Chapitre Sept : Ma divine idylle
3 janvier 2008. Voilà 20 ans que Xavier existait sur Terre. Ce jour-là, Pierrick et Aline s’étaient rendus chez leur meilleur ami pour lui souhaiter son anniversaire. Rien de plus normal.
- Entrez, entrez, entrez ! s’exclama chaleureusement Elena, en ouvrant grand la porte de l’appartement. Xavier est encore dans sa chambre. Je ne sais pas ce qu’il fait… mais entrez ! Ne restez pas dehors, voyons !
- Le minus fait ses maths, répondit Liz d’une voix maussade, depuis la cuisine.
- On ne change pas un cerveau qui gagne ! lança Pierrick.
Aline hocha la tête avec un sourire et, sans plus attendre, se rendit jusqu’à la chambre de Xavier. Elle croisa au passage le regard glacial de Liz, et se permit de la dévisager de la même façon durant quelques secondes.
- Oh ! Aline, je t’en prie, ne corse pas les choses ! souffla Pierrick en poussant la jeune femme dans la chambre du comédien.
- Si elle continue de me provoquer comme ça, je vais lui refaire sa tronche…
- Tiens ! Tu travailles Alcatraz ?! s’époumona le comique, ignorant ainsi le murmure de son amie.
Xavier ne répondit pas tout de suite. Déconnecter son cerveau du mouvement brownien et des calculs stochastiques et réaliser la présence de ses deux amis lui avait pris deux bonnes minutes.
- Alors, mon chou, tu sors enfin de ta transe ? imita Pierrick avec la voix d’Aline.
- Toi, va te faire foutre.
- Déjà fait, ma chérie, tu le sais très bien.
- Pierrot, je t’en supplie, par tous les saints… ta gueule !
- Linette… Sois gentille si t’es pas jolie !
Choquée, Aline n’eut même pas la force de gifler son meilleur ami. Xavier décida d’intervenir afin d’éviter une bagarre dans sa chambre.
- Elle est jolie, mon Aline, riposta-t-il en la prenant dans ses bras. Et gentille. Alors, je t’en prie, arrête de la chercher. Bonjour, au fait !
- Salut ! Sympa ton caleçon ! ironisa Pierrick en lorgnant le pyjama du comédien.
- Oh ça va… Qu’est-ce qui te prend aujourd’hui ?
- Il me prend que mon meilleur pote a 20 piges, alors je suis content et je fais la fête !
- Bon anniversaire Xavier ! lança Aline.
- Tu veux ton cadeau, hein mon Xavier, tu veux ton cadeau hein ? Si t’es sage, petit toutou, t’auras un super susucre !
Le jeune homme foudroya Pierrick du regard. Ce dernier avait tendance à l’exaspérer dans les moments où il n’avait pas le courage de l’affronter.
- Ça suffit Pierrot, soupira Aline. Arrête de te prendre pour l’humoriste que tu n’es pas…
- C’est toi qui n’as pas d’humour, Linette.
Xavier enfila sa robe de chambre avec indifférence, pendant que ses deux meilleurs amis se disputaient pour savoir qui était drôle et qui ne l’était pas.
- C’est fini, Pierrot, oublie-moi. Tu me tapes sur le système, je ne veux plus te voir.
- Et j’ai crié… crié… « Aline », pour qu’elle revienne ! hurla le comédien à pleins poumons, désespéré.
- Pierrick ! Les voisins ! gronda Xavier.
- Et j’ai pleuré… pleuré… oh, j’avais trop de peine !
- Putain, Pierrot, arrête de gueuler comme un veau ! s’écria Aline, en collant sa main contre sa bouche.
En guise de réponse, le jeune homme broya sa paume. Avec des yeux de cockers, il supplia sa meilleure amie de le libérer. Après un commun accord, ils décidèrent d’arrêter de se chamailler et d’offrir leurs cadeaux à Xavier.
Avec appréhension, ce dernier observa les deux comédiens fouiller dans le sac d’Aline. Recevoir des cadeaux ne l’avait jamais mis à l’aise. Il ne savait pas s’il devait être heureux qu’on pense à lui de cette façon, ou gêné d’acquérir un bien d’une valeur plus ou moins importante. Suspicieux, il s’assit sur son lit, où Aline vint le rejoindre en lui glissant dans les mains un paquet bleu.
- C’est moi qui l’ai fait toute seule, expliqua-t-elle, après lui avoir collé un baiser sur la joue.
Il la remercia d’un sourire sincère, tandis que Pierrick, qui ne retrouvait plus son cadeau, vidait à la va-vite le sac de la jeune femme. Elle lui demanda d’aller plus doucement avec ses affaires, mais le comédien, n’en ayant cure, continua de jeter tout ce qui ne ressemblait pas de près ou de loin à son paquet. Le paquet en question finit par atterrir sur le crâne de Xavier, avant même que Pierrick eût pu l’identifier.
- Ouch ! Putain, Pierrot ! s’écria le jeune homme, en se massant doucement le front.
- Jamais vu quelqu’un d’aussi doué… grommela Aline, en attirant la tête de son meilleur ami contre sa poitrine.
Xavier ne refusa pas une telle étreinte, mais Liz choisit ce moment-là pour montrer le bout de son nez.
- On t’a jamais appris à frapper avant d’entrer ? grogna son frère, tandis qu’elle dardait son regard bleu glacé sur Aline.
- J’ai cru qu’on égorgeait un cochon, répondit-elle, faisant ainsi allusion au vacarme qu’avait causé Pierrick.
- Que je sache, j’ai encore le droit de fêter mon anniversaire comme je veux !
- T’iras le fêter ailleurs la prochaine fois.
- Va te chercher des amis, et fous-moi la paix.
Furieuse, Liz sortit de la pièce en claquant la porte, oubliant même qu’elle était venue à l’origine pour emprunter à son frère un stylo-bille.
- Je vois que ça ne s’est toujours pas arrangé… fit Pierrick, amer.
- Non. Je pensais que la situation évoluerait après ce qu’il s’est passé le soir de Noël. Malheureusement, elle est encore plus exécrable qu’avant. Avant, elle me foutait la paix, c’était déjà ça de bien. Maintenant, elle me pourrit la vie à longueur de journée.
Xavier n’avait toujours pas ouvert ses cadeaux. Il voyait Pierrick réfléchir et se demandait bien quelle idiotie il allait encore sortir.
- En même temps Xav’, c’est tellement difficile d’être l’une des femmes de ta vie… La pauvre Liz, moi, je la plains. Devoir partager la place avec d’autres…
Mais, évidemment, Xavier et Aline n’étaient pas du tout d’accord avec lui.
- Liz n’est pas l’une des femmes de ma vie !
- T’as vu comme elle lui parle ? C’est pas de l’amour, c’est du « foutage de gueule » ! ajouta la jeune femme.
- D’accord, je l’admets, c’est une chienne… parce qu’elle le veut bien ! Mais c’est ta sœur, Xavier… et je suis navré de te l’apprendre, mais elle t’aime tellement qu’elle te déteste puissance 10, expliqua Pierrick, devenu sociologue.
- C’est un peu paradoxal, non ? grimaça le comédien. Tu ne vas pas me faire croire que quand elle me balance à la gueule « petit con, tu me casses les bonbons », ça sous-entend « je t’aime tant, mon amour de petit frère » ?!
- Pas du tout. Mais rappelle-toi, quand t’es tombé en dépression…
- J’aimerais plutôt ne pas m’en souvenir.
- Malgré tout ce qu’elle t’a dit de méchant, Liz a été la première personne à s’inquiéter pour toi… continua Pierrick.
- Faux ! La seconde ! rectifia Aline, pète-sec. La première, c’était moi !
Xavier ne répliqua pas. Tout bien réfléchit, il était forcé d’admettre que Liz l’avait soutenu durant cette sombre période. Pas de la même façon qu’Aline, c’était certain, mais elle avait quand même eu son rôle à jouer dans l’histoire.
- Tu as raison. Liz était là quand je n’étais pas bien. Mais elle n’en est pas devenue moins détestable depuis !
- C’est vrai, admit Pierrick, songeur.
Ne voulant plus parler de ce sujet, Xavier décida d’ouvrir ses cadeaux. Le premier paquet qu’il déballa fut celui qui s’était écrasé contre son crâne. Le cadeau de Pierrick.
- Moi, j’ai trouvé ça casse-tête en vitrine, mais je savais que ça allait te plaire, remarqua le comique, fier de son jeu de mots.
- Ah ah ah… ironisa son meilleur ami.
Ceci dit, il ne put s’empêcher de sauter de joie en découvrant un livre intitulé Calcul variationnel, publié par Les Éditions de l’École Polytechnique.
- Ben dis donc ! Ils ne se cassent pas la tête à Polytechnique ! s’exclama Pierrick. Jamais vu une école qui possède sa propre maison d’édition !
- Excellent ! Merci, Pierrot !
- N’oublie pas de bosser le théâtre quand même…
- Ouais, ouais… fit distraitement le comédien, en attrapant le second paquet.
Aline s’était sentie écrivain. Auteur de la vie de Xavier. Elle avait acheté un livre vierge et y avait relaté les grands évènements de l’existence du jeune homme. Cela lui avait pris plus de six mois.
- Jolie plume, constata Xavier en lisant les premières lignes. Mais je le lirai plus tard.
- Pas de problème. Il reste une dizaine de pages, si tu veux continuer.
- Merci Aline.
- Tu as eu des nouvelles de Lulu ?
- Oui. J’en ai matin, midi et soir. Elle m’a appelé pour me souhaiter mon anniversaire, et elle devrait rappeler dans la soirée pour savoir ce que j’ai eu comme cadeaux. Sans oublier que la nuit dernière, elle m’a téléphoné à deux heures du matin parce qu’elle avait fait un cauchemar. Et elle m’a rappelé à quatre heures du matin, parce qu’elle avait oublié de me dire « je t’aime ».
- Et ben, on dirait bien que c’est la divine idylle ! siffla Pierrick.
- Elle est comme ça Lulu…
Et oui… Elle était comme ça, Ludivine. Et c’était bien la seule à être ravi de revenir à l’école le jour de la rentrée. Tous les élèves se traînaient pour se rendre en cours, sauf elle. Elle était pressée de reprendre possession d’Ondine, d’écouter les blagues Carambar de Pierrick, de découvrir la nouvelle garde-robe d’hiver d’Aline et d’offrir ses cadeaux à la Section A. Et surtout, elle se languissait de revoir Xavier.
- Bonjour tout le monde ! claironna-t-elle, en arrivant dans le hall d’accueil. Bonne année Madame Suzette ! Dites, il est là mon Xavier, hein, il est là ?!
- Mouais, il est là, grogna la standardiste.
Ludivine se trémoussa de joie. Son parrain était posté derrière elle, dépité, portant une énorme pile de cadeaux, qui devait peser environ quatre kilogrammes.
- Génial ! Par ici, Romain ! On va amener les cadeaux à mon Xavier !
