Chapitre 7 : Mariam - Croyances

Abraham Sternam apparaissait désormais chaque matin accompagné d’une femme différente. Richard l’imitait mais le comptable se contentait sagement de la même compagne, une rousse dont Mariam ignorait le nom et qui prenait ses petits-déjeuners et ses dîners au château. La journée, elle disparaissait avec son compagnon.

L’album photo se remplissait chaque matin. L'après-midi, la jeune femme s'occupait de la bibliothèque, alternant nettoyage et lecture. Les livres en français étaient rares mais Mariam les lisait tous. Elle n'oubliait jamais l'heure, ne tenant pas à reproduire son erreur passée.

Certains livres l'intéressaient moins que d'autres. Peu portée sur l'horreur et peu désireuse de vivre un autre cauchemar, elle préférait les biographies réelles que les ouvrages traitant de sorcellerie, de vampires et de magie. Elle les lisait tout de même mais avec moins d'entrain. Parfois, il était difficile de savoir au début que l'histoire allait en réalité dériver vers un contenu terrifiant. Parfois, l'histoire était ignoble dès le début.

 

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Ixchel regardait, pétrifié, son père et son oncle se faire dévorer par une famille de jaguar. La chasse avait mal tourné. L'odeur du sang du tapir avait attiré les prédateurs. Les félins, d'ordinaire solitaires, étaient apparus à quatre : une femelle et ses petits, très proches de l'âge de l'autonomie. Les deux hommes s'étaient défendus. L'un des jaguars gisait, mort. Les autres l'avaient vengé. Ixchel, dans l'arbre, savait que sa situation était précaire. Les jaguars étaient de remarquables grimpeurs. Sa branche haute ne lui serait d'aucun secours.

Fort heureusement, les jaguars, repus, s'en allèrent, emportant avec eux le tapir. Ixchel savait que les félins allaient placer leur butin dans les arbres, à l'abri d'autres prédateurs, et venir les manger pendant plusieurs jours.

Le garçon resta sur son perchoir. Des oiseaux vinrent et repartirent. Quelques rongeurs approchèrent avant de fuir dès qu’il remua. Il ne compta plus les moustiques écrasés sur ses bras et sa nuque. Il aurait voulu bouger mais il n'arrivait pas à oublier les hurlements de son père et de son oncle alors qu'ils se faisaient dévorer vivants. La peur le clouait sur place.

À la nuit tombée, il finit par descendre et rentra chez lui, sans trop savoir comment. Sa mère, le voyant revenir seul, lui demanda des explications. Il se prit une gifle monumentale. Sa mère lui reprocha son inaction et sa lâcheté. Et s'il s'était battu au lieu de se cacher ?

Il devint la risée des habitants du village. Mis à part, on lui jeta des pierres. Pour survivre, il dut partir chasser seul malgré la peur qui lui dévorait les entrailles. À quatorze ans, il fut en âge de se marier et lorsqu'il alla voir sa mère pour demander le nom de la prétendante, désignée depuis sa naissance, il ne reçut que du mépris.

- Une prétendante ? Qui voudrait donner sa fille à un couard ? Les traités ont été rompus il y a bien longtemps. Ton sang de lâche ne sera pas transmis et tant mieux. Tes frères et sœurs s'en chargeront bien mieux que toi. Eux, au moins, honorent leur nom.

Ixchel partit. Plus rien ne le retenait à ce village. Il se rendit en ville, découvrant avec étonnement les immenses temples, les maisons en pierre, les sols pavés. À peine arrivé, il fut également touché de plein fouet par les mauvais côtés de la ville. Il venait à peine d’arriver qu'un duo de bandits l'attaqua, désireux de lui prendre des richesses qu'il ne possédait pas.

Ixchel, désormais rompu à l'art du combat pour avoir dû se défendre à de nombreuses reprises contre les autres garçons du village, gagna aisément. Sur les cadavres de ses adversaires, il récupéra armes, vêtements, argent. Il disparut dans les ombres de la rue. Il resta seul, ne prenant jamais de partenaire. Il dormait le jour, dans des maisons abandonnées ou des auberges. La nuit, il attaquait, volait, tuait.

