Chapitre 7
Fu-zang long
— Tu dois te poser beaucoup de questions. Ne t’inquiète pas, je t’expliquerai tout en temps voulu. Est-ce que tu as assez de forces pour te lever ?
— Je pense. Je commence à ressentir mes membres.
— Alors on y va. Au fait, tu peux m’appeler Adan… Ce sera mieux que Père-Noël.
Hava se remit péniblement debout. Elle avait des fourmis dans tous les membres de son corps et les deux hommes la serraient de près pour lui éviter de tomber. Avec leur aide, ils retournèrent jusqu’au temple. Les deux hommes surveillaient les alentours. Hava avait envie de leur poser mille questions. Qui étaient-ils ? Comment Père-Noël, ou Adan, ou comme il voulait qu’on l’appelle… faisait là ? A plusieurs milliers de kilomètres de là où il faisait la manche d’habitude. Et qui était cet homme qu’elle voyait toutes les nuits dans ses rêves ? Mais Hava sentait que ce n’était pas le moment de parler de toutes ces choses-là. De toutes façons, elle ne s’en sentait pas la force. En plus, ils étaient trop concentrés à surveiller les alentours pour lui répondre. Les sons des tambours et des trompettes résonnaient à nouveau. Elle ne l’aurait pas pensé quelques minutes avant, mais cela avait quelque chose de rassurant. Là, au milieu de tous les spectateurs, Hava se sentait à nouveau à l’abri.
— Retourne auprès de tes parents, lui dit Adan.
— Mais c’est là qu’ils m’ont enlevé tout à l’heure. Qui vous dit qu’ils ne vont pas recommencer ?
— Ne t’inquiète pas, on ne sera pas loin. Je t’expliquerai tout ce soir. Je viendrai te chercher dans ta chambre à l’hôtel.
Hava ne savait pas pourquoi, mais elle avait confiance en eux. Elle partit rejoindre ses parents et Junjie. Sa mère lui demanda où elle était partie tout ce temps, qu’elle commençait à s’inquiéter. Hava la rassura et ils regardèrent le festival qui touchait à sa fin. Ensuite, ils reprirent le chemin de l’hôtel. Les effets du poison avaient complètement disparu et elle se déplaçait normalement. Elle avait même l’impression que ses sens étaient aiguisés. Elle ressentait les choses plus fortement : les sons étaient plus forts, les odeurs plus marquées et son regard perçant. Hava ne pouvait s’empêcher de remarquer des détails sur lequel elle ne se serait jamais arrêtée avant. Ici un pendentif d’éléphant sur un moine, là une boucle d’oreille dur une personne âgée. Elle continuait d’observer les alentours. Elle recherchait le chauffeur de taxi, mais aussi l’homme blanc qui l’accompagnait, ou encore Père-Noël et l’homme de la grotte. Elle ne vit aucun d’eux. Quand ils arrivèrent à l’hôtel, Hava prétexta une grosse fatigue pour aller s’enfermer dans sa chambre. Elle s’assit à la table devant la fenêtre qu’elle commença à fixer.
Là, dans le calme de la chambre, après la journée éprouvante qu’elle venait de passer, ses pensées vagabondaient. Pourquoi avait-on essayé de l’enlever ? Pourquoi Père-Noël était là ? Qui était-il vraiment ? Finalement, la fatigue eut raison d’elle, et au bout de quelques minutes, elle s’endormit sans s’en apercevoir.
Comme d’habitude ces dernières semaines, elle se retrouva dans la grotte. Il n’y avait personne, ni Père-Noël, ni l’autre homme. Par contre, la salle n’était pas comme d’habitude. Cette fois-ci, des milliers de bougies étaient allumées, ce qui donnait aux lieux un air solennel et faisait ressortir les décors majestueux.