Il la suivit avec difficultés, sans broncher, jusqu’au petit salon de la Section A. Il semblait, tout comme Madame Suzette, de méchante humeur.
- Bonjour tout le monde ! répéta joyeusement Ludivine. Bonne année ! Dites, il est là mon Xavier, hein, il est là ?
- Salut Lulu ! Bonne année à toi aussi ! Bien sûr qu’il est là, Xavier ; il est toujours là ! répondit Mathilde, pleine d’entrain.
- Génial ! Romain, apporte ça jusqu’à ma loge !
- Certainement pas ! s’écria ce dernier. Je ne suis pas ton caniche !
- Mais…
- Ne compte plus sur moi !
Et sans plus attendre, il déposa sans ménagement la pile de cadeaux sur le sol, et partit en grognant à propos de sa filleule.
- Mais… répéta la comédienne dans le vide, les bras ballants.
Elle cherchait désespérément une solution, car elle ne pouvait porter tous ces cadeaux toute seule. Pierrick choisit ce moment-là pour faire son entrée dans le salon, et Ludivine sauta de joie.
- Pierrick ! Bonne année ! T’es beau, Pierrot ! T’es fort, mon Pierrot ! Dis, tu peux porter ça jusqu’à ma loge, s’il te plait ? C’est mes cadeaux pour mon Xavier, mais il y en a aussi un pour toi !
Devant tant de compliments, Pierrick accepta de porter la lourde pile de cadeaux jusqu’à sa destination finale. Il cacha une grimace due au poids de son fardeau. Ludivine trottinait derrière lui et l’encourageait à avancer.
- Allez Pierrick, plus vite ! Allez !
Le jeune homme voulut lui faire remarquer qu’il n’était pas son caniche, mais se retint de justesse. Après tout, elle comptait lui offrir un cadeau… il n’allait quand même pas râler !
- Allez Pierrot, dépêche-toi ! Mon Xavier n’attend pas !
- Humpf ! souffla le comédien, en donnant un coup de pied à la porte pour l’ouvrir.
- Oh doucement ! s’écria la voix de Xavier à l’intérieur de la loge.
- Viens plutôt m’aider, triple andouille !
L’intéressé se hâta d’ouvrir la porte en grand, et s’étonna devant la gigantesque montagne de cadeaux que portait son meilleur ami.
- Oh, tu joues au Père Noël ?
- Laisse-moi passer, c’est lourd !
- Mon Xavier ! brailla Ludivine en poussant Pierrick sans ménagement. Mon Xavier ! Bonjour, bonne année, plein de bonheur pour nous ! Fais-moi un bisou !
Elle se jeta dans ses bras, et il lui souhaita ses meilleurs vœux à sa façon. Pendant ce temps, Pierrick retrouvait difficilement l’équilibre. Il posa sa cargaison lourdement sur le sol.
- Doucement, Pierrot ! Ne casse rien ! aboya la petite blonde, en stoppant son baiser avec Xavier.
- Il est où mon cadeau ? répliqua le comédien, en se massant le bas du dos.
Elle ne prit même pas la peine de répondre et continua son activité… que Xavier interrompit à nouveau.
- Lulu, c’est quoi tout ça ? demanda-t-il, alors que Pierrick déchiquetait le papier-cadeau du paquet portant l’étiquette « Pierrot ».
- Mais c’est des cadeaux, répondit naïvement Ludivine. La moitié, c’est pour toi, mon Xavier. Et le reste, c’est pour les autres.
- Je t’avais dit que je ne voulais rien !
- Mais entre ce que tu veux, et ce que je veux, il y a une différence.
- Argh, Ludivine ! s’écria Pierrick, en brandissant une manette de jeux vidéo toute neuve. Pourquoi une nouvelle manette pour la Wii ?! J’ai une Playstation, pas une Wii !
- Mais tu ne l’as pas eue pour Noël ?
- Mes parents n’ont pas voulu me l’acheter.
- Oh…
- Et toi, tu remues le couteau dans la plaie en m’offrant une manette pour la Wii que je n’ai pas !
- Mais Pierrot, pourquoi tu râles ? Au moins, grâce à moi, tu l’auras déjà le jour où tu achèteras la Wii.
- Moui… Enfin… Merci Lulu. Mais bon… Quoique, je préfère quand même ça au couteau suisse que m’a offert Xavier.
- Hey ! riposta l’intéressé. Ne te plains pas, j’aurais pu tout aussi bien t’offrir un tournevis !
- Mouais… répéta Pierrick, peu convaincu.
- Mon Xavier, tu ouvres mes cadeaux, hein, mon Xavier ? s’impatienta Ludivine en sautillant sur place.
Le jeune homme fit la moue et s’avança vers la pile de cadeaux. Il y en avait tellement qu’il ignorait lesquels lui étaient destinés. Pour l’aider, la jeune fille lui désigna le plus gros paquet.
- Celui-là, c’est pour ton Noël. Au-dessus, c’est pour ton anniversaire. Et les deux enveloppes, c’est aussi pour toi.
- Ah.
Le plus gros cadeau pesait plus de deux kilogrammes. Xavier ne savait pas s’il devait s’en méfier ou pas. Alors qu’il déchirait lentement le papier, Aline faisait son entrée dans la loge pour saluer ses amis. Elle s’arrêta net en voyant la pile de cadeaux.
- Un lecteur DVD ! Il a eu un lecteur DVD, et moi, seulement une manette qui ne me sert à rien ?! scandalisa Pierrick. C’est injuste !
Xavier resta sans voix.
- Lecteur DVD, prise péritel, dernier cri, avec graveur intégré. Il lit tous les formats, commenta Ludivine, l’index levé en l’air, comme un conseiller commercial.
- Eh ben Xavier, si tu ne le veux pas, tu sais que je suis là !
- Euh… oui mais non, Aline. Merci beaucoup, Lulu, mais c’était peut-être trop… hum…
- Trop rien du tout, assura la petite blonde. Ouvre le reste, mon Xavier.
Le jeune homme s’exécuta et acquit donc, en plus, deux DVD (« pas de lecteur DVD sans DVD », avait déclaré philosophiquement Pierrick). Ludivine lui avait aussi offert pour ses vingt ans un abonnement à Vidéo Futur (toujours en liaison avec le lecteur DVD). La première enveloppe comprenait sa lettre de bienvenue, un petit catalogue sur une sélection des films disponibles et sa carte de membre. Juste avant qu’il ouvrît la dernière enveloppe, Ludivine voulut partir, prédisant facilement sa réaction.
- Je vais faire pipi, bredouilla-t-elle en quittant la loge à reculons, tandis que Xavier y glissait sa main à l’intérieur pour en retirer son contenu.
500 euros. C’était la somme qui accompagnait une carte des parents de la jeune fille. Ils lui adressaient leurs meilleurs vœux pour l’année à venir, et lui souhaitaient un bon anniversaire. Ils avaient aussi écrit qu’ils seraient très heureux de le rencontrer. Les trois comédiens restèrent sans voix. Xavier et Aline étaient blêmes. Pierrick arborait une couleur identique à celle du billet. Violet.
- Oh ! C’est un vrai ?! s’écria-t-il en l’arrachant des mains de Xavier. Putain !
Il observa le billet sous tous les angles, cherchant à savoir si les parents de Ludivine n’avaient pas escroqué son meilleur ami. Quand il comprit qu’il était véritable, il le caressa comme s’il s’agissait d’une fille en bikini.
- Oh… c’est un vrai… répéta le comédien, les yeux brillants.
- Rends ça à Xavier. C’est à lui ! s’exclama Aline, en lui reprenant férocement le billet pour le redonner au jeune homme.
Xavier regarda Aline, puis Pierrick, puis le billet de 500 euros. Il avait perdu l’usage de la parole. Lui aussi, c’était la première fois qu’il en voyait un. C’était même la première fois qu’il avait autant d’argent dans sa main. C’était bien la première fois qu’il en voulait à Ludivine.
- Je vais la tuer, murmura alors l’intéressé, quand il fut remis du choc. Je vais la réduire en cendre. Je vais en faire de la compote…
Il reprit son souffle et ses deux meilleurs amis se bouchèrent les oreilles.
- Ludivine ! hurla-t-il en prenant la direction des toilettes.
Le jeune homme arpenta le couloir qui donnait sur les toilettes. Il n’hésita pas à entrer dans l’antre des filles et trouva bien vite la porte derrière laquelle se cachait sa petite amie.
- Sors d’ici !
- Non. Je fais pipi.
- Mon œil.
- C’est vrai.
- C’est faux. Je n’entends rien.
- T’es méchant avec moi. Moi, je suis tout le temps gentille avec toi, et toi, tu l’es jamais avec moi. Puis, c’est pas ma faute d’abord.
- Sors d’ici.
- Seulement si t’es gentil avec moi.
- D’accord.
- Promis ?
- Tu as ma parole.
- Hum… la parole d’un comédien, c’est pas ce qu’il y a de plus fiable… marmonna-t-elle.
Cependant, elle ouvrit tout de même le verrou, et sortit à petits pas des toilettes. Il lui saisit aussitôt le poignet et l’entraîna jusqu’à leur loge.
- Aïe ! Tu me fais bobo ! se plaignit Ludivine, sans retenir un gémissement.
Pierrick et Aline s’en voulaient de ne pas pouvoir intervenir efficacement pour soutenir la comédienne. Ils savaient déjà que c’était peine perdue. Quand il était question d’argent, Xavier était intarissable. Ce dernier enfouit le billet de 500 euros dans la main de Ludivine, qu’il relâcha aussitôt.
- Rends-le à tes parents. Je n’en veux pas.
La jeune fille semblait bouleversée et voulut que Xavier la câline. Cependant, il était trop froissé pour lui ouvrir ses bras, mais Ludivine réussit à forcer le passage. Tandis qu’il restait imperturbable, des larmes perlaient au coin des yeux de la petite blonde. Pierrick et Aline n’auraient su dire si elle pleurait vraiment. Cette fille était un véritable crocodile. Cependant, Xavier n’était pas insensible aux pleurs de Ludivine. Il pouvait essayer, mais il n’y arrivait pas. Il s’assit donc sur un petit pouf, laissant à la petite blonde la joie d’être plus grande que lui, et lui prit tendrement les mains.
- Ludivine, je n’ai jamais été aussi gâté de ma vie, lui confia-t-il en désignant le lecteur DVD et les autres cadeaux qu’elle lui avait offerts.
Elle hocha la tête et le considéra gravement.
- Je suis vraiment touché par le geste de tes parents, je t’assure. Mais ça me gêne, je… j’ai l’impression que c’est de la pitié.
- Non, fit Ludivine en reniflant. Ça vient du fond du cœur. Ma Maman, elle t’aime beaucoup.
- Elle ne me connaît même pas, nota le jeune homme.
- Elle t’aime beaucoup quand même. Et mon Papa, il attend de te rencontrer pour t’aimer.
Pierrick éclata de rire, et laissa échapper un « ça promet ! » silencieux. Aline le fit taire d’un coup de coude.