Ixchel n'oublia jamais ses dieux. Désormais proche des temples, il faisait régulièrement des offrandes, n'hésitant pas à donner toute sa recette du jour. Il eut l'occasion de voir des sacrifices humains. Les cinq jours de la fin d'année furent l'occasion d'une fête monumentale. Les sacrifices furent tellement nombreux que le sang dégoulinait de la plateforme où le grand prêtre égorgeait les victimes jusqu'au sol où les croyants priaient.

 

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Mariam dut cesser sa lecture pour aller faire le service. Aucune date n'était mentionnée dans le livre mais au vue des descriptions, il était évident qu'il s'agissait de mayas. L'histoire se déroulait dans un temps très lointain, au sein d'une civilisation aujourd'hui éteinte.

Pour Mariam, cela ne faisait aucun doute : Ixchel finirait sa vie égorgé en haut d'un de ces temples. Il serait attrapé par la garde et condamné à mort pour ses crimes. Elle le plaignait un peu. Si les siens avaient été plus compréhensifs, le jeune homme aurait vécu une vie simple de cueilleur / chasseur, aurait eu des enfants et ne serait jamais devenu ce criminel endurci. Comment pouvait-on en vouloir à un enfant de huit ans de ne pas avoir défendu son père et son oncle contre quatre jaguars ?

 

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Ixchel ne fut pas un délinquant bien longtemps. Repéré par des criminels organisés, il intégra leur guilde. De simple voleur et tueur occasionnel, il devint assassin. Sa signature : du sang, partout, comme s'il voulait éloigner les démons de son enfance. Chaque goutte de sang versée vengeait son père et son oncle et satisfaisait les dieux.

Ixchel devint populaire. Engagé par les plus grands, il arracha le cœur de plusieurs hauts dignitaires. Sa réputation le précédait. Sans pitié, il assassinait pour quiconque avait de quoi payer. Désormais riche, il vivait dans une grande demeure bien protégée. Il tuait sous le nom de Stiny afin de préserver son identité, l'anonymat étant sa meilleure protection.

Un contrat tomba. Les gains en cas de réussite dépassaient tout ce qu'il avait vu jusque là. Vu la difficulté, les commanditaires s'étaient naturellement tournés vers le meilleur. Ixchel accepta le contrat dans le seul but de rencontrer les mécènes, qui ne se montrèrent pas. Bien décidé à trouver les fils de putes qui avaient osé mettre à prix la tête des hauts prêtres, Ixchel parcourut la ville, faisant jouer ses relations, utilisant parfois l'argent et parfois l'acier pour obtenir des renseignements.

Finalement, il trouva les responsables et se rendit au temple. Ce fut sans difficulté qu'il pénétra dans les chambres sacrées pour se retrouver devant le haut prêtre Améyatl. Le vieil homme resta d'un calme impassible malgré la présence à quelques pas de lui de l'assassin le plus renommé de la ville.

- Tue-moi, puisque tu es là pour ça, dit le haut prêtre.

Ixchel s'agenouilla devant le vieil homme avant d'annoncer :

- Je ne suis pas là pour ça. J'ai découvert l'identité des gens qui ont mis à prix votre tête, ainsi que toutes celles du clergé.

Le vieil homme plissa des yeux et d'un geste, commanda à Ixchel de continuer à parler. L'assassin révéla les noms des responsables.

- Tue-les, tous, ordonna Améyatl.

- Vos désirs sont ceux des dieux. Leur volonté sera accomplie, répondit Ixchel.

Le jeune homme disparut dans la nuit. Le sang coula mais Ixchel, à genoux, un poignard dans le ventre, dut se rendre à l'évidence : c'était son dernier contrat. Les dieux seraient contents et il les rejoindrait la tête haute. Le jeune homme se traîna dehors et rejoignit sa demeure. Il en était conscient : à l’aube ou au prochain crépuscule grand maximum, il serait parti. Avait-il des regrets ? Énormément ! Il aurait aimé faire couler davantage de sang mais aussi avoir une vie simple, une femme, des enfants.

 

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Mariam cessa de lire un instant. Finalement, ce qu'elle avait prévu n'était pas arrivé. Le jeune homme n'allait pas se faire égorger par un haut prêtre. Il allait mourir en martyre pour ses dieux. Cependant, la curiosité de Mariam était à son comble car elle n'était qu'à un tiers du roman. L'auteur allait-il sauver miraculeusement son héros, sortant une guérison divine de son chapeau ? Quelle astuce scénaristique allait-il utiliser ? Allait-il tout simplement changer de héros ? Il fallait bien remplir les autres pages ! Elle continua.

