Rodes : — T'es de retour ! T'as quelque chose d'intéressant ?
Dawkins : — Pour l'instant, le téléphone reste introuvable. Et toi, t'as du neuf ?
— Un ordre du capitaine, il faut qu'on convoque au plus vite le docteur Charles Atlan pour l'interroger.
— C'est un bon suspect, j'avais l'intention de le convoquer un peu plus tard mais puisque c'est un ordre, j'y vais de ce pas. Tu peux rentrer, je le convoque pour demain.
— D'accord, on ne dirait pas mais rester des heures sur facebook c'est épuisant à la longue, j'ai hâte d'être face à une vraie personne.
— On se voit demain.
— Texte-moi l'heure de la convocation, je ne veux pas la manquer.
— Compte sur moi !
Pendant que Rodes rentre chez lui, Dawkins appelle le docteur Atlan, il lui donne rendez-vous pour le lendemain matin, une fois cela fait, il texte l'heure de la convocation à Rodes, un peu plus tard le capitaine rentre chez lui mais Dawkins lui reste au commissariat assis face à son bureau, il fait des recherches sur son suspect le docteur Charles Atlan, un psychologue écologiste, et en fouillant, il trouve beaucoup d'informations sur le net. Le lendemain vers les dix heures du matin le docteur Atlan vient d'arriver au commissariat, il est accompagné de son avocat maître Maxime Gardin, Dawkins qui l'attendait à l'entrée les conduit directement dans la salle d'interrogatoire. Une fois que tout le monde est bien installé et que les présentations sont faites, l'interrogatoire commence.
Dawkins : — Vous avez bien compris vos droits ? Nous vous interrogeons seulement pour trouver qui a tué Janis Martin.
Atlan : — J'ai bien compris.
Rodes : — Pourquoi avoir pris un avocat ?
Maître Gardin : — C'est son droit !
— Je n'ai pas dit le contraire. Mais moi, je pense qu'il a quelque chose à nous cacher.
— C'est votre droit de le penser. Mais si vous voulez savoir pourquoi les honnêtes citoyens se méfient des policiers et appellent un avocat ? Dois-je réellement vous répondre ? Ça me fait toujours rire ! Enfin c'est la faute de la police qui saute trop vite sur des fausses pistes qui leurs paraissent soit-disant plausibles. Une fois qu'une accusation est portée par la police et qu'elle vous jette en pâture aux lions. Je ne pense pas avoir besoin de finir ma phrase car on connaît tous la suite. Les prisons sont remplis d'innocentes victimes qui se font condamner pour des crimes qu'ils n'ont pas commis et c'est pour cela qu'on m'appelle dans ce genre de situation.
Dawkins : — Nous avons compris votre point de vue maître et personne n'accuse votre client pour le moment. Reprenons du début ! Monsieur Atlan, comment avez-vous connu Janis Martin ?
Docteur Atlan : — J'ai connu Janis à l'hôpital, à peu de choses près ce doit faire deux ans, elle venait d'arriver dans notre hôpital et j'avais été appelé pour une consultation psychologique, elle était souriante à l'accueil et je lui ai demandé où se trouvait mon patient.
— Votre relation avec elle, s’en est-elle tenue à une relation professionnelle ?
— Je vous l'ai déjà dit, nous étions devenus de bons amis.
— Vous la suiviez également activement sur facebook !
— Elle avait demandé à presque tout l'hôpital de la suivre, je l'ai fait comme un geste de cordialité d'un collègue envers une autre.
— Mais vous n'en n'êtes pas resté là ?
— Je suis psychologue et j'ai étudié ce genre de phénomène, je vous assure qu'il est assez facile de devenir accro aux réseaux sociaux. En plus, je me sentais en confiance avec Janis, alors je me suis un peu laissé aller avec elle.
Rodes : — Attendez Charles, je ne vous prenais pas pour un charlatan mais.
Dawkins : — Désolé messieurs, mon collègue est parfois lourd avec les jeux de mots.
