Chapitre 8 : Ysalis - Intelligence

Ysalis se promena sur la haute plateforme. Elle trouva rapidement la source d’eau claire et le matériel de nettoyage. La salle de bain, déjà propre, ne lui demanda pas beaucoup d’investissement. Dans la chambre, elle changea les draps qu’elle jugea sale, refit le lit puis déposa le linge à laver dans le panier présent à cet effet. Plus tard, des transporteurs apporterait l’objet en osier jusqu’à l’étage des travailleuses où son contenu serait lavé et séché. C’était le travail d’Ysalis. Elle se demanda qui le ferait en son absence.

Les travailleuses s’inquiétaient-elles de son absence ? Elles devaient surtout ronchonner de devoir faire son travail. Qui s’occupait de l’étage de Mathias jusque-là ? Ysalis n’en savait rien. Il s’agissait probablement d’une travailleuse humaine.

Ysalis prit soin des extérieurs, tailla les haies, se rendit compte du manque flagrant de fleurs et coupa l’herbe. Le soleil n’était même pas au zénith quand elle se retrouva avec pour seule pièce non visitée le bureau.

Elle s’y rendit et soupira. Le foutoir lui donnait le cafard. Elle commença par lire tous les titres des ouvrages. La plupart étaient des références, des classiques. Normal pour un professeur d’université. Rapidement, quatre thèmes principaux se dégagèrent. Ysalis constata que le bureau comptait justement quatre bibliothèques. Il ne s’agissait probablement pas d’un hasard.

En parcourant les rares livres encore sur les rayons, elle put déterminer quel thème allait où. Elle choisit de ranger par ordre alphabétique d’auteur puis, pour chaque auteur, par ordre alphabétique de titres.

L’après-midi était bien avancée quand la bibliothèque fut pleine. Plus aucun livre ne traînait. Il restait pourtant beaucoup de bazar mais il s’agissait de feuilles volantes ou de carnets de notes.

Ysalis attrapa une pile de feuilles à moitié étalées sur le bureau. Elle s’assit sur le tabouret du propriétaire, se fichant totalement de la bienséance, et entreprit de lire les bouts de papier.

Ysalis comprit rapidement qu’il s’agissait de devoirs d’étudiants. Elle en trouva certains brillants, qu’elle plaça sur le dessus de la pile, d’autres médiocres qu’elle mit en dessous. Parce qu’elle s’ennuyait, elle tenta de classer les intermédiaires. Lorsque la nuit tomba, elle se trouva satisfaite de son rangement.

Elle sortit prendre l’air, heureuse de sa journée. Pour une fois, personne ne l’avait insultée. Certes, elle crevait de faim mais cette solitude lui avait fait beaucoup de bien.

Un bruit d’ailes dans son dos l’extirpa de ses pensées. Elle se retourna pour constater la présence de Mathias. Il arborait un visage concerné et marqué. La journée avait clairement été longue.

- À genoux. C’est la dernière fois que je te le dis, menaça-t-il.

Ysalis se mit en position, sa bouche se tordant dans un rictus haineux. Elle détestait ces ailés qui se croyaient supérieurs. Tout ça parce que leurs ailes étaient de la bonne couleur ! Elle les vomissait.

- Déjà ici, je vois la différence. Tu sembles capable malgré ton insolence.

Ysalis ne répondit rien. Il n’y avait rien à répondre. Un compliment au milieu d’une remontrance. Classique d’un politicien.

- Lève-toi et suis-moi, ordonna-t-il.

Elle resta un pas en arrière tandis qu’il passait rapidement sur la salle de bain et la chambre.

- C’est parfait, annonça-t-il. Je te raccompagne à ton étage.

Il lui fit signe de s’approcher. Il allait la ramener lui-même ? Sans passer par un transporteur ? En même temps, à cette heure, ils étaient tous rentrés chez eux. Mathias leur demandait exceptionnellement de rester pour les réceptions. Le reste du temps, ils partaient avant le crépuscule. Voler de nuit n’était pas dénué de risque.

Ysalis, qui portait toujours son harnais, le laissa l’attacher à elle. Ses gestes semblaient assurés et il ne sentait pas du tout l’alcool. Elle se trouva plutôt en confiance.