 

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- Tu veux vivre ?

Ixchel ouvrit difficilement les yeux. La vie s'échappait. Le jeune homme se donnait un sablier moyen, tout au plus. Son sang coulait sur les dalles de son salon, comme une justice enfin accomplie, un cercle complété.

- Tu veux vivre ? répéta le grand prêtre debout devant lui.

- Je suis déjà mort, répliqua Ixchel.

- Je ne te demande pas si tu vas vivre, mais si tu veux vivre.

- Oui, je veux vivre, parvint à dire Ixchel.

- Ce n'est pas gratuit, précisa Améyatl.

- Donnez votre prix.

- L'obéissance, la discipline, le contrôle.

- Je ne comprends pas.

- Je peux t'offrir l'immortalité mais je ne la donne qu'à ceux capables de s'en servir au lieu de la subir. Cela va demander de nombreuses saisons de pratique, pendant lesquelles il te sera interdit de t'éloigner de moi.

Ixchel rit mais ce fut davantage un râle qu'une expression de joie.

- L'immortalité ? Seuls les dieux sont immortels.

- Les dieux ? Dans mes nombreuses années de vie, je ne les ai jamais croisés. S'ils existent, ils ne sont guère enclins à se montrer ou à interagir avec nous.

- Blasphème, articula Ixchel.

- Tu seras mort dans quelques battements de cœur. Choisis-tu de mourir en martyre ou de vivre en pêcheur ?

Ixchel pesa le choix.

- Je veux vivre, finit-il par annoncer.

Le grand prêtre soupira d'aise. Il attrapa le bras de l'assassin et le mordit avant de le reposer. Ixchel perdit connaissance.

Ixchel ouvrit les yeux et il se sut en enfer. Des milliers de sons l'assaillaient de toute part sans qu'il puisse les faire taire. Ses yeux hurlaient de douleur sous les myriades de couleurs et de formes qui les traversaient. Sa peau brûlait du vent et de la chaleur qui l'enveloppaient. Son nez réagissait à la multitude d'odeurs environnantes, trop pour les discerner une à une.

- Je te l'avais dit. L'immortalité demande du contrôle. Pour le moment, tu subis. Ne t'inquiète pas, ça va se calmer.

Ixchel ne put qu'admettre que le grand prêtre avait raison. Rapidement, ses sens s'ajustèrent et tout redevint normal. Le jeune homme était dans son salon. Il baignait dans son sang mais ne ressentait plus aucune douleur. Il se sentait merveilleusement bien, capable de détruire le monde.

- N'oublie pas : ne t'éloigne pas de moi. Fais-le, et je te tue immédiatement.

- Pourquoi ?

- Parce que tu es dangereux. Tant que tu n'es pas au contrôle, tu n'es qu'un animal, guidé par ses besoins et je n'accepterai pas qu'un de mes petits soit un monstre sanguinaire n'agissant que par instinct. Si tu veux un jour être un monstre sanguinaire, soit, mais je veux que ça soit un choix de ta part.

- Je suis déjà un monstre sanguinaire, fit remarquer Ixchel.

- Stiny est un monstre sanguinaire. Ixchel, j'en doute…

Le jeune homme frémit. Son mentor n'avait pas tout à fait tort.

- Pourrais-je avoir une vie normale ? Une famille ?

- Quand tu seras au contrôle, oui, pas avant.

Ixchel hocha la tête. Les conditions lui convenaient.

 

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Mariam posa le livre. L'auteur avait trouvé le lapin et l'avait sorti du chapeau : l'immortalité. Comme c'était facile ! Mariam sortit de la bibliothèque l'esprit moqueur. Elle avait encore le sourire quand elle servit ses patrons.

- Ton sourire est rayonnant ce soir, fit remarquer Anthony Lawzi tout en mâchant une pomme de terre. Une bonne nouvelle ?

- Je pense au roman que je lis en ce moment, expliqua Mariam sans perdre son sourire.

- Il est amusant ? intervint le seigneur Kervey, surpris.

- Disons que l'auteur n'est pas très imaginatif, critiqua Mariam.

- Que lis-tu ?

- "Passé, présent, futur", annonça Mariam.

