Arya ouvrit péniblement les yeux pour voir le sol danser sous le hamac sur lequel elle reposait. Quelqu’un manipula sa main droite, lui arrachant un hurlement de douleur.
- Continue ! ordonna la voix sèche de Daryl.
- Mais, monsieur, elle a mal ! répondit une voix masculine qu’Arya ne connaissait pas.
- Je ne te demande pas ton avis ! Poursuis !
La douleur revint. Arya savait ce que son mentor faisait : il fallait remuer le membre mordu afin de faire circuler le sang et évacuer le venin. Ce faisant, il se répandait dans le corps, augmentant la douleur générale mais le corps luttait un peu partout. Ainsi, le poison disparaîtrait plus rapidement.
Arya ne put s’empêcher de hurler pendant toute la manipulation. Lorsqu’il cessa enfin, elle sombra. Daryl la réveilla brutalement.
- Tu dois te nourrir et boire !
Il la souleva et plaça un bouillon chaud dans sa gorge. Arya avala avec difficulté. Elle avait la nausée mais se força, consciente qu’elle mourrait sinon. Elle eut le droit de dormir un peu puis le massage reprit. Le bouillon permit un peu de répit puis la torture reprit.
Elle ouvrit les yeux, surprise d’entendre sans bourdonnement, de ne pas avoir à la fois froid et chaud, que sa vue ne soit pas ponctuée de points noirs. Elle souleva la tête pour ne pas reconnaître les lieux. Elle se trouvait dans une chambre inconnue. Elle voulut se soulever mais son bras droit refusait de répondre. Elle ne souffrait plus mais du coude au bout des doigts, plus rien ne bougeait.
- Vous êtes réveillée ! s’exclama une voix masculine qu’Arya avait déjà entendue mais ne remettait pas, là, tout de suite.
Arya utilisa sa main gauche pour se sortir du hamac. Elle se tint, craignant un vertige qui ne vint pas. Son estomac criait famine. En dehors de cela, aucune douleur ne la traversait. Elle se tourna vers son interlocuteur pour reconnaître Rouge-Bastien.
- Que s’est-il passé ? Où suis-je ?
- Chez moi, indiqua Rouge-Bastien. Je suis passé ce matin à la clinique. Je tenais à vous remercier personnellement. Sans vous, je serais mort. Quand je vous ai atteins, j’ai constaté que ce Daryl, qui se dit docteur, vous torturait.
- Il me soignait, répliqua Arya.
- Vous n’étiez qu’apprentie. Vous n’aviez probablement pas le droit de me toucher et de réaliser un diagnostic mais je trouve honteux qu’il vous punisse alors même que vous m’avez sauvé la vie. Mes amis et moi l’avons écarté. Nous vous avons amené auprès d’un vrai médecin qui vous a donné du filtre d’Orfard, radical contre la douleur. Ça a marché visiblement. Vous ne souffrez plus.
« Ma main restera paralysée », comprit Arya, dépitée. L’anti-douleur avait cristallisé le poison. Plus rien ne bougerait désormais. Casser les morceaux restait faisable mais cela demanderait énormément de temps et serait très douloureux, en plus d’être dangereux car les cailloux, s’ils étaient trop gros, pouvaient coincer un vaisseau sanguin.
Arya regarda sa main, inutilisable. Elle ne serait jamais chirurgienne. Ce rêve-là s’envolait. « S’envoler » ? pensa Arya. Elle sortit de la pièce pour se découvrir dans la caserne de la ville sous la lune haute.
- Vous pouvez dîner au mess, si vous voulez, proposa Rouge-Bastien. C’est le moins que je puisse faire !
- Non, merci, répondit Arya avant de déplier ses ailes et de prendre son envol.
Jamais elle ne serait reconnue. Elle n’était personne. Ni pure, ni impure. Ni apprentie, ni future chirurgienne. Ni orange, ni jaune. Vers qui se tourner ? Où aller ? Ses pensées la portèrent vers ses parents. Elle eut soudain l’envie irrépressible de rentrer chez elle. Saurait-elle seulement s’y rendre ? Elle sentait que oui. Sauf qu’avec une tunique mauve et des ailes jaunes, difficile de passer inaperçu.
Arya se dirigea droit vers la clinique. Voler de nuit ne la dérangeait pas. Elle avait l’habitude. Elle se posa en face du bureau du docteur Daryl, frappa puis entra après entendu le grognement de son mentor.
- Arya ! s’exclama-t-il avant de regarder sa main et de froncer les sourcils en secouant la tête. Je suis navré. J’ai essayé de les en empêcher mais ils me menaçaient de leurs épées. Ils ont refusé de m’écouter et les autres médecins… Les imbéciles !