- C’est très gentil de leur part, reprit doucement Xavier. Mais je ne peux pas accepter tout cet argent. Tu comprends ?
- Oui… mais on a trop d’argent. On n’en veut pas. On préfère te le donner, marmonna la petite blonde en nichant sa tête au creux du cou de son petit ami.
- Je n’en veux pas non plus.
- Tu ne veux pas le garder quand même ? Si tu ne veux pas t’en servir pour toi, tu peux le mettre de côté pour nous. Comme ça, quand on voudra acheter une maison, on aura déjà des sous !
L’argument était de taille. Pierrick et Aline devaient le reconnaître. Xavier ne savait pas quoi répondre à cette proposition honnête.
- Elle est douée. C’est la première fois qu’il n’obtient pas le dernier mot, remarqua Pierrick à voix basse.
Aline acquiesça. Dans le passé, elle avait déjà essayé d’offrir de l’argent à Xavier, et elle s’en était très mal tirée.
- C’est une bonne idée. Il vaudrait mieux que tu ouvres un compte pour le mettre de côté, proposa Xavier.
- Ah non ! répliqua Ludivine, rusée. Il vaudrait mieux que ce soit toi qui gères nos sous et ouvres un compte bancaire. Tu sais mieux compter que moi, après tout.
Vaincu, il hocha la tête et laissa la comédienne lui glisser le billet dans la main.
- Putain. Elle est douée ! répéta Pierrick, admiratif.
- C’est clair, murmura Aline d’une voix rauque.
Pour la première fois de sa vie, Xavier venait d’accepter de l’argent. Il ne comptait pas le dépenser de sitôt, et se demandait déjà comment il allait pouvoir économiser pour remplir son futur compte commun avec Ludivine. Celle-ci, contente d’avoir convaincu le comédien de conserver l’argent, se précipita dans le petit salon de la Section A pour offrir le reste des cadeaux à ses camarades.
Ainsi, Emma fit une grimace en découvrant son bambou, Aline reçut un jardin zen, Grégoire un jeu de Mah-Jong, Tristan un coffret rempli de sachets de thé, Simon des Playmobil (il avait déclaré adorer ces petits bonhommes en plastique) et Mathilde une collection de teintures pour cheveux. Ludivine avait aussi ramené un album collector dédicacé d’Éva Maël pour Claire, qui perdit connaissance en le prenant dans ses mains. Elle n’avait pas oublié Benjamin, qui avait reçu une grosse écharpe, ni même Madame Suzette, à qui elle avait offert un gant de cuisine. Cette dernière n’avait pas vraiment apprécié.
- Comme ça, quand on réussira notre examen, vous nous ferez des cookies maison, avait expliqué Ludivine.
- Certainement, ironisa la standardiste, d’une voix qui prédisait qu’elle danserait toute la nuit le jour où la Section A quitterait l’école.
Le week-end qui suivit la rentrée permit à Xavier de profiter un peu de son lecteur DVD. Sa sœur et sa mère avaient été surprises de découvrir ce nouvel appareil dans sa chambre, mais n’avaient fait aucun commentaire. Pour l’inaugurer, le jeune homme était allé louer quelques films dans le club où Ludivine l’avait inscrit.
Le samedi soir, il se glissa dans son lit après avoir inséré un disque dans le lecteur, et regarda un film, satisfait. Le film en question n’était pas mal. Xavier ne savait plus très bien pourquoi il l’avait choisi. Il commençait à s’endormir, épuisé par sa semaine, lorsqu’Éva Maël apparut derrière le petit écran. Son petit sourire mutin, ses yeux en forme d’amande, sa gaieté et son insouciance le firent sortir de son demi-sommeil. Il mit le film sur pause et contempla longtemps l’actrice.
Il s’assit sur son lit et continua de la dévisager sans retenue. Il avait l’impression de la connaître depuis toujours. D’où lui venait ce sentiment ? Puis, il se souvint de la photo du père de Ludivine qu’elle lui avait montrée. Dans l’angle, une femme était tapie dans l’ombre. Il n’avait vu que son sourire et sa silhouette. Avant qu’il n’ait pu la distinguer, la jeune fille lui avait arraché le téléphone des mains.
Et ce soir, en observant Éva Maël, si fraîche et si souriante, il la revit à la place de la mère de Ludivine. Les deux visions se superposaient, et ne voulaient plus changer de place.
- Oh !
Avec une pâleur à rendre vert un zombi, il quitta aussitôt son lit pour s’habiller en deux secondes. Il remplit son sac d’un T-shirt, d’une paire de chaussettes, d’un caleçon et d’une brosse à dents. Il arrêta le film et rangea le DVD dans son coffret, qu’il s’empressa d’enfouir avec le reste de ses affaires.
- Tu sors à cette heure-ci de la nuit ? s’écria sa mère, alors qu’il s’apprêtait à quitter l’appartement.
- Je vais dormir chez Pierrick. Ne t’inquiète pas. À demain, Maman.
Car il n’y avait que chez son meilleur ami qu’il pourrait vérifier son hypothèse.
- Je suis flatté que mon meilleur ami ait combattu la nuit et le froid pour venir me voir…
- En fait, je viens pour ta connexion Internet.
- Enfoiré.
Pierrick laissa entrer le jeune homme, non sans le foudroyer du regard. Par chance, il était tard, et Mary-Lou dormait profondément. Aussi, les comédiens eurent la paix.
- Qu’est-ce qui t’amène pour que ma connexion Internet passe avant moi ?
Sans un mot, Xavier glissa le DVD dans le lecteur de Pierrick, et lui montra un passage où figurait le sujet de ses réflexions.
- Qu’en penses-tu ?
- De quoi ? Ça ? Ben, c’est Éva Maël.
- D’accord. Et à part ça ? Il n’y a rien d’autre qui te saute aux yeux ?
- Non. C’est Éva Maël. Ce n’est pas comme si c’était ma voisine. Pourquoi tu me demandes ça, Xavier ? T’as l’air bizarre.
- Je pense qu’Éva Maël est la mère de Ludivine, répondit le comédien en levant les yeux au ciel.
Au lieu d’ouvrir grand les yeux de stupéfaction, son meilleur ami explosa de rire. Car s’il faisait rire tout le monde, il était en revanche très difficile de faire rire Pierrick.
- Ah, c’est la meilleure ! s’exclama-t-il, hilare. Éva Maël, la mère de notre petite Lulu !
- Je ne plaisante pas !
- Et qu’est-ce qui te fait dire ça, si ce n’est pas pour plaisanter ?
- Regarde-la bien.
- Et alors ? Elles ne se ressemblent pas ! Pour moi, c’est déjà tout vu. Ce n’est pas sa mère.
- Arrête… et souviens-toi plutôt. On l’avait vue un petit peu sur le téléphone de Lulu avant qu’elle nous l’arrache des mains.
- Hum…
- Je te jure, Pierrot.
- C’est toi le cerveau ! soupira le comédien en allumant son ordinateur.
Éva Maël possédait son propre site Internet, et cela épargna à Xavier des recherches difficiles. Les deux jeunes hommes étaient scotchés à l’écran, et cherchaient des informations-clés avec une impatience qu’ils avaient du mal à contenir.
- C’est pas sa mère, c’est pas sa mère… répéta Pierrick.
- Je te dis que si, andouille ! On devrait vérifier sa biographie.
En effet, à force de parcourir la longue biographie d’Éva Maël, un paragraphe leur sauta aux yeux et leur fit l’effet d’un électrochoc.
« À l’âge de 13 ans, Éva se révèle au grand public grâce au spectacle musical de Richard Cocciante, Le Petit Prince. C’est ici qu’elle s’est liée d’amitié avec Romain, et qu’elle a rencontré Jeff, avec qui elle aura plus tard deux enfants : Ludivine et Mathis. »
La mâchoire de Pierrick faillit se décrocher. C’était la première fois qu’il ne trouvait rien à redire à quelque chose.
- Alors ? reprit Xavier, le teint livide et la gorge sèche, après un court silence.
- Alors… euh… y’a plein d’artistes qui ont une fille s’appelant Ludivine… Enfin… c’est vrai, quoi, non ?
- Et pour Mathis, tu as une explication ? Et pour Romain, qu’on croise souvent à l’école ?
- Je… ben…
- J’avais raison, conclut le jeune homme. Ludivine m’a caché ça.
Xavier ferma les yeux. Elle lui avait caché ça. Tout lui revenait en mémoire. Il se souvenait de la carte de vœux de ses parents. Ils avaient signé « Éva et Jeff Dodero ». Et puis, il y avait les post-its professionnels de Ludivine. Son « grand ami », selon Benjamin, Richard Cocciante. Sa collection d’autographes. Non, sa mère n’était pas maquilleuse. Sa mère s’appelait Éva Maël, artiste depuis vingt ans, et bonne copine de Vanessa Paradis et compagnie. Et avec une mère comme elle, comme il devait être bon d’apprendre la comédie, le chant, et tout ce que Ludivine savait faire !
La jeune fille connaissait beaucoup de films et chansons. Benjamin la surnommait « médiathèque vivante ». Son père était auteur-compositeur. Il avait beaucoup écrit pour d’autres artistes, et notamment pour sa femme. Xavier se souvenait à présent que Ludivine avait aussi chanté un morceau de sa mère, pour le spectacle de Noël. Elle l’avait interprété à la perfection.
Trop de choses lui revenaient en mémoire. Mathis. Romain. Le Casino de Paris. Oui, même qu’au tout début de l’année, Benjamin avait sous-entendu que son parrain était le mieux renseigné sur le Casino de Paris. Sur cette scène, il avait joué pour la première fois aux côtés de Jeff et Éva, quand ils étaient plus jeunes.
- Ça va, Xavier ? s’inquiéta Pierrick, voyant que son meilleur ami avait les larmes aux yeux.
- Est-ce que tu te rends compte de l’ampleur de son mensonge ? C’est presque toute sa vie qu’elle m’a cachée… et ça fait bientôt deux mois qu’on est ensemble.
- C’est vrai… c’est peut-être trop d’un coup…
- Carrément.
Au grand dam de Pierrick, le jeune homme passa la nuit entière sur Internet. Il avait traqué toutes les photos des parents de Ludivine, à tous les âges. Il avait visionné toutes les vidéos qu’il avait trouvées sur Éva Maël. Il l’avait écoutée s’exprimer, joyeusement ou sérieusement suivant le contexte. Il l’avait observée sourire, de son sourire aussi malicieux que celui de Ludivine. Il avait lu une grande majorité d’articles de presse sur elle.
Pierrick s’était endormi à une heure du matin, étendu comme un mort sur son lit trois places, fatigué de voir son meilleur ami se droguer à Éva Maël. Vers quatre heures, Xavier le réveilla pour lui montrer sa dernière découverte : le blog de Ludivine. La jeune fille l’avait arrêté avant de partir à Paris, et il figurait encore les photos de son ex, de son petit frère, et de ses amies, dont la jeune fille en bikini, le dernier fantasme en date de Pierrick. Ce dernier insista d’ailleurs pour laisser un commentaire (« Hey, poupée, c’est quoi tes coordonnées ? »).
