Chapitre 7

Quatre personnes ont disparu : Vanille, Chuanli, Shadow, et quelqu’un que je ne connais pas, nommé Naos. Je n’avais jamais été inquiète pour quelqu’un auparavant, mais il faut dire que je n’avais jamais “fréquenté” d’autres personnes que feu mon frère avant d’arriver ici. Je n’ai jamais eu d’ami, encore moi de mon âge. Est-ce que je peux considèrer que Vanille, Skye ou même Chuanli sont mes amis ? Je ne sais pas ce qu’est un ami.

Vesper a préparé une équipe pour partir à leur recherche. Bien sûr, il en fait partie, et moi aussi, puisque Vanille est sous ma responsabilité. Il y a aussi Rhéa, la sœur de Naos, et Elios, un humanoïde aux gènes de loup-garou à l’odorat bien plus développé que les humains normaux. Plus je fais la connaissance des personnes de l’entrepôt, plus je me demande pourquoi Vesper accueille autant d’humanoïdes s' il fait du trafic dans ce domaine là. Cet homme est un mystère.

Cassandre nous a fourni des armes qu’elle appelle “pistolets”, qui tirent des projectiles en leur donnant de la vitesse. Apparemment, un projectile bien visé peut être mortel. J’espère que je vais réussir à utiliser cette arme que je connais pas. J’ai quand même pris ma fidèle dague, au cas où.

Cette situation est vraiment étrange. C’est vraiment improbable que quelqu’un soit entré dans l’entrepôt et que cette personne ait kidnappé quatre personnes sans laisser de traces. De toute façon, Vanille a disparu, la seule chose qui compte est de la retrouver. Vesper et Cassandre ont retrouvé des traces de ce qu’ils ont appelé magie noire dans l’entrepôt. Moi je n’y connais rien en magie, alors je les laisse se débrouiller. Je suis plus douée en combat.

Je n’arrive pas à tenir en place ; je fais les cent pas. Rhéa, Elios et moi patientont dans le petit hall d’entrée de l’entrepôt, le temps que Vesper arrive et qu’on puisse partir à la recherche des disparus. Je pourrai enfin sortir !

Nerveuse, je tire sur la manche de ma veste. Cassandre nous a également fourni des tenues plus résistantes, en cas de combat, mais la mienne est un peu trop serrée à mon goût.

Je porte un haut bleu-gris à manches longues, un pantalon moulant noir, un pull à capuche blanc, des bottines et une ceinture en cuir et pour finir, une paire de mitaines noires. Je ne sais pas si c’est voulu, mais le pull est légèrement trop court. Je peux accrocher plusieurs armes à ma ceinture, donc j’ai juste pris ma dague et ma nouvelle arme, mon pistolet. C’est inutile de prendre ma sacoche, ça ne ferait que m’encombrer.

Personne ne parle. Rhéa est assise sur le sol, le dos contre un mur. Elle a le visage enfoui entre ses bras croisés. Elios, quant à lui, aguise et nettoie un magnifique sabre où sont gravés des motifs de vagues.

– Tu es Nausicaa, c’est bien ça ? demande l’humanoîde loup-garou. La nouvelle qui est arrivée il y a quelques jours ? Moi c’est Elios, enchanté.

– Moi de même.

Je lui sers la main et remarque ses griffes aiguisées.

– Tu trouves cela bizarre ? Je veux dire, mon apparence, dit-il.

– Non, pas du tout. Je n’ai juste jamais vu quelqu’un avec des griffes et des oreilles de loup, j’explique.

Gêné, Elios passe la main sur ses oreilles grises, de la même couleur que ses cheveux. 

Vesper arrive peu de temps après, méconnaissable dans sa longue cape noire.

– Nous pouvons y aller. Vous êtes prêts ?

Elios range son sabre dans son fourreau, Rhéa se lève et je les suis. C’est parti !

Nous sommes sortis, moi pour la première fois depuis plus d’une semaine. Respirer l’air frais nocturne me fait un immense bien, mais je me rend rapidement compte que quelque chose cloche.

– Pourquoi c’est si silencieux ? je murmure en regardant la ville et les rues autour de moi.

Il n’y a aucune lumière nulle part, les rues sont vides, nous ne croisons personne alors qu’il fait jour.

Nous fouillons le marché noir, qui est désert, les alentours de la Guilde des mercenaires, qui sont désertes également. Nous passons devant la zone ayant explosé, qui n’est désormais plus qu’un champ de ruine.

– Suite à cette explosion dans le secteur nord de Selka, les habitants de la ville ont pris peur et ont presque tous quitté la ville, m’explique Rhéa de sa voix douce et effacée. Actuellement, il ne reste qu’un quart de la population. Tout le monde craint une nouvelle explosion.

Je comprends. Moi aussi, j’aurais fuit à la place de tous ces gens. Mais malheureusement, ça m’est impossible pour l’instant. 

Nous continuons notre recherche, aidés du flair surpuissant d’Elios, qui lui permet de sentir la magie. 