- Vous n’y êtes pour rien, le rassura Arya. Vous avez essayé et je vous en suis reconnaissante.
- Tu ne peux pas rester ici, plus maintenant. C’était déjà compliqué avant mais là…
- Je sais, dit Arya. Croyez-vous qu’il vous serait possible de m’obtenir une tunique verte ?
Le docteur Daryl la fixa dans les yeux puis hocha la tête. Arya constata que de l’eau perlait sous ses paupières. Il détourna le regard avant de sortir. Arya attendit, observant les livres qu’elle avait tous lus. Un savoir inestimable. Là se trouvaient les lignes portant sur le Priae, comment le diagnostiquer, comment l’extraire, les causes, les conséquences.
Ces ouvrages, Daryl les avait conservés après qu’ils furent destinés à la destruction car non avalisés par les experts médicaux de la clinique et non reconnus par les prêtres. Ces derniers avaient soi-disant reçus d’Ousouk lui-même la certitude que leur contenu était incorrect et relevait de l’hérésie.
Arya soupira. Les prêtres, vaste blague. Et dire que l’un d’eux était son père biologique, venu « honorer » sa mère, permettant à un miracle de se produire. Arya n’y croyait plus. Elle était le fruit du hasard et rien de plus.
Daryl revint. Elle attrapa la robe et se changea tandis que son mentor lui tournait le dos afin de lui offrir l’intimité nécessaire.
- Dors ici cette nuit. C’est dangereux de voler sous la lune. Tu vas rejoindre la ferme de tes parents, n’est-ce pas ?
Arya hocha la tête.
- Tu ne reconnaîtras pas ton chemin dans le noir. S’il te plaît !
Arya céda. Elle dormit dans son hamac. Daryl la réveilla à l’aube. Elle se leva. Ils ne se parlèrent pas. Il n’y avait rien de plus à dire. Au moment où Arya passa le pas de la porte, elle s’arrêta, lança un « Merci, docteur » avant de s’éloigner rapidement afin qu’il ne voit pas ses larmes. D’un coup d’ailes, elle s’éleva et partit plein nord, vers les plaines agricoles.
Elle retrouva les lieux plus aisément qu’elle n’aurait cru. L’endroit était vide. Personne. Pas un travailleur. Arya se rendit au village où elle trouva aisément l’intendant.
- Bonjour, intendant, salua Arya.
- Bonjour, gestionnaire, répondit-il en constatant la couleur de la tunique de son interlocuteur. Que puis-je pour vous ?
- Savez-vous où sont Aaron et Every ? Ils géraient une ferme de coton à l’ouest.
- Ça date, répondit-il en fronçant les sourcils. Terrible affaire que celle-ci. De mauvais souvenirs. Aaron et Every sont partis un jour. Il paraît qu’ils avaient une gamine. Je ne l’ai jamais vue pour ma part. Ils ne venaient jamais au village.
Arya hocha la tête, attendant la suite avec appréhension.
- Un jour, Every est venue demander la présence d’un démographe. J’ai fait passer le message et il est venu le jour-même. À la nuit tombée, un gestionnaire voisin m’a prévenu qu’un travailleur de la ferme de coton avait rejoint la sienne pour lui indiquer l’absence d’Aaron et Every. Les travailleurs ont été relocalisés et nous avons attendu. Aaron et Every ne sont plus jamais reparus. Leur ferme était bien gérée. C’est une bien triste perte.
Arya avala difficilement sa salive. Où étaient ses parents ? Elle imagina son père mourant d’avoir trop bu et sa mère servant les dieux au temple. Arya secoua la tête. Elle ne le retrouverait jamais. Restait maintenant à aller de l’avant.
- Auriez-vous du travail pour moi ? demanda Arya.
- Le besoin est plus grand à l’ouest. Acceptez-vous de gérer une ferme proche des marais ?
- Oui, répondit Arya.
Les yeux de l’intendant brillèrent. Les volontaires devaient être rares. Arya préférait autant être loin des autres. Gestionnaire, elle n’avait jamais appris à l’être. Elle allait avoir besoin qu’on lui foute la paix.
Il lui indiqua la direction et l’emplacement. Arya déploya ses ailes et s’envola. L’intendant ne cilla même pas. N’est pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir. Elle portait une tunique verte donc, elle était impure. Ses grandes ailes jaunes devaient être d’une teinte trop fade ou d’envergure insuffisante.
Arya trouva sans difficulté le village indiqué par le premier intendant. Celui-là, nommé Jurt, l’accueillit avec une joie extravagante. Il l’emmena immédiatement visiter les lieux : sa maison, le puits, les silos, le bâtiment des travailleurs et tiens, nouveauté, des toilettes.