Évidemment, Ludivine ne parlait pas de ses parents, et Xavier pouvait le comprendre. Cela devait être difficile d’avoir des parents artistes. Il lui reprochait seulement de ne pas avoir eu assez confiance en lui pour lui révéler ce gros secret.
Le lundi suivant, Xavier et Pierrick avaient du mal à cacher leur excitation. Aline n’avait pas encore été mise au courant, mais elle s’était aperçue de l’étrange comportement de ses deux amis.
- Mais est-ce qu’on peut m’expliquer à la fin ?! s’énerva-t-elle pour la sixième fois, devant ses amis agités.
Après un commun accord, ils lui avouèrent ce qu’ils avaient découvert, et ce fut à son tour d’être secouée.
- Non ?! Notre Lulu à nous… ?! Éva Maël ?
- Et elle ne me l’a pas dit, précisa Xavier.
- Mon Dieu ! Il ne faut pas que ça se sache ! Si Claire apprend ça, le Tout-Paris est au courant en deux secondes !
- Si Claire apprend ça, reprit Pierrick, elle tombera dans les pommes après avoir réalisé qu’elle a fréquenté sans le savoir la fille de son idole pendant six mois !
C’est le moment que Ludivine choisit pour faire son entrée dans le petit salon de la Section A. Elle repéra ses amis dans le coin de la pièce et se dirigea aussitôt vers eux.
- Bonjour, bonjour ! s’époumona joyeusement la jeune fille.
Elle colla une bise à Pierrick et Aline, et fonça tout droit sur les lèvres de Xavier.
- Hum, hum… toussota Pierrick qui regardait ailleurs.
- Ben quoi ? s’étonna la petite blonde en se retournant.
Personne ne répondit. Les trois comédiens la scrutaient attentivement, comme pour discerner les ressemblances avec ses parents artistes. Les yeux bleus de Jeff s’écarquillèrent, manifestant un manque de compréhension.
- Mais qu’est-ce que vous avez à me regarder comme ça ?! s’étonna Ludivine, en fronçant ses sourcils clairs.
- Rien, rien… rien du tout, lui assurèrent ses amis.
- Et si tu allais poser tes affaires dans la loge, non ? Viens, je t’accompagne, proposa Xavier, en la poussant vers le couloir.
Elle hocha la tête et il la suivit jusqu’à leur petit coin personnel.
- Ta mère va bien ? demanda le jeune homme sur le ton de la conversation, alors qu’elle introduisait la clé dans la serrure.
- Ben oui, s’étonna Ludivine. Pourquoi tu me demandes ça ?
- Pour savoir. J’espérais qu’elle ne soit pas trop fatiguée avec le métier qu’elle exerce.
- Ben… il y a pire que maquilleuse au niveau de la fatigue.
- Bien sûr… approuva Xavier. Y’a pire. Si ta mère était artiste, elle serait cent fois plus fatiguée qu’en étant maquilleuse.
À cet instant, Ludivine réalisa que le comédien savait quelque chose qu’il ne devait normalement pas savoir.
- Mouais… marmonna-t-elle avec indifférence, en entrant doucement dans la loge.
- Je t’en prie, Ludivine, arrête ce jeu.
- De quoi ?
- Ça suffit. J’en ai assez de tes mensonges.
La jeune fille ne répondit pas, et n’osa même pas regarder son petit ami. Il savait, il savait, il savait, il savait, il savait…
- T’aurais quand même pu me le dire. Je crois que c’est la moindre des choses dans un couple…
- Je ne vois pas de quoi tu parles, feignit la petite blonde une énième fois.
- Tu as besoin que je t’éclaire ? Éva Maël, ça te dit quelque chose, ou bien j’ai halluciné qu’elle était ta mère ?
- Ma mère s’appelle Éva tout court, et pas Éva Maël !
- Éva ou Éva Maël, je n’en ai rien à battre ! Tu aurais pu me dire seulement que ta mère était artiste, que ton père l’était aussi… tu aurais pu simplement tout me dire !
C’était leur première dispute. En plus d’être terrifiée, Ludivine était froissée, le sujet du conflit étant sa propre mère.
- Et ça aurait changé quoi, si je te l’avais dit avant ?! s’énerva-t-elle. Tu serais sorti avec moi plus tôt ? T’aurais pris la fuite ou tu serais venu plus rapidement, subitement intéressé ? Ou alors, tu te serais pavané dans les couloirs de l’école, en clamant haut et fort que tu sortais avec… avec non pas Ludivine, mais plutôt la fille d’Éva Maël !
Ses yeux étaient humides. Si le jeune homme avait été plus conciliant, il aurait compris que son artiste de mère était un fardeau qui la hantait depuis sa naissance. Malheureusement, comme la majorité des comédiens, Xavier était têtu et spontané.
- Je ne suis pas du genre intéressé ! Tu me l’aurais caché avant qu’on sorte ensemble, je ne t’en aurais pas voulu. Mais ça fait presque deux mois qu’on est en couple, et là, j’estime que j’aurais dû être mis au courant. Tu imagines, si j’avais rencontré tes parents dans ce contexte ?! Mais je serais resté con ! « Comment ça, Ludivine ne vous a jamais parlé de nous ? ». « Ah ben non, jamais, c’est le cas de le dire » !
- Tu m’énerves ! Tu ne comprends rien ! s’époumona la comédienne, tandis que les larmes ruisselaient sur son petit visage. Tu n’as jamais vécu ça, toi ! Avant, on venait toujours me voir pour me parler de ça ! Une fois, y’a même un gros con qui a voulu sortir avec moi juste pour ça ! Pas pour Lulu ! Jamais pour Lulu ! Jamais !
La sonnerie signala le début du cours, et Ludivine déguerpit de la loge en pleurs. Xavier resta seul dans la pièce, interdit. Au fond de lui, il n’avait pas désiré déclencher une telle dispute. Il voulait juste comprendre ce manque de confiance. Et voilà que la vie de Ludivine la rattrapait et la faisait pleurer. Il regrettait amèrement de s’être emporté de cette façon. Il aurait préféré discuter tranquillement avec elle. Le jeune homme décida d’aller la rejoindre, pour essayer de se réconcilier avec la comédienne. Mais quand il arriva dans le petit salon de la Section A, Pierrick et Aline l’attendaient de pied ferme, et Benjamin était prêt à l’étriper.
- T’as une explication à ça, Xavier ? gronda-t-il en désignant Ludivine qui pleurait à chaudes larmes dans ses bras.
- Et bien… rétorqua l’intéressé, gêné.
- Je veux mon Papa… se lamenta la petite blonde, désespérée. Je veux rentrer à la maison…
Plus Ludivine pleurait, plus le jeune homme aurait préféré se faufiler dans un trou de souris pour ne plus en sortir.
- Je suis désolé.
- Désolé ? Mais désolé pourquoi ? s’énerva Benjamin. Tu ne crois pas que c’est peut-être un peu trop tard pour être désolé ?!
- Je veux mon Papa… continua la comédienne.
- Je ne savais pas que… c’était la fille d’Éva Maël, expliqua Xavier à son prof, penaud. Elle ne me l’a jamais dit, et ça rentre pas dans mes principes, mais…
- Et toi, tu ne m’as jamais dit qui était Caroline !
Toute la Section A, y compris Emma, pâlit à l’entente du prénom maudit et retint son souffle. Ludivine était toute rouge et défiait maintenant Xavier. Ce dernier restait muet, et Pierrick regardait gravement Benjamin, comme si lui seul pouvait arrêter ce carnage. Le regard d’Aline n’était plus compatissant. Il brûlait de haine, de la même lueur qui avait fait peur à Ludivine deux mois plus tôt.
- Tu vois ! brailla la jeune fille. Eux, ils savent ! Ils savent qui c’est, Caroline ! Et tu ne me l’as jamais dit, à moi !
- Elle n’a pas tort. Pourtant, c’est dans tes principes, mon pauvre Xavier, ironisa Benjamin.
- Tu devrais lui dire, conseilla Pierrick.
- Oh mais s’il ne veut pas le faire, moi je veux bien m’en charger, susurra Aline, mauvaise. Tu veux savoir qui est Caroline, Lulu ? Et bien, je vais te le dire.
Tous se tournèrent vers elle, en silence, tandis qu’elle s’avançait vers la petite blonde. Vu de ce côté-là, la jeune femme faisait peur, et Ludivine se recroquevilla contre Benjamin.
- Aline… protesta Xavier.
- La ferme, toi.
Benjamin avait fait signe aux autres comédiens d’entrer dans la salle de répétition, mais la Section A avait refusé de perdre une seule miette de la conversation concernant Caroline.
- De toute façon, j’ai jamais pu la blairer cette fille… grogna Emma.
- Tu ne l’as jamais vue, nota Mathilde.
- Je sais, mais elle n’en reste pas moins pourrie.
- Pas faux.
- Caroline, c’est son ex, mais c’est vraiment la plus salope de toutes, raconta Aline en fixant Ludivine.
Xavier avait bien envie de faire taire sa meilleure amie, mais celle-ci était déjà lancée sur le sujet, et rien ne pouvait désormais l’arrêter. Il le savait ; ce n’était malheureusement pas la première fois que cela arrivait.
- Cette fille, c’est un serpent, venimeuse comme pas possible.
- Jolie métaphore, Aline, coupa sèchement Benjamin, mais j’aimerais faire mon cours.
- Deux minutes, je finis.
- Non !
La jeune femme s’arrêta et jeta un regard désespéré à son prof.
- Benjamin, je t’en prie, il faut qu’elle sache ce que cette pouffiasse lui a fait ! Je sais que tu peux comprendre, laisse-moi lui dire…
- Je comprends, Aline… Je t’assure que je peux comprendre quand j’ai vu l’état de Xavier, après le passage de Caroline. Mais ce que je comprends surtout, c’est que j’ai une pièce à présenter dans quatre mois, et que personne n’est prêt ! Alors, tout le monde en cours, je ne négocie pas !
Benjamin donna un quart d’heure à Xavier pour s’expliquer avec Ludivine. Aline voulait participer à la conversation, mais Pierrick, sachant qu’elle deviendrait folle en parlant de Caroline, refusa qu’elle y mît son grain de sel. Leur prof les renvoya tous les deux répéter Ondine.
Xavier et Ludivine s’étaient installés dans leur loge, bien décidés à en démordre avec Caroline. Le jeune homme lui raconta tout ce qu’elle avait supposé. Caroline était son ex-petite-amie, la dernière en date. Ils avaient rompu dans un contexte dramatique.
- Je l’ai connue au lycée, et j’en suis tombé amoureux. Très amoureux, précisa-t-il tandis que la petite blonde hochait la tête. Quand je suis enfin sorti avec Caro, Aline a bien vu que c’était sérieux. Elle s’est montrée jalouse, possessive, voire même… un peu méchante, tu vois ? Caro avait la même attitude. Mais Aline avait ses propres raisons, que je connais et que je peux comprendre.
