Dans le confort relatif et la climatisation du Starbuck, ils n’arrivaient plus à parler. Ce fut Roxanne qui proposa d’y aller, et les deux autres acceptèrent. Callinoé remercia intérieurement sa sœur, il était rarement décisionnaire — partir, choisir un bar ou un café, orienter une ballade vers un endroit ou un autre — de peur de s’imposer.
Paul marchant devant, il trouva la main de sa petite sœur qu’il serra brièvement. Elle lui sourit et l’embrassa. Apolline, qui leur tenait la porte, saisit cette image et une expression à la fois douce et chagrine glissa sur ses traits anguleux. Dans une impulsion toute affectueuse, Roxanne lui fit la bise à son tour.
Il faisait bon dehors, le soleil ne brûlait pas encore, un léger vent soufflait dans les cous. Ç’avait beau être une aire d’autoroute, avec son odeur de pot d’échappement, son brouhaha de familles nombreuses et le grondement de voitures, ils ne se remirent pas immédiatement en route. Marcher semblait s’être imposé à eux sans qu’ils n’aient recours aux mots.
Ce fut Roxanne — une fois de plus — qui brisa le silence. Ils piétinaient l’herbe rase et jaunies qui se voulait trace de verdure dans un environnement goudronné.
— Tu te sens mieux, Paul ?
L’intéressée croisa les bras dans son dos. Son pas s’était assoupli depuis le Starbuck, ses longues jambes paraissaient contenir des ressorts.
— Oui, finit-elle pas répondre. Désolée, son histoire m’a remué.
— Tu n’as pas à t’excuser, assura Callinoé. Moi aussi ça m’a touché.
Pas au point de pleurer, cependant. Il se demandait si Paul n’avait pas traversé une situation semblable dans sa vie. Une perte ou une rupture brutale.
Les suppositions avaient eu le temps de se multiplier comme du chiendent dans l’esprit de Callinoé, mais il ne se permettrait pas de le lui en faire part. C’était à Paul d’en parler, si elle le souhaitait. Et si elle avait réellement traversé ce genre d’expérience. Peut-être était-elle juste très empathique ?
— Son histoire donnait envie de vivre pleinement, non ? lança Roxanne. Tu sais Callie, c’est le genre de pensée que j’ai eu après l’enterrement de Papy Del, le besoin de saisir l’instant présent, tu vois ?
— Carpe Diem, philosopha Paul en levant le nez vers le ciel clair.
— Je vois parfaitement, dit-il. C’est exactement ce que je me suis dit aussi.
Ses projets lui pincèrent le cœur d’appréhension et, comme si elle avait lu dans ses pensées, sa petite sœur souffla avec malice :
— Donc… tu vas parler à Camille dès qu’on rentre ?
— Oho, chantonna Paul en le regardant avec douceur. Ton crush s’appelle donc Camille ?
— Est-on obligé de parler de ça ? demanda Callinoé en sentant le rouge lui monter aux joues.
C’était un demi-mensonge. Ça le gênait et, en même temps, il voulait que ses proches sachent. Il voulait partager ce qui avait commencé comme un coup de cœur et qui s’était mué, au fil des trajets en bus, comme un réel sentiment amoureux.
— Non, bien sûr. On n’est pas obligé.
Et comme si cette phrase avait servi de déclencheur, Callinoé parla de Camille. D’abord avec prudence, puis avec le besoin de se confier, fixant ses chaussures et le cœur battant dans sa gorge.
Au fond, il ne savait presque rien. S’il en avait fait une liste, ça n’aurait pas noirci beaucoup de lignes. Mais il se révéla avoir des choses à dire sur sa voix, ses cheveux clairs, son sourire et son rire. À force de détails il révéla — même à lui-même — qu’il avait observé ses mains, ses vêtements et les traits de son visage. Il avait vu la lumière du soleil caresser les côtés de sa figure, index lumineux sur le tracé de sa mâchoire, étincelle dans ses yeux dont il ignorait la réelle couleur.
Ce faisant, il éprouva un manque douloureux. Au fond de sa trachée se resserra un nœud qui vit vibrer une corde qui descendait dans tout son corps. Il aurait tellement voulu, en cette seconde, se trouver dans son bus habituel.
