chapitre 7 (Mutation)

Notes de l’auteur : Le re-retour de la mère :p
Bon J'avais promis de tenter d'adoucir un peu le portrait de la maman de Uzu. Notre petit Japonais va-t-il faire la paix avec maman ?
 
 

 

- J'ai mis les biberons à stériliser, il a été changé y'a une demi heure, le préviens Uzu.

- Le patron n'a rien dit mais aujourd'hui on a un serveur malade ch'uis sûr qu'ça l'fait chier qu'je m'absente aussi, quelle con'rie !

- ...

- Ils donnent même pas d'horaire quoi, ce s'ra aujourd'hui mais tu sais pas quand. Vachement pratique !

- Au moins tu peux être là toi. Tu crois que ça m'amuses ? Tu veux ma place ?

- Nan ch'sais. Et tu vas aller où ?

- Chez ma mère sans doute, soupire-t-il. Je vais pas passer ma journée dans la bagnole à attendre que tu me dises de revenir hein !

- Hé ! C'est pas ma faute ok ?

- Je ne t'accuse pas, excuse-moi, ça m'énerve, j'y peux rien. Ne laisse rien trainer, réfléchis à tout ce que tu dis et met un jean.

- J't'appelle dès qu'ils sont barrés. Ça va aller ? demande Gabriel inquiet de l'état de nervosité de son copain.

- C'est plutôt à moi de te poser cette question hein !

Ils se regardent, Uzu recoiffe Gabriel, l'autre qui lui caresse les bras nerveusement s'approche pour lui déposer un baiser sur son front.

- C'est typiquement dans un moment comme ça qu'je préfèrerais qu'tu sois là, lâche Gabriel.

- Ça va bien se passer. Avec Hugo tout va bien, qu'est-ce qu'ils peuvent te reprocher ?

- Ch'ais pas.

*

Uzu frappe avec retenue à la porte, s'attendant à ce qu'elle ouvre et le regarde froidement avec son petit air pincée, en feignant l'étonnement malgré le sms qu'il lui a envoyé pour la prévenir de son passage. Rien ne se produit et pas un mouvement à l'intérieur de l'appartement. Il est vrai qu'elle n'a pas répondue au message. Vu l'heure, il y a des chances pour qu'elle travaille déjà. Il hésite, il a les clefs de l'appartement seulement il ne se considère plus vraiment chez lui à présent. Le voisin de palier sort la tête, sans doute par curiosité. Puis referme la porte lorsque Uzu se retourne pour le dévisager à son tour.

La situation est contrariante, devoir s'enfuir de chez Gabriel est déjà ennuyeux, il ne va tout de même pas rester dans cet escalier des heures ? Il se décide, sort son trousseau et pénètre dans le couloir. Les volets sont tous ouvert, l'appartement est désert, la vaisselle du petit-déjeuner : une tasse, une cuillère et un couteau laisse croire qu'elle est partie de bonne heure. Il est tout juste neuf heures trente, il n'y a déjà plus personne.

Il traverse l'appartement en silence, un peu comme un voleur, presque sur la pointe des pieds et se pose dans ce qui a été sa chambre et qui passe pour l'être encore. Rien ne change ici en dehors du ménage fait et de ses affaires disparues parce qu'il les a emmenées.

Il se souvint de ce fameux soir.

Le courrier que sa mère a déposé, bien rangé dans un petit carton est abandonné ouvert sur son lit. Elle lit tout ce qu'il reçoit, bien évidement, toutes les enveloppes sont déchirées. Pourquoi ne pas lui avoir fait suivre ?

Uzu a changé le maximum d'adresses dernièrement, visiblement quelques unes ont été oubliées.

*

La voiture de son fils est bien au parking et en levant la tête elle s'aperçoit que la fenêtre de sa chambre est entre-ouverte. Il n'a pas menti, il est bien revenu à la maison. Elle est informé que ce passage, comme il l'indique dans son SMS, est de courte duré, quelques heures tout au plus.

- Il ne s'est même pas foulé d'un appel.

Elle monte les étages avec un drôle de sentiment. Plus tôt, elle était heureuse de voir son fils malgré tout, elle redoute à présent une nouvelle prise de bec. Puis il faut le dire, elle se pose des questions et appréhende une mauvaise nouvelle. Si Uzu est là, il y a forcément une raison.

Elle le trouve dans sa chambre assis sur son lit, penché sur la boite où elle range le courrier qui lui parvient encore. En sentant sa présence, il se tourne vers elle lentement. Impossible pour elle de déchiffrer quoi que ce soit sur son visage. Elle y est habituée. Par contre une chose l'étonne, sa tenue n'est ni négligée comme les jours où ordinairement il ne travaille pas, ni tirée à quatre épingle comme ceux où il sort. Il arbore à son grand étonnement, une sorte de juste milieu assez classe.

-  Il a toujours été d'un naturel effacé, presque sans goût vestimentaire, sauf quand il s'agissait d'aller se faire sauter dans un club ! Là, il exagérait carrément.

Aujourd'hui son fils rayonne à sa manière, le visage apparait toujours aussi fermé, mais son regard montre une sorte de douceur qu'elle n'a jusque maintenant jamais vue. Il a choisi sa tenue avec attention sans en faire trop. Elle ne connait pas cette chemise noire, pas plus que ce jeans sombre, sobre mais bien coupé.

- Maman.

- Fils.

- Tu as reçu mon message ?

- Oui.

Uzu se retourne mal à l'aise sous le regard insistant de sa génitrice.

- J'ai hésité à entrer, vue que tu n'étais pas là... Mais le voisin est sorti...

- Tu es toujours chez toi ici.

- ...