Il fit une courte pause, et ferma les yeux, comme si ce souvenir le hantait encore.
- J’étais tiraillé entre deux côtés. Caro. Aline. Aline. Caro. Elles me posaient tout le temps des ultimatums. C’est elle ou moi, Xavier ?
- Elles ne s’aimaient pas, constata Ludivine en faisant la moue.
- Elles se haïssaient carrément. Pierrick et moi, on s’arrangeait pour éviter qu’elles soient toutes les deux dans la même pièce. Mais Aline n’est pas la responsable de ma séparation avec Caro.
Xavier et Caroline étaient sortis ensemble pendant plus d’un an. Ils avaient de grands projets pour le futur et le jeune homme lui accordait une confiance aveugle. Ils filaient le parfait amour qu’Aline ne pouvait supporter, puisqu’elle-même ne supportait pas sa rivale.
- Et puis, un jour… je n’étais pas encore à l’école de théâtre (donc j’avais mes journées plus ou moins libres), j’ai croisé Caroline dans la rue.
Il s’arrêta, se pinça légèrement le front, et déglutit. Ludivine se demandait s’il allait pouvoir raconter la fin de son récit.
- Elle était avec un mec, qu’elle embrassait, lâcha le jeune homme.
- Mais c’était peut-être lui qui l’embrassait, hein ? Peut-être qu’il l’a forcée ou…
- Lulu… je suis comédien. Je sais reconnaître quand une personne embrasse quelqu’un de son plein gré ou pas. Et je peux aussi déterminer si c’est un baiser simple, tendre ou passionné. Je te rappelle qu’on a même refait un cours là-dessus en début d’année.
- Et là, le bisou, il était… ?
- Passionné pour eux, meurtrier pour moi.
- Oh…
- Je n’ai pas cherché à savoir. Elle ne m’avait pas vue. J’ai fait demi-tour et je lui ai envoyé un texto, qui disait plus ou moins « tu t’es bien foutue de ma gueule, tu comptais rompre quand pour être officiellement avec ton mec ? ». Mais le pire, Ludivine, c’est qu’au début, j’étais très en colère. Au bout d’une heure, c’était tout le contraire, je pleurais comme une fille. Tu comprends Lulu, Caro et moi, on avait dit qu’on se marierait, qu’on aurait des enfants, on avait dit plein de choses… Je vivais pour elle. Et elle m’a complètement détruit, ce jour-là.
- Elle n’est pas gentille, Caro, fit la petite blonde, en reniflant.
Pour un peu, elle aurait pleuré tellement elle était triste pour le jeune homme.
- J’étais vraiment au plus mal. J’avais touché le fond. Je prenais des antidépresseurs et des anxiolytiques. Et j’ai fait aussi pas mal de conneries.
- Des conneries ? répéta Ludivine, soucieuse.
- Des grosses conneries, souligna Xavier. Par exemple, j’ai claqué la moitié de mon fric dans les bars. Je m’étais dit que, puisque je n’aurai jamais assez pour faire des études, autant que ça serve à autre chose. Alors, tous les soirs, je sortais quand ma mère était couchée. Liz n’en savait rien, puisqu’elle sortait aussi. Et je buvais. Bon, évidemment, le lendemain matin, quand Aline venait me rendre visite et qu’elle voyait ma gueule de bois, je recevais une gifle. Elle était sans pitié.
- Mais l’alcool avec les antidépresseurs, ce n’est pas conseillé, non ?
- Ouais… ben, je confirme.
Les deux comédiens rirent nerveusement.
- Il n’y a pas un seul bar de Montmartre chez qui je ne suis pas allé vomir. Mais c’est pas tout… continua-t-il, gêné, après avoir toussoté.
Ludivine lui jeta un regard interrogateur. Jusqu’où Xavier était-il allé pour noyer son désespoir ?
- Dis-moi, Lulu, tu connais Pigalle ?
- Non.
- Tu as raison, fit-il avec un sourire, les joues étrangement roses. J’ai connu là-bas une Brésilienne à peine majeure, Maria. C’était une prostituée. Elle comprenait, Maria, elle comprenait tout… Elle est devenue une amie, mais Pierrick et Aline ignorent tout d’elle jusqu’à son existence. Maria a voulu m’aider… à sa façon, bien sûr. Et gratuitement.
Si Ludivine était choquée (ce qui était fort probable étant donné sa grande sensibilité), elle ne le montra pas pour autant. Elle écoutait attentivement le jeune homme, et hochait de temps en temps la tête pour lui faire comprendre qu’elle ne le jugerait pas.
- J’ai fait d’autres conneries (un peu moins grosses), mais si je devais tout te dire, on y passerait toute la journée…
La jeune fille hocha à nouveau la tête. Elle avait assez d’exemples pour s’imaginer Xavier en dépression nerveuse.
- Et petit à petit, je me suis remis. J’avais des rechutes, parfois. Quand on s’est connus en juin, j’étais encore sous antidépresseurs. J’ai réussi à les arrêter un peu de temps après, juste avant la rentrée. Et depuis, ça va. Grâce à toi, je n’y pense plus… mais Aline y pense encore, je le sais. Alors, on évite d’en parler. Pour éviter qu’elle fasse une crise, et pour que je ne pense pas aux mauvais souvenirs.
Ludivine grimpa sur les genoux du comédien, enroula ses bras autour de son cou et déposa un baiser sur sa joue.
- Mon Xavier, c’est le plus courageux.
- Non, Lulu… Quelqu’un de courageux ne se serait pas réduit en compote lorsqu’il aurait vu sa petite amie dans les bras d’un autre.
- Mais tu as réussi à redevenir une pomme, avec tes amis, mais aussi tout seul, fit-elle philosophiquement. Et c’est courageux.
- Tu oublies l’asticot, qui me grignote et qui passe sa vie sur moi.
- Je ne vois pas qui ça peut être, feignit joyeusement Ludivine en se relevant. Tu viens, mon Xavier, on va répéter Ondine ! Le grand chambellan, Simon, doit m’apprendre à mentir !
Le jeune homme se leva à son tour, et arrêta la petite blonde peu avant de sortir de leur loge.
- Ludivine, à propos de Maria, et de…
- Je n’ai rien vu, je n’ai rien entendu, je ne vois pas de quoi tu parles, mon Xavier. Je suis totalement ignorante à ce sujet, la seule Maria que je connais, c’est la chanson de je ne sais plus quel chanteur… Ah et maintenant que j’y pense, y’a aussi un film qui s’appelle Maria, pleine de grâce…
- Brave asticot, ironisa Xavier en ébouriffant les cheveux de Ludivine.
- Une dernière chose, voulut-elle savoir. Comment ça se fait que la Section A soit au courant pour Caro ?
- Tu crois vraiment que mon état est passé inaperçu ?
- Vous, vous ne l’aurez pas !
Ludivine s’était ruée sur Aline qui, surprise, n’avait pas esquissé le moindre mouvement.
- Que n’aurai-je pas ? demanda-t-elle, hargneuse.
- Jamais il ne sera à vous ! Jamais !
- Qu’a cette enfant ? s’étonna naïvement Simon, qui interprétait aussi le Roi.
- Ondine, le roi te parle… s’énerva Xavier.
- Si vous lui dites un mot, si vous le touchez, je vous tue… continua Ludivine, le doigt pointé sur sa rivale.
- Vas-tu te taire, Ondine !
- Une folle ! se moqua Aline, en secouant gracieusement ses cheveux.
- Ô roi, sauvez-nous !
La petite blonde se jeta aux pieds de Simon, qui ne comprenait plus rien à la situation. La honte que ressentait Xavier le rendait de plus en plus colère. Ludivine voulut lui ouvrir les yeux, mais cela ne fit que le ridiculiser davantage devant le Roi et sa Cour.
- Tu es bête, mais tu es beau. Et toutes elles le savent. Et toutes elles se disent : quelle chance, que tout en étant si beau, il soit si bête ! Parce qu’il est beau, il sera doux d’être dans ses bras, de l’embrasser. Et ce sera facile de le séduire, parce qu’il est bête. Parce qu’il est beau, nous aurons de lui tout ce que nous n’avons pas de nos époux voûtés, de nos fiancés tremblants. Mais tout cela sera sans danger pour notre propre cœur, parce qu’il est bête !
Hans ne voulait pas savoir si sa femme avait raison. Pour le moment, il souhaitait seulement disparaître. Mais avant tout, il fallait qu’il s’occupe de Tristan, qui lorgnait Ludivine.
- Charmante femme !
- N’est-ce pas que j’ai raison, chevalier ! s’exclama la petite blonde en s’approchant de lui.
- À quoi penses-tu, Ondine ? s’impatienta Xavier.
- Quel est votre nom, ô vous qui me trouvez charmante ?
- Bertram, Madame.
- Taisez-vous ! s’écria l’époux jaloux.
- Quand une femme me demande mon nom, je le donne, chevalier.
Ils se toisèrent un instant, tandis qu’entre eux deux, Ludivine souriait de toutes ses dents. La pièce continua. Aline, dans un coin de la salle de répétition, repensait à Xavier et Caroline. Benjamin dut s’en rendre compte par ses yeux brûlants de haine, et lui fit signe discrètement de se replonger dans la pièce de théâtre.
- Mon père, qu’une paysanne vienne insulter votre fille adoptive, en notre palais, ne croyez-vous pas que c’est trop ? demanda la jeune femme en haussant le ton.
- Altesse, permettez-moi de prendre congé pour toujours… J’ai une femme adorable, mais qui n’est point faite pour tout le monde…s’excusa Xavier, avec le peu de dignité qu’il lui restait.
- Vous voyez comme ils s’entendent ! Ils sont la fausseté même ! hurla Ludivine, furieuse de voir que Bertha et Hans alliés contre elle.
Aline souriait à présent. Un sourire moqueur destiné à Caroline. Le théâtre la calmait. Il la rendait vivante. Et après lui avoir enlevé Xavier, ce n’était certainement pas sa rivale qui lui volerait cet art qui lui était si précieux.
Dès que la journée fut terminée, Xavier, Ludivine, Pierrick et Aline se concertaient devant l’école de théâtre. Aline ne disait rien, enfermée dans un mutisme causé par « la journée Caroline ». Xavier s’inquiétait un peu pour elle.
- J’y vais, décida-t-elle.
- Hey ! Tu pourrais au moins attendre celui qui va te raccompagner ! s’écria Pierrick, alors qu’elle s’éloignait déjà.
- Je ne veux personne.
Xavier, Ludivine et Pierrick se regardèrent, penauds. Aujourd’hui, la jeune femme n’avait pas pris son scooter et était venue à pied.
- J’ai même pas pu lui faire un bisou ! se lamenta la petite blonde.
- Je vais la suivre jusqu’à chez elle.