Anthony Lawzi, Abraham Sternam et Richard Quern sourirent. Ils semblaient se contenir pour ne pas exploser de rire. Lord Kerings prit un air grave tandis que le seigneur Kervey gardait un visage impassible.

- L'auteur n'est pas imaginatif, répéta ce dernier. Pourrais-tu développer ?

- Je n'ai pas beaucoup aimé le pigeon apparu par enchantement, expliqua Mariam.

Le seigneur Kervey secoua la tête pour exprimer son incompréhension.

- Ixchel était sur le point de mourir en martyre. C'était très bien comme ça. Quel besoin de rajouter une dimension magique à ce qui n'en avait pas besoin ! L'histoire était très belle. La créature aux pouvoirs surnaturels n'y avait pas sa place. L'auteur ne s'est pas senti de tuer son personnage principal. Il ne savait pas comment s'en sortir alors il a utilisé cette astuce scénaristique. C'est naze. Cet écrivain est un lâche. Il aurait dû accepter de tuer son héros. L'histoire y aurait gagné en profondeur.

Les trois messieurs à table pouffaient de plus en plus. Leur rire était communicatif car même Lord Kerings arborait désormais un petit rictus amusé.

- Vous êtes amis avec l'auteur ? interrogea Mariam.

- On peut dire ça, dit le seigneur Kervey. Je crois que je n'ai jamais entendu une critique aussi directe sur ce livre. As-tu considéré une seule seconde la possibilité que l'auteur n'ait pas utilisé d'astuce scénaristique mais qu'il ait simplement raconté les faits tels qu'ils se sont passés ?

Mariam remua la tête et afficha une expression incrédule.

- Bien sûr, ironisa-t-elle. Le gars est immortel mais ce n'est pas du tout une histoire inventée. C'est une histoire vraie. Vous êtes vraiment naïf.

Les trois messieurs ricaneurs ne tinrent plus et explosèrent en un fou rire. Lord Kerings ne pouvait plus retenir un vrai sourire. Seul le seigneur Kervey restait d'un calme inébranlable. Il soupira.

- C'est peut-être toi qui manque de folie et de croyance. Ta vie est tellement carrée que tu ne permets à rien d'y entrer. La question est donc : en quoi crois-tu ?

- Pas au surnaturel, en tout cas, assura Mariam. Vous allez me dire qu'il y a des loups garous et des fantômes aussi ? Après tout, ce n'est pas parce que vous ressemblez aux Vampires de Twilight que je crois que vous en êtes.

Bizarrement, les rires cessèrent d'un coup. Les patrons lancèrent à Mariam des regards étranges. Mariam ne sut s'ils étaient terrifiés, surpris, incrédules ou simplement curieux.

- Pourquoi cette comparaison ? interrogea Abraham Sternam.

Ils se regardèrent entre eux, avides de découvrir l'analogie possible entre les Cullen et eux.

- Nous ne brillons pas au soleil. Nous ne sommes pas froids. Nous n'avons pas une peau marmoréenne, commença Richard.

Mariam fut heureuse d’avoir demandé la définition de ce mot à Lord Kerings quelques temps plus tôt. Il la lui avait volontiers indiqué avant de préciser que de toute façon, la probabilité pour qu’un tel vocable serve dans le monde réel était faible. Mariam lança un regard narquois à Lord Kerings qui lui répondit d’un clin d’œil. Richard Quern poursuivit :

- Nos yeux ne sont pas rouges ou dorés. En quoi ressemblons-nous aux créatures surnaturelles décrites par Stephenie Meyer ?

Mariam fut épaté. Ils semblaient connaître cette histoire par cœur. Étonnant pour des gens qui ne lisaient ni ne regardaient jamais la télévision.

- Vous ressemblez à Jasper, précisa Mariam.

- Jasper, répéta le seigneur Kervey en plissant les sourcils.

- Le contrôle d'émotions, compléta Mariam. La capacité bizarre que vous avez de faire en sorte que les gens autour de vous ressentent ce que vous voulez, comme Jasper dans Twilight.

- C'est ridicule, répliqua Richard Quern. Je n'ai jamais contrôlé tes émotions.

- Vous, non, mais les seigneurs Kervey et Kerings, ainsi que monsieur Lawzi, si. Ceci dit, je ne me plains pas. Je me contente de faire une remarque.