- Tu ne travailles pas aujourd'hui ?

- RTT...

-Ha.

Il balaye de la main quelques lettres, il y a là surtout de la publicité, sûrement quelques propositions de traductions. Une ou deux enveloppes n'ont pas été ouvertes et lorsqu'il les soulève sa mère s'approche, s'excusant presque de ne pas les avoir lues.

- Ça avait l'air personnel, je n'ai pas osé les ouvrir.

- Humm.

Finalement il les repose, ça attendra.

- Tu as envie un thé ? Lui propose-t-elle.

Un frison lui parcourt l'échine lorsque son fils se retourne en souriant pour lui répondre.

- Bonne idée ! Il est tôt, je n'ai pas pu prendre de petit déjeuner correcte, remercie-t-il.

Un sourire...

En dehors de son pincement de lèvres un peu sarcastique qu'il arbore parfois, il y a très longtemps qu'elle ne l'avait vu sourire.

Il la suit jusqu'à la cuisine, indifférent aux nombreux coups d'œil en coin, qu'elle lui lance chaque fois qu'elle se retourne.

Elle met la bouilloire à chauffer, l'observant du coin de l'œil prendre dans les placards de la même manière qu'avant, comme si rien n'avait changé, sa tasse, la boite de thé et... le sucre ! Le sucre ?

- Tu prends du sucre toi maintenant ? l'interroge-t-elle surprise.

- Oui !

Il affiche de nouveau sa joie.

- Finalement, c'est meilleur avec du sucre, ajoute-t-il.

- Je passe ma vie à te le dire haha !

- Gabriel soupoudre mon thé de sucre tous les jours. Je lui ai pourtant mainte fois répété que j'n'en mettais pas ! C'est qu'au début, il était un peu surmené et il ne s'en rappelait jamais, puis à force, j'y ai pris goût.

- Surtout que ça n'est pas comme-ci tu devais avoir peur de grossir, des biscuits ?

Elle observe son fils et il lui semble le revoir à l'âge de dix ans, avant qu'il ne reparte pour la troisième fois au Japon. Quand il goutait encore à la cuisine avec elle en rentrant de l'école, quand elle prenait son service de nuit. Elle a une soudaine envie de pleurer de joie. Certes invariablement il traine ce visage terne qu'elle lui connait depuis des lustres, par contre le regard tendre qui s'y dessine, opère un réel changement d'expression.

- Je ne veux pas paraître indiscrète et je suis contente que tu sois passé, mais y'a-t-il une raison particulière à ta venue ?

La mine du fiston s'assombrie.

- J'ai dû disparaitre... Les services sociaux ont décidé de mener une enquête sur Gabriel, pour la garde d'Hugo. Et tu vois, il paraît qu'un célibataire ça vaut mieux que deux pédés.

- Les services sociaux ? Il y a eu des soucis avec le bébé ?

- Non, Gabriel a simplement dû poser un peu trop de questions, ça les a réveillés.

- Des questions ?

- Sur l'adoption. C'est normal non ? l'interroge-t-il un peu nerveux.

- Oui, je suppose. S'il ne s'est rien passé de fâcheux avec le petit et que tout va bien il n'y a pas de raison de s'inquiéter. Ils ne font que leur travail. Il n'a qu'à simplement répondre honnêtement aux questions et tout ira bien.

- Tu habites au pays des bisounours toi ?

Le pays des bisounours ? La première fois que sa mère entend cette expression.

- On va bien être obligé de mentir sur toute la ligne ! affirme-t-il véhément. C'est moi qui m'occupe du petit la moitié du temps. On a dû modifier les infos de ses plannings de travail, faire mentir l'ass-mat, sa copine du resto et je prie pour que le pédiatre qui n'a pas l'air de me souffrir, n'aille pas raconter des conneries. Je suis sensé être un vulgaire pote, tu imagines ça ? ! Ta copine de la PMI nous a bien déconseillé de dire quoi que ce soit concernant notre vie à deux, si ça s'apprend, on est mal.

"On"

Pour elle, ce "on" est lui aussi lourd de significations, son fils s'implique.

Ils gardent le silence pendant quelques minutes puis elle croise les bras et le fixe intensément.

- Est-ce que tu es amoureux de ce garçon Youzeu ?

Il pique un fard et avale sa boisson chaude de travers. Enfin sa physionomie change ! À ne pas en croire ce qu'elle voit de son expression, le cœur de sa mère bondit dans sa poitrine.

- Je...  Tu ne critique pas mes choix d'accord ? la prie-t-il à voix basse.

Elle relève un sourcil.

- Mon chéri, ça n'était pas mon intention ! Tu as l'air bien. Je me pose des questions, parce que c'est plutôt rare.

Rare étant un euphémisme, cependant que peut-elle lui dire d'autre ?

- Tu as traité Gabriel de gagne petit et son bébé de chiard...

- Youzeu, quand on cherche les mauvais mots, on les trouve, c'est valable pour toi comme pour moi. Tu ne m'as pas fait vivre des jours très faciles hein ! Je suis humaine.

- À moi non plus vous n'm'avez pas offert une vie facile papa et toi, si tu souhaite jouer sur ce plan là. Et moi aussi je suis humain contrairement à ce que tu as été raconter à Gabriel !

- Je n'ai pas envie me disputer avec toi Youzeu. Je suis contente que tu ailles bien et que tu sois passé me voir et peu importe la raison.

Elle se relève un peu raide, lui tourne le dos et lave leurs deux tasses.

- Je l'aime, oui.

Elle stoppe net, ne se retourne pas, ce mot dans la bouche de son enfant, est magique.

- Je LES aime, ajoute-t-il presque pour lui.

 

 

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