Ce n’est qu’au cinquième coup qu’elle se réveilla. Elle leva la tête qui semblait peser une tonne. Elle ne se souvenait plus où elle était. Elle regarda autour d’elle et poussa un petit cri. Père-Noël était juste devant elle, derrière la vitre. Les idées se remettaient doucement en place dans son esprit. Le voir ici était tellement étrange. Elle ouvrit la fenêtre et le laissa entrer. Il était d’une agilité surprenante pour un homme de son âge. Sans perdre une seconde, il se lança dans des explications à la situation :
— Désolé, je ne voulais pas te réveiller. Il faut faire vite. Je dois absolument te montrer quelque chose. Et il faut se méfier parce que ceux qui t’ont attaqué tout à l’heure ne vont pas abandonner si facilement. Leur premier plan a échoué, mais ils vont forcément recommencer.
— Qui sont-ils ?
— Je ne peux pas encore te le dire, mais je vais te montrer.
— Mais pourquoi moi ? Qu’est-ce qu’ils me veulent ?
—Tu es spéciale, Hava.
— N’importe quoi !
Elle avait crié cette dernière phrase beaucoup plus fort qu’elle ne l’aurait souhaité. On toqua à la porte. Son énervement avait dû attirer l’attention. Hava alla ouvrir pendant qu’Anan se cachait dans la salle de bain. C’était Célia.
— Qu’est-ce qu’il y a ma chérie ? Je t’ai entendue crier.
— Rien, ne t’inquiète pas. Je suis en Facetime avec Julie. Elle me racontait les dernières bêtises de Marvin…
— Ah Ok, c’était ça… mais essaye de faire moins de bruit. J’étais couchée et je me suis relevée. Va te coucher, il est tard et je te rappelle que tout à l’heure tu as eu un petit coup de mou. Tu nous as même dit que c’était de la fatigue…
— Oui je vais y’aller, je finis mon appel et je me couche juste après, c’est promis. A demain maman.
Hava referma la porte. Aussitôt, elle pensa à aller chercher Anan pour lui expliquer qu’ils ne pouvaient pas rester là s’ils voulaient continuer la discussion. Elle se retourna et elle poussa un petit cri de surprise : il était juste derrière elle. Elle ne l’avait pas entendu revenir, il était plus discret qu’un chat. Il mit son doigt devant la bouche pour lui signifier de se taire. Il avait le visage tout blanc.
— T’es marrant… Arrête de me faire peur si tu veux que je ne crie pas. Mais qu’est-ce que tu as sur le visage ?
— Oh ça ? De la crème hydratante à toi… J’ai la même, mais je l’ai oubliée en France. Ne t’inquiète pas, là où nous allons, le bruit ne sera pas un problème. Nous allons partir plusieurs heures. Un conseil, couvre-toi bien, il va faire froid.
Hava enfila son manteau et elle suivi Anan à l’extérieur. Il ressortit par la fenêtre. Hava n’y avait pas fait attention, mais sa chambre était beaucoup plus haute qu’elle ne l’avait imaginé. Père-Noël s’était déjà précipité au-delà de balustrade du balcon. Elle se pencha et regarda vers le bas, ce qui lui donna un haut le cœur. Elle n’arrivait plus à bouger, tenant fermement le fer qui la protégeait du vide. Au bout de quelques secondes, Anan remonta, toujours aussi facilement.
— Qu’est-ce que tu fais, on n’a pas toute la nuit !
— J’ai le vertige.
— Vu où nous allons, ce n’est pas fini. Attends, je vais t’aider.
Elle s’attendait à ce qu’il la porte ou l’encourage. Au lieu de ça, il descendit sur le balcon du dessous et il siffla entre ses doigts une mélodie envoutante. Pendant quelques secondes, il ne se passa rien. Hava ne savait pas en quoi cela allait l’aider. Pourtant, au bout d’une minute ou deux, à la lumière de la lune, Hava entendit quelque chose au loin qui se rapprochait.