Il éprouva l’envie pressante de lui parler, enfin. Mais il savait que, quand l’occasion se présenterait, il serait pétrifié de gêne.
— Promets-moi que tu lui adresseras la parole, lança Paul quand il se tut.
Elle semblait si grave, si concernée, qu’il répondit immédiatement :
— Promis.
Je dévore ton histoire avec toujours autant de plaisir. En plus d'avoir un titre magique, elle est magique en elle-seule, en fait. Moi, je trouve que "Demain sera grandiose" me fait du bien, c'est comme un chat, un bol de chocolat chaud ou un plaid tout doux : ce roman est extrêmement réconfortant. Tout en douceur et fluidité, en éclats de rire et dialogues d'un absolu naturel, nous suivons gaiement les aventures de Paul, Callinoé et Roxanne, des personnages super attachants, aussi. J'ai appris à les connaître au fil des pages et pour le moment, je suis vraiment charmée par l'énigmatique Apolline, le solitaire Callinoé et l'honnête et très franche Roxanne. Ils me plaisent tout trois avec leurs qualités comme avec leurs défauts <3
Tu as su les rendre humains, et c'est magnifique <3
Je suis seulement déçue de ne pas avoir découvert cette histoire avant les Histoires d'Or. Dans l'autre cas, je me serais certainement empressée de la soumettre dans une jolie catégorie...
Voilà, je passais juste en coup de vent x)
Puisse ta plume éclabousser le monde de sourires béats !
Pluma.
J'écris un peu de la bouse en ce moment, alors lire ça me fait chaud au coeur, t'imagines pas !
Mille mercis, Pluma ♥
Sinon, toujours aussi agréable de voir ces trois-là apprendre à se connaître, profiter de l'instant présent. A la lecture, j'ai vraiment envie de faire la même chose.
Je suis actuellement en plein dilemme quant à continuer de suite ou pas. D'un côté, j'ai peur que tu fasses une attaque quand tu verras que tu as sept notifications grâce/à cause de moi. Et j'ai bien envie de continuer. De l'autre, je me dis qu'une petite pause serait sympa pour encore plus apprécier la partie 4 et profiter davantage, créer de l'attente, tout ça. Suspense, donc...
Petite interrogation :
Au fond de sa trachée se resserra un nœud qui vit vibrer une corde qui descendait dans tout son corps. --> "fit" ou "vit"... je ne sais pas ce que tu voulais dire au départ mais j'aurai davantage vu "fit" personnellement.
A bientôt !
Je suis d'accord : c'est une promesse risquée. Typiquement c'est le genre de promesse que j'aurais envie de faire en me disant "ça va te donner le courage", mais dans les faits c'est pas dit que ça fonctionne ahaha
Je veux un happy end où tout le monde est heureux, tout ça. :D
j'ai beaucoup aimé la manière dont Calli parle de Camille ! c'était beau <3!
Paul est plus fragile qu'elle en a l'air... et peut-être aussi plus forte ! j'ai vraiment hate que ce perso se livre un peu plus, elle est très mystérieuse !
Merci pour ta lecture Sorryf !
Détails
l’herbe rase et jaunies : jaunie
orienter une ballade : balade
D’abord avec prudence, puis avec le besoin de se confier, fixant ses chaussures et le cœur battant dans sa gorge : ces deux participe présents, c’est un peu moche. Les yeux sur ses chaussures ?
<3
Bon, ado, j'ai eu un coup de cœur pour un garçon inconnu qui prenait le même train que moi... Mais j'avais 14 ans :p
Et lui, il n'en a jamais rien su !
Paul, Paul, Paul... que nous caches-tu ?
Tu penses qu'il devrait la/le connaître au moins un peu ? Le/la voir dans une situation particulière, au moins ?
J'y réfléchi, j'y réfléchi ! è_é
Mais cela en dit long sur Callinoé, qui reste (s'enferme ?) dans les rêves plutôt que dans la réalité. Il fantasme une relation sur un fantasme en quelque sorte, difficile de faire moins tangible.
Et la confrontation avec la "vraie vie" peut être croustillante et pleines de possibles.
Eh oui pas de mec louche en fin de compte, mais moi j'aime bien que tu sois méfiante, ça me permet de voir les chemins que j'aurais pu emprunter :)
hehe qui sait ?
Merci Keina !