Mathias déploya ses ailes et Ysalis en resta bouche bée. L’envergure de ses ailes était deux, peut-être trois fois plus grande que celle des transporteurs. Les purs méritaient leur nom. Plus proches des dragons, leurs créateurs, ils arboraient des ailes d’une taille impressionnante.

Naturellement, Ysalis le savait mais entre le savoir et le voir, il y avait une différence de taille.

Mathias décolla d’un mouvement à peine perceptible tant sa portance était grande. Il ne sembla pas déployer énormément d’énergie à déplacer la petite gamine collée à lui. Ysalis en fut admirative. Là encore, elle connaissait la puissance des ailes pures mais le vivre la transportait de joie.

Oh miracle ! Elle ne vomit pas à l’arrivée.

- Merci, dit-elle à Mathias, ravie de ce vol à peu près confortable.

- Merci, Maître, la corrigea le propriétaire des lieux en la détachant de lui.

- Merci, Maître, répéta Ysalis alors qu’elle se décollait de son transporteur intérimaire.

- De rien. Je ne supporterai pas longtemps ton insolence. Je ne suis pas connu pour ma patience.

- Pardon, Maître, dit humblement Ysalis.

Mathias disparut dans la nuit d’un coup d’ailes. À la cuisine, Ysalis ne fut guère surprise de ne rien trouver à manger. Elle retrouva Othander sur la corniche.

- Bon ben finalement, Rouge-Géraldine n’aura pas le poste de Rouge-Mathias, indiqua Othander.

- Ah bon ? Pourquoi ? demanda Ysalis, le ventre noué par l’angoisse.

Mathias avait-il tué la prétendante au titre ?

- Apparemment, le directeur de l’université a reçu des documents compromettants la concernant. Elle a été mutée dans une école des premiers apprentissages.

Dur revers pour cette haute femme de lettres. Devoir enseigner la lecture, l’écriture et les bases morales à de jeunes enfants. Voilà qui allait la changer des étudiants brillants de la prestigieuse université centrale. Ysalis sourit. Mathias s’y était pris avec diplomatie, sans faire couler une goutte de sang. Elle devait s’admettre soulagée.

Sa nuit affamée fut compliquée.

Le lendemain, elle dévora son petit-déjeuner sous le regard scrutateur de ses camarades.

- T’étais où hier ? demanda Églantine dès la dernière cuillerée avalée.

- Je t’ai manqué ? répliqua Ysalis d’un ton fortement insolent.

Elle entendit Bramamm ricaner. Églantine plissa les yeux de rage.

- Personne n’a fait tes corvées si bien que tu auras double peine aujourd’hui, indiqua Églantine d’un ton sec avant de s’éloigner.

Ysalis n’en avait cure. Une journée loin d’elle lui avait regonflé le moral. Elle se leva et sortit du réfectoire. Elle nettoya les toilettes puis lava le linge qu’elle reconnut comme étant celui de la chambre de Mathias. Elle l’étendait lorsque Yvan vint lui demander d’écrire ses documents. Ysalis s’y plia de bonne grâce. Elle s’occupa ensuite du dortoir et de la cuisine. Elle venait à peine de plier le linge sec et de le ranger dans le panier adéquat que deux transporteurs – un homme et une femme - atterrirent près d’elle.

- Rouge-Mathias demande à te parler, indiqua l’homme.

Il la regardait de haut, la considérant comme un insecte sans intérêt.

- Je vais chercher mon harnais, annonça Ysalis.

- Grouille-toi, gronda le transporteur. J’ai autre chose à faire.

La femme accrocha le panier à son harnais et s’envola sans attendre son comparse. Ils devaient avoir des horaires stricts et des commandes à assurer. L’homme ne cacha pas son agacement devant Ysalis qui accrochait les cordes avec précision. Il ne l’aida toutefois pas.

- Pas trop tôt, grogna-t-il lorsqu’elle s’annonça prête.

Il ne fut pas tendre du tout, ni au décollage, ni durant le vol, ni à l’atterrissage. Pourtant, Ysalis ne vomit pas à l’arrivée. Le transporteur s’envola dès le sac à navet déposé. Ysalis soupira avant de s’avancer vers la porte du bureau de Mathias. Elle frappa trois fois puis attendit poliment.

- Tu peux entrer ! lança le propriétaire.