Ce fut d’abord un souffle, puis elle perçu un murmure, puis le bruit se fit plus précis jusqu’à ressembler à une tempête en approche. Puis elle les aperçut. D’abord, quelques-uns, puis des milliers, voire des millions : des papillons. Ils se dirigeaient vers eux, de plus en plus nombreux. Ils formaient de superbes murmurations, comme une danse géante. Ils dessinaient dans le ciel des formes plus belles les unes que les autres. Le dessin se faisaient de plus en plus précis, et Hava finit par reconnaitre la forme d’un dragon. L’animal était dessiné dans le ciel par ces millions de papillons volants. Le dragon cracha, mais au lieu d’une flamme, il se dégagea un papillon plus gros que les autres. Il était jaune et noir. C’était celui qui s’était posé sur son épaule plus tôt dans la journée. Elle n’avait pas rêvé. Même s’il avait la taille est des ailes de papillons, ce n’en était pas un du tout.
— Je te présente Fu-zang long, le gardien des trésors. On l’appelle aussi « dragon-heureux ».
Après avoir fait plusieurs cabrioles autour d’elle, comme une dans de la joie, il se posa sur l’épaule d’Hava. C’était un minuscule dragon, pourvu d’écailles noires et d’ailes jaunes d’un papillon. Hava baissa la tête vers Anan. Au sourire sur ses lèvres, elle comprit qu’il savait ce qu’elle allait dire.
— J’ai déjà entendu ce nom ! Dans… dans mes rêves.
— Je sais, mais ce n’était pas des rêves. Mais arrêtons de parler. Je vais te montrer.
Il siffla de nouveau et le dragon changea de position. Il attrapa Hava par le bras et il commença à s’envoler facilement, malgré sa prise. Hava sentait l’air frais lui fouetter le visage, mais elle n’osait pas bouger. Elle volait à plus de dix mètres du sol, mais malgré cela, elle n’avait pas peur.
Hava avait l’impression d’avoir déjà vécu cela. Comme si son corps se souvenait des sensations qu’elle vivait. Elle et le dragon se dirigeaient vers les montagnes. Elle se retourna mais elle ne vit pas Anan. Elle était seule, suspendue dans les airs, dans un pays qu’elle ne connaissait pas. Elle devait dormir et elle allait bientôt se réveiller. Tout cela paraissait si irréel.
Au bout de quelques minutes, ils avaient parcouru plusieurs kilomètres, peut-être des centaines, et ils longeaient les montagnes, à quelques mètres des rochers. Le papillon montait vers les sommets. Soudain, il ralentit et déposa délicatement Hava au sol. Elle était au beau milieu d’un désert blanc constitué de neige éternelle. Elle releva les yeux pour chercher le dragon, mais il était reparti. Malgré sa tenue inadaptée, Hava n’avait pas froid. Elle observait les alentours. Elle était au pied d’un pic dont elle ne distinguait pas le sommet.
Un sentiment de malaise la saisit. Elle était au milieu de nulle part. Si c’était un rêve, c’était le moment de se réveiller avant que ça ne devienne un cauchemar. Comment allait-elle faire pour se sortir de là ? Elle prit son téléphone et chercha à appeler ses parents, mais, à cette altitude, si loin de toute vie humaine, elle n’avait évidemment aucun réseau. Elle alluma alors la lampe de son téléphone pour observer les alentours. A l’ombre du pic, elle n’avait pas aperçu quelque chose d’étonnant dans un endroit comme celui-ci : il y avait un petit arbre avec un magnifique feuillage verdoyant.
Comment était-ce possible ?
Elle s’en approcha pour l’observer de plus près. Quelque chose clochait. Les feuillages bougeaient malgré l’absence de vent. Et plus elle s’approchait, plus l’arbre bougeait. Il oscillait de gauche et de droite. Quand elle ne fut qu’à une dizaine de mètres, l’arbre s’immobilisa. Le temps suspendit son vol. Combien de temps resta-t-elle ainsi, à observer un arbre au tronc blanc et au feuilles verdoyantes, perdue en pleine montagne à plusieurs milliers de mètres d’altitude ? Cinq secondes ? Dix ? Une heure ? Elle avait perdu la notion du temps. Mais soudain, l’arbre se remit en mouvement et Hava poussa un cri.
