Eleanor se battit quelques instants contre l’envie de faire volte-face avec Isobel. Ses bonnes manières finirent par reprendre le dessus et la poussèrent en direction de l’homme, qui promenait un adorable pitbull roux dans l’herbe devant sa maison. Elle le vit fourrer les mains dans les poches de son pantalon puis les en ressortir avec une petite grimace et fut incapable de combattre le sourire attendri qui s’épanouit comme une fleur sur ses lèvres. Cette habitude ne lui était toujours pas passée.
— Bonsoir, fit-elle d’une voix douce.
Elle retint Isobel, qui voulait foncer en direction du chien. Elle avait beau savoir que les pitbulls étaient généralement de véritables crèmes, parmi les chiens les plus doux qui existaient, elle refusait de laisser sa fille approcher un canidé dont elle ne connaissait pas les réactions. Samuel leva la tête, plissa les yeux quand la lumière d’un lampadaire heurta ses prunelles bleu pâle puis les reconnut. Toute son expression s’adoucit aussitôt.
— Deux fois en si peu de temps ? salua-t-il sur le même ton. Je sais que tu habites tout près, mais je ne m'y attendais pas.
— Moi non plus, j'avoue. C’est le chien dont tu me parlais la dernière fois ?
Elle désigna le pitbull qui les regardait sagement d’un petit mouvement du menton. Samuel baissa les yeux dans cette direction, un petit sourire aux lèvres.
— Eleanor, Isobel, je vous présente Hermione. Vous pouvez la caresser si vous voulez, elle adore ça.
La jeune femme posa sa caisse de transport sur l’herbe et avança en direction du chien, Isobel à ses côtés. Elle la caressa en premier, ses doigts minces et délicats en contraste contre le poil ras et roux pâle de la chienne.
— Hermione, hm ? Comme dans le Conte d’Hiver, pas vrai ?
Le regard de Samuel s’éclaira, un franc sourire se dessina sur ses lèvres, et Eleanor oublia comment respirer pendant une seconde. Il s’animait, comme toujours quand quelqu’un lui parlait de ses classiques préférés.
— Personne ne pense jamais au Conte d’Hiver, les gens pensent juste que j’adore les sorciers. Je n’ai rien contre Harry Potter, mais Rowling n’a pas inventé le prénom « Hermione ».
Il ronchonnait presque, mais ce sourire n’avait pas quitté ses lèvres. Sans détourner son attention d’Isobel, qui réprimait son excitation pour réussir à caresser la pitbull en douceur, sans déborder son espace vital. Eleanor s’était assurée que sa fille sache se comporter autour d’animaux connus comme inconnus. Elle ne voulait pas que sa petite soit celle qui tirerait les moustaches du chat ou essayerait de mettre des doigts dans la truffe du chien.
— Et donc, comment tu as croisé la route d’Hermione ? demanda-t-elle à Samuel. Elle a quel âge, d’ailleurs ? Elle a l’air jeune.
— Elle a quatre ans ! Je l’ai adoptée à un refuge qui s’occupe surtout de chats. Apparemment, ils l’ont trouvée attachée devant leur porte d’entrée un week-end.
Eleanor plissa les yeux et examina la chienne avec attention. Hermione, ravie d’être devenue le centre d’intérêt de tout ces humains, remuait de la queue et s’appuyait lourdement contre la jambe de son maître.
— Je me souviens de cette histoire, musa la jeune femme. Le refuge où tu l’as adoptée, il ne s’appellerait pas Paw in Hand par hasard ?
— Si, c’est eux ! J’aurais dû me douter que tu les connaissais. C’est là-bas que tu as eu ton chat ?
Un petit sourire aux lèvres, Eleanor acquiesça. Elle avait oublié comme il était aisé de discuter avec Samuel, quel que soit le sujet. Il n’était pas totalement concentré : sa main s’égarait parfois en direction d’Hermione pour lui flatter la tête ou le cou, son regard s’attardait fréquemment en direction d’Isobel, mais cela ne l’empêchait pas de s’intéresser sincèrement aux paroles d’Eleanor.