- Votre mari vous rejoindra bientôt ? demanda Jurt.
- Je suis seule, annonça Arya.
Jurt caressa du regard le bras droit d’Arya.
- Les travailleurs ne laisseront pas passer la moindre faiblesse. Ils ont beau être dressés, s’ils sentent une faille, ils s’y engouffreront, prévint Jurt.
- Je vous remercie de votre prévenance, mais je saurai me débrouiller, gronda Arya.
Si elle avait appris une chose aux côtés de Daryl, c’était qu’on pouvait se faire obéir sans élever la voix ni se montrer brutal. Respect, voilà le maître mot. Un regard bienveillant, une attitude volontaire, la certitude d’avancer ensemble dans un but commun. Daryl lui avait enseigné la chirurgie mais pas seulement. Il lui avait surtout transmis des valeurs. Arya comptait bien les utiliser. Ses travailleurs, elle ne les materait pas. Elle avancerait main dans la main avec eux.
Arya n’avait jamais vu son père se servir de son fouet. Il écoutait les travailleurs et mettait tout en œuvre pour résoudre leurs problèmes. Arya n’avait jamais vu un seul fermier s’opposer à leur gestionnaire. Elle sentait du respect réciproque. Les uns ne survivraient pas sans les autres. Vouloir s’imposer relevait, aux yeux d’Arya, d’un non-sens. Jurt insista :
- Je préfère m’en assurer, si vous le permettez.
Formule de politesse. Arya ne pouvait pas refuser. Il poursuivit :
- Je vais vous faire parvenir dix travailleurs. Je viendrai vous rendre visite dans une lune afin de constater votre avancée.
- Je suis habituée à gérer du coton, annonça Arya.
- Ne vous inquiétez pas pour le côté technique, dit Jurt. Les travailleurs connaissent leur affaire. Contentez-vous de les gérer, eux.
« Curieuse façon de voir les choses » pensa Arya. Il lui sembla que posséder ce savoir lui permettrait de mieux saisir les besoins de ses subalternes. L’intendant poursuivit :
- En revanche, si vous avez l’habitude de gérer du coton, alors sachez que comme vous produirez de la nourriture, vous conserverez dix pourcents de votre production, en plus du sac de semence nécessaire pour replanter l’année suivante. Le temps que vos rizières donnent, des livraisons d’avoine vous seront apportées, mais par la suite, vous n’aurez que votre propre production pour survivre alors faites en sorte que votre résultat soit bon.
- Nous n’aurons rien d’autre à manger ? demanda Arya.
- Non, répondit l’intendant.
- Pas de fruits ? Pas de légumes ? Pas de viande, de poisson ou d’œufs ? Du fromage ?
- Non. Ces mets sont rares. Il n’y en a déjà pas assez pour la ville. Nous ne pouvons pas nous permettre d’en donner aux travailleurs.
« Aux gestionnaires non plus, apparemment », pensa Arya qui se demanda si l’intendant, lui, y avait droit. Elle pinça les lèvres sans rien dire. Si les travailleurs ne mangeaient que de l’avoine ou du riz, ils devaient être anémiés et mourir jeunes dans d’atroces souffrances. Quelle perte stupide !
- Je dois donner quatre-vingt-dix pourcents de ma production de riz, répéta Arya et l’intendant hocha la tête. Si je produis autre chose que du riz, dois-je également donner…
- Vous n’aurez pas le temps de produire autre chose et de toute façon, les terres ici ne vous le permettront pas, la coupa Jurt. Rien ne pousse sur cette vase, autre que le riz. Vous êtes la seule exploitation à des lieux à la ronde.
Cela, Arya l’avait remarqué. Elle se trouvait très loin du village.
- Votre riz sera très attendu, promit Jurt.
- Je préfère tout de même m’en assurer, insista Arya. Si je produis autre chose…
- Vous pouvez tout garder pour vous, annonça Jurt qui souriait.
Il n’y croyait clairement pas. Arya garda l’information au creux de son esprit.
- Demain, vous recevrez vos travailleurs, quelques sacs de riz à faire germer pour les récoltes – ne les gaspillez pas, nous en avons peu - l’avoine pour manger, les outils et le bois pour faire cuire les aliments. À la prochaine lune, je viendrai vous voir et si tout va bien, vous recevrez davantage de travailleurs. Je serai également accompagné d’avoine et d’un peu de bois.
- Des vêtements ? Du savon ?
- Demain, je vous apporterai tout le matériel pour vous. Vous l’aurez directement pour deux. Ainsi, lorsque vous vous serez trouvée un compagnon, il aura immédiatement tout le nécessaire.
