Le temps passant, les relations entre Syola et Adeline s'envenimèrent. Syola avait fini par lui avouer se rendre au temple de Chaak – cela lui avait échappé. Adeline n’avait pas apprécié. L’ambiance devint électrique. Un jour, Adeline avait lancé à son apprentie :
- Je me demande ce que tu fais à ces prêtres pour qu'ils t'apprécient autant ! Il faut dire que peu de filles doivent accepter d'entrer dans leur temple maudit…
Syola ne s'était jamais autant sentie insultée. Depuis, les deux femmes se parlaient le moins possible. La plupart de leurs contacts se résumaient à échanger des parchemins contenant des ordres ou des remèdes.
Pendant ce temps, à la bibliothèque du temple, la lecture des sacrifices devenait de plus en plus insupportable. Comme prévu, les sacrifices humains arrivèrent, d'abord un adulte, puis deux, puis beaucoup, rendant Syola nauséeuse.
Ceci eut toutefois un effet bénéfique. En effet, les sacrifices étaient détaillés avec tant de précision que Syola apprit énormément de choses sur le corps humain. Ses examens n'en furent que de meilleure qualité. Les tortures, souvent agrémentées de dessins précis et détaillés, apprirent énormément à la jeune femme.
La première fois qu'elle avait lu qu'il fallait insérer la pointe du couteau entre la cinquième et la sixième vertèbres dorsales, cela l'avait énormément surprise. Elle ignorait tout de l'anatomie humaine mais s'améliorait au fil du ses lectures.
Lorsque les sacrifices commencèrent à inclure des enfants, Syola se dégoûta elle-même en se rendant compte qu'elle n'avait plus besoin de regarder les schémas pour comprendre où il fallait frapper pour que la douleur soit maximale.
Syola en arriva aux sacrifices concernant les nourrissons et soupira d’aise en s’imaginant avoir terminé. Les sacrifices allant de pire en pire, Syola pensait être arrivée au bout. Et pourtant… Une dernière rubrique l’attendait après des meurtres atroces de bébés – Syola espéra que le demandeur ne l’avait jamais réalisé.
Avide d’en avoir terminé, elle entreprit de lire des dix-neuf derniers sacrifices. Après avoir lu six d’entre eux, particulièrement immondes, elle comprit pourquoi ils avaient été mis à part.
Ceux-là, au contraire des autres, apportaient des merveilles : richesse, amour, beauté. Cependant, le prix était élevé, très élevé. Jamais Syola n'avait lu de rituels aussi compliqués et longs. La plupart nécessitaient des heures voire une journée entière. Bien souvent, il fallait deux victimes et l'exécuteur devait également souffrir pour parvenir à ses fins. Ces sacrifices étaient de loin les pires de ceux que contenait le grimoire.
Sa lecture fut plus lente car régulièrement, elle cessait de lire pour aller se promener dehors, trop choquée par ce qu'elle avait lu. Alors qu’elle revenait vers la bibliothèque, elle croisa Thomas, le front plissé qui ronchonnait tout seul.
- Thomas ? Tout va bien ? demanda Syola.
- Non, répondit Thomas. Ce n'était encore que la victime d'un fou. Décidément, je ne comprends pas.
- De quoi parles-tu ?
- De mon enquête ! répliqua Thomas.
- Ton enquête ? répéta Syola, surprise. Mais, je croyais que tu avais cessé d'être prêtre errant il y a des lunes de cela.
- Oui, bien sûr, répondit Thomas, mais cette affaire me colle à la peau, je n'y peux rien. Tant que je n'aurai pas compris, ça restera.
- Ça a l'air de beaucoup te marquer. Quel est le problème ?
- Syola, je ne suis pas certain d'avoir envie de discuter de cela avec toi…
- Thomas, j'ai lu quasiment tous les sacrifices possibles. Je crois que je serai en mesure de supporter de t'entendre parler de ton enquête. Alors, dis-moi…
- Si tu y tiens. Voilà, je sais quel sacrifice a été fait. Je connais donc parfaitement les victimes nécessaires et les sévices subis. Seulement voilà, sur les trois victimes, je n'en ai retrouvée que deux. À chaque fois qu'un corps est retrouvé, je cours l'examiner mais il n'est jamais comme le rituel le demande.
- Trois victimes, répéta Syola. Le cultiste a dû recevoir un sacré gain…
L’ancien prêtre errant grommela en retour.