— Sans rire, j'ai regardé attentivement ce que postait Janis et il n'y a franchement rien de passionnant. Comme ce poste que vous avez commenté « My tea's gone cold, I’m wondering why la la la la la la ».
— N'avez-vous jamais écouté plus une chanteuse qu'un chanteur, c'est une caractéristique très fréquente chez les humains, même si c'est inconscient, c'est souvent la même chose avec les réseaux sociaux, les hommes suivent plus facilement une femme qu'un homme.
Dawkins : — Mais vous êtes allé plus loin que ça avec elle !
— Dans mon métier, j'écoute beaucoup les autres et cela m’arrive aussi d’avoir besoin de parler à quelqu'un. Janis était à mon écoute, on a beaucoup parlé, je lui ai surtout parlé de mon combat pour sauver la planète.
— Et elle de quoi vous a-t-elle parlé ?
— Principalement de sexe.
Rodes : — Évidemment de quoi voulez vous parler avec un psy !
Dawkins : — Des relations qu'on a avec ses parents.
Docteur Atlan : — En fait 80 % de mes patients ne parlent que de sexe et elle avait un vrai problème, elle était toujours en demande. Je voulais l'aider.
Rodes : — Et ça a fini au lit !
— Elle m'a séduit, plus je lui parlais, plus elle me plaisait, j'ai commencé par lui offrir des petits cadeaux.
— Des plantes !
— Je voulais un cadeau qui lui fasse un peu penser à moi.
Dawkins : — J'ai constaté qu'à une période vous lui envoyez de plus en plus de commentaires et puis une semaine avant son décès, plus aucun commentaire.
Maître Gardin : — Qu'est-ce que cela prouve ? Que mon client est actif sur les réseaux sociaux à un moment et puis à une autre période, il a d'autres choses à faire, c'est ce que tout le monde fait.
Dawkins : — J'ai étudié attentivement les interactions de votre client sur la toile, il n'a que des contacts féminins.
— Que voulez-vous, mon client ne s'intéresse pas à la gent masculine. Ce n'est pas un crime !
— Je suis entré en contact avec certaines de vos connaissances sur la toile et de là j'ai pu en déduire un mode de fonctionnement de monsieur Atlan. Sa première phase commence par des likes puis quelques gentils commentaires flatteurs, la phase suivante consiste à commenter chacune des publications de votre cible pour arriver à la prise d'un rendez-vous. Et une fois que l’histoire est finie, vous recommencez avec une nouvelle candidate.
— Où voulez-vous en venir ?
— Votre client ne s'est pas connecté à son compte depuis plus d'une semaine. J'ai vérifié, cela ne lui est jamais arrivé en plus de trois ans. Voudriez-vous nous expliquer la raison de ce changement d'attitude ?
— Vous êtes sérieux, mon client n'a aucune explication à vous fournir.
Docteur Atlan : — Mais cela ne me gêne pas de vous répondre, vous savez. N'allez pas chercher des liens entre un changement d'habitude et un meurtre alors que de simples explications suffiront à vous éclairer. Il y a peu de temps, j'ai lu un article sur les bienfaits de la déconnexion et actuellement je suis en pleine cure. Si j'avais su que cela risquait de m'envoyer en taule, jamais je n'aurais quitté mon écran.
Rodes : — Et pouvez-vous nous expliquer la signification de votre dernier message que vous avez envoyé à Janis : « Will death be our last kiss, my love ».
Maître Gardin : — Vous croyez vraiment qu'un tueur annoncerait au monde entier, je vais tuer cette personne, avant de la tuer.
Dawkins : — Pour les crimes passionnels c'est souvent le cas, des actes irréfléchis.
Rodes : — Tu ressors encore ta carte crime passionnel.
— Non, je ne le fais pas, je réponds à une question.
Docteur Atlan : — Je ressens des tensions entre vous deux, j'ai l'habitude de gérer ce genre de conflit, laissez-moi démêler tout ça.
— Puis-je vous rappeler qu’on est pas en séance docteur.
— Je sais mais j'aimerais vous expliquer ce message.
