Chapitre 7

Par Yvane_

Se frayant un chemin dans les rues bondées de la capitale, capuches rabattues sur la tête, Keïrah et le Sergent essayaient de passer à travers la foule sans se faire remarquer par les gardes.

La jeune fille était plongée dans ses pensées. L’ALR avait insisté pour connaître son passé, mais elle ne connaissait toujours pas le prénom du jeune homme. Elle avait la désagréable impression de s’être faite menée en bateau. Mais elle avait des choses plus importantes à penser pour l’instant, comme ne pas se prendre un passant dans la tête.

Elle entendit le Sergent ruminer.

-Dites-moi, commença-t-elle, savez-vous pourquoi y a-t-il autant de monde dans les rues aujourd’hui ?

-Il doit sûrement y avoir un grand marché ou quelque chose du genre, lui répondit-il.

-Pourtant, nous sommes mardi, et le marché est vendredi… rétorqua-t-elle.

-Effectivement, marmonna-t-il.

Trop occupés par les civils autour d’eux, leur discussion s’arrêta là. Une femme dans la foule les interpella :

-Le château, c’est dans l’autre sens ! Dépêchez-vous, ça commence à dix heure pile !

C’est vrai qu’en y faisant attention, tout le monde allait dans le sens inverse de là où se dirigeaient Nash et Keïrah.

-Il doit y avoir un spectacle sur la place du château, dit la jeune fille.

-Dans ce cas, pourquoi les sorties de la ville seraient bloquées ?

Des dizaines de gardes étaient alignés devant les grandes portes dorées de la capitale. Les grandes lances qu’ils portaient dissuadaient quiconque voulait s’échapper.

-Je vais aller les voir, dit l’Agent.

Elle le vit aller à leur rencontre. Une discussion animée s’engagea, interrompue de quelques éclats de rire. Après une ou deux minutes, il revint vers elle, un air grave plaqué sur le visage. Il lui prit le bras et l’attira derrière une charrette abandonnée, à l’abri des regards.

-Un discours du roi, dit-il. Et bien sûr, tous les citoyens doivent y assister, donc ils bloquent les sorties. Moi qui pensais qu’on aurait pu fuir rapidement…

-En quoi c’est si grave ? C’est juste le temps d’un discours ! En plus, personne ne m’a reconnue, il n’y a pas de…

-Mais tu ne comprends pas ! cria-t-il. S’il y a le roi, lui y sera aussi…

Keïrah ne comprenait pas. Il lui cachait beaucoup trop de choses, elle le savait.

-J’en ai marre ! s’emporta-t-elle. De qui parles-tu ? Vu qu’apparemment il voulait la tutoyer, elle lui rendait la pareille. Tu me dis que je ne comprends pas mais tu ne m’expliques rien ! Je ne connais même pas ton prénom !

Le Sergent se figea, ne s’attendant pas à cette réaction. Tant pis, il aurait bien dû lui dire à un moment.

-Nash, chuchota-t-il. Je m’appelle Nash.

Et d’un. Mais Keïrah voulait en savoir plus.

-Comment connaissais-tu la chanson que tu chantais hier au pied de l’arbre ?

-Une berceuse de ma mère, répondit-il dans un souffle.

-Qui est la personne qui d’après toi sera avec le roi tout à l’heure ?

Après une hésitation, il répondit :

-Ça, il vaut mieux que tu le découvres par toi-même… Tu viens ?

Ils se dirigèrent tous deux dans le sens  inverse, aussi vite que le leur permettait la foule.

Arrivés sur la place royale, ils étaient à bout de souffle. Le château était toujours aussi impressionnant. Les tours blanches affublées de leurs symboliques dômes bleus, offraient sûrement une vue imprenable sur Anquïa. La porte en bois de la plus basse des tours était grande ouverte, donnant sur un balcon majestueux. Les rambardes en marbres étaient parsemées de dorures, représentant les armoiries du Royaume : une couronne entremêlée de fleurs de lune, censées représenter la pureté. Des bleuets – espoir, délicatesse et raffinement - parcouraient la petite terrasse, ainsi que des narcisses – égoïsme et retour du beau temps- et des fleurs de lys – puissance.

Keïrah sentit son cœur faire un salto dans sa poitrine. Elle passait devant l’édifice chaque jour en allant travailler, mais à chaque fois, ce sentiment de familiarité vibrait en elle.

Nash, lui, était tendu. Il avait tellement peur que Keïrah reconnaisse l’homme dont il n’avait pas voulu lui dévoiler l’identité. Grand conseiller du roi, Président du Conseil, Chef de la Garde Royale… Cet homme, Nash l’avait admiré pendant des années, jusqu’au jour de ses treize ans. Son père – car c’était bien lui – lui avait alors transmis son secret. Le jeune homme avait alors juré de ne jamais le révéler. Il pensait de toute façon ne jamais avoir le courage de trahir cette promesse, jusqu’au jour où il avait rencontré Keïrah, et où ils avaient eu cette vision. Il avait directement su qui elle était. Et alors, toute son existence avait été remise en jeu. Il avait compris ce rêve étrange. Et il y prendrait part, ce qui signifierait trahir son père. Mais, au point où il en était, il n’avait plus grand-chose à perdre.

Le fil de ses pensées fut interrompu par le son des trompettes royales, annonçant l’arrivée du monarque.

On vit alors un homme grand et fort sortir par la porte sur le balcon. Le roi Talios.

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