Au bout d’un moment, il détecte une odeur de magie noire.

– Nous sommes sur la bonne piste, affirme-t-il.

– Continuons, répond Vesper.

Nous suivons l’humanoïde loup-garou jusqu’à un vieux bâtiment abandonné au milieu du champ de ruine qu’est devenu le secteur nord. Impossible de reconnaître mon ancienne maison, mais je sais qu’elle fait partie de ces nombreux débris.

Il fait encore plus sombre ici que dans les couloirs de l’entrepôt. Le bâtiment n’a pas de fenêtre, et la lumière qui émane du cadre de la porte peine à éclarer les lieux. L’obscurité alentour ne n’inspire pas confiance. Je n’ai pas peur des endroits sombres en temps normal, mais j’ai j’ai un mauvais pressentiment, comme d’habitude. soit je me méfie trop, soit les autres ne sont pas assez méfiants.

Je jette un coup d'œil à mes camarades et je remarque que Elios a les oreilles couchées en arrière, et ce n’est sûrement pas un bon présage.

– Ne faites plus de bruits, nous intime Vesper.

Soudainement, des bougies s’allument tout autour de nous, formant un cercle lumineux dont nous sommes le centre.

Je peux maintenant décrire la pièce. Quatre piliers soutiennent le plafond. A trois de ces piliers sont ligottées des personnes, les disparus. Le dernier pilier est vide. Devant nous, hors du cercle de bougies, se tient une personne, dont je reconnais la silhouette. C’est Shadow. Donc c’est lui qui a enlevé Vanille, Chaunli et Naos ? J’ai eu raison de me méfier, apparemment.

Vesper reste de marbre.

– Pourquoi t’as fait ça, Shadow ? s’écrie Rhéa.

Shadow nous observe de ses yeux sombres.

– Répond ! s’agace la jeune femme.

Elle ne cesse de jeter des coups d'œil à l’un des disparus, Naos, qui est donc son frère. Shadow l’ignore et tourne son regard perçant vers moi.

– Toi, Nausicaa… Je voulais t’attirer ici.

Rhéa me regarde d’une façon étrange. Elle semble penser que c’est ma faute, maintenant. Vesper, lui, est toujours aussi calme.

– Tu voulais attirer Nausicaa ici ? répète-t-il d’une voix plate. Et serait-ce possible de savoir pourquoi ?

Shadow ricane. Je me retiens d’aller défaire les liens de Vanille et Chuanli. Des sortes de personnes faites d’ombre les empêchent de bouger en plaquand une lame contre leur gorge. Le moindre mouvement de ma part pourrait être considéré comme une menace.

Shadow me regarde maintenant avec un regard de défi.

– Affronte-moi en combat, Nausicaa.

Je ne sais pas comment réagir. Il a vraiment fait tout ça juste pour me défier en combat ?

– …Si tu voulais affronter Nausicaa, tu pouvais tout simplement lui demander, non ? soulève Vesper.

Shadow lui rit au nez.

– Ne vas pas croire qu'affronter Nausicaa est mon seul but ! De toute façon, ce qui est fait est fait.

Rhéa semble à deux doigts de lui sauter au cou. Je pousse un profond soupir.

– Eh bien, commençons ce combat, alors. Comme ça, tout le monde a ce qu’il veut : tu as ton affrontement et nous, nous pouvons repartir avec nos camarades. Ça te va ?

Vesper se tourne vers moi, interloqué. Il veut dire quelque chose, mais Shadow le devance.

- Décidément, tu me plais bien ! Sache cependant que tu me devras une chose en échange de la libération de tes amis.

– Qu’est-ce que tu veux dire par là ? je demande.

– On va faire un pari, d’accord ? Si tu gagnes, je libère tes camarades ; à l’inverse, si je gagne, tu me donneras ton âme.

– Mon âme ? je répète dans un murmure.

C’est ça, le but de Shadow ? Prendre mon âme… Cela revient à me tuer, pas vrai ? Heureusement, je n’ai pas peur de la mort.

– Ça marche, je souffle.

Vesper me foudroie du regard.

– Tu es folle ? me chuchote-t-il. Tu ne connais pas la puissance de Shadow? Tu ne sais pas de quoi il est capable ! Tu vas perdre ce combat, et on va tous mourir par ta faute.

Il semble craindre la puissance de Shadow. Je devine que la magie noire que Elios a sentie est celle de mon nouvel adversaire. C’est sûrement lui qui a créé ces ombres qui retiennent attachés Vanille, Chuanli et Naos. Ce qui veut dire qu’il est un mage. Je n’ai jamais affronté de mage, mais j’imagine qu’il faut une première fois à tout…

– Tu ne devrais pas me sous-estimer, Vesper, je rétorque.

– Bon… Récapitulons les conditions du combat, annonce mon adversaire.. Le premier qui perd est le premier qui sort du cercle ou le premier qui meurt. Si je gagne, tu me donnes ton âme et si je perds, je libère tes amis et je vous laisse tous partir sans problème. 