— Ce n'est pas la peine, un message aussi évident, je ne l'avais pas raté. C'est pour cela qu'hier soir j'ai repris ce message et je l'ai retrouvé. Votre seul tort c'est que vous n'avez rien écrit d'original. Un peu triste selon moi mais les plagiats sont monnaie courante sur le net, et voilà pourquoi je ne pose pas ce genre de question, moi.
Rodes : — C'est un coup bas ! Puisque t'es si doué, pose la prochaine question.
— Enfin tu te décides à reconnaître ma valeur !
— N'importe quoi !
Maître Gardin : — Si on vous gêne, on peut vous laisser.
Dawkins : — Je ne crois pas, nous avons encore quelques questions pour votre client.
Rodes : — Comme il dit.
— Vous êtes plutôt doué dans votre profession, docteur ?
Docteur Atlan : — Oui, j'ai eu mes diplômes avec mention.
— Ce qui fait que vous devez savoir observer le comportement de vos collègues.
— Aimeriez-vous être constamment pris pour un policier en recherche d'un criminel ?
Rodes : — Je ne vois pas le problème.
— Le problème c'est que les gens ne veulent pas être psychanalysés en permanence et c'est pour cela que je ne me conduis pas comme cela avec mon entourage, je garde ça pour mes patients.
Dawkins : — Je ne vous crois pas un seul instant.
— Et puis-je savoir pourquoi ?
— Parce que vous êtes comme ça. Vous nous avez déjà analysé moi et mon collègue alors que nous nous connaissons depuis moins d'une heure. Je suis aussi comme ça, j'observe les gens, je les soupçonne car depuis que je suis policier, j'agis ainsi. On ne quitte pas son métier une fois que la journée est finie et c'est la même chose pour vous, même si vous essayez de le cacher.
— Où voulez-vous en venir ?
— À ma prochaine question. Qui selon vous parmi vos collègues aurait une raison de s'en prendre à Janis ?
— Je ne sais pas, ça peut être n'importe qui.
— Vraiment n'importe qui ?
— Oui, j'ai lu pas mal de polars et je suis convaincu que tout le monde est capable de tuer. Et même si on ne voit pas de raison pour tuer une personne qui paraît à première vue gentille et sans histoire en apparence.
(Pause)
En discutant avec mes patients j'ai pris conscience qu'un accès de violence arrive plus souvent qu'on ne le croit et que ce qui déclenche cela est parfois un événement qui peut être totalement ordinaire.
— Mais vous êtes proche de certains de vos collègues ?
— Oui, avec les années on forme un peu une famille et je n'ai rien à dire sur ma famille.
— Et si je vous parlais du docteur Parrish.
— Si vous me demandez si Alan serait capable de tuer, ma réponse est oui. Sans aucun doute mais je n'ai aucune preuve qu'il aurait fait quelque chose contre elle.
— Et sa femme ?
— Le cliché de la femme jalouse, ma foi. Pourquoi pas ?
Rodes : — Et le prince de Galles ?
— Que vient-il faire dans tout cela ?
— Si je vous écoute bien, il serait aussi suspect dans notre affaire.
— Rien n’est impossible ! Si vous trouvez un lien entre deux personnes.
Dawkins : — N’allons pas si loin ! Nous connaissons notre métier docteur, on commence toujours par le premier cercle de la victime qui inclut la famille et les amis, si on ne trouve rien, on élargit le cercle, mais je ne vais pas vous expliquer notre modus operandi. Maintenant j'aimerais savoir où vous trouviez-vous lors du meurtre de Janis ?
— Mon alibi est un psychopathe.
Rodes : — Comment !