— Oui, c’est de là qu’il vient. D’après ce qu’ils m’ont dit, le pauvre Archie avait été enfermé dans un sac poubelle et abandonné dans un parc alors qu’il n’était qu’un chaton de quelques mois. Il n’aime toujours pas se trouver dans un espace étroit.
La conversation s’embarqua ensuite sur le dégoût qu’ils éprouvaient tous les deux à l’idée qu’un humain maltraite un animal. Leurs compagnons à poils et pattes en avaient tous deux été victimes – la petite Kelpie également, à sa façon. La personne qui l’avait abandonnée sous la pluie ne la considérait sans doute même pas comme un animal mais comme une chose dont on disposait. La laisser près des poubelles comme ça…
— On doit rentrer, il va bientôt être l’heure de donner son biberon à ce petit monstre, dit-elle en désignant la caisse de transport. Isobel, dis au revoir, ma puce.
Elle fut à peu près aussi surprise que Samuel quand la fillette s’élança et lui étreignit les jambes avant de s’éloigner avec un petit signe de la main et son sourire plein de fossettes. Eleanor lui reprit la main, s’empara de la caisse de Kelpie et fit un pas en arrière, essayant de réprimer la soudaine vague de nostalgie qui lui serrait la gorge. Elle n’avait pas envie de partir. La camaraderie de Samuel lui manquait de plus en plus, comme si à chaque rencontre elle recevait une petite dose de drogue et puis subissait de longues privations. Quelle stupide idée…
— Bonne soirée, Samuel. À bientôt.
— À bientôt, murmura-t-il avec douceur.
Il l’avait tant de fois saluée comme ça durant leurs cinq années d’amitié. Eleanor détourna la tête puis tout le reste de son corps, luttant presque pour se défaire de cette situation, du goût déjà doux-amer de cette rencontre. Il ne lui fallut que quelques minutes pour marcher jusqu’à chez elle. L’accueil de son appartement vide fit courir un frisson le long de son échine. Elle se secoua, refusant de laisser Isobel la voir aussi troublée, puis alla aider sa fille à se mettre en pyjama avant de se changer à son tour.
Enfin, elle put accompagner l’enfant dans sa chambre, l’aider à s’endormir malgré toute l’excitation de la soirée et aller s’installer dans le canapé, Kelpie déjà nourrie et endormie dans la salle de bains. Bientôt, elle pourrait présenter la chatonne à Archie, le laisser faire son éducation à sa place. Pour l’instant, de toute façon, elle était trop jeune pour apprendre quoi que ce soit. Pour la énième fois depuis ses retrouvailles avec Samuel, la jeune femme attrapa son téléphone et contempla l’écran qui donnait sur sa messagerie. Ses pouces démangeaient. Peut-être allait-elle réussir à envoyer quelque chose de convaincant, cette fois.
Eleanor : J’étais contente de te recroiser ce soir. Hermione est absolument adorable et très bien élevée. Tu lui as appris des tours ?
La réponse vint à peine quelques minutes plus tard.
Samuel : J’étais heureux de te revoir, moi aussi. Le refuge lui a donné une éducation basique, mais je vais dans un centre d’agility avec elle tous les week-ends, et je lui ai appris plein de tours intéressants. Je te les montrerai la prochaine fois qu’on se verra. En fait, tu peux même aller voir ses prouesses sur Insta ! @hermione_the_cutie
Curieuse, Eleanor entra le pseudonyme sur Instagram et tomba aussitôt sur un compte qui semblait dédié à la jeune chienne. Il y avait des dizaines de photos, quelques-unes très jolies, mais beaucoup très maladroites. Toutefois, il avait l’air absurdement heureux sur chacun de ces clichés, son sourire creusant des pattes d’oie aux coins de ses yeux et des fossettes sur ses joues. Le cœur de la jeune femme s’emballa devant certains d’entre eux, dont celui où le jeune professeur enlaçait le cou d’Hermione et posait sa tête contre la sienne.