- Thomas, tu sais, cette affaire ne te regarde plus, tu devrais peut-être laisser tomber…
- Va donc le leur dire. Ils ont juré d'avoir ma peau. Je les ai discrédités aux yeux des gens et ça, ils ne me le pardonnent pas. Tu sais, je ne suis pas le premier prêtre errant à se rendre compte de leurs agissements. Simplement, je suis le seul à avoir osé les dénoncer.
- Pourquoi les autres n'ont-ils rien dit ? demanda Syola.
- Parce que ces cultistes ont les bras longs, très longs. Depuis que je les ai dénoncés, ils ne me lâchent pas d'une semelle, guettant ma moindre faute. Leurs hommes se font de plus en plus collants et comme ils ont promis de me pourrir la vie, je crains à chaque instant qu'ils ne s'en prennent aux autres résidents du temple juste pour m'atteindre…
- Peut-être que si tu arrêtais de rechercher leur dernière victime, ils arrêteraient…
- Ça, j'en doute. Les gens n'ont été que moyennement convaincus par mes dires. Deux cadavres là où il devrait y en avoir trois…
- Tu ne crains pas qu'ils aient déterré et brûlé le corps après que tu les aies dénoncés ? demanda Syola.
Thomas se tourna vers elle, une ride sur le front.
- Je n'y avais pas pensé un seul instant. Pourtant, c'est complètement évident. Oui, c'est pour ça que je ne trouve rien. Ils ont fait disparaître le corps. Par Chaak, je suis complètement idiot. Ils doivent bien rigoler…
- Ne dis pas ça, on ne peut pas penser à tout. Maintenant, essaye de te calmer et de les oublier. Peut-être feront-ils de même…
Thomas hocha la tête puis partit en parlant seul. Syola sourit puis se rendit à la bibliothèque. Le grimoire l'attendait, posé sur un lutrin, fermé. Elle l'ouvrit, ravie par la tiédeur qui l’envahit.
Elle consulta le septième sacrifice, ce qui lui prit tout l'après-midi puis rentra à l'herboristerie. L'accueil d'Adeline fut aussi froid que d'habitude mais au moins ne l'insulta-t-elle pas, se contentant de la mépriser de son silence.
Les sacrifices se déroulaient. Syola essayait de professionnaliser sa lecture, imaginant le point exact, se débarrassant de toute émotion. Elle se força à se placer d’un point de vue médical stricte, lui évitant ainsi de vomir à chaque phrase lue.
Finalement, il n’en reste qu’un. Syola arrivait enfin au bout du grimoire des horreurs. Deux hivers y avaient été nécessaires mais finalement, elle finirait la philosophie de Chaak.
Syola, malgré la mauvaise entente avec Adeline, avait énormément progressé en plantes médicinales. En fait, elle aurait même pu ouvrir sa propre herboristerie. Elle en avait les capacités.
Seulement voilà, comme depuis toujours, Syola se laissait porter. Même si sa vie avec Adeline ne lui convenait pas, c'était sa vie et elle n'aurait rien fait pour en changer.
La vie avec Adeline étant compliquée, Syola appréciait de se retrouver au temple, dans le calme, entourée de gens qui l'appréciaient et surtout, elle appréciait les moments avec Thomas.
Ce dernier allait aux chevets des mourants et donnait leurs âmes à Chaak, leur permettant de mourir en paix. Puis, il enterrait les corps. C'était un travail difficile mais Thomas se faisait un honneur de le faire correctement.
Les deux jeunes gens échangeaient, bavardaient, se promenaient ensemble, sans jamais se toucher ni même s’effleurer. Syola n’osa jamais faire le premier pas et Thomas ne fit rien non plus en ce sens.
Tandis qu’elle s’apprêtait à découvrir le dernier sacrifice, Thomas brillait par son absence. Un mort requerrait son assistance. Syola n’était toutefois pas seule à la bibliothèque. De nombreux prêtres et adeptes y lisaient, ne lui accordant aucune attention. Syola commença à lire le dernier sacrifice, prête à s’éloigner mentalement, à ne penser qu’en terme médicaux, à étudier d’un œil scientifique ce parchemin. Pas d’émotion. Pas d’empathie, se répéta Syola.
Nombre d'exécuteurs nécessaires : Deux.
Sans être courant, ça n’était pas rarissime. Syola se souvint du sacrifice de sommeil : un cultiste taillade un pauvre agneau tandis que le second désigne les victimes de la malédiction du sommeil.
Nombre d'exécuteurs maximum : Pas de maximum.
