui semblait que quelque chose lui manquait, mais quoi ? Soudain, elle se rendit que compte que c’était Roxy ! Elle avait disparu !
« Mais, ou est-elle passée ? demanda Laura à haute voix, seule dans sa chambre. Elle était rentrée en même temps que la reine Cynthia et s’était couchée sur mon lit ! Elle aurait dû être encore là ! »
Son regard se posa sur la fenêtre de sa chambre, grande ouverte. Laura poussa un long soupir de soulagement. Elle devait simplement être sortit pour visiter les jardins. Elle chercha tout de même partout dans sa chambre. La jeune femme avait le sentiment désagréable que quelque chose allait arriver à son petit animal de compagnie qu’elle chérissait tant…