Ysalis entra, ferma la porte derrière elle comme Yvan le requerrait et attendit la tête baissée. Le temps s’étira puis Mathias soupira et se leva. En trois pas, il fut sur la jeune femme qu’il attrapa avec vigueur par le bras avant de l’emmener dehors. Ysalis se laissa mener, ne comprenant pas.

Il la plaqua contre la paroi de la montagne en pierre froide. Sans lui laisser le temps de réagir, il lia son poignet droit à un anneau encastré via une menotte en cuir d’excellente facture. Pas de cadenas. C’était inutile puisque l’autre poignet, lié de la même manière de l’autre côté, interdisait toute manipulation par la victime. Ysalis se tourna vers Mathias qui s’était reculé, terrifiée de subir sa colère, perdue de ne pas comprendre.

Tu ne t’es pas agenouillée, abrutie.

Ysalis ressentit une bouffée de haine. Ce connard prétentieux ! Le coup de fouet la plongea dans le noir. Les points devant ses yeux brouillèrent sa vue. Le hurlement strident fut-il le sien ? La douleur la percuta, remontant directement au cerveau. Tous ses os la brûlaient. La punition était terrible : la lanière avait touché le dos, au niveau des omoplates. Yvan avait menacé de viser là mais Ysalis savait qu’il ne l’aurait fait qu’en dernier recours, sachant très bien les conséquences. Mathias ignorait ce qui se cachait sous la tunique. Il ne savait pas ce que son geste impliquerait.

Ysalis eut un instant de répit grâce à une courte perte de connaissance. Elle revint pour se découvrir détachée et soutenue par Mathias qui proposait un visage inquiet.

- Ça va aller ? J’oublie que tu n’es qu’une gamine. J’aurais dû frapper moins fort. Mais toi ! Cette insolence ! Je ne la supporte pas.

- Pardon, pleurnicha Ysalis.

- Pardon, Maître ! s’énerva Mathias.

- Pardon, Maître. Je vous promets de faire des efforts. Je…

Un vertige la prit et elle sombra de nouveau. Elle revint alors que de l’eau fraîche entrait dans sa bouche. Elle but avidement.

- Quel gâchis ! s’exclama Mathias. Je voulais te féliciter pour ton rangement dans mon bureau. Regarde ce que tu m’obliges à faire !

Ysalis fondit en larmes. Elle se sentait si fatiguée. Son dos n’était que souffrance. Elle peinait à ouvrir les yeux.

- Tu es épuisée ! Tu es si maigre ! Mais comment Yvan traite-t-il nos travailleuses ? Ce n’est pas possible !

Ysalis s’éveilla sans le moindre souvenir s’être endormie. La cloche du réveil l’avait sortie de ses songes. Elle peina à se lever et rejoignit le réfectoire. Elle mangeait doucement lorsque le silence tomba sur la pièce. Ysalis constata qu’Yvan venait d’entrer. Le superviseur ne venait jamais ici. Il regarda Ysalis, observa le bol devant elle puis lança :

- Tu viendras me voir après ce repas.

Après quoi il sortit d’un pas rageur. Ysalis termina son bol sous le regard et les murmures de ses comparses. Le ventre plein, elle traversa la plateforme en sautillant, ravie du vent frais sur son visage, faisant fi de la douleur dans son dos, savourant le contentement de son estomac. Elle frappa à la porte d’Yvan qui lui permit d’entrer.

- Tu es pâle. Ta blessure au ventre ?

- Elle est très bien soignée, superviseur. Il ne reste qu’une fine cicatrice, assura Ysalis.

- As-tu assez à manger ?

- Non, superviseur, répondit Ysalis. Je rentre trop tard pour le repas du soir.

- Églantine ne te réserve pas une part ?

- Non, superviseur.

Yvan la transperça des yeux puis soupira. Ysalis comprit qu’elle n’obtiendrait pas de soutien de sa part. La gestion de cette communauté revenait à Églantine, pas à Yvan. Si la doyenne souhaitait priver la dernière arrivée de nourriture, c’était son affaire. Yvan n’avait pas à s’interposer.

- Je t’ai entendue hurler hier et Mathias t’a ramenée inconsciente. Que s’est-il passé ? Tu as besoin de soin ? Je sais que Mathias peut devenir violent quand il boit.

- C’est ma faute, superviseur. Je lui ai manqué de respect. Il m’a punie. Le fouet a frappé le dos.