Arya préféra ne rien répondre. Elle n’avait aucune envie de se marier, jamais. Vivre la dépression de sa mère voyant mourir tous ses œufs, non merci.
- Vous avez d’autres questions ? demanda Jurt.
- Non, répondit Arya en serrant les dents.
- À demain, en ce cas.
- À demain, siffla-t-elle d’un ton froid.
Il ne lui avait pas échappé que cette nuit, elle dormirait seule, sans bois pour se chauffer, sans nourriture dans le ventre. L’intendant s’envola, laissant Arya découvrir les lieux. Elle visita partout, constatant surtout que l’endroit était désert et en mauvais état. Si la demeure des gestionnaires était plutôt correcte, les dortoirs des travailleurs proposaient de nombreux trous, tant dans les murs que le toit. L’ouverture sans porte laissait entrer l’humidité, le vent et les animaux. Le sol boueux ne portait aucun signe de couchage. Les travailleurs étaient-ils vraiment censés dormir à même le sol humide ?
Arya soupira. Que de travail ! Elle se rendit sur le terrain censé devenir une rizière. Là aussi, tout était à faire. Elle estima le domaine grand et ne pas avoir de voisin avait ses avantages : elle pourrait faire ce qu’elle voulait sans se trouver sous des yeux inquisiteurs. Pas de risque que l’intendant vienne souvent. La ferme était bien trop isolée pour qu’il réalise le parcours chaque jour.
Arya, ayant terminé son inspection, se rendit en ville. Nul ne l’empêcha d’entrer dans la bibliothèque au sein de l’université centrale. Elle y dénicha des ouvrages expliquant le principe de la culture du riz. Ils étaient censés le semer, là, maintenant. C’était même limite trop tard. Or le terrain n’était absolument pas prêt. Comment réaliser un tel miracle avec seulement dix travailleurs ? Arya secoua la tête. Quelle absurdité !
Elle resta toute la soirée dans la bibliothèque, ingurgitant le plus de connaissances possibles. Elle ne rentra que parce que la nuit tombant, les visiteurs furent mis dehors.
Arya retourna à la ferme. Elle remonta de l’eau du puits et la but, pour la constater trouble. Elle l’estima impropre à la consommation. N’ayant rien d’autre, elle l’avala en soupirant. Cela rajoutait encore du travail. Elle eut l’impression de se noyer avant même d’avoir commencé.
Elle récupéra le hamac dans la demeure du gestionnaire et le fixa – plutôt pas mal avec seulement sa main gauche - dans le dortoir des travailleurs, près de l’ouverture. Elle se coucha, laissant pendre ses ailes pour les reposer. Elle n’avait guère l’habitude de voler autant.
Elle ne dormit pas. Elle réfléchissait, classait les priorités, tentait de déterminer quoi faire et quand.
Dès l’aube, elle se leva pour recevoir l’intendant qui n’avait pas chaumé. Trois transporteurs déposaient les outils, les sacs d’avoine, les précieux grains de riz, le matériel pour les gestionnaires – deux harnais, du savon, deux tuniques vertes de rechange, un rasoir, deux fouets et une paire d’entraves.
- Prête à recevoir vos travailleurs ? demanda Jurt.
- Oui, assura Arya.
- Vous êtes sûre ?
- Oui, gronda Arya.
- Soit, dit Jurt en levant les yeux au ciel.
Arya n’avait qu’une envie : le gifler. Était-ce parce qu’elle était une femme, à cause de sa jeunesse ou du fait de son infirmité ? Ou bien juste parce qu’elle était seule ? Une telle situation devait probablement être rare voire exceptionnelle. Arya n’en avait cure. Elle comptait bien réussir.
Les trois premiers hommes arrivèrent. Jurt les obligea à rester debout, les mains sur la tête, au milieu de la cour centrale, en attendant les autres. Les trois hommes obéirent sagement. Ils restèrent immobiles et silencieux malgré le soleil déjà bien présent. Ils portaient des cheveux mi-longs gras ainsi que des barbes touffues.
Bientôt, les dix hommes furent alignés, les pieds nus dans leurs tuniques crème qu’Arya estima sales. Ils ne semblaient vraiment pas en bonne forme. Jeunes, ils auraient dû être vigoureux mais le manque de nourriture – tant en quantité qu’en diversité – les faisaient mourir de l’intérieur.
- Je peux vous laisser ? demanda Jurt, le front plissé.
- Oui, dit Arya.
- Préférez-vous que je reste pendant que vous vous présentez ?