Il y eut un silence gêné. Mariam supposait que ses patrons possédaient des dons. Elle comprenait qu’ils veuillent vivre loin du monde. Après tout, le peuple préfère brûler les sorcières sur un bûcher que les accepter malgré leur différence. Quelques capacités en mentalisme pourrait leur valoir des problèmes. Qu’ils aient voulu se retrouver entre personnes de même compétences se comprenait.

Mariam ne se sentait pas en danger. Elle savait qu’il suffisait de le vouloir pour ne pas se faire avoir. Elle tenait simplement à leur faire comprendre qu’elle savait et l’acceptait totalement.

- Quand as-tu essayé de contrôler ses émotions ? interrogea le seigneur Kervey en dévisageant Anthony Lawzi.

- Dans les écuries, il y a un mois environ, raconta Mariam. Il a essayé de me séduire. Je l'ai envoyé paître.

Le seigneur Kervey sourit tandis que le palefrenier gardait le silence.

- Qu'est-ce qui te fait croire qu'il essayait de contrôler tes émotions ? interrogea le maître des lieux.

Mariam eut une moue dégoûtée puis annonça :

- Je n'ai jamais rien ressenti pour lui et soudain, mes sentiments changent ? Je ne suis pas stupide.

- Tu étais peut-être réellement attirée, proposa le seigneur Kervey. Tu as passé beaucoup de temps avec Anthony depuis ton arrivée. Il semblerait que ses cours d'équitation aient porté leurs fruits. Ça ne dérangerait aucun de nous que vous…

- Non, merci, le coupa Mariam, peu désireuse que le propriétaire du château finisse sa phrase.

Abraham Sternam sourit.

- Ravale ce sourire tout de suite, menaça Anthony Lawzi et son ami reprit un visage neutre.

- Je peux t’assurer que nous ne contrôlons pas tes émotions, se défendit le seigneur Kervey.

- C'est sûrement moi qui imagine des choses, dit Mariam avant d'aller en cuisine.

La jeune femme n'avait guère envie de continuer la discussion. C’était vain. Ils avaient appris à se protéger. Elle comprenait mais se sentait blessée tout de même qu’ils ne l’incluent pas dans leur confidence. Ne faisait-elle pas partie de la maison, maintenant ? Elle se sentit rejetée.

- Crois-tu en Dieu ? demanda Sam.

- Tu as écouté la conversation, comprit Mariam d’un ton agacé qu’elle regretta immédiatement.

- J'écoute toujours aux portes. C'est très instructif. Alors ? Est-ce que tu crois en Dieu ?

- Mes parents sont croyants, raconta Mariam d’une voix plus calme, pas moi.

- Pourtant, tu portes une croix autour du cou.

- C'est un bijou, pas un symbole, précisa la jeune femme.

- Donc, tu ne crois pas en Dieu ?

Mariam réfléchit, gardant le silence pendant un instant, puis murmura :

- Je crois en une puissance suprême. Il m'arrive de prier, comme n'importe qui, quand j'ai un problème. Ça ne fait pas de moi une croyante.

- Tu es croyante, mais non pratiquante. Tu arrives à croire à un être invisible qui pourrait vous écouter, mais pas à la magie ?

- Si la magie existait, on la verrait, non ?

- Peut-être que tu la vois à l'œuvre tous les jours mais que tu ne la reconnais pas.

- Tu crois à la magie ? interrogea Mariam.

- Oui et non. Si on définit par magie "ce qui n'est pas encore explicable scientifiquement", alors oui, la magie existe. La religion entre également dans cette catégorie à mes yeux.

- As-tu lu "Passé, présent, futur" ?

Sam hocha la tête. Tous les résidents avaient compulsé l’ensemble des livres de la bibliothèque et les connaissaient pas cœur. Ces gars disposaient d’une mémoire considérable et de beaucoup de temps libres.

- Considères-tu que ce livre contient de la magie ?

- Non, répondit-il.

- L'immortalité du haut prêtre est donc explicable scientifiquement à tes yeux, comprit Mariam.

- Totalement, confia Sam.

Un toussotement fit se retourner les deux compères.

- Nous attendons la suite du repas, fit remarquer le seigneur Kervey.

- Oh, pardon ! dit Mariam.

En attrapant un plat, elle perçut le regard désapprobateur du seigneur Kervey envers Sam et le haussement d'épaules dédaigneux du cuisinier en échange.

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