Syola n'avait jamais vu de sacrifice sans maximum. Ainsi, des centaines de personnes pouvaient profiter de ce rituel. Elle haussa les épaules. Pourquoi pas, après tout…
Difficulté du sacrifice : 10
Le maximum. Cela n'étonna pas la jeune femme. Après tout, ce sacrifice était le dernier. Pas étonnant qu'il soit compliqué.
Objets nécessaires :
Un grand flacon d’huile de millepertuis de qualité supérieure.
Une robe d’adepte de Chaak par exécuteur.
Un couteau tranchant.
Une grande bassine.
De l'eau.
Du sel.
Des épices.
Des cordes.
Des baillons.
Un tisonnier portant la marque de Chaak.
Une demeure avec plusieurs pièces dont une cave avec verrou et une pièce assez grande pour contenir tous les exécuteurs.
Cette condition restreignait le nombre d'exécuteurs. S'ils devaient être en mesure de tous se trouver dans la même pièce, il était difficile d'imaginer des centaines de personnes ensemble. Quoi que… La présence de cordages n'avait pas surpris Syola. Ils apparaissaient à chaque fois et annonçaient clairement la présence de victimes humaines dans le rituel. La bassine, le sel et les épices la surprirent davantage. Elle se demanda ce qu'ils comptaient faire avec. Le tisonnier attira son attention.
- La marque de Chaak ? C’est quoi ? se demanda Syola.
- Deux C symétriques l’un dans l’autre, répondit le prêtre Tuty qui se trouvait à côté d’elle.
Venait-elle de s’exprimer à voix haute ? Elle avait cru penser cette phrase. Tuty dessina le dessin dans l’air. Syola fronça les sourcils. Deux « C » inversés se chevauchant. Pourquoi cela lui disait-il quelque chose ? Elle était pourtant certaine de n’avoir jamais vu ce symbole. Elle observa autour d’elle, sans le voir nulle part.
Elle ferma le grimoire pour le trouver aux quatre coins de l’ouvrage. Elle ricana. Voilà où elle l’avait vu sans même s’en apercevoir. Elle rouvrit le livre et reprit. La liste des objets nécessaires continua :
Trois jeunes humains purs.
Là, Syola fut atterrée. D'abord, il y avait trois victimes. Ensuite, les trois étaient purs, ce qui était le must en matière de sacrifice. Jamais les exigences n'avaient été aussi strictes.
Elle se souvint de ce que Thomas lui avait dit. Lors de sa dernière enquête, les adeptes accusés avaient pratiqué un rituel nécessitant trois victimes. Pouvait-il s'agir de celui-ci ? Elle se demanda si la bibliothèque du grand temple de K’Bar contenait d'autres sacrifices demandant une telle chose ou si c'était le seul. Tremblante à l'idée de ce qu'elle allait découvrir, elle commença la lecture du déroulement du sacrifice en lui-même.
Ce qui suit ne doit être effectué que par l'un des exécuteurs. Les autres, dès le début du rituel et jusqu'à sa fin, devront se trouver en position C7 dans une même pièce, et une fois le corps enduit d’huile de millepertuis, revêtir uniquement la robe d'adepte et psalmodier le texte T5693.
Syola n'avait pas besoin d'aller chercher les références pour savoir ce dont il s'agissait. C7 signifiait qu'ils devaient former un cercle parfait, être espacés régulièrement, se tenir à genoux les bras croisés sur la poitrine, la tête baissée et les yeux fermés. Elle ignorait ce que disait le texte T5693 mais cela importait peu.
Elle continua la lecture. Le texte qui suivait donnait les actions que le dernier exécuteur devait effectuer seul. Cela surprit beaucoup Syola car jusque-là, dans les rituels, tous les exécuteurs devaient agir. Qu'un seul doive tout faire l'étonna mais après tout, ce sacrifice semblait différent des autres.
L'exécuteur devra, seul et dans le silence le plus complet, effectuer les actions suivantes :
Les trois victimes devront être enlevées entre le crépuscule et l’aube.
Peu après l’aube, la première sera mise en position L56 devant la bassine préalablement remplie d'eau claire, pure et froide.
La première victime devait donc être placée à genoux, les mains liées dans le dos par une corde. Syola frissonna en se rendant compte qu'elle savait cela par cœur. Elle aurait presque pu demander à être prêtre, même si elle ignorait si une femme avait ce droit. Le haut prêtre lui avait dit qu’aucune ne demandait mais le lui refuserait-on si elle demandait – ce qu’elle ne comptait pas faire ?
Elle devra subir la torture Tb125 (am) jusqu’au zénith. Une durée plus longue n'est pas nécessaire mais pas interdite non plus.