Yvan grogna.

- As-tu besoin de soin ? insista-t-il.

- Non, superviseur. Je vous remercie.

- Veux-tu que je regarde pour m’assurer que les cicatrices ne se sont pas rouvertes ?

- Non, dit Ysalis en se reculant d’un pas.

Yvan hocha la tête.

- Tu peux disposer, indiqua Yvan.

À peine fut-elle sortie que son transporteur attitré atterrissait devant elle.

- Rouge-Mathias te réclame. Oh putain ! J’en ai marre. Mets ton harnais en te levant le matin. Je n’ai pas que ça à foutre de t’attendre des plombes à chaque fois.

- Mais et s’il ne m’appelle pas ? Je l’aurais mis pour rien !

- J’en ai rien à foutre ! s’exclama le transporteur. Tu mets ton harnais un point c’est tout.

- Ça fait mal ! répliqua Ysalis d’un ton haineux.

- Je t’ai dis que j’en avais rien à foutre ! cracha le transporteur. Va mettre ton putain de harnais et grouille-toi ! J’ai d’autres commandes à honorer ! À moins que tu préfères voler sans ?

Ysalis se recula d’un pas, terrifiée. Il n’oserait quand même pas ? Le moindre mauvais mouvement, un virage un peu brusque et c’était la chute libre assurée. La fillette courut jusqu’à la salle de préparation, y trouva son harnais, le passa et rejoignit l’esplanade centrale. Cette fois, elle vomit à l’arrivée. Ysalis en pleura de désespoir. Son seul repas en deux jours venait de disparaître. Quel gâchis…

Ysalis frappa et Mathias lui permit d’entrer. Cette fois, elle s’agenouilla sagement après avoir refermé la porte, son dos la lançant encore du coup de fouet de la veille l’encourageant à se soumettre.

- Bonjour, Ysalis.

- Bonjour, Maître, répondit poliment Ysalis.

- Quand tu veux, tu peux. Yvon doit apprécier ton insolence pour ne pas agir en conséquence. Enfin, c’est son affaire. Ton comportement envers lui m’indiffère tant que celui envers moi est bon.

Ysalis supposa qu’elle n’avait pas à répondre à cela. Mathias poursuivit :

- Tu as modifié l’ordre de cette liasse de feuilles sur mon bureau. Pourrais-tu m’expliquer ton mode opératoire ?

- Je les ai classées de la pire, en bas, à la plus pertinente, en haut.

- Quel était le sujet d’étude, selon toi ?

- Il fallait imaginer un discours visant à convaincre un fournisseur de préférer un atelier inventé à un autre tout aussi inexistant. C’est juste un exercice, Maître.

- Pourquoi as-tu jugé que cette copie était la meilleure ?

Ce disant, il lui tendit la feuille de papier du dessus. Ysalis n’avait pas besoin de la relire. Elle expliqua son choix, détailla ses arguments si Mathias le lui demandait, se taisant dans le cas contraire.

- Tu es brillante, finit par admettre Mathias. Non, vraiment, je ne comprends pas. Yvan s’est embêté à t’apprendre à lire, à écrire et à te former à l’art de la politique mais pas à respecter tes supérieurs ?

« Supérieur, mon cul, pensa Ysalis. Tu te crois meilleur que moi parce que tes putains d’ailes sont rouges ? Va chier, connard. »

- J’écris ses rapports, indiqua Ysalis.

- Vraiment ? s’étonna Mathias.

Il ouvrit un tiroir et en sortit un bout de papier.

- Tu as écrit ça ?

Ysalis leva les yeux puis hocha la tête.

- Sous sa dictée, oui.

- Tu écris très bien, reconnut Mathias. Ceci dit, c’est ridicule de se contenter de t’utiliser comme scribe. Lève-toi et viens à côté de moi.

Elle le rejoignit derrière le bureau.

- Voilà mon prochain cours, dit-il en lui tendant des feuilles. Lis-le et donne-moi ton avis. Tu peux être très critique tant que tu restes polie. Compris, jeune fille ?

- Oui, Maître, répondit Ysalis.

