Chapitre 8 – Crapaud charmant

Je suis totalement paniqué. Et en plus, alors qu’elle est d’habitude toujours blasée, cette fois-ci, Solène ne me répond même pas.

Puis j’entends alors une voix ou plutôt, deux voix, et je réalise que ce n’est pas le chien qui m’a attrapé, mais des humains.

Et Solène ?

— Regarde ! J’ai réussi à l’attraper ! Je t’avais bien dit que les crapauds ce n’est pas si dur que ça à capturer.

— J’aurais préféré que tu prennes la grenouille, elle était plus jolie.

— Mais elle avait zéro chance de se transformer en prince charmant elle, ah ah ah !

Mais quoi ? C’est quoi ces andouilles ? D’après les voix assez aiguës, j’ai l’impression que ce sont des enfants ou de jeunes ados. Ma peur a disparu d’un seul coup pour laisser place à de la colère.

— Relâchez-moi espèces d’andouillettes humaines ! je me mets à crier, espérant malgré moi qu’ils pourraient m’entendre.

— Ce sont des humains ? j’entends chuchoter Solène dans ma tête.

— Solène ! Tu t’es planquée ?

Cela me rassure beaucoup d’entendre sa voix. Je me demandais si elle ne s’était pas faite attraper elle aussi.

— J’ai fait un bond dans l’eau, tu n’imagines même pas ! Deux ou trois mètres je crois ! Je t’avais bien dit que les grenouilles c’était mieux que les crapauds.

Gna gna gna. Comme si c’était le moment de se moquer ! Gigotant dans tous les sens, j’essaye de faire lâcher prise à la main qui me tient, mais sans succès.

— C’est pas drôle Solène ! Dis-leur de me lâcher !

— Et je fais ça comment ? Ce n’est pas comme s’ils nous entendaient !

J’ai beau rager, je remarque tout de même que plus je gigote et plus ils serrent. Prudent, je m’immobilise net et je pense alors à un détail qui m’affole subitement :

Il ne faut pas qu’ils m’embrassent ! je crie soudainement à l’attention de Solène, restant néanmoins prudemment immobile.

Ah ah ah ! Peur de te transformer en prince ? Ou plutôt, en princesse ?

Mais comment elle peut rire de la situation ? Elle ne comprend pas ?

— Mais rigole pas bêtement comme ça Solène ! C’est venimeux un crapaud !

Bon, j’avoue que je viens seulement de m’en souvenir. Solène n’a pas le temps de me répondre que les humains se remettent à parler.

— Angélique ? Il ne bouge plus ton crapaud ! Tu l’as tué en le serrant trop fort !

— N’importe quoi. Il fait sans doute juste le mort.

C’est un peu ça oui. Je suis mort de peur. Mais même pas pour moi cette fois, pour eux ! Prenant bien garde à ne pas bouger d’un orteil, j’attends patiemment, écoutant les deux humains qui se disputent pour savoir que faire.

Au moins, ils avaient perdu l’envie de m’embrasser visiblement.

— On le donne à Lucky ?

— Il mange des crapauds ton chien ?

Hein ? Quoi ? Oh non, ils veulent me donner à manger au chien, c’est encore pire ! Aussi bien pour lui que pour moi d’ailleurs. Je sens la panique monter de nouveau en moi à l’idée d’être peut-être dévoré dans quelques instants.

— Je ne sais pas, mais il a l’air d’avoir envie de jouer avec, et puisqu’il est mort…

— Il est peut-être juste déshydraté, je vais le remettre dans l’eau pour qu’il boive.

N’importe quoi, les anoures ne boivent pas ! Mais bon, peu importe, je continue à faire le mort, mais dès que je touche l’eau, je plonge illico et nage de toutes mes forces, m’éloignant des humains autant que je le peux avant de remonter à la surface pour me poser (et reposer) sur un nénuphar.

Quelle trouille j’ai eu ! Ils sont fous les humains, vraiment ! Comme si ça ne suffisait pas qu’ils détruisent les habitats des crapauds, les écrasent avec leurs voitures, mangent leurs cuisses, les dissèquent dans les laboratoires, il faut aussi qu’ils soient traités n’importe comment dans les contes !

Bon d’accord, pour ce dernier élément, dans la réalité, c’est l’humain qui risque plus gros que le crapaud, mais quand même, quelle drôle d’idée d’avoir inventé de telles histoires.

Hélios ?

La voix de Solène dans ma tête est toute tremblante. Enfin elle s’inquiète ! J’ai bien envie de ne rien répondre pour lui faire un peu peur, mais finalement, je ne le fais pas, ce serait trop méchant.

Je vais bien Solène, ils m’ont remis à l’eau.

— Et bien tu vois, ils n’étaient pas si méchants que ça !

Après un instant d’hésitation, je préfère ne pas expliquer à Solène qu’ils m’ont remis à l’eau parce qu’ils ont cru que j’étais mort.

Mais au fait, j’y pense, il y a donc un point sur lequel mon crapaud bat grenouille-Solène à plate couture !

 

*** Informations documentaires ***

Hélios a raison, les anoures ne « boivent » pas.

En effet, la peau des anoures, très perméable, leur permet aussi bien de boire que de respirer.

Et oui, dans l’eau, s’ils respiraient par le nez (en utilisant leurs poumons), ils se noieraient ! Dans l’eau, ils respirent donc uniquement grâce à leur peau très fine qui peut laisser passer l’oxygène de l’eau directement jusqu’à leurs vaisseaux sanguins.

Quant à la boisson, ils ne boivent tout simplement jamais, se contentant d’absorber l’eau dont ils ont besoin par la peau.

 

Les français sont bien connus à l’étranger en tant que « mangeurs de grenouilles ». À tel point que nous sommes parfois appelés « froggies » (frog = grenouille) par les Anglais.

En réalité, même s’il est vrai que les français consomment des cuisses de grenouilles, cela reste très rare, et la plupart des jeunes générations n’en ont jamais consommé.

 

Les grenouilles, tout comme les souris, sont toujours utilisées par les laboratoires.

Par exemple, leurs hormones thyroïdiennes fonctionnant comme celles des humains, les grenouilles sont utilisées pour les expériences permettant une meilleure compréhension des perturbateurs endocriniens, auxquels ces dernières sont particulièrement sensibles.

 

Les routes sont pour les grenouilles, comme pour beaucoup de petits animaux, mortelles. Surtout lors des périodes de migrations (lorsque les anoures sortent de leur hibernation pour aller dans les mares afin de s’y reproduire).

Pour y pallier, certaines routes peu fréquentées peuvent être fermées durant ces périodes. Ou alors, concernant des routes avec plus de passage, des crapauducs peuvent être installés (petit tunnel passant sous la route). À d’autres endroits, des bénévoles récupèrent les grenouilles matin et soir afin de les aider à traverser la route. Bravo à eux !

 

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