Chapitre 7 - Entre le cafard et la fourmi

— Tu n’as pas de dents non plus ? me répond Solène d’un ton surpris. Ah ah ! Les grenouilles c’est tellement mieux que les crapauds n’empêche ! Oui, j’ai des dents sur ma mâchoire supérieure, ça m’aide pour agripper mes proies.

— Pfft ! Les crapauds aussi ils sont géniaux d’abord ! Déjà, je suis beaucoup plus gros que toi !

Malheureusement, j’ai beau chercher, je ne trouve rien de plus à dire à Solène. Sa grenouille : nage mieux, peut coasser et a deux sacs vocaux, saute probablement bien plus loin… bref, dépité[1], je me contente de la critiquer :

— Et puis tes dents, je continue, elles ne sont pas si super que ça si tu ne peux ni mâcher avec, ni les utiliser pour mordre !

— C’est toujours mieux que pas de dents du tout. Et puis en plus, si j’avais des dents en bas, je risquerais de croquer mes yeux en mangeant, me répond Solène d’un ton ferme et sans réplique.

Tiens, c’est vrai ça. C’est donc normal au final que sa grenouille ne puisse pas avoir de dents en bas.

Cependant, une nouvelle brûlure dans l’estomac me fait stopper net mes chamailleries avec Solène.

— Solène, je crois qu’il y a vraiment quelque chose qui cloche avec mon crapaud, je me mets à gémir, ça me brûle de plus en plus !

Commençant à m’affoler (et si c’était quelque chose de vraiment grave ?), je réalise soudain que tonton pourrait peut-être m’aider. Nageant le plus rapidement possible vers le bord du lac, je monte lentement sur le rocher et…

Oh non, zut ! Je ne suis pas revenu à l’endroit où se trouve tonton ! Les rochers, ils sont sur la rive en face du bosquet où il nous a cachés !

— Hélios ? Tu vas bien ?

— Non !

Solène vient de bondir sur le rocher à côté de moi, m’ayant visiblement suivi.

Et moi je sens mon estomac se révolter et essayer de vomir quelque chose. Je ne me sens vraiment pas bien. Et puis c’est pire que vomir normalement, parce que sens que- que- beuark !

Après quelques haut-le-cœur, je recrache quelque chose d’assez gros.

— C’est quoi ça ? interroge Solène.

Moi, je ne bouge plus, je me contente d’ouvrir et fermer la bouche quelques fois en bavant, histoire d’être bien sûr qu’il n’y a plus rien là-dedans. Si j’étais dans ma peau humaine, je pense que j’en frissonnerais d’horreur.

Pendant ce temps, le « quelque chose » que j’ai vomi est en train de partir comme si de rien n’était et son allure me dit clairement quelque chose.

— Mais ? C’est un insecte que j’ai mangé tout à l’heure ça ! je m’exclame. Un truc bizarre entre le cafard et la fourmi. Oh là là, je suis bien content qu’il ne soit plus dans mon estomac, j’ai toujours mal, j’ai l’impression d’être brûlé à l’intérieur. C’est ce petit machin-là qui m’a fait ça ?

— Aucune idée. Je ne savais pas que des insectes pouvaient nous faire du mal, et encore moins qu’un insecte pouvait ressortir de notre estomac ?

— Ah ah ah ! Je me sens comme un cachalot ayant malencontreusement avalé un humain !

— Et bien ça va, tu n’as pas l’air traumatisé on dirait ? rigole Solène à son tour.

— Un peu au début, mais maintenant ça va, je vais bien. Après tout, même s’il a réussi à me faire mal, ça reste un insecte et moi je suis son prédateur, ah ah ah !

Je suis tellement fier de moi que je ne fais pas vraiment attention à ce qu’il se passe aux alentours. Alors lorsqu’un aboiement retentit juste à côté de moi, j’ai à peine le temps de faire quelques petits bonds désespérés que me voilà brusquement soulevé du sol.

Au secours ! Au secours ! Solène !

 

[1] Dépité = vexé, contrarié, bref, Hélios est vraiment déçu.

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