Critique, elle le fut. Mathias écouta gravement, modifia en fonction de ses propositions, s’opposa parfois mais Ysalis tint bon, argumentant si besoin. Mathias se soumit à son avis à chaque fois. Il la reprit à quatre reprises sur son attitude. Quand elle s’enflammait, elle sortait de sa place et pouvait devenir insolente. Mathias la reprit avec douceur mais fermeté, lui expliquant à chaque fois en quoi ses mots, son ton ou son attitude ne convenait pas, lui indiquant la façon attendue. Ysalis ne douta pas qu’il fut un excellent professeur.

- Merci, Ysalis, dit-il une fois le cours finalisé.

- Je vous en prie, Maître.

- Je te ramène à ton étage.

Ysalis hocha la tête mais le premier pas lui amena un fameux vertige. Elle dut s’accrocher au bureau pour ne pas tomber.

- Ysalis ? Ça va ?

- Je mange peu, précisa Ysalis, et je vomis à chaque vol.

- Tu n’as pas vomi quand je t’ai ramenée avant-hier, ni hier.

Ysalis plissa les paupières. En effet, ça dépendait des moments. Elle tenta de se rappeler ses vols avec vomissements et ceux sans. Si on exceptait les deux premiers, tous les autres semblaient suivre une logique : si elle venait de manger, elle vomissait. Sinon, non.

- Je vomis dès que je mange. Je rentre souvent trop tard le soir pour pouvoir manger.

- Et tu vomis ton petit-déjeuner en arrivant, comprit Mathias.

Il sortit sur l’esplanade et s’envola seul. Ysalis en profita pour ré-ajuster son harnais. Elle avait terminé lorsqu’il revint. Il lui tendit un sac en toile. Elle s’en saisit.

- Tu me le ramèneras demain, propre. À partir de maintenant, je te veux tous les jours à mon étage. Inutile de manger en bas. Je ferai en sorte qu’un repas t’attende à ton arrivée.

- Bien, Maître. Merci, Maître, répondit Ysalis et ses mots étaient sincères.

Le vol fut rapide. Ysalis rejoignit la corniche en courant.

- Tu étais où hier ? J’étais inquiet de ne pas te voir ! s’exclama Othander qui tournait en rond à son arrivée.

Ysalis s’installa et déballa le contenu du sac fourni par Mathias.

- Ouah ! T’as eu ça où ? C’est de la nourriture de super qualité !

- T’en veux ?

- Je ne voudrais pas te priver ! Tu sais que tu ressembles à un cadavre ambulant ? Sans déconner ! Mange. Tu en as plus besoin que moi.

Ysalis dévora le contenu du sac, ses papilles frémissant, son estomac hurlant de bonheur. Othander l’observa en riant. Il semblait réellement heureux pour elle. Ils discutèrent un peu puis rejoignirent chacun leur lit.

Le lendemain matin, Ysalis ne passa pas par la case réfectoire et se rendit directement au bureau d’Yvan.

- Que puis-je pour toi, Ysalis ?

- Je viens vous prévenir, superviseur, que Mathias a réclamé ma présence à son étage tous les jours.

- Rouge-Mathias, la corrigea Yvan.

- Rouge-Mathias, répéta Ysalis en levant les yeux au ciel.

Franchement, ils ne se sentaient pas ridicules d’apposer ainsi la couleur de leurs ailes devant leur nom ? Comme si on ne les voyait pas à chaque vol ! Yvan gronda :

- Tu n’en as pas marre de te prendre des coups de fouet ? Celui dans le dos ne t’a pas suffi ?

- Vous n’en avez pas marre de ces connards imbus d’eux-mêmes qui se croient supérieurs à vous juste parce que leurs ailes sont d’une autre couleur que les vôtres ?

- Ysalis ! siffla Yvan. Suffit !

- Avouez que vous avez juste envie de leur faire bouffer leur prétention.

- Ysalis, cesse, dit Yvan d’un ton las. Je prends note de la demande du propriétaire de ce Domaine.

- Il n’y a aucune fleur là-haut, dit Ysalis. Ça serait bien d’agrémenter un peu le jardin.

- Je te ferai parvenir cela, promit Yvan en soupirant.

Ysalis ne l’avait jamais vu aussi fatigué. Il paraissait si vieux. Elle en eut de la peine pour lui. Après tout, lui aussi subissait la domination des purs. Yvan avait eu la malchance d’être né mauve.

Ysalis salua le superviseur et sortit.

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