- Tu ne veux pas que j’y aille plutôt, Pierrot ? demanda Xavier. J’aimerais lui parler.
- Non, non, je préfère que ce soit moi. Je suis le seul qui puisse la consoler, répondit ce dernier en tirant la langue.
- Je ne suis pas d’accord ! Oh Pierrot… soupira le comédien, lassé. Bon, va la voir. Mais ne l’embête pas trop, hein ?
- Moi ? Tu me connais mal !
Aline avait retrouvé la forme. Pierrick rayonnait et débitait un nombre de plus en plus grand de blagues par jour. Le petit train-train de Ludivine et Xavier continuait. Ils filaient ce qu’on appelait communément le « parfait amour ». Le couple était même le sujet de conversation le plus tendance au sein de l’école de théâtre. Les deux seules personnes qui n’appréciaient pas les deux comédiens étaient Emma et Madame Suzette.
Un matin d’hiver, Ludivine arriva en avance à l’école, pressée de retrouver son petit ami. Et quelle fut sa surprise lorsqu’elle découvrit qu’il n’était pas là ! Elle avait mis l’école sens dessus dessous pour connaître la raison de son absence.
- Il est où, mon Xavier ? avait-elle demandé à toutes les personnes qu’elle avait croisées.
Aline paraissait aussi inquiète qu’elle. Xavier n’avait pas l’habitude de manquer les cours. Et même malade, cas plutôt rare, cela ne l’empêchait pas de venir une heure en avance pour assister aux leçons de Benjamin.
- Mon Xavier ! Il est où ?! brailla Ludivine, dans les oreilles de Pierrick. Dis-moi où il est !
- Mais je ne sais pas ! Il ne répond pas quand je l’appelle !
- Mon Xavier ! Qu’est-ce que je vais faire sans lui ?!
- Ne dramatise pas, Lulu… soupira Aline. Il doit probablement être malade.
- Mon Xavier n’est jamais malade ! C’est toi qui me l’as dit !
- On n’est jamais sûr de rien…
La jeune fille prit donc la décision de sécher la répétition d’Ondine, pour aller voir Xavier chez lui. Il y avait seulement deux petits problèmes qui se manifestaient. Montmartre et Benjamin.
- C’est où, Montmartre ? Comment je vais faire pour aller voir mon Xavier ?
- Je vais te faire un plan, décida Pierrick.
- Dès qu’il va te voir, il va te tuer, prévint Aline. Il t’avait pourtant dit qu’il ne voulait pas que tu ailles chez lui, surtout toute seule.
- Il ne pourra pas me tuer s’il est cloué au lit, remarqua Ludivine.
- Et bien, il fera dès qu’il sera sur pied alors.
Pierrick avait dessiné un plan simple, et avait testé Ludivine, qui parut comprendre. Celle-ci promit de ne pas se perdre en prenant le métro. Le comédien lui donna ensuite les dernières recommandations.
- Quand tu montes, tu as une pharmacie au bout d’un moment. Et tout juste à droite, tu verras une petite ruelle. Tu la prends, et c’est le numéro 5, au dernier étage, la porte de gauche. Ce n’est pas compliqué. Faut juste que tu ne loupes pas la ruelle, sinon t’es foutue, et tu vas chercher pendant un long moment.
Comme elle était un peu courageuse, elle ne laissa pas s’envoler le peu de motivation qu’il lui restait, et persista à continuer l’aventure. Le dernier problème restait Benjamin. Il ne voudrait certainement pas qu’elle quittât le cours sans même l’avoir commencé.
- Je te demande pardon, Ludivine ? Tu veux aller où ?!
- Voir mon Xavier.
- Tu plaisantes ou quoi ? C’est un poisson d’avril au mois de février ?
- Non.
- Et bien… tu connais ma réponse !
Le visage de la jeune fille s’éclaira et elle sauta au cou de son professeur.
- Merci, Benji, merci ! Je savais que tu accepterais ! Tu es un gentil prof, Benji, tu sais ça ? Bon, c’est pas tout, mais faut que j’y aille, moi ! Mon Xavier m’attend !
Elle détala comme un lapin, tandis qu’il réalisait peu à peu la situation. Quand il comprit ce qu’il y avait eu un quiproquo, il se hâta de la rattraper dans le couloir. Elle était déjà dans le hall d’entrée.
- Hey, Ludivine ! Reviens tout de suite ou j’appelle ta mère !
La jeune fille stoppa net sa course. Appeler Éva Maël pour lui avouer que sa fille séchait le cours pour rendre visite à son petit ami était signe de lourdes conséquences. Ludivine ne pouvait pas remettre en cause sa scolarité à Paris (son père l’enlèverait de l’école, s’il apprenait sa fuite).
- Mais Benji… tu as dit que tu étais d’accord…
- Pas du tout ! La réponse allait dans le sens contraire !
- Pourquoi tu ne veux pas que j’aille chez mon Xavier malade ? Je veux le soigner, moi… Je m’inquiète beaucoup, tu sais, Benji…
- On joue Ondine dans quatre mois, et tu espères sécher une répétition ? Ça ne va pas la tête !
- Mon Xavier est malade !
- Et alors ?
- Si tu me laisses aller le voir, il reviendra plus vite, parce que je le soignerai. Je suis une bonne infirmière. J’ai déjà soigné mon Papa quand j’étais petite. Il était content, tu te souviens ?
- Mouais, mouais…
- Et puis, tu oublies une chose, Benji. Pourquoi tu ne profiterais pas de cette répétition pour entraîner les élèves qui sont le plus en difficultés, comme Emma ? Tu n’auras pas Xavier et moi dans les papattes. Elle pourra s’améliorer ! Et ce sera bénéfique pour tout le monde !
- Hum…
Elle était en bonne voie pour gagner sa sortie à Montmartre. Son argument était de taille, et il était vrai qu’une petite séance particulière ne ferait pas de mal à Emma, la plus mauvaise comédienne de la troupe. Et finalement, après mûres réflexions, Benjamin céda. Ludivine le remercia du fond du cœur.
- J’arrive mon Xavier ! s’écria-t-elle en sortant au grand galop de l’école.
- Fermez la porte ! hurla Madame Suzette, victime d’un soudain courant d’air.
Ludivine trouva la pharmacie sans trop de difficultés, après avoir manqué se perdre dans le métro. Elle s’enfonça dans la petite ruelle que lui avait indiquée Pierrick. L’endroit était désert, humide, serré, et le soleil n’éclairait pas ce coin trop étroit. L’immeuble numéro 5 était détérioré, de même que les bâtiments qui le côtoyaient.
La porte du hall d’entrée n’étant pas fermée, la jeune fille s’était glissée à l’intérieur et était montée jusqu’au dernier étage. Et là, elle était restée pétrifiée. Car devant elle, la porte de l’appartement de Xavier était ouverte et une jeune femme blonde prête à partir se tenait dans l’encadrement. Elle n’aspirait guère la sympathie.
- Euh… bonjour… fit timidement Ludivine.
De son côté, Liz se demandait qui pouvait bien être cette petite idiote à l’air perdu devant sa porte. Elle ne la salua pas, et attendit qu’elle justifie sa présence.
- Je suis venue voir Xavier. Est-ce qu’il est là ?
- Ouais, il est malade.
Liz devina rapidement qu’elle avait en face d’elle la fameuse Ludivine, la même Ludivine dont son petit frère parlait à longueur de journée (quand il daignait bien discuter avec elle). La jeune femme se demanda quel âge elle pouvait avoir.
- Bon, Baby Girl, je dois partir, claironna Liz en commençant à descendre les escaliers. Je te laisse la baraque, chérie ; tu ne casses rien, tu seras gentille !
Elle planta la petite blonde sur le palier, qui se trouvait de plus en plus étonnée. Cette dernière se décida à entrer dans l’appartement et chercha la chambre de Xavier. Quand elle la trouva, elle y entra sur la pointe des pieds. Le jeune homme dormait profondément, blotti sous sa couette. Il n’y avait pas de chauffage dans la pièce. Ludivine enleva discrètement son manteau et ses chaussures et se glissa dans le lit, prête pour dormir !
Malheureusement, Ludivine bougeait beaucoup, surtout quand elle cherchait une bonne position pour sommeiller. Xavier s’aperçut donc très vite de sa présence et, lentement, il pinça sa cuisse, persuadé que sa sœur était de retour dans son lit. Mais cette cuisse n’appartenait pas à Liz. Intrigué, il se retourna et ouvrit doucement les yeux.
- Lulu ? s’étonna-t-il d’une voix rauque.
- Oui, mon Xavier. C’est moi !
Il se frotta les yeux, tandis qu’elle se hissait sur lui.
- Qu’est-ce que tu fais là ? Comment t’es venue jusqu’ici ?
- Je m’inquiétais quand j’ai vu que t’étais pas là ce matin. Je suis venue toute seule pour te soigner. C’est Pierrick qui m’a dit le chemin.
- Oh l’enfoiré… Je croyais pourtant t’avoir déjà que je ne voulais pas que tu viennes ici…
- Qu’est-ce qui t’arrive ? demanda Ludivine, en ignorant ses propos.
- Ma mère m’a vu tout patraque hier. Ce matin, avant de partir travailler, elle a pris ma température. J’avais presque 40 de fièvre. Elle n’a pas voulu que j’aille en cours, et pourtant, c’est pas faute d’avoir essayé…
- Tu prends des médicaments ?
- Non.
- Alors voilà, le programme qu’on va appliquer pour te soigner, fit Ludivine, joyeuse. On va faire d’abord un gros dodo…
- Ce qui t’arrange plutôt, se moqua Xavier.
- Et après, j’irai t’acheter des médicaments contre la fièvre.
- Oh non, Lulu… ne dépense pas des sous…
- Taratata !
Ludivine se hâta de mettre en œuvre le Programme de Soins issu de son imagination. Après un petit somme, elle partit acheter quelques médicaments et des pizzas (étant donné qu’elle ne savait pas cuisiner, et qu’elle ne pouvait se permettre de faire manger des plats carbonisés à Xavier). Le jeune homme fut obligé de tout avaler. L’après-midi, il voulut quitter son lit et la comédienne accepta, seulement s’il restait allongé sur le canapé avec une couverture sur lui, et elle à ses côtés (ce qui ne changeait pas grand-chose). Ils regardèrent ainsi la télévision jusqu’à ce que Liz revienne de sa sortie.
- Hey, Barbie Girl, toujours là ? s’étonna-t-elle, moqueuse, en débarquant dans le salon.
Ces petits surnoms ne semblaient pas atteindre Ludivine, qui lui souriait poliment en retour. Xavier, par contre, foudroyait du regard sa sœur.
- Épargne-nous tes conneries, s’il te plait.
- Épargne-moi ta grande gueule, riposta Liz.
Elle partit s’enfermer dans sa chambre jusqu’au retour de leur mère. Celle-ci avait d’ailleurs accueilli Ludivine avec un enthousiasme sans limites.