- Non, insista Arya qui pensait « Mais barre-toi, connard ! ».
Jurt fronça les sourcils puis s’envola, la laissant enfin seule.
- Mettez-vous dans une position plus confortable, proposa Arya.
Les hommes se lancèrent des regards surpris avant d’obtempérer sans cesser de chercher le soutien chez son voisin.
- Je m’appelle Arya, commença-t-elle. Toi, comment tu t’appelles ?
Le premier homme à gauche resta un instant muet puis finit par lancer :
- Fred, gestionnaire.
Arya désigna le suivant de sa main gauche. Elle vit le regard des travailleurs traîner sur sa main droite et des chuchotements naquirent.
- Je ne peux pas l’utiliser, précisa Arya en levant sa main invalide. Comment tu t’appelles ?
- Amine, gestionnaire.
Alexandre, Tristan, Gautier, Théobald, Bernard, Dustan, Emile et Josselin se présentèrent ensuite.
- J’ai besoin que le domaine soit préparé, indiqua Arya. Vous allez tout mettre en place puis faire le tour des installations. Chacun de vous me dira ensuite ce qui lui semble ne pas convenir, nécessiter une réparation ou manquer. J’ai pour ma part repéré de nombreux manquements mais je ne suis pas omnisciente et j’ai pu rater des éléments. Je vous laisse la matinée. Quand je reviens, le déjeuner sera prêt. Vous m’attendez pour manger. Est-ce clair ?
- Vous partez ? répéta Gautier. Vous nous laissez seuls alors qu’on vient tout juste d’arriver ?
- Profitez-en pour faire connaissance, proposa Arya. Vous venez tous du même endroit ?
Ils se regardèrent les uns les autres.
- Théobald et Emile étaient avec moi, indiqua Gautier. Nous venons d’une tannerie.
- Amine, Dustan et moi arrivons directement d’un centre d’élevage, indiqua Josselin.
C’était leur premier poste. Était-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Arya n’en savait rien.
- Fred ? lança Arya.
- Je ne connais personne. Je viens d’un centre de correction, répondit le concerné.
Il avait été puni pour mauvais comportement.
- Alexandre ? lança Arya.
Les hommes se lancèrent des regards admiratifs. Qu’elle ait fait l’effort de retenir leur nom sembla les toucher. Qu’elle ne fasse aucun reproche à Fred aussi. Elle n’était pas là pour critiquer mais pour se renseigner.
- Tristan, Bernard et moi servions en ville, annonça Alexandre et les deux autres confirmèrent d’un geste.
- Qu’avez-vous fait pour être envoyés dans la plaine ? demanda Arya, consciente qu’il s’agissait d’une terrible punition.
- Notre maître est mort, annonça Tristan. Accident de vol.
Histoire d’une terrible banalité. Tristan poursuivit :
- Fin de ligne. Pas de descendant. Nous avons été relocalisés. Nous étions en attente dans le marché depuis trois jours. Un intendant est venu nous chercher ce matin à l’aube.
- Super, mais du coup, combien d’entre vous savent cultiver le riz ? interrogea Arya.
Tannerie, élevage, punition et service urbain, cela présageait très mal.
- Tous, indiqua Gautier qui prenait clairement l’ascendant.
Arya déshabilla le jeune homme des yeux. Qu’il commande le groupe était-il un problème ? Arya jugea que non. Il semblait être en mesure de le faire et les autres l’acceptaient, même Fred qui fuyait le regard des autres.
- Notre formation de base comprend les rizières, termina Gautier.
- Combien d’entre vous ont déjà vu une vraie rizière ? demanda Arya.
Nul ne broncha.
- Super… ronchonna Arya. Bien, dispersez-vous. Nous nous reparlerons au zénith pour le déjeuner.
Arya attrapa une grosse marmite en fonte et déploya ses ailes sous les yeux écarquillés des travailleurs. Leur couleur les étonna peut-être. Leur taille aussi, probablement. Cependant, s’ils furent choqués, ce fut par le simple fait qu’elle les leur montra. Les ailés ne se dévoilaient guère de la sorte. La plupart ne sortaient leurs ailes qu’en cas d’extrême urgence. Arya ne comptait pas agir de la sorte. Ses ailes, ils allaient beaucoup les voir alors autant qu’ils s’y fassent.
Elle rejoignit une rivière dans laquelle elle récupéra de l’argile. Sans tamis, le résultat ne serait pas fameux mais cela serait toujours mieux que rien. À une main, le travail fut lent. Elle plaça un petit os trouvé dans l’eau dans une poche. Une fois sa marmite pleine, elle retourna au domaine. Sa main mouillée glissait, rendant le trajet compliqué.