Tb125 ? Celle-là, Syola ne la connaissait pas. Elle savait ce que (am) signifiait. am était l'abréviation de "À mort". Cela signifiait qu'il fallait lire la variante mortelle de la torture. En effet, la plupart des tortures contenait deux variantes. L'une permettant la survie de la victime et l'autre menant irrémédiablement à son décès. Certaines tortures menaient obligatoirement à la mort mais toutes ne l'étaient pas. Syola se rendit au rayon contenant les tortures, prit le second livre et fit défiler les pages jusqu'à la cent vingt-cinquième torture.
Tb125. Noyade dans un verre d'eau : Maintenez la tête de la victime sous l'eau. Si la torture doit durer, ressortez régulièrement la tête de la victime de l'eau afin de lui permettre de respirer. Comptez maximum jusqu’à quinze. Un être humain est capable de tenir plus longtemps mais le stress diminue les capacités respiratoires. (am) Pour tuer votre victime, maintenez-la dans l'eau davantage. Attention : ne bâillonnez pas votre victime sans quoi ses capacités respiratoires limitées la tueront très rapidement.
Syola trembla en lisant cela. Elle s'imagina, enlevée, s'éveillant à genoux, mains liées, la tête régulièrement plongée dans une bassine d'eau et finissant noyée après une matinée de souffrances et de cris inutiles. Syola s’ébroua. Elle ferma les yeux et se força à se calmer. Pas d’émotion. Pas d’empathie, se répéta-t-elle.
Le corps humain pouvait-il vraiment survivre à une telle torture autant de temps ? La pauvre victime aurait perdu l’esprit bien avant la fin, Syola en était certaine.
Elle remit le précis de torture à sa place et retourna sur le grimoire de Chaak.
Une fois la première victime décédée, la deuxième devra subir les tortures suivantes dans l’ordre : Ta12, Tc42 et Td37 (20). Tuez ensuite votre victime de la manière de votre choix. Attention, la victime ne devra pas décéder avant d'avoir subi les tortures citées précédemment. Si cela devait arriver, le rituel dans son ensemble devrait être recommencé. Nous ne pouvons que vous conseiller de vous entraîner au préalable.
La troisième victime, nue, devra être présente et éveillée durant la torture de la deuxième. Elle ne sera pas obligée de voir la torture, mais devra au moins entendre les cris de la deuxième victime.
Syola en conclut que la deuxième victime ne devait pas être bâillonnée.
Lorsque des morceaux de chair seront retirés du corps de la deuxième, ils devront être jetés sur le corps de la troisième.
Syola frémit puis éloigna toute pensée émotionnelle parasite. Ne pas se projeter. Rester neutre et objective, professionnelle. N'étant pas certaine des trois tortures demandées, elle alla chercher les précis et revint avec.
Ta12. Entailles : À l'aide d'un couteau tranchant, entaillez le corps de votre victime. Les blessures ne devront pas être mortelles. Commencez par les mollets, puis montez sur les cuisses, puis entaillez le ventre (en prenant soin de ne pas appuyer trop, les intestins ne devront pas être touchés). Continuez sur la poitrine sans trancher les seins et finissez par les épaules, les bras et les avant-bras.
Syola parvint à rester neutre. Le corps entrait en choc mais rien d’insurmontable. La survie était aisée.
Tc42. Entrailles : Avec précision, découpez le ventre de votre victime horizontalement d'un côté à l'autre à l'aide d'un couteau tranchant. Puis, avec vos mains, retirez avec douceur les intestins de votre victime en faisant en sorte qu'elle voie ce que vous faites. Cette torture, bien réalisée, n'amène pas la mort de la victime et peut être réalisée en début d'un sacrifice plus long.
La douleur restait faible. L’effet était surtout psychologique. Les intestins étant la partie la plus sensible du corps humain, cet acte devait envoyer des décharges horribles au cerveau. Que dire de la troisième victime qui entendait les hurlements de celle-là, attendant son sort ? Syola se mit à trembler.
Td37. Ablation : À l'aide d'un couteau tranchant, découpez des morceaux de votre victime. Les lobes d’oreilles, la langue, les doigts, les orteils, les testicules et le pénis pour les hommes, les seins et l’intégralité de la vulve pour les femmes, sont de bons choix. En prenant son temps, la victime peut survivre. Si sa survie vous importe, laissez-la respirer régulièrement sans quoi elle mourra par manque d'air à force de crier.