- Bonsoir ! Je suis ravie de te rencontrer ma chérie ! Xavier m’a tellement parlé de toi ! s’écria-t-elle en broyant la jeune fille dans ses bras.
La petite blonde se montra bien élevée, ce qui fit davantage plaisir à Elena. Elles avaient commencé à papoter quelques minutes lorsque la mère du comédien l’arrêta et l’obligea à s’asseoir sur le canapé.
- J’ai quelques questions à te poser, expliqua-t-elle chaleureusement à Ludivine.
- Ah non, Maman ! s’écria Xavier, qui connaissait les questions dont sa petite amie allait être victime. Si on pouvait faire une impasse sur ton petit interrogatoire habituel, ça nous arrangerait bien !
Liz, ayant aussi deviné que le moment de l’interrogatoire était arrivé, s’était ruée dans la cuisine chercher du pop-corn. Son frère l’aurait fusillée sur-le-champ. Elle s’était étendue sur un fauteuil, les jambes sur l’accoudoir, piochant dans son bol de pop-corn pour dissimuler son impatience.
- Enfin Xavier, je veux juste la connaître un peu plus…
- C’est ce qu’on dit, marronna le comédien.
- Ludivine, tu n’as pas à avoir peur, rassura Elena.
Tout au fond d’elle, Liz plaignait son frère. Quand elle avait assisté aux premiers interrogatoires de ma mère avec les ex-petites amies de Xavier, elle s’était juré de ne pas subir la même humiliation et n’avait jamais ramené d’hommes chez elle. Elle se félicitait à chaque fois d’avoir été plus intelligente que son cadet. Jamais elle n’aurait pu supporter d’entendre Elena poser des questions à sa conquête d’un soir sur le quotient intellectuel et la religion de ce dernier.
Pourtant, ce soir-là, elle dut reconnaître que la jeune Ludivine s’en sortait plutôt pas mal. Elle était honnête.
- Et tes parents, qu’est-ce qu’ils font dans la vie ?
- Et bien… commença la jeune fille, en se triturant les ongles.
- Tu n’es pas obligée de lui dire, intervint le comédien.
- Oui mais… en fait, ils sont… ils sont artistes. Ils sont un peu devant la scène… et un peu derrière aussi…
Liz parut soudainement intéressée et oublia un instant son pop-corn.
- Ah ouais ? Qui c’est ? Je les connais ?
- Liz ! aboya Xavier.
- Ben quoi ?
- Si jamais tu la fais chier à propos de ses parents, tu vas entendre parler de moi !
- T’es même pas drôle !
- Ce n’est pas mon intention, fit sèchement le jeune homme en glissant son bras autour de la taille de Ludivine.
Après une intervention de leur mère pour éviter un échange houleux entre le frère et la sœur, le subtil interrogatoire reprit, au grand dam de tout le monde.
- Mais tu es catholique, n’est-ce pas ? demanda Elena, affichant un grand sourire.
- Oui, répondit naïvement Ludivine.
- Maman ! s’écria Xavier, agacé. Tu peux faire l’impasse sur la religion s’il te plait ? On n’en a rien à foutre de savoir si elle est catholique, musulmane, bouddhiste ou athée !
Liz fut la seule à éclater de rire.
- Il a un peu raison, quand même, avoua-t-elle. On n’en a rien à foutre !
- C’est juste pour savoir, expliqua Elena.
- Tu parles…
- Tu as été baptisée, Ludivine ?
- Oui.
- Maman… soupira le comédien.
- Et tu as fait ta communion ?
- Non.
- Non ?! répéta la mère du jeune homme, choquée
- Non, mes parents m’ont donné le choix, et j’ai refusé.
- Quelle chance ! s’exclamèrent à l’unisson Liz et Xavier.
Vexée, Elena regarda ses enfants de travers. Ces derniers n’en avaient cure. Jamais ils ne pourraient oublier les après-midi gâchés à apprendre des prières et d’autres choses inutiles à leurs yeux.
- Mais ma fille, comment tu vas faire pour te marier ? demanda Elena à Ludivine.
- Me marier ? s’étonna la petite blonde.
Elle regarda Xavier, qui semblait tout aussi penaud qu’elle. Liz était encore pliée de rire.
- Mais oui ! Si tu n’as pas fait ta communion, tu ne pourras pas te marier à l’église !
- Maman… Dois-je te rappeler que Ludivine n’a que 17 ans, que je n’en ai que 20, et qu’il n’est pas encore question de se marier ?
- Et alors ? J’anticipe !
- Tu n’anticipes rien du tout. On fait ce qu’on veut.
Elena, qui rêvait d’un mariage à l’église pour chacun de ses enfants, prit très mal la remarque de son fils. Comme sa différence d’opinions sur la religion avec son fils n’était pas nouvelle, elle ne protesta pas et préféra changer de sujet de conversation.
- Et tu as eu ton bac ?
- Oui. Littéraire.
- Ah. Très bien.
Elle aurait préféré Ludivine fût diplômée d’un baccalauréat scientifique, mais ce n’était pas un détail important. Après tout, elle n’avait jamais reproché à Caroline d’avoir fait une série économique au lieu d’une série scientifique.
- Option théâtre, continua la jeune fille.
Au mot « théâtre », la terre s’arrêta de tourner pour la mère de Xavier.
- Et après, je suis montée sur Paris pour entrer à l’école de théâtre, et c’est là que j’ai rencontré Xavier, termina la petite blonde.
Une comédienne. Malheur. Son fils, comédien, sortait avec une comédienne. C’était un véritable cauchemar.
- Doux Jésus… murmura-t-elle, effrayée.
- Excellent ! s’exclama Liz, qui finissait de vider son saladier de pop-corn. T’as tout ce qu’il faut pour plaire à Maman !
Elena observa minutieusement Ludivine. Cette petite était peut-être comédienne et non-croyante, mais elle n’en était pas moins bien élevée, gentille et honnête. Et son fils l’aimait comme un fou, ce qui ne gâchait rien. Elle songea un instant à Caroline, mais ce fut Liz qui traduit ses pensées en parole.
- Ouais ben, Baby Lulu, toi, au moins, t’es pas une salope. Ça fait plaisir !
- Liz… grinça Xavier.
- Quoi ? D’accord, Baby Lulu est blonde comme ton ancienne pouf, mais Baby Lulu a l’air gentille. Non franchement, chérie, si t’es vraiment gentille avec mon frère, y’a des chances pour que je te laisse entrer dans ma chambre !
Voilà une semaine que Ludivine avait rencontré la famille de Xavier. À présent, elle se demandait où ils se situaient sur l’échelle des couples. Il lui avait présenté sa famille. Elle lui avait finalement beaucoup parlé de la sienne. Il dormait souvent chez elle, et il l’avait même vue dans son deuxième pyjama (celui avec un gros lapin au milieu). Ils s’aimaient… mais ils n’avaient pas encore fait l’amour. Et c’était précisément ce point qui effrayait la jeune fille.
- Hey Lulu ! À quoi tu penses ? s’étonna Xavier, durant la pause de midi.
Les coudes appuyés sur la tablette de leur loge, Ludivine était perdue dans ses songes. Elle n’avait même pas touché sa boite de chocolats Milka, ce qui devenait inquiétant. Intrigué, le jeune homme poussa un pouf pour s’asseoir derrière elle. Quand ses mains se posèrent sur ses hanches, Ludivine retomba de son douillet petit nuage.
- Profite de ce que Pierrick n’écoute pas aux portes en ce moment pour me raconter tous tes malheurs…
- Hum… lâcha la petite blonde, les joues empourprées.
- D’accord… mais encore ? se moqua Xavier.
- Je fais des rêves en ce moment. Des rêves où toi et moi, on…
Elle s’arrêta, rouge de honte, et fit graviter son index droit autour de son index gauche pour illustrer ses propos. Le comédien éclata de rire.
- On faisait ça ? répéta-t-il en imitant le geste, tout sourire.
- C’est pas drôle. Je n’aime pas ce genre de rêve.
- Oh… tout le monde en fait… Pierrick, il en fait toutes les nuits, et même moi, j’en fais souvent…
- Vous êtes des pervers, dit la petite blonde très sérieusement.
- Oui, mais tu le savais déjà.
Voyant qu’elle était très contrariée, il essaya de l’embêter pour lui redonner le sourire.
- Mais quelle coquine, ma petite Lulu ! Quelle coquine !
- Non, c’est pas vrai ! s’écria la petite blonde en tentant de garder un air sérieux.
- Ludivine rime avec coquine !
- Non !
- Si ! Ma Lulu, c’est une coquine, elle fait des rêves cochons sur moi ! continua-t-il joyeusement.
Il lui pinçait la joue, la chatouillait, tandis que Ludivine se débattait, furieuse et comique à la fois. Leur jeu finit par une minicourse dans la pièce. La jeune fille tournait pour échapper à son petit ami, qui la suivait partout où elle allait. La loge étant petite, le couple ne pouvait pas aller bien loin.
- Arrête de m’embêter !
- Coquine !
- C’est pas vrai ! brailla la comédienne.
Elle s’était retrouvée bloquée entre Xavier et le mur. Celui-ci s’était approché lentement d’elle, comme un prédateur emprisonnant sa proie. D’un mouvement, il happa ses lèvres. Elle lui rendit son baiser et glissa ses mains sous son pull alors qu’il faisait la même chose de son côté. Les doigts de Ludivine étaient montés jusqu’en haut de son dos pour caresser les omoplates de Xavier et, petit à petit, ils avaient glissé le long de sa colonne vertébrale. Quand ils s’arrêtèrent aux reins du jeune homme, les deux amoureux ressentirent chacun une décharge électrique.
Ludivine ne bougeait plus. Sa bouche était ouverte en un O identique à celui d’un poisson. Xavier n’avait pu réprimer un frisson.
- Il s’est passé quelque chose, là, non ?
Le désir. Depuis ce moment où ils s’étaient embrassés encore plus langoureusement que d’habitude, Ludivine ressentait un désir ardent qu’elle avait vite identifié. Depuis trois jours, elle harcelait Xavier qui, en revanche, restait de marbre.
- Allez, Xavier ! Je veux le faire ! Je veux le faire !
- Non.
- Je veux le faire ! brailla Ludivine de plus belle.
- Tu ne vois pas que tu trembles de peur en me disant ça ?!
- C’est pas grave ! Je veux le faire quand même !
- Je dois te le dire en quelle langue ? Non ! No ! Nein !
Ludivine n’avait jamais été aussi déprimée. Xavier s’assit sur un pouf pour souffler après les quatre heures de répétition sans pause. Elle en profita pour se hisser sur ses genoux et glisser ses bras autour de son cou.
- Tu ne veux pas ? demanda-t-elle tristement.
- J’en crève d’envie, avoua le comédien.
- Alors pourquoi tu refuses ?
- Parce que tu n’es pas prête ! Ça fait trois jours que je te le dis !
- Mais si, je suis prête !
- C’est ça… je te connais comme si t’étais ma fille, Lulu. Ose me dire droit dans les yeux que tu es prête à faire l’amour avec moi.
