Malgré les cours et les examens, Lucie et moi faisions énormément de sorties. Elle était devenue comme une sœur pour moi. Quant à Madeleine, je ne la voyais presque plus du tout à la maison. Elle m’écrivait et m’appelait de temps en temps, mais je ne voulais plus rien avoir à faire avec elle. Un jour même, elle me confronta pour savoir ce qu’il se passait, mais je l’ignorai avec la plus grande des répugnances. Lucie était plus qu’une simple amie, plus qu’une simple meilleure amie — je la considérais comme ma seule et vraie sœur.
Quand j’étais avec elle, je sentais pleinement la liberté et le bonheur. Grâce à elle, malgré mes crises, je me sentais capable de faire ce que je voulais. Par exemple, elle m’apprit comment voler dans les magasins. Au début, j’étais particulièrement réticente, mais elle me persuada et depuis, cela devint une habitude. Parfois, on faisait des sorties uniquement pour cela. On volait de tout : des biscuits, des bonbons, des vêtements, etc. À chaque fois, c’était des fous rires sur fous rires. Toutefois, quand je repensai à ce que je faisais, j’avais une crise : ma poitrine brûlait, mon cœur gonflait, ma respiration devenait saccadée. Dieu résistait encore : il fallait que je frappe plus fort.
Cette fois-ci, je pris l’initiative moi-même : je voulais me venger du Père du Mellier. Quand j’en parlai avec Lucie, elle esquissa un large sourire et me fit un doux câlin. « Laisse-moi tout préparer », me dit-elle tendrement. Quelques jours plus tard, environ une semaine, elle revint me voir et m’expliqua de nombreuses choses.
— Ok du coup, le mec là, du Mellier, avec les double des clefs que tu m’as remis, j’ai pu demander à quelques-uns de mes contacts de régulièrement le suivre pour prendre en photo et filmer ses très nombreux écarts pas très catholiques ! Là, on a plus d’une dizaines de dossiers compromettants, où on voit plus d’une dizaines de femmes différentes. Oh la la ! Ça va être un scandale !
Aussitôt qu’elle finit, je lui sautai au cou pour l'enlacer de toutes mes forces. Grâce à Lucie, j’allais enfin pouvoir prendre ma revanche sur ce prêtre défroqué. Mais avant, il fallait impérativement que je parle avec ma grand sœur.
Depuis l’accident, elle jonglait entre église, hôpital et — rarement — maison. Ce jour-là, elle se trouvait à la maison, donc je m’y rendis.
— Oh Marie ! J’suis trop contente de te revoir, j’ai une bonne nouvelle ! me dit-elle. Zacharie va pouvoir rentrer à la maison, il est quasiment rétabli !
— Enlève tes sales pattes de moi, dis-je sèchement
— Quoi ? Mais qu’est-ce qui t’arrive Marie ? T’as changé depuis. Tu as jeté toutes tes affaires religieuses, tu te comportes différemment. C’est l’accident et la mort de maman qui te met dans cet état ? Ne t’en fais pas, il faut garder espoir en notre Seigneur !
— « Garder espoir en notre Seigneur » ? Tu n’es rien de plus qu’une hypocrite. Tu penses que je ne sais pas ? Le soir de l’accident, toi t’étais en train de te faire soulever comme une pute par ce connard de Père du Mellier, et c’était pas la première fois apparement ! Ça se dit religieuse mais ça hésite pas à se faire poutrer par un « saint homme » dans une église un jour saint hein ! T’étais un modèle pour moi, c’était un modèle pour moi ! Mais vous m’avez trahie, tout comme Dieu-là m’a trahie ! Jamais je ne vous pardonnerai, et à mes yeux, tu n’es rien de plus qu’une étrangère ! Ma vraie sœur à moi, c’est Lucie. Elle au moins ne m’a pas abandonnée ni trompée ! J’te conseille de retourner rapidement chez ton du Mellier pour t’faire péter l’cul une dernière fois comme une pute, car c’est un homme mort lui ! Et m’appelle plus jamais Marie. Maintenant, c’est Juliette.
Sur ces mots, je m’en allai en claquant la porte, la laissant s’effondrer en larmes sur le sol de la cuisine. Je me sentais pousser des ailes, mais en même temps, mon cœur me faisait affreusement mal. Tant pis : il fallait que je tienne le coup malgré tout.