Voilà le moment où les morceaux de la deuxième se retrouvaient sur la troisième. Des bouts d’oreille, de langue, de doigts ou de parties intimes. Le tout devait sanguinoler. Syola ne put s’empêcher d’entendre les hurlements, de ressentir les carrés de viande la frapper et le liquide de couler sur ses hanches. Elle ne retenait plus ses émotions. Afin de tenter d’endiguer le flot, elle lança :
- C’est quoi le vingt entre parenthèses à côté de la torture Td37 ?
- Le nombre de morceaux nécessaires, répondit le prêtre Tuty non sans cacher son agacement.
Syola sentit une violente nausée la saisir. Les personnes désireuses de faire ce sacrifice s'entraînaient-elle réellement à faire subir ça à une personne sans la tuer ? Combien d'essais fallait-il avant d'y parvenir ?
Syola se demanda soudain à quoi ce rituel servait. Qu'est-ce que les exécuteurs en retiraient ? L'argent ? La gloire ? Le pouvoir ? Il fallait que ça soit réellement intéressant pour demander un tel prix.
Syola n'était pas très sûre d'avoir envie de lire le sort réservé à la dernière victime. Que pouvait-il y avoir de pire que cela ? Elle continua tout de même. Elle devait finir.
L’exécuteur, après s’être présenté oralement, devra effectuer Mc (Ed, Eg, Fd, Fg) à la troisième victime.
Mc ? Voilà une référence qu’elle ne connaissait pas. Elle mit un petit moment avant de trouver le précis contenant la signification voulue.
M. Marquage : À l'aide d'un tisonnier brûlant, marquez votre victime. Ml signifie que le marquage est libre. Mi indique que le marquage doit être vos initiales. Mc que le sceau de Chaak doit être apposé. Dans ce dernier cas, la victime appartient alors au dieu de la mort. Parfois, entre parenthèses sont précisés les lieux où le marquage doit être apposé. Référez-vous au précis correspondant si c’est le cas.
Syola connaissait assez bien le précis d’anatomie pour ne pas avoir à aller le chercher. Elle se sentit mal. Marquée aux deux épaules et aux deux fesses ? Avec le tisonnier chauffé à blanc portant la marque de Chaak ? Après que l’exécuteur se soit présenté ? Instinctivement, Syola porta ses mains à ses fesses. À gauche, la marque avait presque disparue, à force de crèmes et d’onguents. À droite, elle apparaissait clairement sans causer la moindre douleur, tout comme les épaules. Certes, la marque ressemblait à… Elle l’avait toujours vue comme deux « S » stylisés, initiales de « Stylus », qu’elle s’amusait à considérer comme les « S » de « Syola ».
Pourtant, à y bien y réfléchir, cela ressemblait en effet bien plus à deux C inversés entrecroisés. Syola n’avait pas fait le rapprochement. Il ne pouvait pas… Non ! Tous les sacrifices nécessitaient de tuer les victimes. C’était impossible. Syola, plus que jamais désireuse de savoir ce qu’il devait advenir de la dernière victime, poursuivit sa lecture.
La troisième victime devra ensuite être enfermée dans un endroit sombre et froid (cave par exemple) et devra rester seule dans le noir sans boire ni manger jusqu'à la fin du rituel. La victime peut décéder avant la fin du rituel, du moment qu'elle est en vie au moment où elle est enfermée.
L'exécuteur devra se laver, s’enduire le corps d’huile de millepertuis, passer la robe sombre puis rejoindre les autres exécuteurs qui ont commencé à psalmodier. Il se mettra en position et reprendra le texte avec ses compagnons. Aucun des exécuteurs ne devra bouger ni cesser de psalmodier avant l’aube. Si l'un d'eux venait à ne pas suivre cette règle, le rituel devrait être repris entièrement, y compris si l'un des exécuteurs venait à décéder.
Le sacrifice commençait à l’aube et se terminait à l’aube. Une journée complète à genoux, sans boire ni manger, ni dormir, à psalmodier. Il fallait réellement le vouloir pour agir de la sorte. Elle ne pouvait plus tenir. Elle voulait savoir à quoi cela servait et surtout, ce qu’il advenait de la dernière victime. Rapidement, elle lut le paragraphe suivant.
Chaak vous redonnera le corps de votre jeunesse.
- Le corps de votre jeunesse ? C’est quoi ? s’énerva Syola.
Elle ne comprenait même pas le gain obtenu.
- Cela signifie l'immortalité, guérisseuse, répondit le prêtre Tuty. Ce rituel vous permet de faire rajeunir votre corps, le faisant devenir comme il était à la fin de votre croissance.
Pas étonnant que le prix soit important. L'immortalité. Jamais Syola n'aurait cru que Chaak puisse offrir cela.