Elle ne vit pas le temps passer tandis qu’elle explorait le compte dédié à la jeune pitbull – et à son maître, dans une moindre mesure. Quand elle arriva à la fin de son fil et releva la tête, il était déjà presque minuit. Elle se redressa d’un bond, un juron étouffé au bord des lèvres, et alla nourrir Kelpie une nouvelle fois. La chatonne l’attendait d’une patte ferme, miaulant comme si elle l’avait fait patienter des heures et non quelques minutes de plus par rapport à d’habitude. En quelques instants, l’animal fut accroché à son biberon et tétait comme un forcené, ses minuscules oreilles palpitant au rythme de ses succions tandis que ses petites pattes pétrissaient l’air devant elle. Un sourire aux lèvres, Eleanor posa sa main sous ses griffes encore molles pour lui donner quelque chose auquel s’accrocher.
Une fois Kelpie rassasiée et la lumière de la salle de bains éteinte, Eleanor s’engouffra dans sa chambre. Elle avait oublié de fermer la fenêtre, si bien que ses rideaux claquaient dans la brise qui soufflait sans interruption depuis plus d’une heure. Avec un soupir, elle alla repousser le battant et le verrouiller puis s’installa dans son lit, cherchant en vain entre ses draps un résidu de chaleur pour combattre la chair de poule sur ses bras. Elle reprit son téléphone, envoyant valser tous les principes concernant les écrans qu’elle appliquait pour sa fille, et retourna sur la page Instagram que Samuel lui avait donnée.
Elle s’endormit en contemplant à nouveau la photo où il enlaçait Hermione, le souvenir de son sourire l’accompagnant jusque dans ses rêves.
J'ai bien aimé le petit tacle à JK Rowling, c'est marrant et pas méchant haha :')
De nouveau, j'aime comment tu décris la relation entre Samuel et Eleanor. On sent vraiment une alchimie entre eux et en même temps, on sent qu'Eleanor reste sur ses gardes. J'ai peur que ça lui arrive en pleine gueule et que ça fasse vraiment autant de mal que de bien sur le coup. ;-; mais bon, je verrai bien dans la suite héhé ! :D
Et les sentiments qui ressurgissent, petit à petit. C'est tellement tout doux :)
Bon, j'ai pensé à HP pour Hermione, mais j'apprécie qu'ils aient eu une autre référence du coup, ça montre qu'ils se connaissent vraiment bien.
Ils sont adorables, j'ai hâte de les retrouver dans d'autres scènes ^^
J'a-dore ce chapitre. Comme les précédents 😆
Samuel est plein de positivité et de douceur, ça a presque un côté apaisant 😄 Et la réaction d'Isobel à la fiiinn 😍
Je suis extrêmement curieuse de connaitre la suite de l'évolution de la relation entre les deux adultes, Éléonore ne veut pas d'un homme dans sa vie, mais ses réactions ne trompent pas... Très très intriguée ^^
J'aime énormément ton histoire, toute douce comme tu le voulais, et je vais lire la suite de ce pas ! ^^
Je l'avoue, quand j'ai lu Hermione, j'ai pensé à Harry Potter. Alors que je me souvenais de quand tu en avais parlé sur Discord, et que tu avais dit que ça venait d'ailleurs avant. Mais mon cerveau, voilà XD
J'ai beaucoup aimé ce chapitre, j'aime de plus en plus Samuel. Et Isobel est juste ADORABLE, je l'aime TROP, quand elle a serré les jambes de Samuel j'ai fondu :uwu:
Du coup j'ai hâte d'être dimanche eheh :3
J'aime beaucoup ce chapitre et la rencontre avec le potit chien ! J'avoue que j'ai pensé à un fan de Harry Potter en voyant le nom de Hermione. Le passage ou elle check tout le instagram, c'est tellement un truc que tout le monde à fait une fois dans sa vie (bon peut-être pas tout le fil si c'est long, mais au moins un peu).
Un petit moment bien sympa en tout cas :)
Eleanor est tellement mignonne dans ses réactions envers Samuel, et le passage Instagram me fait définitivement penser à quelqu'un...
Par contre, tu as écrit "— Deux fois en si peu de temps ? salua-t-il sur le même ton. Tu dois vraiment habiter tout près." lorsque les deux se rencontrent. Mais... Samuel a bu un café chez Eleanor, il devrait savoir qu'ils habitent pas loin l'un de l'autres...
En tout cas, c'est encore une fois des moments doux que tu nous partages, et ça fait un bien de fou !