— Ce jour-là j'étais en séance avec un de mes patients. Henri un vrai psychopathe, il a tué tous les membres de sa famille alors qu'il avait seulement seize ans. Son histoire est déprimante, il s'est fait influencer par une jolie fille qui lui a demandé de lui prouver qu'il était un vrai mec. Elle lui avait promis de coucher avec lui une fois qu'il lui apporterait la preuve qu'il était un vrai dure et cet idiot a tué ses parents pour ça. Une fois qu'il lui a raconté ce qu'il avait fait, la fille horrifiée l'a dénoncée à la police et elle ne l'a jamais revue. Je vais le voir à peu près deux fois par mois en prison, on a peur qu'il se suicide. ( Il tend un papier à l'inspecteur) Vous pouvez appeler la prison pour vérifier, j'étais enfermé à l'heure du crime.
— Vous êtes amis avec un tueur ?
— Les tueurs sont des gens comme les autres qui ont enfreint la loi. Et qui n'a jamais enfreint la loi ?
— Je ne mets pas au même niveau un petit voleur et un assassin.
— Moi non plus, cependant une action ne définit pas une personne.
Dawkins : — Pourquoi ne pas nous avoir donné tout de suite votre alibi ?
— Je pensais que vous ne me soupçonniez pas.
— Même les gens qui ont un alibi en béton, peuvent commanditer un crime.
— Vous n'y pensez pas, commanditer un crime c'est le plus sûr moyen de se faire prendre. D'abord il faut trouver une personne de confiance qui veuille commettre un crime et si elle se fait prendre, elle vous balancera en moins de deux pour obtenir une peine plus légère.
— Vous y avez beaucoup songé ?
— Je vous ai dit que je lis beaucoup de polars.
— Si mon collègue est d'accord, je crois qu'on en a fini avec notre entretien.
Rodes : — Vous êtes libres messieurs.
Maître Gardin : — Ce fut un plaisir messieurs, et bonne fin de journée.
Docteur Atlan : — J'espère que vous trouverez le vrai coupable et que vous rendrez justice à la pauvre Janis.
Dawkins : — On fera de notre mieux, vous pouvez me croire.
Une fois le docteur et l'avocat partis, les deux policiers discutent.
Rodes : — Qu'est-ce que tu en penses ?
Dawkins : — Ce type est louche mais on l'a définitivement rayer de notre liste de suspects.
— On doit tout de même vérifier son alibi.
— Tu crois franchement qu'il nous mentirait sur un alibi si facile à vérifier et cette prison n'est pas ce qu'il y a de plus près d'ici.
— Ce genre de gars doit penser qu'on fait aveuglément confiance à la parole du bon docteur, il oserait nous mentir et la prison est à proximité de chez la mère de la victime.
— Que veux-tu encore demander à la mère ?
— Des informations plus personnelles sur sa fille.
— Tu veux faire un retour aux sources ?
— Comme dirait un fin psychologue, il faut remonter à la source du problème pour résoudre ce qui vous préoccupe.
— J’aime pas quand tu fais des imitations. Et on piétine vraiment avec cette affaire !
Walker : — Comme ça vous piétinez et vous voulez aller faire un petit tour en prison. Ça tombe bien, j'ai un boulot simple pour vous, cela vous changera les idées.
— Vous nous écoutiez capitaine ?
— Les vieilles habitudes sont tenaces, j'ai toujours l'oreille qui traîne et j'aurais besoin de deux gaillards comme vous pour un transfert de prisonnier, c'est un gars dangereux. Cela vous pose-t-il un problème ?
— Absolument pas capitaine !
— Bien le transfert aura lieu demain matin vers huit heures.
Le capitaine retourne dans son bureau laissant ses deux policiers assient.
Rodes : — Bien capitaine, oui capitaine ! T’arrêtes jamais la lèche ! On va devoir se coltiner un transport de prisonnier en plus.
Dawkins : — De toute façon, on devait y aller, alors on obéit aux ordres, Pluto. Du coup, regarde le bon côté ! Ce soir tu peux rentrer plus tôt. Repose-toi bien et on se retrouve demain matin.
— J’ai assez papoté pour aujourd'hui, c’est décidé, je rentre chez moi. Allez, à demain !
— Passe une bonne soirée, demain c'est moi qui conduis !
— C'est toujours toi qui conduit !
— Comme ça les choses sont claires. T’es encore là !
— Ciao.
Il sort.