Devant elle, l’arbre se retourna doucement, laissant apparaitre une gueule menaçante, celle du plus gros lion blanc qu’Hava n’avait jamais vu. Le feuillage n’en était pas un, c’était sa crinière. L’animal se rapprochait maintenant d’elle en grognant. Il n’était plus qu’à quelques mètres, Hava hésitait sur la marche à suivre. Elle n’avait pas d’arme, et si elle se mettait à courir, l’animal la rejoindrai en quelques bonds. Il avançait encore, cinq mètres, trois…. Puis il stoppa juste à côté d’elle. Il avait fixé ses yeux dans ceux de la jeune fille.
Soudain, il bondit sur Hava qui chuta lourdement. Elle ferma les yeux. Elle s’attendait à ressentir la puissance des crocs de l’animal se resserrant sur ses bras, ses jambes. Elle pleurait. Mais le lion ne la mordait pas, au contraire. Hava sentit une langue râpeuse lui lécher le visage. Elle repoussa l’animal qui revint aussitôt et repris ses lapages de plus belle. Il lui faisait la fête, comme s’il était content de la voir. Finalement, Hava se prit au jeu et le caressa. Son pelage était d’une douceur incroyable.
— Ah, je vois que tu as fait la connaissance de Sinha.
C’était Anan qui avait prononcé ces mots. Il était suspendu dans les airs, à quelques mètres d’elle. Il avait volé de la même façon qu’elle. Sinha, le lion blanc, venait de s’asseoir aux côtés d’Hava qui s’était relevée. Le lion lui donnait des petits coups de têtes, comme pour réclamer des caresses. Il regardait Hava comme un chien regarde son maitre. Hava s’exécuta. Elle avait l’impression de caresser des flocons de neige sans ressentir le froid. Ses feuilles avaient la douceur de la soie.
— Allez, viens, nous avons encore de la route.
Sans attendre de réponse, il s’avança rapidement vers la paroi de la montagne. Hava avait du mal à le suivre tant il marchait vite. Au bout d’une centaine de mètres, elle le perdit de vue. Il avait disparu dans la montagne comme par magie. Hava s’approcha de l’endroit d’où il venait de disparaitre et elle comprit. Il venait de rentrer dans ce qui ressemblait à un tunnel creusé dans la roche et qui montait vers le sommet. Elle s’arrêta, hésitante. Sinha lui donna un petit coup de museau pour la pousser à y aller. Finalement, Hava se décida et s’enfonça dans ce chemin mystérieux.
Plus loin, un petit animal qui ressemblait à un rat avec des dreadlocks, avait observé toute la scène. Quand Hava disparut dans la montagne, il partit dans le sens opposé pour prévenir son maitre.
Quelques coquilles :
- Même s’il avait la taille est des ailes de papillon --> "et" (au lieu de "est")
- comme une dans de la joie --> danse
Sinon, j'ai eu du mal à imaginer le "dragon-papillon" : taille assez petite pour se poser sur son épaule, et assez grande pour la soulever par un bras + "Au bout de quelques minutes, ils avaient parcouru plusieurs kilomètres, peut-être des centaines," (difficile d'imaginer à quelle vitesse ils vont réellement, du coup)
Mais j'ai réfléchis après coup que c'était peut-être fait exprès, parce qu'Hava elle-même n'est pas sûre de ses sensations ?
Au cas où, je signale quand même mon ressenti sur ce papillon-dragon (bonne idée au passage !) :)
Par ailleurs, je ne suis pas certaine d'avoir compris l'histoire de la crème sur le visage : c'est pour le froid ?
L'histoire est toujours intéressante à suivre :)
Je décrirais mieux ce papillon dragon :)
Pour la crème, c'est parce que je veux faire d'Anan un personnage décalé. A la fois une force de la nature, et au courant des plus grands secrets de l'univers, mais en même temps si simple qu'il vit comme un ermite et qu'il ne sait pas se servir de crême hydratante :-)