Lucie m’attendait en-bas. Nous nous échangeâmes un câlin, puis je pris son téléphone pour publier partout où on le pouvait les vidéos et photos qui dévoilent le Père du Mellier. J’étais à la fois apaisée et anxieuse : ce monstre allait avoir ce qu’il méritait, surtout qu’il y avait parmi ses nombreuses conquêtes beaucoup de femmes de bonne famille.
Quelques heures seulement plus tard, les vidéos avaient fait le tour. Le Père du Mellier était devenu la risée de France et une énième honte pour l’Église catholique. Plusieurs hordes d’élites et de médias s’abattirent sur lui comme un éclair dans un orage. Il recevait des menaces de morts et ne pouvait plus sortir de chez lui. Puis, à un moment, il se suicida chez lui.
Il n’avait rien laissé d’autres qu’une lettre qu’il voulait qu’elle soit impérativement rendue publique. Dans celle-ci, il révéla qu’il n’avait jamais vraiment cru en Dieu, et qu’il n’était devenu prêtre que pour pouvoir séduire innocemment des « brebis ». Il remerciait l’Église de lui avoir permis de se servir d’elle pour pouvoir assouvir ses désirs charnels avec autant de femmes. Dans cette lettre, il dévoila aussi tout : il révéla le nom de toutes ses amantes, dont celui de ma sœur Madeleine. Il y justifiait aussi sa mort en disant qu’étant donné que son subterfuge avait été révélé au grand jour, il n’avait plus aucune autre raison de continuer à vivre. Il termina sa lettre ainsi : « En somme, si on voulait être totalement objectif, je n’avais rien fait d’autres qu’imiter le vénérable pape Alexandre VI ».
Face à tous ces événements, je commençai à ressentir des craintes pour ma sœur. Sans savoir pourquoi, je l’appelai à répétition. Elle était et demeurait introuvable. Je paniquais pour elle, car après tout, malgré sa trahison, mon cœur me disait qu’elle restait tout de même ma sœur.
Après quelques heures de recherche, je finis par la retrouver. Elle était chez nous, à la maison, dans son lit, une Bible tout près de son cœur, et des traces de pleurs sur le visage. Elle était froide, elle était pâle : elle était morte. De la mousse sortait de sa bouche. De toute évidence, elle, aussi, s’était donnée la mort. Je passai la nuit à pleurer sur son chevet, et à lui demander pardon. J’ignorais que mes actions auraient eu de tels effets. Le Père du Mellier et ma sœur étaient morts, et le paysage médiatique était en feu.
Heureusement, Lucie vint me réconforter. Elle savait toujours les bons mots à dire. J’avais mal, horriblement mal, mais Lucie était là pour moi. « Maintenant, il faut qu’on achève définitivement ce Dieu qui survit encore en toi. Demain, y’a école, donc on va aller se coucher, on va passer une bonne soirée, puis quand viendra dimanche, ce sera ton jour à toi, je te le promets Juliette. Aie confiance en moi. Suis-moi, et tu ne connaîtras plus jamais ni douleur ni servitude, c’est pas ça que je t’avais promis ? ».
Ma face était toute rouge, mes yeux remplis de larmes, et ma tête ne cessait de tourner. Toutefois, grâce à Lucie, je réussissais à tenir le coup. Elle me fit comprendre une vérité aussi claire que de l’eau de roche : Madeleine était peut-être morte à cause de moi, mais le véritable responsable n’était nul autre que Dieu, car c’est parce qu’elle s’était consacrée à Lui qu’elle n’avait pas pu assouvir ses désirs charnels. Ce Dieu-là créait en les Hommes du refoulement et du ressentiment : le véritable coupable, ce n’était pas moi, mais c’était Dieu — louée soit Lucie pour me l’avoir révélé.
À cause de Lui, ma sœur était broyée par la culpabilité. Madeleine aimait Dieu, mais elle L’avait bafoué. Madeleine aimait un homme, mais elle en avait honte. Madeleine m’aimait moi, mais elle m’avait perdue. C’était pour cela qu’elle s’était donnée la mort : ses regrets et ses remords, engendrés par sa foi en Dieu, l’avaient brutalement assassiné. Moi, je ne voulais pas finir comme elle : grâce à Lucie, j’allais réussir à renverser la donne et brutalement assassiné cette foi en Dieu qui subsistait — voilà ma certitude à moi.
J'espère qu'elle verra bientôt la fin de se tunnel noir !
Sinon toujours même remarque ; j'aime trop l'histoire !