Je hoche la tête. Shadow claque des doigts et aussitôt, les ombres se rassemblent et forment un cercle autour du mage. Vesper, Rhéa et Elios reculent, tandis que je m’approche de mon adversaire et pénètre dans le cercle d’ombre, qui se referme sur moi, formant un dôme obscur. Il n’y pas de cercle, en fait. Le seul moyen pour moi de gagner est de le tuer, mais ce n’est pas un problème. Ce n’est pas la première fois que je tue.

A cette pensée, un demi-sourire naît sur mon visage.

Le combat peut commencer.

Je dégaine ma dague. Shadow invoque de nouvelles ombres. D’après ce que je sais sur les stratégies de combat des mages, ils se battent à distance et utilisent leur magie pour se protéger derrière. Ce sont des lâches !

Shadow, cependant, ne semble pas se battre de la même manière. Grâce à une étrange incantation, il se fabrique une épée courbée faite d’ombre. Parfait ! Tu veux qu’on s’affronte au corps à corps ? Tant mieux, c’est mon domaine de prédilection.

Je prends une grande inspiration, puis m’élance vers mon adversaire. Je fais un premier mouvement avec ma dague, puis un deuxième, puis un troisième. Il esquive les deux premiers, mais le troisième le touche au visage, lui laissant une légère eraflure sur la joue. J’essaye de lui faire un croche-pied, mais ma tentative échoue. Shadow me frappe et me plaque à terre. Il me bloque les bras pour m'empêcher de bouger, mais je me retourne sur le dos et le rejette plus loin. Sans lui laisser le temps de réagir, je me précipite et lui enfonce ma dague dans l’épaule. C’est à mon tour de le bloquer à terre, maintenant. Il se débat et invoque des ombres pour me repousser, mais ça ne marche pas. Il me frappe au ventre de ses deux pieds joints et m’envoie rouler dans la poussière un peu plus loin. Étourdie par le choc, je me relève juste à temps avant qu’une ombre ne m’attrape. Je bondis sur le côté. 

Je dégaine mon pistolet et le brandis vers mon adversaire. D'après Cassandre, il faut viser puis tirer en appuyant sur la "détente", un petit bouton situé sur le manche de l'arme. Elle a également dit de faire attention au recul.

Je tire une première fois. Je rate ma cible. Je réessaye une deuxième fois ; encore raté mais j'ai mieux visé, cette fois-ci. Je pense cependant qu'il vaut mieux que je continue de me battre avec ma dague, une arme que j'ai l'habitude d'utiliser.

Shadow lève le bras droit et des ombres jaillissent de terre. Je les esquive assez facilement. Je m'élance sur mon adversaire et effectue un enchaînement d'attaques rapides. Je parviens à blesser le mage au flanc. Nous échangeons une série de coups. Chacun parvient à parer les attaques de l'autre. À ce rythme-là, on va en avoir pour un long moment…

Shadow réussit à m'immobiliser grâce à sa magie noire, puis m'envoie rebondir contre la paroi du dôme. Mon bras se tord dans un angle pas vraiment naturel. Je grogne de douleur.

Je me dirige lentement vers le chemin de la défaite, et je n'aime pas trop ça…

Je reprends mon pistolet et tente à nouveau de toucher Shadow avec. Cette fois, je vise assez bien pour lui blesser la jambe. Soudain, mon adversaire se jette sur moi et m'agrippe le cou, l'air furieux. Il essaie de m'étrangler ! Je me débats et le frappe, mais la tête me tourne, je suffoque…

Je sens une énergie me brûler de l'intérieur, une énergie m'empêchant de mourir. L'énergie du désespoir, peut-être ? Une flamme semble grandir en moi, entourant mon corps de sa chaleur protectrice. Habitée par une force nouvelle, je me débats de plus belle.

Tout mon corps me brûle. Shadow me relâche, une expression interloquée sur le visage. Il regarde ses mains, qui sont rouge vif. Cette flamme en moi l'a brûlé ! Je le repousse et me relève agilement. Je tends la main vers ma dague, mais la lame fond dès que je la frôle. Interdite, je fixe ma main. Elle est entourée d'une flamme…

Shadow ne me laisse pas le temps de trouver une explication à tout cela. Il fait jaillir des centaines de pics sombres du sol.

Brûle-le... Brûle-le..., souffle une voix dans mon esprit, une voix qui ressemble étrangement à la mienne, mais qui ne l'est pas totalement.

Ce n'est pas moi qui a pensé ça !

J'esquive la plupart des attaques de mon adversaire, mais certaines me touchent. Puisque que je n'ai plus d'arme, je tente le tout pour le tout. Je me propulse vers le mage.

Maintenant.

Je le frappe dans le ventre.

Une puissante déflagration retentit. Shadow est propulsé contre la paroi du dôme, qui se brise sous la puissance de mon coup. Hagarde, je regarde autour de moi. 

Tu as gagné.

Une violente migraine me prend. Ma vision se trouble et je m'effondre au sol.