Bien évidemment, Ludivine ne dit rien du tout et se recroquevilla contre le comédien.
- Tu vois, continua ce dernier, satisfait d’avoir eu le dernier mot.
- C’est pas juste, grogna la petite blonde.
- Au contraire, c’est très juste. Tu ne vas pas faire quelque chose que tu n’as pas envie de faire.
- J’ai envie !… Mais j’ai peur aussi !
- Et bien, tu n’as qu’à revenir me voir quand tu n’auras plus peur !
- Tu es méchant, Xavier… tu pourrais m’aider quand même.
- Et qu’est-ce que je pourrais faire ? s’impatienta le comédien.
- Je ne sais pas… tu pourrais juste me rassurer !
Xavier savait à l’avance que ce serait inutile. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était lui prêter l’Encyclo des Filles d’Aline. Inciter Pierrick à lui donner un cours d’éducation sexuelle. Ou lui faire comprendre ce que c’était, faire l’amour, sentimentalement.
Et c’est ce qu’il fit. La dernière solution paraissait la meilleure. C’était aussi la plus difficile. Pour faire comprendre à Ludivine ce qu’on pouvait ressentir en ne faisant qu’un avec la personne qu’on aime, il devait s’inspirer de son expérience avec Caroline. Il lui raconta donc, avec des mots bien choisis, ce qui fit fondre le petit cœur de Ludivine.
- De toute façon, si les gens font ça tout le temps, ça veut dire que ça doit être probablement super… fit Ludivine, logique comme pas deux.
- Ça, c’est le point de vue des gens comme Pierrick, expliqua Xavier tandis que la jeune fille rougissait, honteuse de s’être fait passer pour une obsédée. Selon moi, on fait ça plutôt parce qu’on s’aime.
- Hum… c’est vrai. Moi, je t’aime, mon Xavier.
Une semaine plus tard, alors qu’elle le suppliait encore à genoux pour la même requête, le jeune homme lui proposa d’essayer. Et quelques jours après, ils avaient prévu le jour, l’heure et l’endroit.
Le jour J, après une journée riche en stress, Ludivine attendit Xavier chez elle, plongée dans une intense nervosité. Elle avait essayé de dissimuler derrière un soupçon de maquillage ce trac différent de tous ceux qu’elle avait connus jusqu’ici. Elle faisait les cent pas dans son petit studio lorsque Xavier sonna à la porte.
- Hey, ça va ? demanda-t-il, en se penchant pour l’embrasser.
Voyant qu’elle restait muette et qu’elle tentait bien malgré elle de sourire, il se demanda s’il n’aurait pas été mieux de franchir le pas plus tard.
- Ne t’en fais pas Lulu… On va juste essayer. De toute façon, j’ai prévu un DVD dans le cas où tu te désisterais au dernier moment.
La comédienne ne répondit rien et préféra se pelotonner contre lui, à la recherche de son odeur rassurante. Durant toute la journée, elle n’avait pas été capable de jouer correctement Ondine, et Benjamin lui en avait fait voir de toutes les couleurs. Elle méritait maintenant un peu de tendresse… malgré le stress qui augmentait toujours plus.
- J’ai l’impression que rien ne peut m’arriver quand je suis dans tes bras… dit Ludivine d’une petite voix, le nez appuyé contre le pull de Xavier.
- Mais c’est le cas, assura l’intéressé, tout sourire. Qu’est-ce qu’on mange ?
La cuisine semblait comme neuve, preuve que Ludivine ne s’en servait jamais.
- On ne mange rien ?!
- Euh… je n’ai plus pensé…
- Bon, ce soir, je crois que je vais surtout d’apprendre à cuisiner !
- Je dois avoir un surgelé quelque part… Attends…
- Certainement pas ! Tu ne me feras pas manger du surgelé ! Va pour des pâtes ?
Ludivine apprécia beaucoup cette petite leçon culinaire, qui lui fit oublier qu’elle allait probablement perdre sa virginité dans la nuit. Xavier était doué pour lui changer les idées. Durant le repas, elle était plutôt détendue, mais quand ils eurent fini de manger et de faire la vaisselle, son stress était revenu au grand galop.
Ils s’installèrent confortablement sur le lit, et allumèrent la télévision. Ludivine avait perdu l’usage de la parole. Le comédien, voyant son mal-être, lui proposa de regarder le DVD qu’il avait apporté. Elle refusa et se blottit contre lui.
Et là, tout commença. Les baisers timides devenant peu à peu passionnés. Les caresses qui ne finissaient plus. Les vêtements jetés sur le sol. Des mots rassurants. Et le grand saut de la divine idylle.
C'était parfait jusqu'à la fin. J'espère au moins que tu t'es décarcassée au prochain chapitre pour nous émoustiller le bas des reins, hein ? ....Non ? ....Alleeeez ! ... juste une phrase ou deux pour faire bonne figure. Une jolie évocation pleine de tendresse. Je suis sûre que tu sais faire, en plus. Un premier amour, ça ne se rate pas !
Enfin, à part ce détail (de taille), tout est bon. L'anniversaire en famille de Xavier, la rentrée de janvier, les cadeaux de Ludivine, les grandes révélations sur ses parents et sur cette foutue Caroline et ensuite Xavier malade avec Lulu en infirmière hors pair. Mouahaha ! Trop bien. Sans oublier bien sûr, les présentations de Baby Lulu à la maman et la soeur de Xavier. Ça sent le vécu, ça ! Houlà !
Bon, allez, courage, ma ptite Clo', au boulot ! ....... et voyons si le prochain chapitre rattrape cette fin qui m'a donné faim...
Enfin, c'est 2h du mat', donc.... un peu plus tard dans la journée, hein... bye !
D'abord, te remercier pour toutes les reviews que tu as laissées.
Et, hmm, m'excuser pour cete grosse déception de la scène d'amour. ^^" Une personne sur FP m'avait aussi fait part de sa déception par rapport à ça, mais je suis franchement navrée : pour écrire une scène érotique, même une première fois, je ne peux pas. J'ai pas les mots, et je suis trop pudique -pour le moment. Et je ne voulais pas que l'histoire ne tourne que sur ça.
À part ça, je suis toujours contente que ça te plaise, mais il ne fallait pas veiller si tard pour moi, voyons. ;)
Je passe à la suite, à toute' ! =D
On en apprend beacoup dans ce chapitre, plein de choses bougent d'un coup. On apprend la véritable identité de la mère de notre petite lulu (j'avais même pas vu venir qui elle était vraiment T_T et pourtant tu avais mis plein d'indices !), on en apprend plus sur le passé de Xavier avec cette (censuré) de Caroline et, surtout, surtout, Lulu saute le grand pas !
J'ai beaucoup aimé la façon dont tu as amené ça, c'était fin, sans grosses ficelles, sans lieux communs. J'aurais voulu des détails plus croustillants XD mais bon, je te comprends, je suis très pudique moi-même quand j'écris.
J'adore toujours autant tes personnages, c'est toujours un vif plaisir de les retrouver. Xavier, c'est l'homme-rêve *_* Lulu, c'est... c'est... lol, c'est Lulu, quoi ^^ (trouve pas de qualificatif). Aline est si forte et si fragile en même temps et Pierrick, je l'adore ! Rah, je les vois ensemble, ces deux-là, c'est plus fort que moi ^^ Quant à la soeur de Xavier, Liz, je suis confortée dans ma dernière impression : sous des airs durs et provocateurs, c'est une grande soeur très touchante.
Un beau chapitre, plein de fraîcheur, qui me laisse dans une douce rêverie :)
Reponse de l'auteur: Merci ma Cricri d'amour ! ^___^ Bon euh...je t'ai répondu sur msn concernant la moitié de ta reviews, mais bon ! XD Je suis très contente que ça te plaise toujours. ^_^ (Tu crois que ça me rapporterait beaucoup de vendre Xavier par enchères ? XD).
Tes commentaires me font toujours très plaisir.
Je te fais plein de bisous, et merci encore ! ^_^
Mouwaaks !
Clo'
Je crois que c'est la 599e fois que je le dis mais : je suis RAVIE que ça te plaise (mais ça me saoule, à force, je manque d'originalité !)
Bref, j'essaierai de rattraper le coup au prochain chapitre, je sais pas encore comment il va être mais... Nous verrons.
Bisouuuus ! Et merci. ;)
Ensuite, pour le détail dont je me souviens, c'est surtout la révélation par rapport à la mère. Je m'étais douté que la mère de Ludivine n'était pas une simple coiffeuse quand elle avait refusé que Xavier voit sa photo, mais de la fille d'un tel couple, je ne m'y attendais pas ^^ Pour rester niveau révélation, avec Caro, là aussi je m'étais dit que c'était une histoire d'amour malheureuse, mais Xavier est quand même beaucoup plus sensible et euh... Romantique ? (C'est pas le terme mais j'en trouve pas d'autre --') Que je pensais. Ca lui va bien comme ça, il n'est pas le comédien, séducteur parfait, ça le rend plus "normal". <br />
Et puis ensuite humm... Je me rappelle quand j'ai vu le titre de l'un des chapitre, Ondine, me suis dis "gné?" et puis après j'ai lu la note et je me suis posée encore plus de question :P Je connaissais pas la pièce ^^ D'après ce que tu as en dis dans les chapitres, les personnages de la pièce tombent vraiment bien avec tes personnages ^^ 'Fin bref, ça fait mieux que si ça avais été une pièce prise au hasard comme L'avare ou un truc du genre ^^ <br />
Voili voilou, je ne vois pas d'autre trucs à dire :/ Je suis sûre que j'ai oublié des trucs mais justement, je les ais oubliés --' 'Fin je crois que tu as l'essentiel ^^ Vivement la suite :DReponse de l'auteur: Kikoo ma Flammy d'amour ! ^^ (gros Kâlin pour fêter ta venue sur PA ^^) Je me doute bien que tu ne te souviennes plus trop du chapitre, mais bon, tes souvenirs que tu décris sont quand même exactes ! XD
Je suis ravie de mon p'tit effet avec la Maman et la Papa de Lulu XD On les verra un peu plus tard, prooomis. En ce qui concerne Xavier, sa relation avec Caro l'a beaucoup fragilisé, et quand leur histoire a pris fin, il y'a eut d'autres événements qui l'ont encore plus touché (comme la réussite de son concours pour polytechnique où il n'a pas pu entrer à cause de ses faibles moyens financiers). Je pense que tout ça l'a rendu "plus normal", comme tu dis, XD.
Enfin, Ondine, c'est mon coup de coeur de théâtre ! xD Non seulement, le hasard a voulu que les personnes collent aux miens, mais en plus, l'histoire en elle-même est très originale. Bref, tu verras par toi-même. ^^
Voilà, ma ptite Flammy, merci beaucoup à toi d'être passée par ici, et merci pour ta longue reviews. ^^ La suite ? Dans deux semaines probablement.
Gros bisouuuus, et bon courage pour ton Bac. ^^